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La guerre dans l'ouest : campagne de 1870-1871
Chapitre 2 |
Premières entreprises des fourrageurs ennemis après l'investissement de Paris
Source : L. Rolin.
Les premiers partis ennemis qui envahirent l'Ile-de-France et la Normandie
étaient des détachements de l'armée de la Meuse.
Dès que l'armée du Rhin fut enfermée dans Metz, les Allemands virent
bien qu'il leur serait possible de la contenir avec moins de forces
qu'ils n'en avaient déployé jusque-là ; c'est pourquoi le 19 août,
le lendemain même de la bataille de Saint-Privat, ils formèrent
une IVe armée, qui reçut pour mission de marcher à la droite de celle
du prince royal et d'opérer de concert avec elle.
Cette nouvelle armée, qui se composait de la garde prussienne,
du IVe corps, du XIIe (Saxons), des 5e et 6e divisions de cavalerie,
prit le nom d'"armée de la Meuse" et fut placée sous les ordres
du prince royal de Saxe : c'était une manière
adroite de gagner les Saxons, de leur faire oublier Gitschin
et Konigsgratz, et de tâcher d'effacer les souvenirs qu'a laissés
parmi eux la campagne de 1866.
Après avoir servi de pivot à la conversion qui eut pour résultat
d'envelopper à Sedan le maréchal de Mac Mahon, l'armée de la Meuse,
conjointement avec celle du prince royal de Prusse, se dirigea sur
Paris aussitôt après la capitulation.
D'après le plan adopté par le grand quartier général prussien pour
l'investissement de Paris, l'armée de la Meuse dut occuper la rive
droite de la Seine et de la basse Marne, et chacun des corps qui
la composaient resta jusqu'à la fin du siège dans les positions
qui lui avaient été assignées dès le début.
Le IVe corps sur la rive droite de la Seine, entre Chatou et Epinay,
quartier général à Soisy; la garde déployée dans la plaine qui
s'étend au nord de Saint-Denis, entre Montmagny et le Blanc-Mesnil,
quartier générai à Gonesse;
le XIIe corps, depuis Aulnay jusqu'Ã
la rive droite de la Marne, occupant la forêt de Bondy,
quartier général au Vert-Galant.
La 5e division de cavalerie prit position entre Poissy et Neauphle,
quartier général à Saint-Nom-la-Bretèche;
la 6e division entre Neauphle et Chevreuse, quartier général Ã
Mesnil-Saint-Denis; la brigade des uhlans de la garde,
établie à Argenteuil, se tenait en communication à Saint-Germain
avec la 5e division de cavalerie.
Le quartier général du prince de Saxe fut établi le 19 septembre
au grand Tremblay, et le 12 octobre à Margency.
Pour fermer le cercle d'investissement,
les positions de la
IIIe armée allemande étaient les suivantes:
la division wurtembergeoise sur la rive gauche dela Marne,
entre Noisy-le-Grand et le chemin de fer de Lyon;
le VIe corps sur les deux rives de la Seine, observant la boucle de
la Marne, la plaine d'Alfort et les hauteurs de Villejuif, jusqu'au
chemin de fer de Sceaux;
le IIe corps bavarois sur les deux rives de la Bièvre et les plateaux
de Châtillon;
la 21e division à Ville-d'Avray, Sèvres, Meudon,
Clamart;
le Ve corps dans la région accidentée qui s'étend entre
Saint-Cloud et la Malmaison.
Une fois le blocus de Paris organisé le grand quartier général
prussien s'occupa de le protéger extérieurement par une sorte
de seconde ligne d'investissement, tournée en sens inverse,
et ayant pour but de s'opposer à toute tentative de nos armées
de province pour secourir la capitale.
Les quatre divisions de cavalerie allemande rayonnèrent aussitôt
à l'extérieur de ce cercle pour éclairer le pays, disperser
les rassemblements, désarmer les habitants, et surtout
pour assurer le ravitaillement de leur armée de siège.
En campagne, le soldat allemand porte ordinairement dans son
sac une journée de vivres, qui n'est consommée que quand
les réquisitions n'ont pu être faites et que les ressources
locales sont insuffisantes.
Chaque division est suivie, à une journée de marche,
par une colonne de vivres : Feld-proviant-colonne, qui
marche non sur la même route, mais sur une route
parallèle,
afin d'éviter tout encombrement et tout
retard; cette colonne porte un approvisionnement de
plusieurs jours, ménagé et renouvelé avec soin et ne
servant que pour les concentrations extraordinaires
qui précèdent ou suivent les grandes batailles.
Les
Allemands possèdent en outre des fours roulants de
campagne, et, en cas de nécessité, la farine peut être
rapidement transformée en pain.
Ce sont ces dispositions
qui donnent aux troupes allemandes une grande
mobilité.
A la guerre, les Prussiens n'ont rien inventé,
mais ils ont
presque tout fait progresser, Ã
l'exception toutefois du droit des gens.
Leur système d'alimentation est celui de Napoléon Ie.
Leurs états-majors sachant se servir de toutes les voies de
communication, multiplient le nombre des colonnes,
conduisent les troupes par les chemins vicinaux, au
besoin à travers champs, et laissent les grandes routes
aux bagages, aux équipages de ponts, aux services
du transport et du matériel, et aux autres impedimenta;
en un mot, ils savent se servir non-seulement d'un
chemin de fer, mais encore d'une route, et ils y font
passer quatre fois autant de troupes que nous dans le
même temps, sans croisement, sans allongement
de colonnes et sans désordre.
C'est dans cet art de
conduire leurs troupes, où les Prussiens apportent
beaucoup de méthode, d'ordre et de précision, qu'il
faut voir, Ã notre avis, une des principales causes
de leurs succès.
Depuis leur départ de Metz, les Allemands, marchant sur
un front très étendu, traversant des contrées
riches dont ils connaissaient aussi bien que
nous les ressources, vécurent exclusivement sur le
pays, et le soldat ne toucha pas à la journée de vivres
de réserve qu'il portait dans son sac : Die Verpflegung
der truppen erfolgte lediglich durch Requisitionen.
Mais en arrivant près de Paris, ils furent obligés de
se concentrer, et, en outre, ils ne tardèrent pas Ã
s'apercevoir que le vide avait été fait à une certaine
distance autour de la capitale.
A dix lieues à la ronde,
il leur fut impossible de trouver, Ã l'exception du vin,
des provisions de quelque importance.
Ils furent donc
forcés d'entreprendre de petites expéditions, de se
contenter de ce qu'ils pouvaient arracher aux habitants,
et ils avouent aujourd'hui qu'à cette époque leur
armée vivait au jour le jour : So lebte die Armee aus
der Hand in den Mund.
Jusqu'Ã la capitulation de
Toul, ils ne pouvaient espérer de se ravitailler au
moyen de convois venus directement d'Allemagne,
et, même après la chute de cette place,
la voie ferrée qu'ils rétablirent ne servit guère qu'au
transport de leur parc de siège, de leurs munitions et de
leurs troupes de remplacement;
aussi leur premier soin,
une fois l'investissement achevé, fut d'organiser
autour de Paris un vaste système d'impitoyables
réquisitions.
Chose digne de remarque, l'intendance
française, au contraire, n'a eu recours à ce moyen
qu'avec la plus grande répugnance, elle n'a jamais
voulu s'écarter des habitudes de la routine, elle a
rarement essayé d'acheter sur place, et elle a
continué son exclusif et désastreux système d'emmagasinage.
Un des membres les plus distingués de ce corps
dénonçait, il y a quelques années, comme une
illusion et une chimère, l'idée de faire vivre sur le
pays le plus riche une armée réunie de deux cent
mille hommes pendant un mois seulement.
Les Allemands ont fait de cette chimère une dure réalité;
le problème a été résolu à nos dépens, et l'intendance
française, qui est chargée de liquider les réquisitions,
pourra savoir dans quelle proportion l'ennemi a vécu
sur notre malheureux pays.
Dans tous les cas, elle
fera bien de profiter des leçons de l'expérience, et de
renoncer à des traditions surannées qui ont fait que,
dans la dernière guerre, elle est restée complétement
au-dessous de sa tâche.
Pour assurer leur ravitaillement, les Allemands
établissent à Corbeil, à Saint-Cyr, à Chantilly, de
vastes magasins d'approvisionnements qu'ils s'efforceront
de maintenir constamment pleins, et c'est
pour cela qu'ils vont lancer leurs divisions de cavalerie
dans toutes les directions.
La Beauce, le Beauvaisis,
le Vexin, ces plaines riches et fertiles sont
ouvertes aux excursions de leurs fourrageurs, où nous
allons les suivre successivement.
Partie le 17septembre de Nanteuil-le-Haudouin, la
5e division de cavalerie prussienne (général-lieutenant
de Rheinbaben) avait passé par Pontoise, franchi
la Seine à Triel, s'était avancée le 19 entre
Poissy et Neauphle, comme on l'a dit plus haut, et
avait mis son quartier général à Saint-Nom.
A peine établie dans ses positions et le cercle d'investissement
fermé, cette division entreprit des expéditions
fréquentes sur la rive gauche de la Seine où nous
la verrons opérer pendant toute la durée de la guerre.
Pointe de la brigade de Bredow sur la rive gauche de la Seine :
Rencontre d'Aulnay-sur-Mauldre;
incendie de Mézières; apparition de l'ennemi à Mantes (22 septembre)
Dès le 21 septembre les premiers éclaireurs de la
12e brigade (général-major de Bredow), des uhlans
du 16e régiment , s'avancèrent dans la direction de Mantes.
A leur approche, le maire de Mézières avait
fait charger sur des voitures les fusils de la garde
nationale, afin de les soustraire à l'ennemi;
sur ces
entrefaites, les cavaliers prussiens font irruption dans
le village, s'emparent des armes et les consignent au
maire, en lui faisant jurer de les conserver à leur
disposition jusqu'au lendemain.
Dans la matinée du 22, à l'heure dite, ils reviennent pour les emporter;
mais dans l'intervalle elles avaient été enlevées par
une quarantaine de francs-tireurs de Mantes et des
environs.
Ceux-ci, embusqués à l'entrée du village,
font feu sur les deux premiers uhlans qui se présentent,
les blessent mortellement, et s'enfuient à toutes
jambes, tandis que les autres cavaliers tournent bride.
Le soir l'ennemi revient en force; le général de Bredow
en personne, à la tête d'une colonne de cavalerie
et d'artillerie appuyée par un détachement
d'infanterie bavaroise , se dirige sur Mézières.
RENCONTRE D'AULNAY-SUR-MAULDRE :
En passant
à Aulnay-sur-Mauldre, une reconnaissance du 13e
régiment de dragons du Schleswig-Holstein essuie la
décharge de quatre francs-tireurs venus à la
découverte.
Les francs-tireurs, qui ont blessé un dragon ,
expient chèrement cet exploit : attaqués par
l'avant-garde ennemie, deux d'entre eux sont tués sur place,
un troisième est blessé, et le quatrième seul peut
s'échapper sain et sauf.
Le général de Bredow
continue sa route, et vers quatre heures il prend position
à peu de distance de Mézières.
Une patrouille y
pénètre, arrête le maire et le traîne devant le général,
qui le somme de lui fournir des explications.
Pendant ce temps trois uhlans poussent jusqu'Ã l'autre
extrémité du village, et y rencontrent deux francs-tireurs
attardés, qui, surpris eux-mêmes, s'enfuient après
avoir déchargé leurs armes.
Au bruit des coups de
feu, le général de Bredow ne veut plus rien entendre;
c'est en vain que le maire essaye de se justifier,
accablé de coups et foulé sous les pieds des chevaux, il
ne doit son salut qu'Ã la fuite.
INCENDIE DE MÉZIÈRES :
Pendant une heure, le malheureux village de Mézières, rendu responsable d'une rencontre que ses habitants ne pouvaient empêcher, est canonné et criblé d'obus; puis, après que l'ennemi l'a traversé pour continuer sa route sur Mantes, son arrière-garde, la torche à la main, y met le feu : une soixantaine d'habitations sont la proie des flammes.
APPARITION DE L'ENNEMI A MANTES (22 septembre) :
A cinq heures, le général de Bredow est aux portes
de Mantes.
Après y avoir lancé une douzaine d'obus,
il lâche sur la ville l'infanterie bavaroise du 2e
régiment "Prince royal" , qui saccage les deux gares,
tue ou blesse plusieurs employés du chemin de fer, et
emmène les autres comme otages.
La population
affolée s'enfuit jusque dans les bois de Rosny; le
lieutenant-colonel Mocquard, commandant le
régiment des éclaireurs de la Seine, arrivait en ce
moment et s'apprêtait à courir à l'ennemi on le supplie
de renoncer à une attaque dont le résultat serait
d'attirer sur la ville les mêmes représailles qu'Ã
Mézières, dont l'incendie embrase l'horizon.
Après cette courte mais terrifiante apparition aux
portes de Mantes, le général de Bredow retourne
dans ses cantonnements en traversant les ruines
fumantes de Mézières à moitié détruit.
Le lendemain,
en déblayant les décombres, on trouva sous les ruines
de la même maison six cadavres étroitement
entrelacés : le père, la mère et quatre enfants avaient
péri asphyxiés dans les flammes.
Toute une famille
avait été la victime de ces horreurs, dignes des
temps barbares.
Marche des détachements prussiens et saxons sur la ligne de l'Oise
Sur la rive droite de la Seine, l'armée de la Meuse
avait établi ses magasins à Chantilly.
Pour les
remplir et les protéger, elle s'empressa de faire occuper
Creil.
Ce point stratégique, qui est le nœud de
plusieurs embranchements de chemin de fer rayonnant
en forme de patte d'oie sur Compiègne,
Clermont, Beauvais et Pontoise
, était naturellement désigné, et
déjà l'ennemi l'avait fait reconnaître par ses
flanqueurs.
Dès le 15 septembre, Creil et Chantilly avaient été
visités par des détachements de la 6e division de
cavalerie
qui occupait alors Senlis.
L'invasion de la gare de Creil fut accompagnée de circonstances
assez curieuses, qui ont été relatées dans un
intéressant travail sur le chemin de fer du Nord pendant la
guerre.
Bien que la cavalerie ennemie fût signalée,
on ne l'attendait pas si tôt, et des machines
remorquant des fourrages arrivaient de Beauvais; tout Ã
coup les uhlans débouchent par la route de Senlis,
font feu sur le train arrivant, envahissent la gare
des marchandises, s'emparent du matériel, fouillent
et dévalisent les caisses de la grande et de la petite
vitesse.
Ils étaient guidés dans cette opération par
un ancien employé de la Compagnie du chemin de
fer du Nord, allemand d'origine, qui, congédié
quelques mois auparavant, s'était vanté "d'avoir
travaillé pour le roi de Prusse".
Il s'était en effet
livré, pour le compte de ce monarque, à des études
très approfondies sur les divers services du chemin
de fer; il savait dans quelles conditions se trouvait le
réseau du Nord il connaissait tous les détails du
service, et jusqu'au chiffre moyen des recettes
journalières.
Nos ennemis ne manquèrent pas de mettre Ã
profit ces précieuses connaissances.
C'est ainsi que
nous nous croyions envahis depuis quelques semaines
seulement, quand en réalité l'invasion remontait Ã
plusieurs années; depuis longtemps l'Allemagne avait
lancé sur la France ses nuées d'employés et de
commis, de pionniers et d'enfants perdus, qui avaient
levé les plans de nos places fortes, étudié nos
positions stratégiques, nos voies de communication, nos
ressources et notre statistique; puis, au jour de la
déclaration de guerre, elle avait rappelé à elle cette
avant-garde d'espions qui avaient éclairé au loin dans
notre malheureux pays la marche de ses troupes, et
qui allaient les guider jusque sous nos toits
domestiques.
Occupation de Creil
Visitée plusieurs fois depuis le 15 par les patrouilles
ennemies, la ville de Creil
ne fut occupée à demeure
que le 23 septembre, par un détachement de
réquisition venu de Chantilly,
sous les ordres du capitaine
de Massow, et composé
de deux pelotons de
cuirassiers et d'un piquet d'infanterie
appartenant au corps
de la garde prussienne,.
Le premier soin de l'ennemi
en entrant à Creil fut de désarmer les habitants et de
briser leurs fusils; sa présence excita dans la ville et
dans les localités voisines de la vallée de l'Oise un
soulèvement qui, s'il avait été secondé, aurait amené
l'anéantissement certain des premières colonnes
réquisitionnaires mais le département, évacué par
l'autorité militaire, était alors dégarni de troupes, au
grand désespoir des habitants.
Rencontre de Laigneville
Le 25 septembre, un petit détachement d'un piquet
de dragons, et d'une escouade de fantassins, s'avança
de Creil
jusqu'Ã Laigneville, sur la route de Clermont,
pour y faire des réquisitions.
La présence de ces
fourrageurs répand aussitôt l'alarme et fait naître
l'exaspération chez les habitants de Liancourt; bien que
désarmés par l'ennemi depuis quelques jours, ils
s'emparent de fusils de chasse et de fourches, et mettent
à leur tête M. le duc de la Rochefoucauld, un ancien
colonel de cuirassiers français qui, rendu à la retraite,
était loin de s'attendre à diriger un jour cette chasse
contre les cuirassiers prussiens.
Mais, ainsi qu'il
arrive souvent dans ces battues, les plus pressés se
firent voir, les Prussiens prirent l'éveil, et
s'apercevant qu'on cherchait à les tourner, déguerpirent au
plus vite en abandonnant leur convoi.
Ils furent
poursuivis jusqu'Ã Nogent-les-Vierges, et comme le
détachement de Creil s'avançait pour recueillir ces
fuyards, son avant-garde fut saluée par une fusillade
qui blessa un cheval et fit tourner bride au reste de
la troupe.
Le capitaine de Massow, redoutant sans
doute l'approche de forces supérieures, s'empressa
d'évacuer Creil, emmenant le maire
comme otage, et
se retira par la route de Chantilly
sur les hauteurs
qui dominent la ville; il n'y rentra qu'avec deux
compagnies du 2e régiment à pied de la garde
prussienne, envoyées comme renfort sur ces entrefaites.
Les habitants de Clermont, de leur
côté, n'avaient
cessé de réclamer depuis plusieurs jours près de
l'autorité militaire pour obtenir un envoi de troupes qui
vinssent les appuyer: dans la soirée du 25 septembre,
ils virent avec satisfaction arriver dans leur ville
environ 1200 hommes du 3e bataillon des mobiles de
la Marne (commandant de Breuil),
envoyés d'Abbeville
par le chemin de fer.
Rencontre de Liancourt; occupation de Chantilly et de Senlis (26 septembre)
Ce secours ne leur fut pas
inutile quand, le lendemain, l'ennemi revint en force
sur Liancourt :
un peloton de cuirassiers, un
escadron du 18e régiment de uhlans saxons et un
détachement d'infanterie, traînant à leur suite une
cinquantaine de chariots, partirent de
Creil de bon
matin pour aller réquisitionner de nouveau sur la
route de Clermont.
Dès que les Allemands eurent
dépassé Rantigny, le maire de cette commune se
hâta de demander du secours Ã
Clermont, au moyen
du télégraphe que, contre son habitude, l'ennemi
avait négligé de couper; mais la population, dispersée
dans les marais, n'attendit pas l'arrivée des renforts
pour commencer la fusillade; les premiers coups de
feu blessèrent un uhlan saxon et coûtèrent la vie Ã
un habitant inoffensif.
Cependant la nouvelle de la
marche de l'ennemi avait été bientôt connue Ã
Clermont,
où on avait battu lagénérale et sonné le tocsin.
Les mobiles de la Marne, suivis des gardes
nationaux, se précipitent avec un élan remarquable et
un enthousiasme trop peu contenu au-devant de
l'ennemi, qu'ils rencontrent à la hauteur de la
Maison-Blanche.
Attaqués de tous côtés par les forces
disséminées autour d'eux, les éclaireurs allemands font
promptement demi-tour et se replient au galop sur le
gros de la troupe, qui, resté en arrière, s'abritait
derrière ses voitures, placées à la hâte en travers de la
route, Ã la hauteur du hameau de
Senecourt.
Rejoint
et serré de près, l'ennemi se retire sur
Liancourt, où
il essuie encore le feu des gardes nationaux
embusqués dans les bois et les marais; poursuivi jusqu'aux
abords de Monchy-Saint-Eloi,
il rentre à Creil, en
bon ordre il est vrai, mais moins nombreux qu'il n'en
était parti.
Cinq fantassins de la garde prussienne,
qui réquisitionnaient à outrance dans un moulin,
furent surpris dans cette besogne et faits prisonniers :
dirigés sur Clermont,
ils y entrèrent vers une heure
de l'après-midi, et la vue de cette capture excita un
vif enthousiasme.
De notre côté, il y avait eu deux
victimes parmi les habitants de
Liancourt et de
Monchy-Saint-Eloi.
Tandis que la ville de
Clermont s'armait et que
plusieurs milliers de gardes nationaux venus des
communes voisines faisaient leurs préparatifs pour
repousser l'attaque prévue pour le lendemain, il
arrivait à Creil
de nouveaux renforts qui allaient changer
la situation.
Le capitaine de Massow ayant rendu
compte de l'accueil fait à ses fourrageurs, la
division
de cavalerie saxonne reçut dans la nuit du 25 au
26 septembre l'ordre de se diriger sur
Chantilly, pour
assurer d'une manière plus efficace le ravitaillement
de l'armée de siège.
Cette division, commandée par
le général-major comte de Lippe
, était détachée du
corps auquel elle appartenait, et placée sous le
commandement direct du quartier général de l'armée de
la Meuse.
On lui avait adjoint provisoirement le
bataillon de fusiliers du 2e régiment
à pied de la garde
prussienne (major de Kropff),
qui fut suivi peu de
temps après par les autres bataillons du même
régiment.
Le comte de Lippe
était chargé de
réquisitionner et d'étendre son rayon d'occupation dans le
nord, de tenir constamment rempli le magasin de
Chantilly,
et de rétablir les embranchements du
chemin de fer de Creil à Compiègne,
Clermont et
Beauvais.
Parti des environs d'Annette
et de Thorigny à la
réception de cet ordre, le
comte de Lippe,
accompagné de l'état-major de sa division, du
17e régiment
de uhlans et de quatre pièces d'artillerie, atteignit
Chantilly dans la matinée du 26;
en même temps il
détachait à Senlis
la 24e brigade (général-major
Senfft de Pilsach ),
tandis que le régiment de dragons de la
garde saxonne
(major de Funcke ),
avec une section
d'artillerie à cheval, se portait rapidement
sur Creil
pour soutenir le capitaine de Massow,
qui ne
paraissait pas très rassuré.
Vers quatre heures du soir, ce
dernier détachement arrivait à Creil au moment
même où les fourrageurs, suivis de près par les gardes
nationaux de Liancourt, venaient de rentrer dans la
ville.
Prise de Clermont (27 septembre)
Persuadé que nous occupions en force les
hauteurs de la rive gauche de l'Oise, le major
de Funcke
s'était concerté avec le capitaine
de Massow pour une
attaque qu'ils devaient faire ensemble le lendemain;
mais dans la soirée même il fut informé que la marche
sur Clermont
serait continuée le 27, et que le général
major Krug de Nidda
arrivait avec le reste de la
23e brigade
et prendrait lui-même le commandement
de la colonne.
La nouvelle de l'arrivée de ces renforts parvint Ã
Clermont dans la soirée du 26.
Le commandant des
mobiles de la Marne ayant contrôlé ces
renseignements, s'assura qu'il aurait à se mesurer avec un
ennemi supérieur en nombre, muni d'artillerie, et
contre lequel il ne lui serait pas possible de lutter
avantageusement.
Conformément aux instructions
qu'il avait reçues, il quitta la ville pendant la nuit,
malgré les habitants, et se retira par
Bresles et
Saint-Just sur
Breteuil,
où il arriva dans la soirée du
lendemain.
Le 27 septembre, dès six heures du matin, les
gardes nationaux d'Angy,
de Mouy et de Cauvigny,
auxquels s'étaient joints des habitants des communes
voisines énergiquement résolus à défendre leurs
foyers, se portaient dans la direction de
Liancourt.
Arrivés sur les hauteurs d'Ars,
ces braves gens s'y
arrêtèrent: ignorant le départ des mobiles de la
Marne et n'ayant reçu aucun ordre, ils attendirent
là les renforts qu'ils supposaient devoir arriver et la
direction militaire dont ils avaient le plus grand
besoin mais ils furent bientôt cruellement déçus dans
leur attente, car au lieu du secours qu'ils espéraient,
ils ne tardèrent pas à setrouver en présence des
éclaireurs ennemis.
Bien que sans appui, ces troupes
improvisées engagèrent le feu avec le même entrain
que la veille.
Le général Krug,
de son côté, était parti
de Creil
avant le jour, à la tête d'une colonne composée du
régiment de dragons de la garde saxonne, de deux
escadrons du 18e ublans, du bataillon de fusiliers de
la garde prussienne et de quatre pièces d'artillerie,
en tout près de 2000 hommes.
Il n'avait laissé Ã
Creil que
deux pièces et un escadron, qui avaient pris
position au sud de la ville pour la tenir en respect et
couvrir la retraite en cas d'insuccès.
Pour cette
expédition, le général saxon avait pris des dispositions
savantes qui font surtout honneur à la poignée de
braves gardes nationaux qu'il avait devant lui.
Il avait
réparti ses troupes en trois colonnes :
sur la route
de Clermont, se
portaient un escadron de dragons et
une compagnie d'infanterie;
dans le défilé à l'ouest
de Nogent,
marchaient les trois autres compagnies
précédées d'un peloton de uhlans; enfin sur la route
de Montataire Ã
Rousseloy,
s'avançait le général Krug
avec la colonne principale, composée de cinq
escadrons et de quatre pièces.
La réunion de ces deux
dernières colonnes s'opéra bientôt en avant de
Rousseloy,
et alors l'artillerie prenant position sur les
hauteurs situées entre Laigneville
et Soutraine,
dirigea son feu sur les bois
d'Ars, où se trouvaient nos
gardes nationaux, puis sur
la Poste, sur
Rantigny
et sur Cauffry,
afin de balayer la route de
Clermont.
Assaillis par une grêle d'obus auxquels leurs mauvais
fusils ne leur permettent pas de répondre d'une
manière efficace, nos gardes nationaux sont bientôt
dispersés et forcés de gagner la plaine dans toutes les
directions.
C'est alors que l'infanterie prussienne,
descendue des hauteurs, envahit le village de
Rantigny
et s'y livre à des actes odieux des maisons
sont incendiées à la main, et des habitants inoffensifs
lardés à coups de baïonnette.
Pendant ce temps,
les cavaliers saxons s'avancent entre
Ars et
Cambronne
pour fouiller le pays; plusieurs habitants
d'Angy, qui, sans armes,
font néanmoins résolument
le service d'éclaireurs, sont assez heureux pour
échapper à la mort, (...).
Ils ne sont relâchés qu'après avoir reçu une ample volée
de bois vert :
mit einer derben Tracht Prugel entlassen.
Ces hauts faits accomplis, l'ennemi continue sa
marche deux escadrons et l'infanterie suivent la route
de Clermont,
le reste dela colonne se dirige sur
Cambronne et
Auvillers,
pour gagner la route de
Mouy.
Le général Krug
ne s'avance qu'avec précaution et
après avoir fouillé le terrain de ses obus.
Sur les
hauteurs d'Auvillers,
où ils ont essuyé un coup de feu, les
éclaireurs incendient une ferme et ses dépendances.
La flamme et la fumée qui s'élèvent en tourbillonnant
dans les airs sont aperçues de
Clermont et
commencent à y jeter l'effroi.
Quelques gardes nationaux
se sont avancés imprudemment deux d'entre eux
sont massacrés par les coureurs ennemis.
Déjà la
colonne principale atteint la route de
Mouy; celle
qui s'avance par la route de
Creil est dans la plaine
de Giencourt;
les premiers éclaireurs gravissent les
collines qui bordent la ville de ce côté; deux curieux
qui, à leur approche, essayent de s'abriter derrière
des arbres, sont sabrés sans pitié.
Cette scène
sanglante s'aperçoit des hauteurs de la ville, et les
habitants, convaincus que toute résistance est
désormais impossible, arborent le drapeau
parlementaire au clocher de leur église.
Au moment où les
membres de la municipalité se portent à la
rencontre de l'ennemi, une patrouille fait irruption dans
Clermont;
le porte-épée de Sporcken, qui la
commande, déclare au maire qu'il le retient comme
otage, qu'il le fera fusiller et brûlera la ville, si un
seul coup de feu est tiré contre sa troupe: menace
que les Allemands ne manquaient jamais de proférer
et qu'ils mirent trop souvent à exécution.
A midi, le général Krug
fit son entrée dans la ville
à la tête de ses troupes il était suivi d'une
soixantaine de chariots destinés à emporter les réquisitions:
farine, blé, avoine, paille, fourrages, riz, sel, café,
vin et tabac, furent entassés sur ces voitures, et
lorsque les Allemands eurent pris le repas que les
habitants furent forcés de leur porter aux endroits
désignés, ils repartirent par la route de
Creil, emmenant
plusieurs notables comme otages.
Une arrière-garde
de deux escadrons et de deux pièces, sous les ordres
du major de Schnehen fut laissée Ã
Clermont pour
enlever et escorter les réquisitions.
Les pertes de l'ennemi dans cette journée ayant été
nulles ou insignifiantes il est sans excuse pour les
meurtres et les incendies dont il a marqué son
passage.
Quant aux quatre-vingts Français tués qui
auraient été trouvés sur le champ de bataille: Achtzig
todte Franzosen auf dem Schlachtfelde gefunden, c'est
heureusement là une fable inventée à plaisir par
l'historiographe de la garde prussienne.
Après le départ des Allemands, les habitants de
Clermont s'abandonnaient
à l'espoir d'en être pour
longtemps délivrés; mais leur joie devait être de
courte durée, car le 29 la ville fut occupée définitivement
par le régiment de dragons de la garde qui
avait pris part à l'expédition de l'avant-veille, et par
une section d'artillerie.
En rentrant à Clermont, le
major de Funcke, chef des dragons saxons, renouvela
la menace de ruiner la ville au premier acte
d'hostilité c'était la formule préparée par laquelle
les Allemands commençaient invariablement leurs
discours; les simples soldats avaient, eux aussi,
leurs phrases comminatoires, et l'on ne peut se
figurer le luxe de précautions dont s'entouraient ces
vainqueurs au milieu de populations atterrées et sans
armes.
Après avoir pris possession de
Clermont, le major
de Funcke fit
détruire le télégraphe, et prescrivit une
série de mesures minutieuses un poste d'une trentaine
d'hommes, commandés par un officier, fut établi
à la gare; un poste semblable placé à la bifurcation
des routes de Beauvais
et d'Etouy; celles de
Mouy et de
Creil furent gardées avec le même soin
et parcourues par de nombreuses patrouilles; le
passage sur ces routes était strictement défendu aux
habitants, et la circulation interdite dans la ville Ã
partir de neuf heures du soir.
Occupation de Beauvais (30 septembre)
Tandis que Clermont
recevait une garnison
saxonne, le général Senfft
dirigeait sur Beauvais
sa
brigade renforcée de deux bataillons du 2e régiment
à pied de la garde prussienne.
Parti de Senlis le
29 septembre, ce détachement arriva le 30, vers
onze heures du matin, aux portes de
Beauvais.
Outre qu'elle avait perdu ses
remparts, la ville de Beauvais, évacuée par les
autorités militaires, n'avait aucune troupe régulière Ã
opposer à l'envahisseur; le préfet lui-même l'avait
quittée la veille, et la municipalité, dépourvue de
moyens de défense, dut inviter la population Ã
s'abstenir de toute attaque.
En présence d'une telle attitude, le colonel de
Standfest, chef du
3e régiment de dragons saxons et
commandant du détachement, ne pouvait guère
prendre les allures d'un conquérant; aussi
s'annonçat-il comme un honnête pourvoyeur qui venait faire
des provisions, promettant de payer tout ce qu'il
prendrait.
Il engagea les habitants à continuer leur
marché, et l'intendance de l'armée de la Meuse fit
immédiatement amener et publier un avis par lequel
elle informait les cultivateurs des achats qu'elle
désirait faire et des prix qu'elle entendait payer.
Par
ces cauteleuses promesses, qui ne devaient pas être
longtemps suivies d'effet, les Saxons espéraient faire
de Beauvais un centre de ravitaillement sans
s'exposer à soulever les populations, ce qui aurait pu avoir
pour eux de graves inconvénients, car ils se
trouvaient isolés, en flèche et hors de la portée de tout
secours, au milieu d'une ville de près de quinze mille
habitants.
Pour prévenir ce danger, le colonel de
Standfest fit publier partout une proclamation, en
dix articles, dans laquelle il faisait connaître, entre
autres choses, que toute attaque faite par surprise
aurait pour conséquence l'incendie du lieu, et que
les communes étaient rendues responsables de
tout acte d'hostilité commis sur leur territoire.
La responsabilité des communes avait été indiquée
par Napoléon Ie comme un des grands moyens
moraux à employer pour maintenir dans l'obéissance les
pays conquis; les Allemands allaient appliquer ce
principe avec la dernière rigueur, et nous ne verrons
que trop souvent les populations punies par le
meurtre, le pillage et l'incendie, pour des faits de guerre
qu'elles ne pouvaient ni moralement ni matériellement
empêcher.
Reconnaissance des Saxons sur Breteuil (1e octobre)
A peine installés, les Saxons poussèrent en avant
de fréquentes patrouilles, afin de s'éclairer dans les
principales directions.
Le 1e octobre, une reconnaissance,
composée d'un escadron des dragons de la garde
sous les ordres du capitaine de Klenck, partit
de Clermont sur
Breteuil.
Cette dernière ville avait
alors comme garnison un bataillon de marche du
43e de ligne,
le 2e bataillon des mobiles de la Marne
et le 4e de la Somme.
En outre, la gare était occupée
par un autre bataillon de mobiles.
Connue à Breteuil vers midi,
l'approche de l'ennemi
y causa une alerte
des plus vives; plusieurs compagnies prirent les armes
et se rendirent à leurs positions de combat; mais les
dragons, après avoir observé quelque temps nos
avant-postes et reconnu le terrain, tournèrent bride
sans avoir été inquiétés.
En passant à Saint-Just , le
capitaine de Klenck annonça l'arrivée pour le
lendemain d'un détachement de 5000 hommes et de
deux batteries, pour lesquels il fit préparer le
logement.
Ce stratagème, très-familier aux Allemands,
était alors peu connu de nos troupes ; en apprenant
cette nouvelle, la garnison évacua Breteuil .
On était
tellement persuadé que la ville serait occupée le
lendemain par la colonne ennemie annoncée Ã
Saint-Just , que l'on fit sauter derrière nos soldats
le viaduc
de Courcelles, sans prendre même le temps d'évacuer
le matériel du chemin de fer, qui tomba plus
tard entre les mains de l'ennemi.
Le 2 octobre, les
Saxons revinrent en effet, mais fort peu nombreux,
et, après s'être assurés du départ des troupes
françaises, ils reprirent la route de Clermont .
Ainsi, au commencement d'octobre, la division
de cavalerie saxonne du comte de Lippe , forte de
seize escadrons et de dix-huit canons, et à laquelle
on avait adjoint trois bataillons du 2e régiment à pied
de la garde prussienne, avait occupé, sans rencontrer
de résistance sérieuse, les villes de Senlis, Chantilly,
Creil, Clermont, Beauvais , et, étendant peu à peu
son rayon d'occupation, couvrait le cours moyen de
la rivière de l'Oise.
Engagements dans la vallée basse de l'Oise
Pendant ce temps, dans la vallée basse, déjà si
éprouvée par le premier passage de l'ennemi, la
présence continue de ses fourrageurs avait fait naître
une émotion croissante et une indignation mal
contenue.
Dès le 21 septembre, le général d'infanterie
d'Alvensleben
,
commandant le IVe corps
, qui occupait
Saint-Brice
, avait lancé ses détachements de
réquisition dans la direction de
Pontoise et de
l'Isle-Adam.
Dans cette dernière ville, les Prussiens, n'étant pas
satisfaits des fournitures, brisèrent les portes des
habitations et des caves, et se livrèrent à des actes
de pillage et de vandalisme qui exaspérèrent la
population.
Quelques hommes de cœur, des gardes
nationaux mal armés, des volontaires avec leurs fusils
de chasse, habitants de Parmain,
de l'Isle-Adam
, de
Valmondois
et des communes voisines, résolurent
de châtier ces pillards.
Embuscade de Stors (23 septembre)
Le 23 septembre, ils
dressèrent des embuscades sur la rive gauche de l'Oise,
en face du château de Stors, et des fourrageurs
prussiens, qui revenaient de réquisitionner Ã
Pontoise,
furent surpris à leur retour par une vive fusillade qui
leur blessa quelques hommes, entre autres un
officier du
71e régiment d'infanterie,
chef de l'escorte.
Ils s'enfuirent aussitôt dans toutes les directions,
abandonnant treize fourgons chargés et une douzaine
de chevaux, que les nôtres s'empressèrent de faire
passer sur l'autre rive et dirigèrent sur Beauvais.
Le bruit de cette capture s'étant répandu dans les
environs, donna aux habitants l'idée de se défendre
d'une façon sérieuse, et les hostilités, ainsi
commencées, se continuèrent les jours suivants.
Rencontre de Mériel (26 septembre)
Le 26, un détachement du 86e régiment de Schleswig-Holstein
s'étant avancé dans la direction du château de Stors,
essuya, sur le territoire de Mériel, des coups de feu qui
lui blessèrent quatre ou cinq hommes.
A l'Isle-Adam,
le génie français avait détruit, dans les premiers jours
de septembre, le pont qui relie cette ville au hameau
de Parmain; sur la rive droite, à l'extrémité du pont
rompu, une cinquantaine de francs-tireurs
improvisés élevèrent une barricade pour empêcher l'ennemi
de rétablir le passage.
Combats de l'Isle-Adam et de Parmain (27-29 septembre)
Le 27 septembre, vers neuf
heures du matin, un nouveau détachement,
appartenant au 71e régiment d'infanterie prussien et fort
d'environ trois à quatre cents hommes, arrivait Ã
l'Isle-Adam, escortant une quarantaine de voitures
destinées à de nouvelles réquisitions.
Poussant devant
eux le curé et son vicaire, le maire et un autre
habitant, qui devaient leur servir de boucliers, les
Prussiens marchent vers le pont; mais un feu nourri,
parti de la barricade, en renverse plusieurs,
épargnant heureusement les nôtres, et force les
assaillants à se réfugier dans les rues de la ville, où ils
luttent jusqu'Ã cinq heures du soir.
Ayant reçu dans
la journée'quelques renforts avec une section
d'artillerie, ils lancent sur
Parmain une douzaine d'obus,
qui n'y causent que quelques dégâts matériels et ne
font aucun mal aux défenseurs.
En présence de
l'attitude des francs-tireurs, qui leur tuèrent un homme
et en blessèrent huit à dix autres, ils se retirèrent
dans la soirée sur leur camp de
Saint-Brice, après
avoir mis le feu à la mairie et fustigé dans la forêt,
à la manière prussienne, une dizaine d'habitants
inoffensifs, qui n'avaient commis d'autre crime que
celui d'être spectateurs de leur déconvenue.
La résistance opposée par cette poignée d'hommes
résolus ne tarda pas à exciter de l'inquiétude parmi
les Allemands; le quartier général de l'armée de la
Meuse s'empressa de diriger sur l'Isle-Adam un
nouveau détachement prussien, commandé par le
colonel prince de Hohenlohe,
et composé d'un bataillon
du 27e d'infanterie,
du 1e régiment de uhlans de la
garde, et d'une section d'artillerie, avec l'ordre de
purger définitivement la contrée.
Le 29, vers midi,
une partie de cette colonne arrive Ã
l'Isle-Adam, et
recommence, sans plus de succès, la tentative faite
le 27 pour enlever la barricade de
Parmain; mais
cette fois l'attaque de front n'a vraisemblablement
d'autre but que d'occuper les francs-tireurs, car,
pendant ce temps, le reste du détachement jette un pont
de bateaux à Mours,
près de Beaumont, et s'apprête
à franchir la rivière de l'Oise, pour prendre la
barricade à revers.
Nos francs-tireurs, avertis à temps,
évacuent leur position, n'ayant fait d'autres pertes,
dans ces divers combats, que celles d'un tué et d'un
blessé.
Quant à l'ennemi, il avait eu, dans la journée
du 29, un chirurgien et deux hommes tués, plus une
vingtaine de blessés, dont un officier, appartenant
tous au 27e régiment d'infanterie de Magdebourg.
Incendie de Parmain (30 septembre)
Lorsque les Prussiens arrivèrent à Parmain, dans
la matinée du 30 septembre, ils n'y trouvèrent que
des habitants inoffensifs, qu'ils accablèrent de
mauvais traitements; une cinquantaine de maisons furent
incendiées à l'aide du pétrole, et le village à demi
consumé; celui de Nesles fut bombardé, et plusieurs
francs-tireurs, pris dans la campagne les armes à la
main, furent fusillés
à Persan dans la même journée.
L'une de ces victimes était un ancien magistrat,
nommé Desmortier, vieillard plus que septuagénaire,
dont la bravoure dans un si grand âge aurait désarmé
tout autre ennemi.
Pour allier le grotesque au
tragique, les Prussiens couronnèrent cette sanglante
exécution par un de ces exploits qu'on ne grave pas
avec la pointe d'une épée en passant dans une ferme
du Val, les fourrageurs font une razzia sur un
troupeau de moutons, qu'ils emmènent et essayent de
parquer dans une cour de Presles mais ces prisonniers
d'un nouveau genre, saisis d'une peur subite, se
pressent vers la porte et s'échappent dans la
campagne, après avoir bousculé leurs gardiens stupéfaits,
qui essayent vainement de les poursuivre.
Marche du détachement du prince Albert (fils)
Ainsi, dans les premiers jours du mois d'octobre,
les Prussiens occupaient fortement la vallée basse de
l'Oise, sillonnant de leurs patrouilles les cantons de
Marines et
de Magny; le 4, ce détachement fut
renforcé par
le 3e régiment des uhlans de la garde, et
placé sous le commandement
du prince Albert (fils).
Le prince Albert devait agir de concert avec le comte
de Lippe, et nous suivrons plus tard la marche
combinée de ces deux détachements.