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La guerre dans l'ouest : campagne de 1870-1871

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Événements en Normandie depuis la prise du Mans jusqu'à la bataille de Saint-Quentin.

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Source : L. Rolin. Image

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boite verte Formation d'une armée du Havre sous le général Loysel (12 janvier)

coche verte On a vu, dans le chapitre précédent, que pour renforcer l'armée du général Chanzy, le ministre de la guerre avait prescrit la création d'un nouveau corps, composé en grande partie des troupes de Normandie, et que la garnison du Havre devait dans le principe en former la 3e division.
Le commandement de cette division fut dévolu à un évadé de Metz, le général Loysel, qui avait précédemment fait partie de l'état-major de la région du Nord, en qualité de lieutenant-colonel, jusqu'au départ du général Bourbaki.
Attaché à la fin de novembre au corps du général Jaurès, il avait obtenu là un avancement rapide.
Arrivé au Havre le 12 janvier, il prit aussitôt possession de son commandement.
Les troupes placées sous ses ordres devaient primitivement, comme on le sait, être transportées par Caen sur Argentan; mais elles avaient été remplacées dans la formation du 19e corps par coche verte celles du général Saussier, et la division formée au Havre par le général Peletingeas avait été maintenue dans cette place.
Quelques jours après son arrivée, le général Loysel étargit les cadres, déjà si faibles, de cette division, en forma deux autres par l'adjonction des mobilisés et prit le titre de général en chef de l'armée du Havre.
La première division fut laissée au général Peletingeas; la seconde confiée à un vrai soldat, le général de brigade Berthe, ancien colonel du 86e régiment d'infanterie.
Avant de rien entreprendre, le général Loysel fit rentrer son armée dans les lignes de défense afin de compléter son organisation.
L'artillerie était insuffisante; on l'augmenta en dédoublant les batteries de l'armée régulière et en armant celles de la mobile.
En ce qui concerne la cavalerie, il ne restait au Havre qu'un escadron de hussards avec quelques éclaireurs à cheval; on soumit les chevaux des particuliers à une sorte de conscription, et on s'occupa de former deux escadrons auxiliaires avec des mobiles.
Par malheur ces batteries et ces escadrons ne devaient jamais rendre le moindre service.
Il en fut de même d'un train auxiliaire, créé à grands frais avec des voitures de réquisition, et qui ne fonctionna que dans les rues de la ville.
Singulière destinée de l'armée du Havre, qui allait finir par où elle aurait dû commencer: on l'avait jetée en campagne, alors qu'on devait avant tout songer à la former, et on s'occupait maintenant de la former, alors qu'il aurait fallu prendre résolûment l'offensive.
C'était ou jamais le moment d'agir pour opposer une digue au débordement prussien; il n'y avait plus qu'à marcher, sans perdre de temps, avec les troupes qu'on avait sous coche verte la main, si l'on voulait prendre part au dernier et suprême effort tenté pour le salut de la France.

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boite verte Effectifs des deux partis

Les forces dont le général Loysel disposait étaient les mêmes que celles qui ont été énumérées dans un précédent chapitre.
Il faut y joindre toutefois les troupes de la marine, qui formaient le noyau de la résistance.
C'étaient d'abord les équipages de la division navale de la basse Seine, qui était sous les ordres du capitaine de vaisseau Mouchez, chargé en même temps du commandement de la place du Havre et de la 2e division militaire.
La flottille comprenait les bâtiments suivants:
La corvette à roues le Catinat (capitaine de vaisseau Mouchez);
les batteries flottantes la Protectrice (capitaine de frégate Vallon) et l'Imprenable (capitaine de frégate Rallier);
l'aviso à hélice de 2e classe le Diamant (lieutenant de vaisseau Kerros);
les canonnières à hélice de 1e classe l'Oriflamme (lieutenant de vaisseau Pic-Paris) et l'Etendard (lieutenant de vaisseau Maire);
les canonnières Farcy la Mitrailleuse (lieutenant de vaisseau Dupuis) et l'Alerte (lieutenant de vaisseau Masson);
enfin 4 chaloupes à vapeur et 2 ordinaires, commandées par l'enseigne de vaisseau Bonaffé.
L'armement de ces bâtiments comprenait au total 36 pièces, dont plusieurs se chargeant par la culasse; les calibres étaient ainsi répartis : huit pièces de 19 centimètres, six de 16, six de 14, quatre de 12 et douze de 4.
Le chiffre des équipages s'élevait à près de 800 hommes.
Puis venaient les 1e et 2e compagnies de fusiliers de Cherbourg (lieutenants de vaisseau Crova et Orlandini), et un détachement du 1e régiment d'infanterie de marine (sous-lieutenant Larnuder), ce qui portait à près de 1500 hommes l'effectif des marins.
coche verte Les troupes de terre avaient été diminuées par le départ du 3e hussards et surtout par les pertes résultant des maladies; mais, d'un autre côté, on avait organisé le dépôt des mobiles de la Seine-Inférieure en un bataillon de marche; on avait complété l'escadron des guides éclaireurs havrais; on s'occupait de la formation de deux escadrons de marche de chasseurs; enfin on avait créé de nouveaux corps auxiliaires plus spécialement affectés au service de la place, tels que le demi-bataillon des canonniers marins, sans parler de la garde nationale sédentaire.
Les forces réunies de terre et de mer formaient un effectif total d'à peu près 33000 rationnaires.
L'armement comprenait environ 10000 fusils à tabatière, 6000 chassepots, 6000 sniders, 6000 fusils lisses et 2000 rayés français, 1500 remingtons, 1000 carabines Minié ou fusils Enfield, et 500 mousquetons des systèmes Sharp, Spencer ou Springfield.
L'artillerie avait été réorganisée en six batteries mixtes, comprenant ensemble dix pièces rayées de 4, six canons rayés de 12, six pièces Armstrong, six obusiers de montagne et six mitrailleuses Gatling.
Si ces forces, au lieu de rester concentrées dans les lignes du Havre, eussent été portées en avant, n'eût-on fait qu'une simple démonstration en reprenant les positions précédemment abandonnées aux environs de Bolbec par le général Peletingeas, les Prussiens auraient vraisemblablement évacué Rouen sans combat.

En effet, du côté de l'ennemi, la situation militaire était la suivante : Le général de Goeben, qui avait succédé au général de Manteuffel, se trouvait aux prises avec son infatigable adversaire, le général Faidherbe; pour coche verte maintenir sa supériorité, il avait appelé de Rouen douze bataillons et six batteries, c'est-à-dire une division entière, dont il donna le commandement au général de Goeben; en sorte que le corps du général de Bentheim était diminué de moitié, en attendant qu'il fût réduit davantage, par suite de l'inaction persistante de nos forces de Normandie.
Le 12 janvier, le général de Bentheim mandait au commandant en chef de la Ie armée prussienne que, par suite du départ pour Amiens de trois nouveaux bataillons, il ne lui restait pas de forces suffisantes pour prévenir une attaque sérieuse, et qu'il devait éventuellement songer à évacuer Rouen : er an Aufgabe von Rouen denken müsse.
Le général de Goeben, de son côté, lui faisait parvenir des instructions dans le même sens qui se croisaient avec la précédente dépêche; il lui recommandait, « pour le cas extraordinaire d'une attaque faite par des forces supérieures, d'abandonner Rouen et de battre en retraite dans la direction de Paris. »
Toute la question était de savoir comment cette retraite s'opérerait le général de Bentheim demanda des éclaircissements, et il lui fut répondu « qu'il devrait se retirer sur Paris par la rive droite, des circonstances extraordinaires pouvant seules légitimer une retraite par la rive gauche.»
Ces instructions, depuis rendues publiques, répondaient bien aux exigences de la situation militaire.

A la date du 14 janvier, la ville de Rouen, où le général de Bentheim avait toujours son quartier général, n'était plus occupée que par deux bataillons, un escadron et une batterie;
il y avait, en outre, de petits coche verte détachements à Buchy, à Forges et à Gisors, pour la protection des chemins de fer et des communications.
Sur la rive droite de la Seine, le général de Pritzelwitz s'étendait avec quatre bataillons, dix escadrons et quatre batteries sur la ligne qui passe par Duclair, Barentin, Pavilly et Clères.
Ce détachement occupait là un poste d'observation et non de défense; en cas d'attaque il devait se concentrer à Pavilly et à Saint- Jean-du-Cardonnay.
Depuis l'offensive du général Roy, la rive gauche de la Seine était l'objet d'une surveillance particulière; cette tâche était dévolue au général de Gayl, qui couvrait Rouen de ce côté avec sept bataillons, quatre escadrons et trois batteries.
Le général de Bentheim faisait visiter les villes du littoral, telles que Dieppe et Fécamp, par de fréquentes patrouilles, craignant sans doute un débarquement sur ces points; en outre, comme le général Loysel, profitant de son affaiblissement, aurait pu prendre l'offensive, la destruction du chemin de fer précédemment opérée à Ectot ne lui parut pas suffisante, et il entreprit encore de faire sauter le viaduc de Mirville, l'un des ouvrages les plus importants de la ligne de Paris au Havre.
Un détachement fut formé et mis en marche à cet effet; il se composait de deux compagnies du 45e, d'un escadron renforcé du 10e dragons, d'une section de pionniers et de deux pièces d'artillerie, sous les ordres du capitaine de dragons de Frantzius.

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boite verte Rencontres de Bolbec et de Mirville (14 janvier)

Dans la matinée du 14 janvier, ce détachement arrivait aux environs de Bolbec, et les habitants de cette ville étaient réveillés par plusieurs décharges de mousqueterie qui éclataient en face de l'église, et dont ils eurent bientôt l'explication.
Une patrouille du 10e dragons de la Prusse orientale, coche verte commandée par un officier, stationnait depuis quelque temps dans les rues, lorsque des tirailleurs havrais, venus de Saint-Antoine-la-Forêt, aperçurent ces cavaliers, et les saluèrent d'une fusillade qui les mit aussitôt en fuite.
Au bruit des coups de feu, le second lieutenant de Prittwitz-Gaffron, chef de la patrouille, quitta l'hôtel où il était descendu et essaya de rejoindre sa troupe qui avait déjà disparu par la route de Fauville; au lieu de suivre cette route, il reprit celle de Rouen; une trentaine de francs-tireurs l'y attendaient et l'étendirent roide mort, transpercé de plusieurs balles.
Une heure après, on trouva caché dans un bâtiment en construction l'ordonnance de l'officier tué; on le questionna et on apprit que le détachement, dont nous avons fait connaître plus haut la composition, était en marche sur Bolbec.
En effet, avant dix heures il arrivait sur les hauteurs de Caltot; là les Prussiens essuyèrent de nouveaux coups de feu et perdirent un dragon; mais aussitôt l'artillerie entra en ligne et, au premier coup de canon, les francs-tireurs, voyant qu'ils avaient affaire à des forces sérieuses, s'empressèrent de regagner leurs cantonnements.
L'artillerie continua néanmoins de couvrir Bolbec de ses projectiles et de fouiller le terrain dans toutes les directions.
Vers onze heures, la canonnade cessa et, peu d'instants après, la colonne prussienne fit son entrée dans la ville.
Lorsque les capitaines de Frantzius, chef du détachement, et de Fiedler, commandant de l'infanterie, apprirent la mort du second lieutenant de Prittwitz, ils se répandirent en menaces et déclarèrent que si, avant trois heures, une contribution de guerre de 50000 francs n'était pas versée entre leurs mains, la ville serait coche verte bombardée et mise au pillage.
Ils se calmèrent néanmoins, après avoir parlementé, et ils consentirent à accepter une somme de 27000 francs qui avait pu être réunie et qui leur fut versée sur-le-champ.
Mais cette convention ne fut pas ratifiée par le quartier général, et le lendemain le capitaine de Frantzius signifia à la municipalité que la contribution était portée à 100000 francs.
Quatre notables pris comme otages et conduits à Roumare, près du général de Zglinitzki, exposèrent que la ville ne pouvait être rendue responsable d'un fait de guerre qu'il n'était pas en son pouvoir d'empêcher.
« Vous êtes si bien responsables, répondit l'inflexible général, que si en ce momentj'apprenais que pareil fait s'est reproduit à Bolbec, je vous ferais immédiatement fusiller tous au pied de cet arbre ».
Cet inexorable ennemi était, comme on le voit, décidé à appliquer dans toute sa barbarie le principe de la responsabilité des communes.
La somme fut réunie et versée jusqu'au dernier sou; mais, dans la matinée du 15 janvier, sous le prétexte qu'on avait tiré sur un de leurs postes, les Prussiens livrèrent aux flammes le château de Tous-Vents.
Ainsi pour un homme tué, la ville de Bolbec se vit livrée à toutes les représailles de la guerre de terreur; contributions, otages, bombardement, incendie, rien n'y manqua, si ce n'est toutefois ce que dans leur jargon barbare les Allemands appelaient le « fusillement ». Ces violences, qui avaient jeté la contrée dans une profonde consternation, furent bientôt connues au Havre.
Il eût été facile de punir ces incendiaires et de les anéantir sur les ruines même qu'ils amoncelaient; nos matelots et notre infanterie de marine, coche verte jetés sur le rivage de la Seine ou sur le littoral, en eussent fait promptement justice; mais aucun effort sérieux ne devait être tenté, ni pour punir l'ennemi, ni même pour l'empêcher de détruire l'important viaduc de Mirville, qui était le principal but de son expédition.
Dès le 14 janvier, un détachement de pionniers, escorté de quelques dragons et d'un piquet d'infanterie, avait été dirigé sur Mirville, où il se mit en devoir de miner le viaduc.
Le hasard voulut qu'un ancien officier de spahis, chef des guides à cheval du Calvados, parti à la découverte, arrivât vers cinq heurse du soir à la station de Beuzeville avec une douzaine de cavaliers.
Ayant appris du chef de gare ce qui se passait, le capitaine de la Villeurnoy, à peine suivi, fondit sur l'ennemi, le mousqueton au poing, avec la même assurance que s'il eût été à la tête d'un escadron.
Troublés dans leur opération, les Prussiens s'enfuirent à toutes jambes, abandonnant leurs voitures et leurs outils, et ne revinrent que dans la soirée avec du renfort.
Le lendemain, pour permettre à ses pionniers d'établir avec plus de sécurité leurs fourneaux de mine et les garantir contre une nouvelle surprise, le capitaine de Frantzius fit une pointe dans la direction du Havre.

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boite verte Rencontre et combat de Saint-Romain (15 et 17 janvier)

De son côté, le général Loysel crut qu'il suffirait, pour se faire respecter, d'envoyer aux avant-postes quelques corps francs; sur ses ordres, le bourg de Saint-Romain et les environs furent occupés par le 2e bataillon des éclaireurs de la Seine (commandant Mabille), les tirailleurs et les vengeurs du Havre, les francs-tireurs des Andelys, d'Elbeuf, du Nord et de Rouen.
Ces forces réunies étaient coche verte plus que suffisantes pour arrêter l'ennemi; par malheur les corps francs avaient de la difficulté à se subordonner non-seulement à l'armée régulière, mais même entre eux, et ils continuèrent d'agir à leur fantaisie.
Vers dix heures et demie du matin, les premiers dragons apparurent en vue de Saint-Romain et furent accueillis par une fusillade qui en mit un hors de combat.
Bientôt les artilleurs prussiens prirent position à sept ou huit cents mètres du bourg et ouvrirent le feu: nos tirailleurs essayèrent de riposter; mais, par suite du manque d'entente et de direction, ils ne tardèrent pas à rétrograder en désordre, poursuivis par l'artillerie ennemie qui leur lança une vingtaine d'obus.
A la suite de cette rencontre, qui n'occasionna de part et d'autre que des pertes insignifiantes, le capitaine de Frantzius reprit la route de Bolbec.
Pendant ce temps, ses pionniers, ayant achevé leur travail de mine, faisaient sauter le viaduc de Mirville; les trois premières arches du côté de Paris étaient complètement détruites, et, comme pour éclairer ces ruines, les Prussiens, en se retirant, mettaient le feu aux bâtiments d'une ferme voisine.
Cette destruction était achevée, lorsque Saint-Romain fut réoccupé le 16 janvier par les divers corps francs qui l'avaient abandonné la veille et qui n'allaient pas tarder à se trouver de nouveau en face de l'ennemi.
Le 17 janvier, en effet, le capitaine de Frantzius quitta Bolbec pour venir tâter les avant-postes du Havre. Il avait formé son détachement en trois colonnes qui arrivèrent à midi en vue de Saint-Romain.
Ce bourg était gardé par des francs-tireurs du Nord coche verte (capitaine Janssens) et des éclaireurs rouennais (capitaine Desseaux); la 2e compagnie des tirailleurs havrais (lieutenant Bellanger) et les chasseurs-éclaireurs de Bolbec (capitaine Pimont) tenaient la droite, vers la route de Lillebonne; les éclaireurs de la Seine (commandant Mabille) s'étendaient à gauche vers la route de Paris.
Les dragons, s'étant avancés jusqu'à la hauteur de la Chapelle, se retirèrent aux premiers coups de feu, en démasquant deux pièces de canon qui tonnèrent aussitôt, et la fusillade leur répondit de tous côtés.
Ces pièces s'étant approchées, de position en position, jusqu'à environ 600 mètres de Saint-Romain, devinrent le point de mire des francs-tireurs; au bout de peu de temps, quelques artilleurs et plusieurs chevaux tombèrent tués ou blessés, en sorte que la canonnade se ralentit un moment.
Mais, pendant ce temps, l'infanterie prussienne s'avançait et attaquait notre ligne sur trois points à la fois.
Son principal effort porta sur la ferme Duparc qu'elle attaqua vigoureusement, et qu'une section d'éclaireurs de la Seine se vit forcée d'abandonner.
Par malheur, cet incident occasionna parmi les francs-tireurs une méprise, qui fit chez eux plusieurs victimes; bientôt la ferme Duparc fut reprise par quelques éclaireurs, à la tête desquels s'était élancé un jeune homme, Belge d'origine, Français de coeur, le capitaine Janssens, qui eut un cheval tué sous lui et montra pendant l'action la plus grande bravoure.
Les francs-tireurs se maintinrent dans cette position; sur notre gauche, les Prussiens continuaient de s'avancer, mais sur la lisière d'une ferme qu'ils croyaient inoccupée, ils essuyèrent une décharge qui les arrêta court et les força de battre en coche verte retraite.
Il était environ deux heures de l'après-midi.
Nos pertes, dans cette affaire, furent de deux tués, dont un officier, le lieutenant Bellanger, appartenant aux tirailleurs havrais, et de onze hommes blessés, dont deux mortellement.
L'ennemi, de son côté, avait subi des pertes à peu près égales; il laissa trois des siens sur le terrain et emmena une dizaine de blessés, dont un succomba peu de temps après.
Dans cette journée, la valeur individuelle avait pu suppléer, chez nous, au manque de direction générale.
Le capitaine de Frantzius, qui avait le dessein de s'avancer ce jour-là jusqu'aux lignes du Havre, n'avait pu accomplir son audacieuse tentative; par malheur, en se retirant sur Bolbec, pour ne plus reparaître, il ne s'était que trop bien acquitté de la première partie de sa mission: Le viaduc de Mirville était détruit, celui de Bolleville était également rompu et la ligne du chemin de fer du Havre rendue impraticable.

Libre désormais de toute préoccupation sur la Seine, et sentant que le moment décisif approchait, le général de Goeben s'empressa d'appeler de Normandie de nouveaux renforts.
Le 18 janvier, quatre trains de chemin de fer transportèrent encore de Rouen à Amiens un régiment et une batterie d'artillerie, en sorte qu'à cette date, le général de Bentheim ne disposait plus que de dix bataillons, seize escadrons et huit batteries pour la surveillance des deux rives de la Seine et pour l'occupation de Rouen.
Il est bien certain que, si à ce moment on avait essayé de reprendre cette ville, l'ennemi n'aurait pu en disputer la possession; mais aucune démonstration ne devait être faite par l'armée du Havre.

Sur la rive coche verte gauche de la Seine, nos troupes avaient déjà évacué depuis quelquesjours la ligne de la Rille, et nous allons faire connaître les faits survenus de ce côté depuis l'arrivée du général Saussier.

Après l'échec du 4 janvier, les troupes du général Roy avaient repris leurs anciennes positions sur la Rille, de Pont-Audemer à Beaumont-le-Roger.
Chargé le 5 janvier d'en prendre le commandement, le général Saussier forma sa division sur place; tout en restant sur la défensive, il devait néanmoins chercher son point d'appui vers l'Ouest, car il pouvait être appelé d'un moment à l'autre à concourir au mouvement du 19e corps qui formait la gauche de la longue ligne de bataille du général Chanzy.
Cette position du général Saussier, en arrière de la Rille, avait l'avantage d'être toujours une menace pour Rouen; il y resta donc aussi longtemps qu'il le put, envoyant des partis et de fortes reconnaissances dans toutes les directions.
Il était opposé, comme on l'a dit plus haut, au général de Gayl, qui couvrait Rouen sur la rive gauche avec sept bataillons, quatre escadrons et trois batteries, et s'étendait par ses avant-postes de Bourgachard à Bourgthéroulde et à la Londe.
Pour faire croire à des intentions offensives et dissimuler l'envoi des renforts de Rouen à Amiens, le général de Gayl tâtait souvent nos positions sur la Rille, quelquefois avec de l'infanterie et du canon; il en résulta quelques légers engagements.

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boite verte Rencontres de Brestot (8 janvier), du Neubourg (11 janvier) et de Bourneville (13 janvier)

Le 8 janvier, une patrouille de dragons lithuaniens, partie de Bourgachard, s'avançait jusqu'à Brestot, sur la lisière de la forêt de Monfort, et tombait dans les avant-postes des mobilisés du Calvados qui lui tuèrent deux cavaliers et en blessèrent un troisième.
Le 11 janvier, les dragons coche verte du même régiment rencontrèrent au Neubourg les francs-tireurs du Calvados (capitaine Benoît) qui les mirent en fuite, après leur avoir tué trois hommes.
Dans la soirée du 12 janvier, le général Saussier reçut du ministre de la guerre une dépêche qui lui enjoignait de quitter immédiatement ses positions de la Rille pour se retirer par Lisieux sur Argentan; on venait d'apprendre que le général Chanzy avait été battu au Mans et se retirait sur la Sarthe; le général Saussier était forcé de se conformer à ce mouvement, et il donna le signal de la retraite; dans la matinée du 13 janvier, sa division se mit en marche en trois colonnes par les routes de Brionne et Thiberville, Saint-Georges et Lieurey, Pont-Audemer et Cormeilles.
Les francs-tireurs avaient reçu l'ordre d'occuper les avant-postes, qu'ils devaient garder encore quelques heures après le départ de la division.
De son côté, le général de Gayl avait précisément choisi ce moment pour pousser une forte reconnaissance sur la route de Pont-Audemer.
Arrivés à peu de distance de Brestot, où, comme on s'en souvient, ils avaient perdu trois dragons quelques jours auparavant, les Prussiens lancèrent sur le village une centaine d'obus, puis ils s'étendirent par leur droite sur Étreville et Bourneville, pendant que des chasseurs du 1e bataillon, partis du Landin, se dirigeaient sur Guerbaville et fouillaient la forêt de Brotonne.
Il en résulta une rencontre d'arrière-garde aux environs de Bourneville.
Cette localité était occupée par environ cinq cents mobilisés du 3e bataillon de la légion de Caen (commandant de Cyresne), auxquels étaient venus se joindre une quarantaine d'éclaireurs de Normandie de la coche verte 2e compagnie (capitaine Lumière).
Serrés de près par l'ennemi, ces francs-tireurs avaient failli être pris la veille dans la forêt de Brotonne et n'avaient dû leur salut qu'à la présence d'esprit du curé de la Haie-de- Routot, qui leur servit de guide.
Dans la matinée du 13 janvier, à la nouvelle de l'approche de l'ennemi, deux compagnies de mobilisés, fortes d'un peu plus de cent hommes, s'étaient déployées en tirailleurs à environ un kilomètre à l'est de Bourneville, s'étendant du hameau des Coqs à la ferme du Bocage.
Vers dix heures, au moment où un épais brouillard venait de se dissiper, les mobilisés se virent en présence d'une forte reconnaissance prussienne, dont ils n'étaient séparés que par l'étroit vallon du Callouet, qui coupe à angle droit le chemin de Routot.
Bien qu'armés de mauvais fusils à percussion, ils engagent une fusillade qui maintient pendant quelque temps l'ennemi à distance, et permet à leur bataillon, resté à Bourneville, de se retirer sur Pont-Audemer sans être inquiété.
Bientôt, craignant d'être débordés sur leur gauche, ils abandonnent la ferme du Bocage, où cinq des leurs sont faits prisonniers.
Les éclaireurs de Normandie, accourus à leur secours, restent seuls pour soutenir la retraite; mais, vers onze heures, menacés à leur tour sur leur droite par une centaine de cavaliers, qui se répandent dans la plaine avec du canon, ils quittent leur position et regagnent à travers champs la route de Fourmetot.
Un des leurs, le caporal Vanier, resté le dernier, se voit tout à coup poursuivi par trois dragons.
Avec le sentiment de supériorité que doit avoir tout fantassin en face de quelques hommes à cheval, il continue sa retraite sans se déconcerter, puis, quand ses coche verte adversaires ne sont plus qu'à une cinquantaine de pas, il se retourne, ajuste celui qu'il croit être le chef de la patrouille et l'étend roide mort; après quoi il recharge son arme et continue sa route, s'attendant à être poursuivi.
Mais les cavaliers se sont arrêtés; l'un d'eux met pied à terre pour relever celui qui est tombé, l'autre galope après le cheval qui a perdu sa monture.
Pendant ce temps, le caporal Vanier gagne Bourneville et s'échappe en se jetant sur un cheval de paysan.
Son coup de feu avait été le dernier de la journée; il avait frappé au coeur le capitaine de Dressler, chef de l'escadron des dragons lithuaniens.
Le 3e régiment d'infanterie prussienne perdit un grenadier dans cette rencontre; de notre côté, on eut à déplorer la perte de deux hommes tués, cinq blessés et six prisonniers.
A la suite de cette affaire, les mobilisés et les francs-tireurs se retirèrent sur la Touques pour rejoindre le gros de leur division.

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boite verte Mouvement du général Saussier sur Lisieux et Argentan

Le général Saussier s'était porté en deux étapes sur Lisieux; là il reçut l'ordre de se diriger sur Mézidon, où il transféra son quartier général dans la soirée du 17 janvier; il était chargé de couvrir l'embranchement des lignes ferrées de Lisieux et d'Argentan, point stratégique d'une certaine importance.
Sur ces entrefaites, le général Saurin, qui commandait la 2e division du 19e corps, avait occupé Falaise, et il ne tarda pas à y appeler la 3e, celle du général Saussier; ces deux divisions descendirent alors sur Argentan dont elles occupèrent les environs, se reliant par leur droite à la gauche du général Chanzy vers Flers.
A partir de ce moment, le coche verte général Saussier n'exécuta plus que des mouvements sans importance, d'après les ordres du général Dargent, commandant du 19e corps.
Ce mouvement de retraite de nos troupes de la Rille avait produit un fâcheux effet sur les populations de la basse Normandie, très-disposées a la résistance.
Tout le département de l'Eure et la lisière de celui du Calvados se trouvaient ainsi abandonnés aux incursions des partis ennemis.
Les patrouilles du général de Bentheim ne pouvaient, il est vrai, s'aventurer bien loin sur la rive gauche de la Seine; mais celles du général de Rheinbaben, qui occupait la majeure partie de l'Eure, allaient sillonner le reste du département dans toutes les directions.
Nous allons rappeler en peu de mots les événements survenus de ce côté dans les derniers temps.
Le général de Rheinbaben se tenait toujours sur la ligne de l'Eure, à Anet et à Ivry-la-Bataille.
Évreux, occupé militairement depuis le 9 décembre, avait eu à subir depuis la présence d'un préfet prussien, nommé de Poremski; ce fonctionnaire était chargé, comme ses collègues de Rouen et d'Amiens, de centraliser les contributions de guerre, les impôts directs, indirects et autres, ainsi que les réquisitions; il s'acquittait de cette mission avec une rigueur inexorable, et les contribuables du département de l'Eure en conserveront longtemps le triste souvenir.
Il était appuyé, pour l'accomplissement de sa tâche, par la brigade de Barby, qui occupait Évreux et Damville.
Cette brigade avait l'ordre de se tenir en communication avec le général de Bentheim en outre, elle faisait surveiller par ses éclaireurs la lisière des forêts de Conches et de Breteuil, ainsi que le cours coche verte de l'Iton, ce qui occasionna plusieurs rencontres.

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boite verte Embuscades à Roman (10 et 11 janvier)

Le 10 janvier, une patrouille du 4e régiment de cuirassiers, partie de Damville, se dirigeait sur Dame- Marie, lorsque, sur le territoire de Roman, dans le bois de Chagny, elle fut surprise par des francs-tireurs qui lui firent cinq prisonniers:
Le lendemain matin, d'autres cuirassiers, à la recherche de ceux qui manquaient à l'appel, poussèrent par Dame-Marie jusqu'à Saint-Ouen-d'Athez; à leur retour, ils tombèrent dans une embuscade dressée au même endroit que la veille, et, loin de ramener leurs camarades, ils ne firent qu'augmenter le nombre des prisonniers.
Huit d'entre eux furent pris dans ces deux rencontres.

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boite verte Rencontre de Gouville (17 janvier)

Le 17 janvier, les uhlans hanovriens de la brigade de Barby, qui occupaient Damville, établirent leurs avant-postes à Authenay, sur la route de Breteuil, et le même jour ils se présentèrent dans cette dernière ville; à leur retour ils essuyèrent, aux abords de Gouville, une fusillade qui blessa et démonta trois cavaliers, entre autres le lieutenant de Schôning, chef de la patrouille; cet officier serait resté entre les mains des francs-tireurs, sans l'indigne faiblesse de quelques habitants qui jugèrent plus conforme à leurs intérêts de le cacher et de ie renvoyer ensuite à Authenay sous un déguisement.

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boite verte Marche du général de Rheinbaben sur Verneuil

Depuis quelques jours, le général de Rheinbaben avait reçu l'ordre de flanquer le corps du grand-duc de Mecklembourg, qui, après la prise du Mans, avait été dirigé sur Alençon et dont nous suivrons la marche dans le prochain chapitre.
Le général de Rheinbaben envoya d'abord sur l'Huisne et sur la Sarthe, à la rencontre du grand-duc, la brigade de coche verte Bredow; puis, le 18 janvier, il quitta lui-même ses positions sur la ligne de l'Eure pour établir son quartier général à Verneuil.

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boite verte Engagement du Fidelaire (18 janvier)

Dans ce mouvement, l'ennemi explora la forêt de Conches, dont il n'avait pas encore cherché à s'emparer; les 11e et 17e hussards de la brigade de Redern poussèrent une reconnaissance sur le Fidelaire, village situé au milieu de la forêt et dont les habitants, énergiquement résolus à se défendre, avaient conservé leurs armes; les hussards surprirent d'abord le poste des gardes nationaux, mais l'alarme fut aussitôt donnée; il s'ensuivit un engagement qui dura plusieurs heures et dans lequel trois habitants furent tués et cinq autres faits prisonniers.
Ces braves gens avaient fait expier leurs pertes à l'ennemi; les hussards de Brunswick et de Westphalie eurent trois hommes tués et autant de blessés dans cette affaire.
Le même jour, la brigade de Barby quitta Damville pour se rendre à Verneuil, et ses éclaireurs essuyèrent quelques coups de feu sur leur passage; près de l'ancien château de Montéan, sur la commune de Dame-Marie, un cuirassier fut légèrement blessé par une décharge de plomb de chasse, ce qui faillit coûter la vie à plusieurs habitants inoffensifs.
Le lendemain, ce fut le tour des uhlans hanovriens qui, en éclairant la route de Bourth à Laigle, eurent un des leurs grièvement blessé.

boite verte

boite verte Bataille de Saint-Quentin et dernière sortie de l'armée de Paris(19 janvier)

Tandis qu'en Normandie quelques habitants isolés et sans appui risquaient ainsi leur vie pour défendre leurs foyers, des événements autrement graves s'accomplissaient dans les autres parties de la France; le 19 janvier, au moment même où l'armée de Paris tentait sa dernière sortie, notre armée du Nord coche verte succombait héroïquement à Saint-Quentin, et notre armée de l'Est, battue dans un combat de troisjours, commençait une retraite qui devait aboutir à la dernière et à l'une des plus lamentables catastrophes de cette guerre funeste.

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