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La guerre dans l'ouest : campagne de 1870-1871

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Mouvements offensifs des troupes de Normandie sur la basse Seine à la fin de décembre.

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Source : L. Rolin. Image

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Il est à regretter que nos mouvements offensifs, effectués sur les deux rives de la basse Seine à la fin de décembre, n'aient pas eu lieu quelques jours plus tôt, car ils auraient certainement contraint l'ennemi à renoncer à la possession de Rouen.
Le général de Bentheim avait en effet reçu, dès le 21 décembre, l'ordre d'envoyer comme renfort à Amiens la 2e brigade de son corps d'armée, et, en déduisant cette brigade et les petits détachements de Buchy, de Forges et de Gisors, il ne disposait plus que de douze bataillons.
Si donc nos mouvements offensifs en Normandie avaient précédé la journée de Pont-Noyelles, ils auraient pu en faire un succès pour nos armes. Mais ces diversions sur la Seine ayant eu lieu trop tard, isolément, et au moment de la retraite de notre armée du Nord, le général de Manteuffel put renvoyer à Rouen les troupes qu'il en avait appelées quelques jours auparavant.
Par suite du manque d'entente entre nos divers chefs et de l'absence de concert dans leurs opérations, rien n'empêcha l'en coche verte nemi de conserver en son pouvoir Rouen et Amiens, distants de cinq étapes, et, au moyen du chemin de fer, resté intact entre ses mains, de jeter sur l'un ou l'autre de ces points les forces qui lui étaient nécessaires.
Sur la rive gauche de la Seine, le lieutenant-colonel Roy, avait été, comme on sait, placé à la tête des troupes de l'Eure, sur la proposition du général de Lauriston, en remplacement du capitaine de frégate de Guilhermy, victime d'une sédition à Bernay.
Aussitôt son entrée en fonctions, le colonel Roy, auquel le titre de général de brigade à titre auxiliaire fut conféré quelques jours plus tard, fit connaître à Bordeaux son intention de chasser les Prussiens du département de l'Eure.
Le 22 décembre, le ministre de la guerre lui répondit « qu'il ne pouvait pas penser à faire un grand mouvement offensif, ni à s'emparer de la basse Seine; que son rôle était de défendre pied à pied le terrain, et d'inquiéter les partis ennemis. »
Néanmoins, le général Roy, qui s'accommodait peu de la défensive, résolut de tenter un mouvement en avant, espérant sans doute entraîner par son exemple le général de Lauriston, militaire aussi brave qu'expérimenté, avec lequel il se trouvait en désaccord.
Il sollicita, d'un autre côté, le concours de l'armée du Havre, et il lui fut répondu, le 26: « Nous avons huit mille hommes sur la route de Bolbec à Goderville; nous en aurons demain douze mille.»
A cette date, le général de Bentheim venait de se concentrer à Rouen néanmoins, ses reconnaissances ne cessaient pas de surveiller la ligne de la Rille, où elles se heurtèrent plusieurs fois à nos avant-postes; ce qui nous amène à coche verte reprendre le récit des événements militaires sur la rive gauche de la Seine depuis l'entrée en fonctions du général Roy.

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boite verte Rencontre de Saint-Martin-du-Parc (19 décembre)

Le 19 décembre, un détachement du 41e régiment d'infanterie de la Prusse orientale s'étant avancé jusqu'à Saint-Martin-du-Parc, aux abords de Brionne, y fut attaqué par les francs-tireurs de Seine-et-Oise (capitaine Poulet-Langlet), repoussé après avoir eu deux hommes hors de combat, et poursuivi jusqu'au Bosrobert.

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boite verte Rencontre de Montfort-sur-Rille (20 décembre)

Le 20, un détachement ennemi pénétra, par la forêt et le tunnel de Montfort-sur-Rille, jusqu'à la ligne terrée de Pont-Audemer, détruisit le télégraphe, se mit en devoir de couper le chemin de fer, et enleva trois mobiles des Landes, qui furent surpris dans une maison; mais, à la vue d'autres mobiles accourus pour délivrer leurs camarades, les Prussiens se sauvèrent en abandonnant leurs outils.

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boite verte Rencontre d'Iville (21 décembre)

Le 21, une reconnaissance, composée de mobiles de la Loire-Inférieure et de francs-tireurs de Louviers, attaqua, près d'Iville, un détachement du 1e régiment de la Prusse orientale, venu en réquisition au Neubourg, leur tua deux grenadiers et en blessa un troisième, sans que cette, rencontre eût occasionné, de notre côté, d'autre perte que celle d'un homme mis hors de combat.
Sur l'ordre du général de Lauristori, Pont-Audemer avait été réoccupé, le 18 décembre, par environ trois mille gardes nationaux mobilisés du Calvados, commandés par le lieutenant-colonel de Gouyon.

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boite verte Rencontre de Saint-Ouen-de-Thouberville (23 décembre)

Le 21, la 2e compagnie des Éclaireurs de Normandie (capitaine Lumière), renforcée de quelques mobilisés, battit le pays jusqu'à Bourgachard et la Trinité; le coche verte 23, ce détachement venait d'arriver à Saint-Ouen-de-Thouberville, lorsque, à deux reprises, les éclaireurs prussiens, venus de Moulineaux, y firent leur apparition.
Ce furent d'abord quelques dragons lithuaniens du 1e régiment qui tournèrent bride après avoir eu un homme tué; puis un piquet du 41e régiment d'infanterie, qui accourut au bruit de la fusillade, et qui s'enfuit à son tour après un court engagement, laissant aux mains des francs-tireurs un sous-officier blessé et six prisonniers.
Le lendemain, les Prussiens, pour se venger, vinrent mettre la commune au pillage, lui imposèrent une contribution de guerre de dix mille francs, levèrent de fortes réquisitions, et regagnèrent leurs cantonnements, après avoir incendié la maison du maire.
Enfin, le 25, les francs-tireurs de Rugles et la guérilla rouennaise eurent, à Bourgtbéroulde, un léger engagement, qui leur coûta la perte d'un homme tué.

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boite verte Mouvement offensif du général Roy

Ce fut le même jour que le général Roy, poursuivant son dessein de couvrir entièrement le département de l'Eure contre les incursions de l'ennemi, porta les forces dont il disposait sur la ligne qui va de Bourgthéroulde à Bourgachard et à Routot.
Les 1e et 2e bataillons de l'Eure s'établirent à Berville; le 2e bataillon de l'Ardèche, à Boissey-le-Châtel; le 3e des Landes, à Saint-Denis-des-Monts, et celui de la Loire-Inférieure, au Neubourg.
Le mouvement fut continué pendant les jours suivants.
Les 1e et 2e bataillons de l'Ardèche furent dirigés sur Bourgachard, et le 3e de l'Eure s'empara, le 27 , de Bourgthéroulde, après avoir mis en fuite une patrouille du 41e régiment prussien, qui eut un sous-officier et deux hommes blessés dans cette rencontre.
Le 3e coche verte bataillon des Landes alla occuper Thuit-Hébert; le 3e de l'Ardèche , le Gros-Theil , et le bataillon des mobilisés d'Elbeuf , Amfreville.
En même temps, le quartier général fut transporté à Brionne.
Ce mouvement du général Roy, coïncidant avec celui du commandant Mouchez sur Goderville, fit que le général de Bentheim abandonna sans résistance les postes établis sur sa ligne défensive, de la Bouille à Elbeuf, pour se rapprocher de Rouen.
De ce côté de la Seine, le colonel de Massow n'occupait plus que Grand-Couronne, avec un poste à Château-Robert; à l'est de la forêt de la Londe, les troupes faisant partie de son détachement avaient repassé sur la rive droite de la Seine dès le 24, en détruisant derrière elles les ponts d'Elbeuf et de Saint-Aubin.

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boite verte Effectif et positions des troupes de l'Eure

Les forces, dont le général Roy disposait pour son mouvement offensif, se composaient du régiment des mobiles de l'Ardèche (lieutenant-colonel Thomas ) et de celui de l'Eure (lieutenant-colonel Power ), des 1er et 3e bataillons des Landes ( commandants Condoumy et Bétat ), du 6e de la Loire-Inférieure (commandant Manet ), et du 5e bataillon des mobilisés de la légion de Rouen (commandant Goujon) :
en tout, dix bataillons, auxquels il faut ajouter une quinzaine de corps francs, ayant à peine la valeur moyenne d'une section, et dont nous allons donner la liste par ordre alphabétique:
1e et 2e compagnies d'Eclaireurs de Normandie (capitaines Trémant et Lumière); 1e et 2e compagnies des francs-tireurs du Calvados (capitaines Pascal et Benoît); celles de Breteuil (capitaine Glaçon), de la Dive (capitaine de Logivière), de Dreux (capitaine Laval), de l'Eure (capitaine Lortie), d'Evreux (capitaine Thionet), de coche verte Lisieux (capitaine Fresnel), de Louviers et du Neubourg (capitaine Golvin), du Puy-de-Dôme (capitaine Bezelgues), de Rugles (capitaine Bonnet), de Saintonge (capitaine Planty), de Seine-et-Oise (capitaine Poulet-Langlet), et enfin la guérilla rouennaise (capitaine Buhot).
Quant à la cavalerie, elle faisait complètement défaut, sauf un peloton de gendarmes qui était chargé du service de la prévôté et de celui des dépêches, et sur lequel on ne pouvait pas compter pour s'éclairer.
Le 12e régiment de chasseurs , qui avait fait précédemment partie de l'armée de Rouen, restait avec le général de Lauriston à Lisieux, en seconde ligne et éloigné du théâtre des opérations.
L'artillerie comprenait une batterie de quatre pièces de 4 rayé de montagne, des mobiles des Côtes-du-Nord (lieutenant Rabeil ); une de quatre pièces Armstrong, des mobiles des Basses-Pyrénées (capitaine Thiesson); enfin une de six pièces de 4 de montagne, des mobilisés du Calvados (capitaine Frémont).
Ces forces réunies formaient un effectif d'une dizaine de mille hommes, avec quatorze pièces d'artillerie.
Elles furent réparties de la manière suivante:
La colonne de droite, qui devait opérer à l'est de la forêt de la Londe, était composée du 3e bataillon de l'Ardèche, du 5e bataillon de mobilisés de la légion de Rouen, et de la compagnie des francs-tireurs de Louviers, avec deux canons de montagne.
Dirigée provisoirement par le commandant Goujon , elle fut renforcée du 2e bataillon de la mobile de l'Eure (commandant Ferrus), et à dater du 1e janvier, elle passa sous les ordres du commandant de Mongolfier, des mobiles de l'Ardèche.
La colonne de gauche, destinée à agir à l'ouest coche verte de la forêt, sous les ordres du lieutenant-colonel Thomas, comprenait les 1e et 2e bataillons de l'Ardèche avec le 3e des Landes, plusieurs corps francs, quatre pièces de 4 de montagne et deux pièces Armstrong.
Enfin, les 1e et 2e bataillons de la mobile de l'Eure le 1e bataillon des Landes, de nouvelle formation; le 6e bataillon de la Loire-Inférieure, avec la batterie du Calvados, se trouvaient soit en réserve, soit détachés pour couvrir la droite de la ligne, et restaient sous le commandement direct du général Roy.
Les mobilisés du Calvados ayant reçu du général de Lauriston l'ordre d'occuper les positions que les troupes de l'Eure venaient de quitter sur la Rille, le général Roy détacha le 1e bataillon des Landes vers Elbeuf et Amfreville, et le 6e de la Loire-Inférieure, au Neubourg, afin de couvrir son flanc droit.
Après avoir pris ces dispositions, il résolut d'accentuer son mouvement en avant, de façon à occuper la ligne qui s'étend d'Elbeuf à la Bouille, à fermer complétement la presqu'île du Rouvray, et à empêcher ainsi l'ennemi de faire des incursions sur la rive gauche de la Seine.

Pour l'intelligence des opérations qui vont suivre, il nous parait nécessaire de jeter un coup d'oeil rapide sur la configuration du terrain.

En amont et en aval de Rouen, la Seine décrit dans son cours plusieurs inflexions brusques, semblables à celles qu'elle forme à Gennevilliers et à Argenteuil, après avoir traversé Paris.
Serpentant d'Elbeuf à Rouen, puis se repliant sur elle-même vers la Bouille pour se redresser jusqu'à Duclair, elle redescend ensuite vers Yville et continue plus loin ses sinuosités.
coche verte L'observateur, parti de Rouen par la route d'Honfleur, voit à sa gauche une chaîne de hauteurs boisées qui s'étagent successivement pour devenir de plus en plus escarpées; il trouve à sa droite une plaine d'une largeur moyenne d'un kilomètre, s'étendant jusqu'à la Seine, coupée de ruisseaux, de fossés, de haies, et complétement impraticable.
Au sortir de Grand-Couronne, la route se bifurque et jette un embranchement sur Elbeuf, puis serrant de plus près les collines, elle traverse le village de Moulineaux, et, à partir de ce point, elle s'élève sur les flancs des coteaux, entre des talus de déblai et de remblai; elle passe ensuite au pied d'un petit plateau sur lequel se trouvent les ruines de l'ancien manoir féodal des ducs de Normandie, connu sous le nom de château de Robert le Diable.
Ce plateau commande la route et, sur le revers opposé, il s'étend en pente plus douce jusqu'à un vallon étroit que suit la ligne du chemin de fer de Rouen à Serquigny.
Dans un petit col situé entre Château-Robert et un mamelon qui le domine à l'est, s'embranche la nouvelle route de la Bouille à Elbeuf.
A environ quatre kilomètres à vol d'oiseau, dans la direction de Château-Robert à Elbeuf, s'élève un autre plateau, celui d'Orival, ayant ses vues sur le débouché du vallon du chemin de fer ainsi que sur les routes qui vont de Grand-Couronne et d'Oissel à Elbeuf; la jonction de ces routes a lieu au pied même du plateau, dans un défilé très resserré, formé d'un côté par la Seine, et de l'autre par des falaises presque à pie.
Les positions de Château-Robert et d'Orival sont séparées par la forêt de la Londe, et il n'existe aucun chemin praticable pour franchir le vallon qui les relie entre elles elles forment donc, par rapport coche verte à la boucle de la Seine, comme les extrémités d'un immense fer à cheval c'était cet isthme étroit qu'il s'agissait d'occuper en force, afin de fermer complètement la presqu'île du Rouvray.

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boite verte Rencontre d'Orival (28 décembre)

Dans la journée du 28 décembre, les abords de la forêt de la Londe furent explorés par plusieurs compagnies de la mobile de l'Eure; des éclaireurs de Normandie (capitaine Trémant) et des francs-tireurs de la 1e compagnie du Calvados échangèrent des coups de feu dans le voisinage d'Orival avec les avant-postes du 1e régiment prussien, qui eut dans ces rencontres quatre ou cinq hommes tués ou faits prisonniers.

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boite verte Prise de Château-Robert et du plateau d'Orival (30 décembre)

Dans la soirée du 29, des ordres furent donnés pour l'occupation de Château-Robert et d'Orival, et le lendemain, le général Roy, accompagné du colonel Power, son chef d'état-major, alla s'installer à Bourgthéroulde pour surveiller de plus près l'exécution de ce mouvement.
Le colonel Thomas, avec les 1e et 2e bataillons de l'Ardèche et le 3e des Landes, avait pour mission d'agir dans la direction de Château-Robert et d'attaquer le carrefour de la Maison-Brûlée, où l'on supposait l'ennemi assez fortement établi.
Divers corps francs, réunis sous le commandement du capitaine Trémant et appuyés par la mobile de l'Eure, devaient traverser la forêt de la Londe, enlever les petits postes établis le long de la ligne du chemin de fer ainsi que celui de Château-Robert.
Enfin, la colonne du commandant Goujon avait l'ordre de s'emparer du plateau d'Orival.
Sur notre gauche, à la Maison-Brûlée, l'ennemi, prévenu de notre approche, avait évacué la position, que le colonel Thomas occupa sans coup férir.
Sur coche verte la ligne du chemin de fer, le 1e bataillon de l'Eure rencontra un petit poste établi dans la maison d'un garde-barrière; il y eut là un léger engagement dans lequel un Prussien fut blessé et un autre fait prisonnier.
Au centre, les francs-tireurs, réunis au nombre de 5 à 600, atteignirent vers une heure de l'après-midi les hauteurs de Château-Robert.
Surpris et n'étant pas en force, les fantassins prussiens qui gardaient ce poste n'opposèrent qu'une faible résistance; après une courte fusillade, ils s'enfuirent, abandonnant sur le terrain deux ou trois des leurs, et ils furent poursuivis jusque dans Moulineaux; deux compagnies du 41e régiment, qui occupaient ce village, se sauvèrent également en laissant leur repas inachevé, et allèrent s'abriter derrière les tranchées ébauchées par nous pour la défense de Rouen.
Le 3e bataillon de la mobile de l'Eure (capitaine de Rostolan), entré à Moulineaux sur ces entrefaites et excité par ce succès facile, voulut à son tour continuer la poursuite; il s'avança en colonne et d'assurance dans la direction du Grésil; mais l'ennemi, qui avait établi une batterie à environ un demi-kilomètre au sud de Grand-Couronne, sur la route d'Elbeuf, ouvrit le feu tout à coup, et ses premiers obus tombant au milieu de ce bataillon y causèrent des ravages qui l'arrêtèrent court et le forcèrent à se jeter dans les bois.
Une douzaine de mobiles tombèrent gravement blessés, plusieurs mortellement, et parmi ces derniers, le lieutenant de Champigny.
Notre colonne de droite s'empara sans grande difficulté des positions d'Orival qui, à l'est de la forêt de la Londe, dominent la Seine et la ville d'Elbeuf. coche verte Vers dix heures du matin, les francs-tireurs de Louviers et du Neubourg, déployés en tirailleurs en avant de la colonne, couronnèrent ces hauteurs, débusquèrent les postes ennemis qui occupaient le Pavillon et ouvrirent le feu sur les mineurs qui, depuis plusieurs jours, travaillaient avec acharnement pour détruire le viaduc d'Orival.
Mais, pendant ce temps, un détachement ennemi, commandé par le lieutenant- colonel de Massow, du 1e régiment de dragons, était parti des Authieux avec quatre pièces de canon et se dirigeait sur Elbeuf pour y lever une forte contribution de guerre, sous le prétexte gratuit, c'est-à-dire intéressé, d'un coup de feu tiré sur une sentinelle, véritable querelle d'Allemand, qui n'avait d'autre but que d'extorquer à la ville une forte somme.
L'artillerie prussienne s'étant mise en batterie près de Saint-Aubin, fouilla de ses projectiles les hauteurs opposées et força nos tirailleurs à se retirer.
Le 3e bataillon de l'Ardèche (capitaine Reboullet) étant arrivé sur ces entrefaites, prit position au rond-point du Pavillon, tandis que les mobilisés du bataillon d'Elbeuf se plaçaient le long de la crête qui domine la Seine, en face du chemin de fer.
Quant aux Prussiens, ils s'étaient retirés dans les maisons du Gravier; en outre, un fort détachement occupait la gare de Saint-Aubin avec les quatre pièces d'artillerie.
Vers deux heures, au bruit de la fusillade qui éclatait vers Château-Robert, le commandant Goujon établit sur la plate-forme du Pavillon sa section de canons de montagne, ouvrit le feu et lança une première volée à la batterie ennemie.
Bien que surpris, les Prussiens ripostèrent par une dizaine d'obus; mais une nouvelle décharge des nôtres tombant au coche verte milieu d'eux, leur blessa un artilleur, et força les autres à prendre une position couverte, hors de notre portée, derrière les maisons de Saint-Aubin.
Alors une de leurs pièces lourdes, prenant le Pavillon pour point de mire, l'atteignit trois fois de suite avec une précision remarquable et fit taire nos deux canons de montagne.
Un peu plus tard, les tirailleurs du bataillon de mobilisés tentèrent de s'emparer du pont d'Orival mais à peine, étaient-ils sortis de la forêt qu'ils y furent ramenés par une grêle de projectiles.
A quatre heures l'engagement était terminé.
Grâce aux positions avantageuses occupées par les nôtres, leurs pertes se bornèrent dans cette journée à un franc-tireur tué et deux hommes blessés, parmi lesquels le commandant Goujon, qui eut la jambe traversée par une balle.
De leur côté, les fantassins du 1e régiment et les artilleurs prussiens eurent quatre ou cinq hommes hors de combat.
Ainsi, dans la soirée du 30 décembre, nous occupions la ligne de défense précédemment choisie par l'ennemi, de la Bouille à Elbeuf.
Ce voisinage ayant paru inquiétant au général de Manteuffel, il résolut de se rendre compte par lui-même de la situation; un train spécial l'amena d'Amiens à Rouen dans la matinée du 31 décembre.
Il était suivi d'un bataillon, et il annonça des renforts plus considérables, entre autres le 44e régiment d'infanterie.
Dès son arrivée, il donna au général de Bentheim l'ordre de faire sur la rive gauche de la Seine une reconnaissance offensive avec cinq bataillons, afin de s'éclairer sur nos positions et nos forces.
coche verte Dans la matinée du 31 décembre, le colonel baron de Meerscheidt-Hüllessem, à la tête du bataillon du 41e régiment qui, repoussé la veille de Château-Robert, occupait alors Grand-Couronne, se porta sur le village de Moulineaux, qu'il attaqua; il était soutenu par un bataillon du 1e régiment et appuyé par une batterie qui avait pris position sur la route de Grand- Couronne à Elbeuf.
Après avoir essuyé quelques coups de canon, une grand'garde de mobiles de l'Ardèche, établie à Moulineaux, n'eut que le temps de se replier pour ne pas être enveloppée.
Château-Robert n'était alors que faiblement gardé par une compagnie de mobiles des Landes et par les francs-tireurs d'Évreux.
Pour se couvrir, ces compagnies avaient détaché deux postes, l'un sur la ligne du chemin de fer, l'autre sur le mamelon qui s'élève en avant de Château-Robert.
Ce dernier poste fut surpris par les Prussiens, qui, apparaissant tout à coup sur les hauteurs, firent pleuvoir sur les défenseurs du château une grêle de balles.
Bien qu'attaqués à l'improviste, nos soldats ripostèrent vivement, et dès les premiers coups ils virent tomber un officier qui s'avançait à cheval au milieu des tirailleurs ennemis.
Quelques instants après, le poste du chemin de fer était également attaqué par une autre colonne et forcé de se replier après l'échange de quelques décharges.
Dans ce mouvement de retraite à travers les bois, une cinquantaine de mobiles des Landes furent poursuivis et pris par l'ennemi, qui s'étendait sur notre droite pour cerner Château-Robert, où le combat se trouva concentré.
Là, sur la plate-forme du château, une trentaine de francs-tireurs et de mobiles opposèrent aux assaillants une énergique coche verte résistance; mais bientôt cette poignée de braves gens, écrasée par le nombre, fut forcée de mettre bas les armes.
Le capitaine Thionet, des francs-tireurs d'Evreux, avec son sous-lieutenant et une douzaine des siens, resta au pouvoir de l'ennemi, ainsi que sept ou huit mobiles des Landes.
Pendant l'action, les francs-tireurs du Puy-de-Dôme (capitaine Bezelgues) et ceux de Saintonge (capitaine Planty), au nombre d'une soixantaine en tout, étaient accourus au bruit de la fusillade et avaient pris part à l'engagement qui leur coûta trois hommes tués et quelques blessés.
En ce moment arrivait le général Roy; parti de Bourgthéroulde, il venait visiter ses avant-postes et les positions conquises la veille.
Il ne put aller jusqu'à Château-Robert qui venait de tomber au pouvoir de l'ennemi, et il s'occupa aussitôt de rassembler des troupes pour le reprendre.
Une compagnie du 3e bataillon des Landes (capitaine de Behr) est d'abord dirigée sur ce point à travers la forêt; à peu de distance du plateau elle rencontre l'ennemi, qui s'avance également sous bois; quelques fusiliers prussiens, se voyant tout à coup face à face avec les mobiles dont ils essuient les coups de feu, lèvent la crosse en l'air et font signe qu'ils veulent se rendre; nos soldats les abordent, et, les considérant comme prisonniers, échangent avec eux leurs coiffures; le capitaine français se dirige vers le chef du détachement ennemi et l'invite à mettre bas les armes; mais ce dernier, se sachant suivi du gros de sa troupe, veut à son tour retenir prisonnier son interlocuteur, et une rixe s'engage entre ces deux officiers; le capitaine de Behr se précipite sur son adversaire et lui arrache la croix qu'il porte sur la poitrine, mais il essuie deux coups coche verte de revolver, et à ce signal la fusillade recommence.
Une compagnie de la mobile de l'Ardèche (capitaine Tournaire), envoyée comme renfort à celle des Landes et arrivant sur ces entrefaites, faillit être victime d'une méprise semblable.
Ces deux compagnies n'eurent que le temps de s'enfoncer dans les bois, et elles purent rejoindre leurs bataillons sans avoir subi de pertes sensibles.
D'autres détachements, rassemblés à la hâte, furent également dirigés sur le lieu de l'engagement; mais la vue des morts et des blessés produisit chez nos jeunes soldats un mouvement d'hésitation qu'augmentait encore leur ignorance des chemins de la forêt.
La situation devenait inquiétante, car les éclaireurs ennemis n'étaient plus qu'à quelques centaines de mètres du carrefour de la Maison-Brûlée .
A cet instant arrivèrent heureusement deux nouvelles compagnies, les 2e et 6e du 2e bataillon de l'Eure , commandées par le capitaine de Bonnechose et composées en grande partie de jeunes gens originaires de la localité et connaissant parfaitement le pays.
Le capitaine de Bonnechose les fit déployer en tirailleurs et la fusillade s'engagea de nouveau.

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boite verte Perte et reprise de Château-Robert

Surpris par ce retour offensif, les tirailleurs prussiens s'arrêtèrent et se replièrent sur Château-Robert, qui fut vivement attaqué et repris par nos mobiles, sans qu'ils eussent subi d'autre perte que celle de trois ou quatre hommes hors de combat.
Après avoir dégagé le plateau, ils aperçurent une colonne profonde qui se formait sur la route de Grand-Couronne ; ils la couvrirent de balles et elle se mit aussitôt en retraite, emportant ses morts et ses blessés mais elle emmenait aussi nos prisonniers; en outre, elle avait atteint le but de coche verte son mouvement offensif, qui était de s'éclairer sur nos forces.
Nous restions donc maîtres de Château-Robert, qui fut réoccupé par le 1e bataillon de l'Ardèche (commandant de Guibert) mais l'attaque de cette position par l'ennemi nous avait malheureusement occasionné des pertes sensibles; outre soixante-douze mobiles et francs-tireurs faits prisonniers, nous eûmes dans cette affaire une dizaine de tués et une trentaine de blessés.
L'ennemi, de son côté, avait payé sa tentative par la perte d'une dizaine d'hommes tués et de vingt et quelques blessés, dont un officier; ils appartenaient pour la plupart au 41e régiment d'infanterie de la Prusse orientale.
Tandis que ces événements se passaient à Château-Robert, d'autres engagements avaient lieu sur notre droite, à l'est de la forêt de la Londe.
De ce côté, les nôtres avaient recommencé au point du jour leur guerre d'escarmouches aux abords du pont du chemin de fer, et, dans cet échange de coups de fusil, un officier des francs-tireurs de Louviers , le lieutenant Duchemin tomba mortellement blessé.

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boite verte Engagement d'Orival (31 décembre)

Dans l'après-midi, les Prussiens poussèrent également dans cette direction une forte reconnaissance offensive. Vers une heure, une colonne d'environ 5 à 600 hommes franchit le pont d'Orival, gravit les hauteurs opposées et engagea une vive fusillade avec une grand'garde de l'Ardèche établie dans la forêt.
Bien qu'attaqués à l'improviste, les mobiles, retranchés derrière des abatis, opposèrent à l'ennemi une énergique résistance.
Bientôt, à l'appel du capitaine Reboullet , les renforts arrivèrent: deux compagnies du 5e bataillon de mobilisés entrèrent en ligne, et les Prussiens, qui commençaient à plier, furent forcés coche verte de repasser précipitamment la Seine sans prendre le temps d'enlever tous leurs blessés.
Embusqués derrière la voie ferrée, où se trouvaient leurs réserves, ils continuèrent néanmoins jusqu'à la tombée de la nuit un feu de mousqueterie dont plusieurs des nôtres eurent à souffrir.
Les pertes de notre colonne de droite dans cette journée s'élevèrent à une dizaine d'hommes tués ou blessés; parmi ces derniers, on comptait le sous-lieutenant Védie, du 5e bataillon de la légion de Rouen.
Les pertes de l'ennemi furent d'environ six tués et d'une quinzaine de blessés, dont un officier.
Dans cette dernière démonstration, à laquelle prirent part des détachements des le, 3e et 5e régiments prussiens , l'ennemi avait pour but non seulement de tâter nos avant-postes, mais encore de protéger les pionniers qui continuaient autour du pont d'Orival leur oeuvre de destruction.
Depuis plusieurs jours, ils s'acharnaient après ce viaduc qu'ils avaient attaqué à différentes reprises, tantôt en le déboulonnant ou en faisant sauter les piles, tantôt en coupant le tablier et en enlevant les travées.
Dans la soirée du 31 décembre , trois nouvelles mines firent explosion et achevèrent de rompre cet ouvrage considérable, qui reliait la Normandie à l'ouest et au midi de la France.
Après s'être ainsi maintenu sur les positions d'Orival et de Château-Robert, le général Roy prit quelques mesures défensives; il prescrivit au colonel Thomas de couper la route dans la côte de Moulineaux et de faire garnir de tranchées et d'abatis les abords de Château-Robert, où un poste d'un bataillon devait être maintenu en permanence; il sollicita en même temps l'appui des mobilisés qu'il avait eus coche verte précédemment sous ses ordres et qui étaient restés sous ceux du commandant de la subdivision du Calvados, le général de Lauriston.
Celui-ci ne possédait en tout que treize bataillons de mobilisés d'une organisation très-incomplète et manquant de tous les services; prévoyant, d'ailleurs, l'échec qui attendait le général Roy, il refusa de l'appuyer ou de le suivre, et il persista à rester sur la défensive derrière la ligne de la Rille.
Ce conflit fut porté devant la délégation de Bordeaux , qui jugea utile de réunir toutes les troupes de la rive gauche de la Seine sous un même commandement.
Par dépêche du ministre de la guerre, parvenue dans la nuit du 1e au 2 janvier, le général de Lauriston reçut, sur sa demande, un congé de santé, et le commandement supérieur de l'Eure et du Calvados passa aux mains du général Roy.
Ce dernier, comme on l'a dit plus haut, avait également sollicité le concours de l'armée du Havre, en vue d'une action commune qui devait contraindre l'ennemi à diviser ses forces.
Voici quelle était en ce moment la situation sur la rive droite de la Seine.
La nouvelle colonne mobile, partie du Havre sous les ordres du commandant Mouchez, se tenait entre la Mare-Carel et Goderville, un peu en arrière de Bolbec.
L'ennemi, de son côté, avait fait occuper Yvetot par un bataillon, un escadron et une batterie.
D'Yvetot, les Prussiens poussaient de fréquentes reconnaissances dans les directions de Bolbec et de Fauville; ils observaient avec une attention particulière le cours de la Seine, et, le 29 décembre, la canonnade se fit entendre dans la direction du Trait.
C'était une batterie prussienne qui, sur l'ordre du major Burchard, chef du détachement de Duclair, avait pris coche verte position sur la rive droite de la Seine, en face d'Heurteauville, et essayait de démolir une maison de la rive gauche d'où étaient partis quelques coups de feu.
Ce jour-là, les artilleurs du 1e régiment prussien y lancèrent, sans résultat, une douzaine d'obus; mais le lendemain ils recommencèrent leur exercice de tir, et, après une trentaine de coups, la maison fut démolie et mise en feu.
Sur ces entrefaites, le général Peletingeas, annoncé depuis quelques jours par la délégation de Bordeaux au commandant Mouchez et attendu impatiemment au Havre , était enfin arrivé dans cette ville le 29 décembre : c'était un ancien capitaine d'artillerie, élève de l'École polytechnique, alors chef de légion de gendarmerie et nommé général de brigade à titre provisoire.
Aussitôt débarqué, le général Peletingeas adressa à la multitude assemblée sur les quais un discours qui se terminait par un mot jadis sublime, mais alors devenu banal: « Vaincre ou mourir », telle « est ma devise » s'était-il écrié en terminant sa harangue, qui fut couverte d'applaudissements; il la répéta peu de temps àprès du balcon de son hôtel, et la fit placarder le lendemain sur les murs de la ville.
Mais ce n'était pas de phrases sonores qu'il s'agissait; la situation exigeait des actes énergiques, et le nouveau général ne devait guère justifier sa devise.
Cependant la prise de possession de son commandement fut inaugurée par un léger succès qui ne fut par malheur suivi d'aucun autre.
Averti qu'un détachement de réquisition devait se diriger sur Bolbec , le commandant Dornat, qui occupait Beuzeville avec le 5e bataillon de marche, avait transmis cet avis au coche verte Havre et avait été autorisé à prendre ses dispositions pour recevoir l'ennemi.

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boite verte Rencontre de Bolleville (31 décembre)

Le 31 décembre, avant le jour, le 5e bataillon de marche, fort d'environ 500 hommes et appuyé par une séction d'artillerie, fut formé en deux colonnes et posté dans différentes fermes de Bolleville; une fois les Prussiens engagés entre ce village et Lanquetot, le cercle devait se fermer et le détachement entier eût été pris.
Vers huit heures et demie du matin, la colonne ennemie fut signalée; elle était forte d'une compagnie du 5e régiment d'infanterie et d'un escadron du 10e dragons.
Quelques-uns de nos éclaireurs s'étant maladroitement montrés lorsque les Prussiens apparurent, ceux-ci arrêtèrent brusquement leur marche.
Mais le commandant Dornat n'était pas homme à les laisser se replier sans coup férir; il commanda le feu et l'action s'engagea.
Au bout de peu de temps, l'ennemi refoulé battit en retraite, laissant deux morts sur le terrain et emportant huit blessés, dont un atteint mortellement.
Les soldats du bataillon de marche, qui montrèrent dans cette affaire le plus grand entrain, s'emparèrent en outre de onze prisonniers, sans que ce résultat leur coûtât d'autre perte que celle d'un caporal.

Dans les diverses rencontres qui eurent lieu à la fin de décembre sur les deux rives de la Seine, l'ennemi avait perdu une centaine d'hommes; l'année funeste de 1870 était close en Normandie par plusieurs engagements heureux, qui furent pour nos soldats comme une dernière lueur d'espérance.
Les Prussiens, de leur côté, attendaient à Rouen des renforts qui allaient malheureusement leur permettre de frapper contre nous un coup décisif.

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