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La guerre dans l'ouest : campagne de 1870-1871

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Evénements en Normandie jusqu'au combat d'Etrépagny

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Source : L. Rolin. Image

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boite verte Marche du général de Manteuffel sur l'Oise et sur la Somme

coche verte Tandis que le département de l'Eure était ainsi envahi dans sa partie sud-est, et sillonné jusqu'à Évreux par les patrouilles et les reconnaissances ennemies, celui de la Seine-Inférieure était plus sérieusement menacé par l'approche d'une partie des forces allemandes que la capitulation de Metz avait rendues libres.
La Ie armée prussienne, placée depuis le 27 octobre sous le commandement du général de cavalerie baron de Manteuffel, avait pour mission de protéger au nord le cercle d'investissement de Paris; elle se composait du Ie corps d'armée (général-lieutenant de Bentheim), du VIIIe corps (général d'infanterie de Goeben) et de la 3e division de cavalerie (général-lieutenant de Groeben).

Dès le 5 novembre, cette armée avait reçu l'ordre d'envoyer une garnison à Soissons, et, le 15, la 4e brigade d'infanterie (général-major de Zglinitzki) arrivait devant la place de la coche verte Fère qu'elle investissait le lendemain.
A la date du 21 novembre, le VIIIe corps d'armée était concentré à Compiègne et aux environs, et le 1e corps autour de Noyon, tandis que la 3e division de cavalerie battait déjà le pays dans les directions de Ham , Roye et Montdidier.

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boite verteDépart du général Bourbaki pour l'armée de la Loire (19 novembre)

Ce fut précisément pendant que ces forces considérables s'avançaient ainsi contre Amiens, que le commandant en chef de la région du Nord fut sacrifié par le ministre de la guerre aux exigences de quelques exaltés, qui, à Lille comme ailleurs, passaient leur temps à s'agiter loin des champs de bataille.
L'armée d'Amiens se trouva ainsi privée de son chef au moment même où elle allait avoir le plus besoin de lui.
Quant au général Bourbaki, si l'on jugeait sa présence nuisible dans le Nord, on la trouvait utile dans le Midi, puisqu'en l'enlevant le 19 novembre à son commandement, on lui confiait le jour même celui du 18e corps en formation à Nevers.

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boite verteSituation militaire sur la rive gauche de la Seine

Dans un moment où la question militaire était tout, la délégation de province ne sut pas résister aux caprices de la multitude, qui, tantôt vociférait contre les généraux, tantôt imposait des plans ou ordonnait des mouvements; elle se laissa dominer par des gens qui s'occupaient beaucoup plus de la politique que de la défense en elle-même, et c'est en grande partie leur intrusion dans la conduite des affaires militaires qui a empêché le gouvernement de la Défense nationale de réparer les désastres de l'Empire.

Par suite du départ du général Bourbaki, les forces réparties dans la Seine-Inférieure et dans la Somme, réunies jusque-là sous le même commandement nominal, devinrent complétement séparées.
coche verte Elles avaient eu l'occasion de se donner la main à Formerie, mais il n'y aura plus désormais aucun lien ni aucun rapport entre leurs opérations respectives.
Comme on l'a vu à la fin du chapitre précédent, le général Briand avait été replacé, le 15 novembre, à la tête de la 2e division militaire à Rouen.
Le général de Tucé, qui exerçait le commandement de la subdivision de la Seine-Inférieure, reçut celui d'une brigade à l'armée de la Loire il eut pour successeur le capitaine de vaisseau Mouchez, chef supérieur des forces dé terre et de mer au Havre.
Par suite de ces changements continuels, aucune tentative sérieuse n'avait été faite pour la formation et l'organisation des troupes de Normandie.
Celles qui composaient le corps de l'Andelle, et qui étaient disséminées le long de cette rivière, avaient à peu près le même effectif que précédemment.
On doit noter, toutefois, que la 31e batterie de la marine (capitaine Croisier) s'était organisée à Rouen en batterie montée, ce qui, avec la 2e du 10e régiment (capitaine Lenhardt) et celle des mobilisés de Rouen (capitaine Waddington), portait l'artillerie au chiffre de trois batteries.
Au moment du retour du général Briand, il y avait donc, en fait de troupes de campagne, dans la Seine-Inférieure, deux régiments de cavalerie et deux bataillons de marche de la ligne, une douzaine de bataillons de mobiles, une quinzaine de corps francs et trois batteries, total, environ seize mille hommes et dix-huit canons de tout calibre.

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boite verteApparition de l'ennemi à Conches (21 novembre)

Le 21 novembre, à la suite de l'évacuation d'Évreux et de la retraite du général de Kersalaun, le coche verte général Briand, que ce mouvement découvrait sur sa droite, et qui avait été chargé du commandement provisoire de la subdivision de l'Eure, se rendit à Louviers et fit arrêter au chemin de fer l'embarquement des troupes qui étaient dirigées sur la Rille.
Les mobiles de l'Eure avaient été envoyés à Conches, où, pour la première fois, leur régiment se trouva réuni dans la matinée du 21.
Avant que leur service de grand'garde eût été organisé, un paysan à cheval accourut tout effaré, annonçant qu'une forte colonne de cavalerie allemande arrivait jusqu'au hameau de Valleuil par la route de Damville.
Les mobiles se portèrent aussitôt à la rencontre des cavaliers ennemis et les repoussèrent après une courte fusillade.
En les poursuivant, ils trouvèrent, sur le bord de la route, le cadavre d'un jeune mendiant de treize ans transpercé d'un coup de lance Le lieutenant-colonel d'Arjuzon reçut le commandement des troupes qui se trouvaient à Serquigny et à Conches.
Il avait alors sous ses ordres le 5e bataillon de marche de la ligne, venu de la rive droite, le régiment de la mobile de l'Eure, le 6e bataillon de la Loire-Inférieure, le 1e bataillon de la garde nationale de Conches (commandant Barbié du Bocage), les éclaireurs de Normandie, la guérilla rouennaise et les francs-tireurs de l'Eure, d'Evreux et de Breteuil.
Appuyé sur la forêt de Conches, il avait pour mission de repousser les incursions de l'ennemi, qui occupait alors Pacy, Saint-André et Nonancourt.

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boite verte Combat de Vernon (22 novembre)

En arrivant à Louviers, le 21 novembre, le général Briand avait ordonné au lieutenant-colonel Thomas coche verte de réunir ceux de ses bataillons qui n'étaient pas encore partis pour Serquigny , et de se porter immédiatement sur Vernon qui était menacé, et qui devait être occupé le lendemain par l'ennemi.
Un train spécial fut organisé sur-le-champ, et, dans la nuit suivante, tout le 3e bataillon de la mobile de l'Ardèche , renforcé de la moitié du 2e et d'une compagnie de francs-tireurs, fut transporté dans cette direction.
Vers trois heures du matin, ce détachement arriva à destination et fut aussitôt dirigé sur les hauteurs de la forêt de Bizy , qui couvrent Vernon du côté de Pacy-sur-Eure , où l'ennemi était signalé depuis la veille.
Le commandant de Montgolner , avec trois compagnies du 3e bataillon, fut chargé de garder la route principale de Vernon à Évreux , et le commandant Bertrand , avec les quatre compagnies du 2e, renforcées des francs-tireurs de Seine-et-Oise (capitaine Poulet-Langlet ), reçut la mission d'observer les hauteurs et les défilés du Petit-Val ainsi que la grande route de Paris ; en outre, deux compagnies furent placées à environ un kilomètre de l'entrée et de la sortie de la ville pour arrêter l'ennemi s'il se présentait sur ces points.
En adoptant ces dispositions, le colonel Thomas avait l'intention de laisser les Allemands traverser la forêt et pénétrer dans la ville, afin de pouvoir ensuite les y cerner.
Ces mesures étaient prises, lorsque, vers sept heures et demie du matin, les premières sonneries prussiennes se firent entendre sur la route de Pacy-sur-Eure une patrouille, précédant l'avant-garde à un quart d'heure d'intervalle, puis le gros de la troupe, l'artillerie, les fourgons et enfin l'arrière-garde, passèrent successivement, et sans le savoir, au milieu des coche verte rangs des mobiles.
C'était un fort détachement de la brigade de Redern, composé d'infanterie du 2e régiment bavarois et de hussards du 10e régiment de Magdebourg.
Lorsque, vers huit heures, les premiers éclaireurs ennemis se présentèrent dans Vernon ils remarquèrent chez les habitants une assurance qu'ils n'étaient pas habitués à rencontrer.
L'avant-garde seule pénétra dans la ville et se mit en devoir de faire des perquisitions à la mairie; mais, ayant essuyé quelques coups de feu, les Allemands partirent précipitamment en enlevant des otages pour se garantir contre les balles de nos soldats, dont la présence leur avait été malheureusement révélée.
Dès lors, ils ne songèrent plus qu'à la fuite.
D'abord ils essayèrent de se sauver par la route de Paris; mais, la trouvant gardée par les mobiles de l'Ardèche , qui les reçurent à coups de fusil, ils rentrèrent dans la ville tout effarés et furent contraints de chercher une issue à travers les bois.
Tandis qu'ils faisaient filer par un chemin détourné l'artillerie et les fourgons escortés par la cavalerie, ils lancèrent en avant l'infanterie bavaroise pour couvrir ce mouvement.
Les mobiles prirent aussitôt l'offensive, et un combat s'engagea sur la grande route de la forêt où l'ennemi se présentait en masse dans l'intention de forcer le passage.
Après une vive fusillade, qui dura près d'une heure, les Allemands se dispersèrent et furent poursuivis avec beaucoup d'entrain jusqu'à la lisière des bois, du côté de Pacy.
Les trois compagnies du 3e bataillon de l'Ardèche avaient pris à cette affaire la part la plus sérieuse sous les ordres du commandant de Montgolfier, qui, au fort de la mêlée, eut un cheval coche verte tué sous lui.
Leurs pertes furent de deux hommes tués et six blessés, dont deux grièvement; l'ennemi eut une douzaine des siens tués ou blessés; en outre, il laissa entre nos mains quatre prisonniers, dont un officier de hussards, le second lieutenant de Bodenhausen, plusieurs voitures de vivres brisées et abandonnées, et une douzaine de fourgons chargés et attelés chacun de quatre chevaux.
L'inventaire de cette prise, dressé sur-le-champ, constata dans les bagages prussiens ou bavarois, car il y avait des uns et des autres, l'existence de pendules, montres, bijoux, châles, cachemires, manchons, et d'une foule d'autres objets qui n'ont rien de commun avec l'approvisionnement militaire, et qui faisaient ressembler ce convoi d'une troupe en campagne à celui d'un entrepreneur de déménagements.
Une lettre, adressée au capitaine de Kleist, fut trouvée dans une valise, puis traduite et publiée; elle fit supposer que cet officier avait péri dans l'engagement, et la sensibilité française se hâta un peu trop de s'apitoyer sur le sort de cette prétendue victime de la guerre, aujourd'hui capitaine au grand état-major prussien.
Le seul officier ennemi, mortellement atteint dans cette journée, fut le premier lieutenant baron de Krausss, de l'infanterie bavaroise, qui succomba peu, de temps après à ses blessures et fut inhumé à Chaufour.
Après la retraite de l'ennemi, le colonel Thomas reçut du général Briand l'ordre d'occuper fortement Vernon, où il appela les divers détachements de son coche verte régiment restés en arrière, et qui s'y trouvèrent tous réunis le 25 novembre.
Ce mouvement sur Vernon et la rive gauche de la Seine avait dégagé Evreux.
Dans le but de protéger cette ville, tout en maintenant ses troupes dans de bonnes positions défensives, le lieutenant-colonel d'Arjuzon envoya dans la forêt d'Evreux, au village d'Arnières, le 2e bataillon de marche des 41e et 94e de ligne (commandant Rousset).
Les autres troupes de la vallée de l'Eure restèrent concentrées aux environs de Conches et y formèrent, en y comprenant la garde nationale, un petit corps de près de six mille hommes.
Par suite d'un désaccord survenu entre le colonel d'Arjuzon et les autorités civiles d'Evreux, il fut remplacé, le 26 novembre, par le capitaine de frégate Vallon , qui céda lui-même le commandement, quelques jours plus tard, au capitaine de frégate Gaude.
Du côté de Vernon, le colonel Thomas organisa la défense des forêts qui couvrent cette ville et, avec le concours des gardes nationaux, il s'éclaira au loin dans les directions de Mantes et de Pacy-sur-Eure.

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boite verte Rencontres de Blaru (23 novembre) et de la Villeneuve-en-Chevrie (25 novembre)

Dans la journée du 23, les Prussiens vinrent rôder autour de la forêt de Bizy; mais ils furent mis en fuite par nos avant-postes, qui blessèrent à Blaru un landwehrien du 1e régiment de la garde.
La journée du 24 se passa sans aucun événement.
Le 25, des hussards du l0e régiment de Magdebourg s'avancèrent dans la direction de la Villeneuve-en-Chevrie, et furent repoussés après avoir eu un sous-officier et un cavalier hors de combat.

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boite verte Combat de Maulu (26 novembre)

Le 26 novembre, le 3e bataillon de la mobile de l'Ardèche (commandant de Montgolfier) était de coche verte garde dans la forêt de Bizy avec de forts avant-postes aux hameaux de Maulu et de Normandie, sur la lisière du bois qui fait face à Pacy, lorsque, vers neuf heures du matin, il fut assailli par un nouveau détachement de la brigade de Redern, composé de grenadiers du 2e régiment de la landwehr de la garde et de hussards du 17e régiment de Brunswick.
L'ennemi porta son principal effort sur Maulu, qu'il canonna vigoureusement.
Après s'être défendus avec énergie pendant plusieurs heures, les mobiles durent abandonner leurs positions et se replier sur la lisière de la forêt; là ils continrent de nouveau les efforts de l'assaillant, qui avait établi son artillerie sur le plateau de Maulu et fouillait les bois dans tous les sens.
Cependant le colonel Thomas, ayant réuni ses réserves à Vernon, les porta au secours du 3e bataillon, et, au fur et à mesure de leur arrivée, les répartit sur les points les plus faibles et les plus menacés.
Les 6e et 7e compagnies du 1e bataillon, accourues les premières, se déployèrent face à Maulu, puis, sortant des bois, s'élancèrent résolûment sur la batterie qui les couvrait d'obus; à la vue de cette attaque et des renforts qui nous arrivaient, l'ennemi cessa le feu et se replia précipitamment.
Dès lors, le plateau de Maulu fut réoccupé par les nôtres, et les Allemands vivement poursuivis dans la direction de Chaufour.
Dans cette affaire, le régiment de l'Ardèche eut huit hommes tués, parmi lesquels deux officiers, le capitaine Rouveure et le lieutenant Leydier, une vingtaine de blessés et quatorze disparus, dont la plupart furent faits prisonniers en cherchant à arracher aux grenadiers de la landwehr le corps de leur coche verte capitaine.
Mus par un sentiment qui relève l'humanité et auquel nous devons d'autant mieux rendre hommage, que les traits chevaleresques furent plus rares chez nos adversaires, les Allemands rendirent les honneurs funèbres au capitaine Rouveure et renvoyèrent à nos avant-postes son cercueil, orné d'une couronne de laurier et escorté par une garde d'honneur.
Plus tard, la municipalité de Vernon voulantt conserver le souvenir de ses braves défenseurs, décida qu'une de ses grandes voies de communication, la route d'Ivry, prendrait à l'avenir le nom d'avenue de l'Ardèche.
Quant aux grenadiers du 2e régiment de la landwehr de la garde, ils eurent un officier et trois soldats tués, plus une douzaine de blessés, parmi lesquels deux officiers; en outre, les hussards de Brunswick eurent un cavalier hors de combat.
A partir de ce jour, le général de Redern ne chercha plus à forcer nos lignes sur la rive gauche de la Seine, et se borna à les faire observer par ses reconnaissances.

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boite verte Embuscades de Grossoeuvre et de Nogent-le-Sec (23 novembre)

Du côté d'Evreux et de Conches, les patrouilles ennemies se montrent plus entreprenantes presque chaque jour elles viennent reconnaître nos avant-postes, et il en résulte de légers engagements, qui tournent toujours au détriment des cavaliers.
Du côté de Saint-André, ce sont les uhlans hanovriens de la brigade de Barby qui rayonnent sur Prey et sur Grossoeuvre, où le 23 novembre un des leurs est blessé.
Le même jour, ce sont les éclaireurs de la brigade de Bredow, venus de Dreux, qui s'avancent jusqu'aux abords de la forêt de Conches à Nogent-le-Sec, où les francs-tireurs de la guérilla rouennaise les mettent en fuite, leur tuent un cavalier, en blessent coche verte un autre et s'emparent de leurs chevaux; une compagnie de mobiles de l'Eure, survenue sur ces entrefaites, se met à la poursuite des uhlans et leur fait un prisonnier.
Dans les derniers jours de novembre, le général Briand rappela sur la rive droite de la Seine le 2e bataillon de marche de la ligne; il le remplaça, pour la défense d'Évreux, par le 1e bataillon de la garde mobile des Landes (commandant Beaume), auquel il adjoignit les 1e et 3e bataillons de gardes nationaux mobilisés de l'arrondissement du Havre (commandants Pornin et Basille).

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boite verte Entrée en campagne de la garde nationale mobilisée

C'est, en effet, vers la fin du mois de novembre que l'on vit surgir en province cette nouvelle milice.
Dès le 12 septembre, le ministre de l'intérieur avait songé à utiliser les ressources que pouvaient présenter les corps détachés de la garde nationale; toutefois on ne forma, dès le début, que des compagnies de marche, exclusivement composées de volontaires.
Le 29 septembre, on organisa des compagnies de gardes nationaux mobilisés, comprenant, outre les volontaires qui n'appartenaient ni à l'armée régulière ni à la mobile, tous les Français âgés de vingt et un à quarante ans, célibataires ou veufs sans enfants.
Lorsque M. Gambetta eut pris les fonctions de ministre de la guerre, il s'occupa de régulariser cette formation par une circulaire en date du 11 octobre; enfin le 2 novembre, il décréta une sorte de levée en masse par l'appel aux armes de tous les hommes valides de vingt et un à quarante ans.
L'armement des mobilisés consistait principalement en fusils à piston mais, dans quelques grandes villes, on leur avait donné des armes perfectionnées des coche verte systèmes Enfield, Springfield ou Snider certains bataillons avaient même des carabines Minié ou des fusils Chassepot.
C'était encore là un des fâcheux résultats de l'immixtion des autorités civiles dans les affaires militaires.
Les villes faisaient concurrence au gouvernement pour l'achat des armes, et les donnaient à des compagnies, dites de marche, qui en réalité ne furent jamais mises en route, tandis que les mobiles, qui tenaient la campagne depuis deux mois, n'avaient que de mauvais fusils de pacotille qu'on vendrait difficilement aux peuplades des côtes d'Afrique.
On avait aussi donné de l'artillerie aux légions de mobilisés.
Au moyen des ressources des départements et des villes et de cotisations particulières, grâce aussi à la munificence de quelques généreux citoyens, on avait pu, en Normandie, se procurer quelques batteries Armstrong ou Whitworth malheureusement elles ne furent pas utilisées, et les canons, comme les fusils perfectionnés, eurent rarement l'occasion de brûler une amorce.
Le commandant général Estancelin, chargé de l'organisation des gardes nationales de la Normandie, avait poussé activement celle des mobilisés.
Dans le département de la Seine-Inférieure, l'effectif total de cette milice à la fin de novembre s'élevait, pour les trois légions, à environ 15000 hommes; mais la plupart des bataillons ruraux, au lieu d'être réunis, restèrent dans leurs circonscriptions de recrutement et ne furent appelés qu'à la dernière heure, alors que leur concours, loin d'être utile, n'était plus qu'une nouvelle source d'embarras.
Plusieurs de ces bataillons, sans officiers ou avec des officiers élus, avaient des armes sans munitions ou des fusils à coche verte piston avec des cartouches métalliques quelques-uns même étaient sans armes et n'avaient du soldat que l'uniforme.
On pouvait leur appliquer l'expression de Tacite : Nomen magis exercitûs, quàm robur.

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boite verte Situation militaire sur la rive droite de la Seine à la fin de novembre

Dans le département de la Seine-Inférieure, te général Briand occupait, sur l'Andelle, les positions que nous avons précédemment fait connaître.
Ses troupes avaient été plutôt diminuées qu'augmentées, car le 1e bataillon de la mobile des Landes était passé sur la rive gauche de la Seine, à Pont-de-l'Arche, d'où il avait été plus tard dirigé sur Evreux.
Par contre, l'artillerie, placée sous les ordres du chef d'escadron Sauvé, s'était accrue, dans les derniers jours de novembre, de la batterie de la garde nationale mobilisée du Havre (capitaine Rebuffet), comptant six canons de 4 rayé de montagne et de la batterie des volontaires de la garde nationale de Rouen (capitaine Boursier), de six canons Whitworth, ce qui portait au chiffre de trente pièces de tout calibre cette artillerie composite et exotique.
Le corps de l'Andelle était, comme auparavant, réparti en deux groupes, ayant le centre de leurs commandements à Fleury-sur-Andelle et à Forges.
Le corps de Fleury était, depuis le 12 novembre, sous les ordres du colonel de Reinach, du 12e chasseurs; à Forges, le lieutenant-colonel de Beaumont, du 3e hussards, avait remplacé, le 24 novembre, le colonel d'Espeuilles promu général de brigade et appelé à l'armée de la Loire.
Telle était la situation militaire dans la Seine- Inférieure et l'ensemble des forces dont le général Briand disposait au moment où la 1e armée allemande occupait la ligne de Compiègne à Noyon.
Le 20 novembre, coche verte le général de Manteuffel reçut de Versailles l'ordre de marcher sur Amiens, et le même jour il se mit en communication avec le comte de Lippe, qui, comme on sait, attendait avec impatience l'arrivée de ce puissant renfort.
Cette communication une fois établie entre la Ie armée allemande et la cavalerie saxonne, le détachement du prince Albert fut rappelé à l'armée d'investissement et remplacé par celui du comte de Lippe dans les positions qu'il occupait sur la rivière de l'Epte.
Pour relier le détachement saxon et l'armée du général de Manteuffel, la brigade des dragons de la garde (général-major comte de Brandebourg II) avec un bataillon du 2e régiment à pied et une batterie à cheval de la garde prussienne furent dirigés le 24 novembre sur Clermont et Beauvais.
Quant au comte de Lippe, il se mit en marche sur Gisors le 25 novembre, et il s'établit avec sa division, renforcée du régiment saxon des grenadiers du corps, sur la ligne, qui s'étend de Gisors à Magny par Dangu et Saint-Clair-sur-Epte.

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boite verte Rencontres de Gournay et de Songeons, de Richeville et de Saint-Jean-de-Frenelle (28 et 29 novembre)

A peine installés dans leurs nouveaux cantonnements, les Prussiens et les Saxons se mirent en devoir de s'éclairer dans la direction de l'Andelle; de Beauvais, les patrouilles du comte de Brandebourg poussaient jusqu'aux environs de Songeons et de Gournay; là, nos hussards pourchassèrent, les 28 et 29 novembre, des dragons du 2e régiment de la garde prussienne et leur tuèrent, blessèrent ou prirent quelques hommes dans chacune de ces rencontres.
Du côté de Gisors, le colonel de Miltitz du 17e régiment de uhlans saxons, détaché à Dangu, s'avançait sur Villiers-en-Vexin, dans la matinée du 28 novembre, à la tête de deux escadrons; là, il se coche verte trouva face à face avec une de nos reconnaissances, composée d'un demi-bataillon de mobiles de l'Oise, d'une compagnie de francs-tireurs, d'un escadron de chasseurs et d'une section d'artillerie.
Il se retira aussitôt sur Authevernes après avoir essuyé quelques coups de feu, et il donna l'alarme à Magny et à Gisors, d'où les renforts ne tardèrent pas à lui arriver.
Dans l'après-midi, les nôtres, voyant une forte colonne de toutes armes déboucher par la route de Vesly en même temps qu'un autre détachement apparaissait sur celle de Magny, durent se replier sur Richeville en échangeant quelques coups de canon.
Sur ces entrefaites le reste du 1e bataillon de la mobile de l'Oise et le 2e de la Seine-Inférieure s'étaient portés d'Écouis et de Cressenville sur Boisemont pour appuyer notre reconnaissance, en sorte que les deux partis se trouvèrent déployés et complétement en présence, à portée de la voix, entre Boisemont et Richeville.
Il eût suffi d'un coup de feu pour déterminer un engagement; mais la nuit était proche et, après être restés quelque temps en observation, les Saxons reprirent le chemin de Magny et de Gisors, tandis que nos troupes regagnaient leurs cantonnements.
Il devenait évident que l'ennemi commençait à nous tâter d'une façon sérieuse et que les Saxons, se sentant soutenus, n'allaient pas tarder à entreprendre quelque mouvement offensif contre la ligne de l'Andelle.
Le lendemain, en effet, le comte de Lippe envoya dans la même direction de nouvelles reconnaissances.
Vers onze heures, ses cavaliers arrivèrent à Boisemont qu'ils trouvèrent inoccupé de là, ils poussèrent une pointe jusqu'au hameau de Saint-Jean-de-Frenelle, coche verte où ils essuyèrent quelques coups de feu; bientôt leur artillerie entra en ligne, couvrit le hameau d'obus et força les francs-tireurs qui l'occupaient à se replier sur les bois de Mussegros.
Mais, à la vue d'un bataillon de mobiles arrivé comme renfort, et qui les menaçait en flanc sur la route de Gisors, les Saxons jugèrent prudent de battre en retraite.
Ils emmenèrent un sous-officier et deux ou trois uhlans du 18e régiment blessés dans cette rencontre, et ils s'installèrent aux Thilliers-en-Vexin avec un demi-bataillon, deux escadrons et une section d'artillerie, tandis qu'un détachement de même force entrait à Etrépagny et s'y établissait.
Ces deux détachements devaient opérer de concert, le lendemain, une attaque au delà d'Ecouis, contre la ligne de l'Andelle; mais leur dessein échoua, ainsi qu'on va le voir, par suite des dispositions que nous prenions au même moment.
Nos troupes ayant réoccupé Vernon et Évreux sur la rive gauche de la Seine, le général Briand crut que le moment était venu de frapper à son tour un coup énergique sur la rive droite et d'essayer de déloger les Saxons de Gisors.
Cette résolution venait un mois trop tard.
C'était après le succès de Formerie, et dans la première quinzaine de novembre, qu'il eût fallu attaquer le comte de Lippe et le prince Albert; mais, comme nous l'avons mentionné plus haut, ce fut à cette époque même que le général Briand fut enlevé à son commandement.
Les événements qui s'étaient déroulés depuis avaient changé la situation des deux partis: la Fère avait capitulé le 26 novembre, et le 27, le général de Manteuffel avait battu à Villers-Bretonneux les jeunes troupes coche verte du général Farre.
La chute de la Fère et la prise d'Amiens assuraient à l'ennemi la possession de deux forts points d'appui dans le Nord, et l'isolement désormais absolu de l'armée de Rouen changeait complétement les conditions de l'attaque opérée quinze jours auparavant, elle aurait pu amener des résultats décisifs, mais, au moment où elle fut entreprise, elle ne pouvait produire qu'une simple diversion.
Néanmoins, tout le monde sentait qu'il fallait enfin sortir de l'inaction c'est pourquoi le général Briand résolut de tenter contre la ligne de l'Epte un coup de main dont il fixa la date pour la nuit du 29 au 30 novembre.
Cette expédition fut dirigée et conduite par le général Briand en personne, avec l'aide du petit corps de Fleury, qui était commandé depuis quelques jours par un de nos plus brillants officiers supérieurs de la marine, le capitaine de frégate Olry, ancien aide de camp de l'amiral Bouët-VilIaumez au début de la campagne.
Dans l'après-midi du 29 novembre, on réunit à Ecouis la plupart des troupes appelées à prendre part à l'entreprise.
Gisors devait être attaqué de trois côtés à la fois.
A gauche, le colonel Mocquard, qui avait formé à Longchamps une colonne exclusivement composée de corps francs et forte d'environ 1500 hommes, avec quatre petites pièces de montagne, devait passer par Saint-Denis-le-Ferment, Éragny et Villers-sur-Trie, pour intercepter à Trie-Château la route de Beauvais.
A droite, le lieutenant-colonel de Canecaude, des mobiles de l'Oise , suivi de son régiment et du bataillon des tirailleurs havrais, en tout 3500 hommes environ, sans artillerie, avait reçu l'ordre de se porter coche verte sur les Thilliers-en-Vexin. De là, les tirailleurs havrais (commandant Jacquot) seraient allés enlever le poste de Saint-Clair-sur-Epte et prévenir ainsi toute diversion par la route de Magny, tandis que le colonel de Canecaude, continuant sa marche sur Dangu, y aurait passé l'Epte, et finalement aurait contourné Gisors et coupé la retraite à l'ennemi par la route de Pontoise.
La colonne principale, sous les ordres du général Briand, devait marcher directement sur Gisors.
L'avant-garde était formée par la compagnie des francs-tireurs des Andelys (capitaine Desestre) le gros de la colonne se composait du 2e bataillon de marche des 41e et 94e de ligne (commandant Rousset), rappelé la veille d'Évreux, du 1er bataillon de la Loire-Inférieure (commandant Ginoux), du 2e bataillon des Hautes-Pyrénées (commandant Debloux) et du 2e bataillon des Landes (commandant Esplendes).
Puis venait l'artillerie, placée sous les ordres du commandant Sauvé et composée de cinq sections, dont trois de 4 rayé et deux de canons obusiers de 12 enfin la réserve formée par le 2e bataillon de la mobile de la Seine-Inférieure (commandant Rolin), et deux escadrons du 12e chasseurs (lieutenant-colonel Laigneau).
Telles étaient les dispositions prises par le général Briand pour son mouvement sur Gisors, et les Saxons ont bien voulu reconnaître, depuis, que cette entreprise offrait de grandes chances de succès : Dieses Manöver hatte alle Aussicht auf einen ziemlichen Erfolg.

En effet, les forces totales de nos trois colonnes coche verte s'élevaient à environ 10000 hommes et dix canons, auxquels le comte de Lippe n'avait à opposer qu'un régiment d'infanterie, seize escadrons et trois batteries.
Avant de partir d'Ecouis, le général Briand réunit les chefs de corps des colonnes de droite et du centre pour leur donner ses instructions, et, à l'issue de cette réunion, les montres furent réglées en vue d'une attaque qui devait avoir lieu à cinq heures du matin sous les murs de Gisors et dont le canon donnerait le signal.
Le plan était bien combiné et, exécuté de jour, il aurait infailliblement réussi; mais, pour une marche de nuit, il ne tenait peut-être pas assez compte des divers incidents imprévus qui ne pouvaient pas manquer de se produire avec des troupes novices, ne connaissant pas le terrain sur lequel elles allaient opérer.
Il était probable, d'ailleurs, que l'éloignement du but à atteindre détruirait forcément l'harmonie qui devait régner entre les différentes colonnes.
Sur ces entrefaites, et au moment de se séparer, un franc-tireur revenant de la découverte confirmait la nouvelle qu'Etrépagny venait d'être occupé par l'ennemi.
Rien ne fut changé néanmoins aux dispositions prises, dans la crainte que le chef de la colonne de gauche ne pût en être prévenu en temps utile, et le général résolut d'enlever les obstacles qui s'opposeraient à sa marche.

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boite verte Combat d'Etrépagny

Etrépagny, comme on l'a vu plus haut, était réellement occupé par un demi-bataillon d'infanterie, deux escadrons et une section d'artillerie. Ces troupes, qui avaient pris part dans la journée à la reconnaissance coche verte sur Boisemont, étaient placées sous les ordres du colonel de Rex, du régiment des grenadiers saxons de la garde du corps; elles devaient opérer le lendemain une forte reconnaissance offensive au delà d'Écouis, de concert avec le détachement des Thilliers, ayant la même force et la même composition que celui d'Etrépagny et commandé par le lieutenant-colonel de Trosky, du 18e uhlans.
Le 29 novembre, vers neuf heures du soir, les troupes appelées à faire partie de l'expédition se mirent en mouvement par un froid très-vif et au milieu d'une obscurité profonde.

Nous allons suivre d'abord la colonne principale, sauf à indiquer plus tard les événements survenus dans les autres.

En avant-garde marchait la compagnie des Andelys, sous les ordres du capitaine Desestre, un des officiers de francs-tireurs les plus modestes et les plus méritants; puis le général Briand avec son escorte, suivi du reste de la colonne dans l'ordre indiqué plus haut.
Un volontaire de Fleury-sur-Andelle, M. Lecouturier, nous accompagnait en qualité de guide, et avait contracté pour la durée de l'expédition un engagement dans les chasseurs à cheval dont il portait l'uniforme.
Vers minuit on arrivait au Thil. Là, le général désirant savoir si Etrépagny était réellement occupé, M. Lecouturier partit seul à la découverte. Au bout d'une demi-heure il était de retour; il avait pénétré dans l'intérieur de la ville et appris par un de ses amis la force de la garnison saxonne.
Etrépagny est traversé dans sa longueur par la route de Rouen à Gisors, et coupé perpendiculairement en deux parties à peu près égales par la rivière de la Bonde, qui se jette à Bézu dans la Lévrière, l'un coche verte des petits aflluents de l'Epte.
Les Saxons occupaient la grande rue, depuis la rivière de la Bonde jusqu'à l'extrémité ouest de la ville.
Ils avaient une compagnie d'infanterie à la mairie, un piquet de cavalerie sous les halles et une section d'artillerie sur la place du Marché.
Les officiers étaient logés dans un hôtel situé presque en face de la mairie; le reste de l'infanterie était réparti au château la cavalerie dans les fermes.
Le général Briand résolut de traverser rapidement Etrépagny, avec son avant-garde et le bataillon de marche, pour aller s'établir le long du cimetière et couper ainsi à l'ennemi sa ligne de retraite, pendant que les autres bataillons, conduits par des guides, cerneraient la ville et en fouilleraient les maisons; mais, avant que ses ordres pussent être transmis, on était déjà en présence.
Il était environ une heure et demie du matin; déjà les uhlans étaient venus reconnaître notre tête de colonne et s'étaient repliés en silence et sans coup férir.
Le généra], pour ne pas leur laisser le temps d'annoncer notre approche et d'organiser la résistance, excita son avant-garde à prendre une allure rapide et se porta avec elle à une centaine de mètres de l'entrée d'Etrépagny.
Là, le cri d'une vedette et le bruit d'un coup de feu retentirent et furent bientôt suivis d'une violente fusillade.
Il est des moments où, surtout avec de jeunes troupes, les chefs doivent payer de leur personne: Le général Briand donna bravement l'exemple, et, se précipitant dans la ville, il entraîna à sa suite les francs-tireurs des Andelys et la tête du bataillon de marche.
Lorsqu'ils arrivèrent à la hauteur de la mairie, le poste ennemi les accueillit par une vive coche verte fusillade.
Plusieurs officiers saxons sortaient alors à cheval de leur hôtel le général Briand et sa suite, l'épée à la main, M. Lecouturier, le revolver au poing, renversent les premiers qui se présentent; après quoi ils traversent la ville dans toute sa longueur et vont s'établir à l'autre extrémité, sur le côté droit de la route.
Il s'engage alors dans les rues un combat général et un feu de mousqueterie non interrompu.
Au milieu de cette nuit profonde, la lueur des coups de feu éclaire seule fantassins et cavaliers, amis et ennemis confondus dans la mêlée.
La tête du bataillon de marche, entrée à Étrépagny à la suite des francs-tireurs des Andelys, s'était trouvée coupée du reste de la colonne par le feu du poste de la mairie.
Le commandant Rousset continua néanmoins sa marche avec ses deux premières compagnies.
Il avait déjà franchi le pont et s'apprêtait à rejoindre le général Briand, quand il entendit tout à coup derrière lui le galop delà cavalerie.
C'étaient des uhlans qui, ralliés par des officiers de dragons de la garde saxonne, les seconds lieutenants de Posern et de Stralenheim, tentaient bravement de se faire une trouée penchés sur le cou de leurs montures, ils se précipitaient vers Gisors en déchargeant leurs pistolets et en dardant leurs lances; mais, lorsqu'ils traversèrent les rangs de la ligne, ils essuyèrent à bout portant une fusillade qui coucha par terre chevaux et cavaliers; ceux qu'avait épargnés cette décharge terrible allaient tomber plus loin sous les balles des francs-tireurs, et bien peu d'entre eux parvinrent à s'échapper.
A la sortie de la ville, le général Briand, à la tête de son état-major et de son escorte, chargeait à son tour les fuyards, et, dans cette mêlée, il eut coche verte un cheval tué sous lui; son guide, déjà blessé au début de l'affaire, fut également démonté, vraisemblablement par les nôtres, car le désordre s'était mis dans nos rangs.
Le commandant Rousset fut forcé de revenir sur ses pas pour rallier le reste de son bataillon, qui, appuyé par les mobiles de la Loire-Inférieure (commandant Ginoux), luttait encore en arrière du pont.
Dans cette contre-marche, nos soldats aperçurent une masse sombre qui se mouvait dans l'obscurité c'étaient les artilleurs saxons qui essayaient de sauver leurs pièces.
Déjà l'une d'elles avait pu s'échapper dans la direction de la gare, mais la seconde resta entre nos mains, et les conducteurs n'eurent que le temps de couper les traits sous une fusillade qui en blessa grièvement plusieurs.
Peu de temps après, le poste de la mairie fut enlevé après une assez vive résistance.
Cependant, ne se voyant pas suivi, et craignant que, par cette nuit épaisse, ses soldats ne tirassent' les uns sur les autres, le général Briand ramassa les quelques combattants qu'il avait sous la main et regagna à pied, par la route de Saint-Martin, la queue de sa colonne; il était plus de trois heures du matin lorsqu'il la rejoignit, et, à ce moment, le feu avait cessé de toutes parts.
Il lança aussitôt sur la route de Gisors les escadrons du colonel Laigneau,et fit fouiller Etrépagny par les troupes qu'il avait sous la main, dirigeant lui-même l'opération.
Si la ville avait été complétement cernée dès le début, pas un Saxon ne s'en serait échappé; mais un ou deux bataillons de mobiles s'étaient complétement fondus pendant l'action, et c'est une chose dont il ne faut pas s'étonner de la part de jeunes soldats qui n'avaient jamais vu le coche verte feu, et qui débutaient par une attaque de nuit, opération hérissée de dangers, féconde en méprises, dans laquelle ne réussissent pas toujours les troupes les plus expérimentées.
Il était près de six heures du matin ayant perdu le bénéfice de la surprise et ayant appris, en outre, l'insuccès de sa colonne de droite sur Dangu, le général Briand renonça à son expédition sur Gisors et se contenta du résultat qu'il avait obtenu.
Dans cette affaire, nous avions eu huit hommes tués et une quarantaine de blessés.
Le bataillon de marche de la ligne, qui avait été le plus sérieusement engagé, comptait à lui seul six tués et vingt-sept blessés; il eut, en outre, à déplorer la perte du capitaine Chrysostôme, un ancien officier, sorti volontairement de la retraite dont il jouissait depuis de longues années, pour aller mourir en soldat les armes à la main.
Quant à l'ennemi, il avait subi des pertes très sérieuses et, lorsque le jour parut, il vint éclairer un lugubre tableau dont nous avons vainement cherché la reproduction dans toutes les publications illustrées de Leipzig une cinquantaine de chevaux abattus ou mourants formaient à chaque pas de véritables barricades; au milieu des armes, des casques et des objets d'équipement qui jonchaient les rues, une vingtaine de cadavres parmi lesquels ceux du comte d'Einsidiel, capitaine aux grenadiers saxons, et du volontaire comte d'Eckstaedt, gisaient çà et là dans des flots de sang, au milieu des blessés, dont une quarantaine furent portés dans nos ambulances.
Plus de cent prisonniers restèrent entre nos mains; parmi coche verte eux, plusieurs officiers, le capitaine baron de Keller, le premier lieutenant et adjudant de Loeben, tous deux des grenadiers du corps, et le second lieutenant de dragons Haebler. En outre, nos troupes rentrèrent dans leurs cantonnements avec une foule d'armes, de munitions et de chevaux, et l'une des trop rares pièces de canon prises à l'ennemi pendant cette triste campagne.
Notre succès était donc incontestable à Etrépagny; mais, ainsi qu'il était facile de le prévoir, les différentes colonnes qui devaient opérer sur Gisors en étaient à une distance trop grande pour qu'on pût espérer qu'elles arrivassent avec précision aux positions fixées, surtout si elles avaient à rencontrer l'ennemi sur leur passage.

Etrepagny
Etrépagny

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boite verte Rencontres des Thilliers et d'Eragny

Celle de droite, conduite par le colonel de Canecaude, arriva,vers deux heures du matin à l'entrée des Thilliers-en-Vexin, où elle essuya le feu du poste qu'elle espérait surprendre mis en éveil par la fusillade qui éclatait dans la direction d'Etrépagny, le lieutenant-colonel de Trosky était sur ses gardes.
Après quelques décharges qui coûtèrent la vie à un des nôtres, le désordre se mit dans les rangs des mobiles et des francs-tireurs, qui rétrogradèrent précipitamment sur Ecouis.
Cette panique était d'autant plus regrettable, que les Saxons, de leur côté, s'enfuirent avec la même précipitation sur la route de Magny, abandonnant le village des Thilliers, qui demeura inoccupé pendant le reste de la nuit.
Ce fut seulement dans la matinée que les Saxons revinrent plus nombreux.
La commune, déjà frappée l'avant-veille coche verte d'une contribution de guerre pour le fait de la reconnaissance qui avait eu lieu sur son territoire, eut également à souffrir de la rencontre nocturne dont elle avait été le théâtre.
Le maire et plusieurs habitants furent emmenés comme otages par le général Senfft, qui les détint plusieurs jours à Magny. En outre, cette échauffourée fournit aux Saxons l'occasion de se vanter d'une apparence de succès.
Il leur était difficile de ne pas avouer leur déconfiture à Etrépagny, mais ils alléguèrent qu'ils nous avaient repoussés aux Thilliers de telle sorte qu'à leur compte il y aurait eu compensation.
La colonne de gauche, sous les ordres du colonel Mocquard, n'avait pas rencontré de résistance sérieuse sur son passage; toutefois sa marche ne s'effectua pas sans incidents.
A Saint-Denis-le-Ferment, village situé au fond de la vallée de la Levrière, les francs-tireurs s'arrêtèrent pour réquisitionner des chevaux.
Attirée par le bruit, une patrouille d'infanterie du poste de Saint-Paër s'approcha à la faveur de l'obscurité, fit feu, et blessa au bras un officier des éclaireurs de la Seine, le capitaine Dazier.
Après cette aventure, qui occasionna un feu de panique et désagrégea la colonne, les éclaireurs de la Seine, suivis de quelques corps francs, continuèrent néanmoins leur marche sur Gisors.
Vers quatre heures du matin, ils franchirent l'Epte au pont du Prince, après avoir enlevé la sentinelle qui le gardait.
Après une courte fusillade, le poste saxon rétrograda à l'autre extrémité d'Éragny, pour attendre le jour et des renforts.
Poursuivant sa route, le colonel Mocquard arriva à l'heure fixée sur les hauteurs de Villers-sur-Trie, ou il attendit vainement le signal convenu. coche verte
Lorsqu'il vit que l'aube commençait à poindre, il dut se résoudre à battre en retraite, ne remportant de son expédition que la satisfaction de n'avoir pas manqué au rendez-vous.
Son mouvement s'opéra sans grande difficulté, les Saxons étant trop occupés du côté d'Etrépagny pour songer à l'inquiéter; il y eut, cependant, quelques coups de feu échangés sans résultat entre les francs-tireurs et un peloton de dragons envoyé en reconnaissance à Éragny.
Après une courte halte à Thierceville, le colonel Mocquard se dirigea par Hébécourt sur Mainneville, où il prit ses cantonnements; il avait perdu dans cette retraite un traînard qui fut tué à Saint-Denis-le-Ferment par la même patrouille saxonne qui, la nuit précédente, y avait blessé un officier des éclaireurs.
Le comte de Lippe n'avait pas tardé à apprendre ce qui s'était passé à Etrépagny par les premiers fuyards arrivés à Gisors vers deux heures et demie du matin.
Il fit aussitôt sonner l'alarme et rassembla à la hâte toute la garnison sur la route de Paris; il fit rentrer le poste de Bézu-Saint-Éloi et ne laissa de ce côté de la vilte qu'un faible détachement chargé de recueillir les débris du colonel de Rex.
Si notre marche eût été poursuivie, nul doute que les Saxons n'eussent abandonné Gisors; car leur grand'garde d'Éragny, qui s'était repliée après avoir échangé quelques coups de feu avec les éclaireurs du colonel Mocquard, avait annoncé l'approche de forces considérables qu'ils prirent pour notre corps de Gournay.
Ils attendirent ainsi le jour dans la plus vive inquiétude, et ils ne reprirent confiance que lorsqu'ils le virent paraître sans avoir eu à essuyer une nouvelle attaque les patrouilles qu'ils lancèrent sur coche verte Eragny leur apprirent que notre colonne de gauche avait rebroussé chemin, et les échappés d'Etrépagny leur apportèrent la nouvelle que cette ville avait été évacuée par nous; le comte de Lippe se hasarda alors à envoyer dans cette direction une reconnaissance qui confirma la nouvelle de la retraite de nos troupes.
Les Saxons organisèrent alors une expédition pour recueillir leurs morts et leurs blessés et aussi pour se venger bassement de leur échec.
Afin de se disculper de sa négligence, le colonel de Rex avait inventé une fable grossière qui a été reproduite dans presque toutes les relations allemandes du combat d'Etrépagny malgré les précautions les plus minutieuses, trotz der trefflichsten Sicherheitmassregeln, il avait été, disait-il, attaqué simultanément et de tous côtés par les habitants, et par une troupe armée qui avait été cachée dans l'église: zum Theil in Kirchen versteckt.
La vérité est que le colonel de Rex se gardait si mal, que le guide du général Briand avait pu pénétrer au coeur d'Etrépagny sans que l'éveil eût été donné qu'il n'y avait pas un seul soldat caché dans l'église ni ailleurs, et que notre attaque ne surprit pas moins les habitants que les Saxons euxmêmes.

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boite verte Incendie d'Etrépagny (30 novembre)

Vers deux heures de l'après-midi, le détachement entra sans résistance à Etrépagny; il était composé de trois escadrons, d'une compagnie d'infanterie montée et de deux canons, sous les ordres du major de Funcke, l'officier supérieur qui nous avait fait des prisonniers à Ravenel dans des circonstances qu'on coche verte n'a pas oubliées, et qui allait avoir une nouvelle occasion de se distinguer au milieu d'une population sans défense.
Sur l'ordre de leurs chefs, les Saxons enfoncent les portes, se saisissent des habitants atterrés et les entraînent hors de la ville à coups de plat de sabre et le pistolet sur la gorge; d'autres, munis de tampons de foin qu'ils imbibent de pétrole, mettent le feu aux maisons et n'épargnent même pas l'ambulance où ont été soignés leurs blessés.
Quelques habitants réussissent à sauver leurs demeures, mais ils n'y parviennent qu'en graissant la patte à ces incendiaires.
Une soixantaine d'habitations, plusieurs fermes avec leurs récoltes deviennent la proie des flammes des chevaux de culture amenés dans les rues sont éventrés à coups de baïonnette, avec une sauvagerie dont les Bavarois eux-mêmes se fussent étonnés.
Vers quatre heures, quand ils voient l'embrasement complet, les Saxons reprennent le chemin de Gisors, après avoir pris l'infernale précaution de briser les pompes à incendie, comme pour enlever à leurs victimes jusqu'à la moindre lueur d'espérance.
Le premier soin des Saxons faits prisonniers le matin par nos soldats avait été d'invoquer leur nationalité et de faire appel à la sympathie de leurs anciens alliés sur les champs de bataille.
Hélas ! quelques heures plus tard, leurs camarades se montraient plus Prussiens que les Prussiens eux-mêmes, et de même que ceux-ci ont trop souvent souillé leur victoire, ceux-là eurent à coeur de déshonorer leur défaite.

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