retour haut de page

Documents

boite verte

La guerre dans l'ouest : campagne de 1870-1871

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Evénements sur la rive droite de la Seine depuis le combat d'Etrépagny jusqu'à ceux de Buchy

boite verte

Source : L. Rolin. Image

Image

boite verte

boite verte Ordres de marche sur la capitale (29 et 30 novembre)

A son retour d'Etrépagny, le général Briand reçut à Fleury-sur-Andelle un télégramme du ministre de la guerre, lui prescrivant de former une colonne d'une vingtaine de mille hommes et de la diriger sur Paris.
C'était la conséquence d'un plan général de la délégation de province, et, au moment même où cet ordre parvenait au général Briand, c'est-à-dire dans la soirée du 30 novembre, les généraux de l'armée de la Loire, réunis en conseil de guerre à Saint-Jean-de-la-Ruelle, près Orléans, recevaient, au nom du ministre, l'injonction formelle de marcher sur Pithiviers; le commandant de l'armée du Nord devait également concourir à ce mouvement général sur Paris, car il s'agissait de tendre la main à notre armée de siège qui tentait alors une grande sortie.
On apprit, en effet, le 1e décembre que cette sortie, accomplie la veille, avait été couronnée d'un plein succès; et, le même jour, le général Chanzy inaugurait le mouvement de l'armée de la Loire par une coche verte brillante action.
Tout s'annonçait donc favorablement dans cette journée; la fortune semblait enfin nous sourire; chacun avait repris confiance, et chez nous, qui sommes prompts à passer d'un extrême à l'autre, le découragement avait subitement fait place à l'espérance.
La délégation de province elle-même s'était abandonnée à un enthousiasme qui l'empêcha de voir clairement les choses et de juger avec calme la situation militaire.
Le 2 décembre, le général Briand reçut un second télégramme qui lui enjoignait de nouveau de ramasser toutes ses troupes et de marcher sur Paris".
Cette dépêche, communiquée aux comités de défense, fut promptement connue des journaux, qui s'empressèrent de la publier, ni plus ni moins que s'il se fût agi de donner le change à l'ennemi et de l'attirer dans un piège.
On était persuadé à Tours que l'évacuation d'Amiens par le général de Manteuffel était une conséquence de la sortie de Paris, et l'on supposait que la Ie armée allemande se portait en toute hâte au secours de l'armée d'investissement.
Le général Briand s'empressa, il est vrai, de signaler la marche de l'ennemi sur Rouen; mais le délégué du ministre de la guerre, qui remplissait des fonctions analogues à celles de major général, lui répondit "que les Prussiens avaient autre chose à faire que de venir se promener en Normandie", et il réitéra son injonction.
Le préfet de la Seine-Inférieure confirma les renseignements fournis sur la situation par le général Briand; mais, bien que dans cette malheureuse guerre les fonctionnaires civils trouvassent plus facilement créance que les chefs militaires, on ne tint pas compte de son avis et l'ordre fut maintenu.
Le coche verte ministre se figurait sans doute que si les Prussiens faisaient une pointe sur la Normandie, ils n'avaient d'autre but que de masquer leur mouvement sur Paris.
Enfin le commandant général Estancelin crut devoir exposer à son tour la situation dans la matinée du 3 décembre.
A cette date, la tentative de sortie de Paris avait échoué; on connaissait à Tours les conséquences de la journée de Loigny; peut-être y prévoyait-on déjà que les ordres de marche sur la capitale, si formellement donnés et si opiniâtrement maintenus, allaient aboutir, sur la Seine comme sur la Loire, aux mêmes conséquences, c'est-à-dire à la perte de Rouen et à celle d'Orléans, qui, en effet, eurent lieu le même jour et qui furent suivies de la retraite précipitée du corps de l'Andelle, et de la retraite bien autrement désastreuse de l'armée de la Loire.
Ce fut sans doute par suite de ces considérations que le général Briand reçut, dans la journée du 3 décembre, le contre-ordre à sa marche sur Paris.
Il passa la nuit suivante à transmettre de nouvelles instructions aux chefs de corps qui devaient faire partie de la colonne expéditionnaire, et qui, en ce moment, se trouvaient déjà en présence de l'ennemi; car, dès le 3 décembre, les têtes de colonnes de la Ie armée allemande avaient atteint la ligne de l'Epte.

boite verte

boite verte Evénements dans le Nord

Pour se rendre compte des opérations du général de Manteuffel et chercher la raison déterminante de sa marche sur Rouen, il est nécessaire de se reporter à quelques jours en arrière. L'état-major prussien se figurait que toutes nos troupes de la région du Nord, coche verte placées sous le commandement du général Bourbaki, ne formaient qu'une seule et même armée, ayant sa droite à Rouen, son centre à Amiens, sa gauche à Lille, et couvrant la ligne ferrée qui relie ces trois grandes villes, notamment la section de Rouen à Amiens.
Telles étaient, en effet, les dispositions qui auraient dû être prises dans cette circonstance mais, comme nous l'avons déjà dit, le commandement du général Bourbaki sur les forces de la rive droite de la Seine était purement nominal.
Les troupes de l'Andelle et celles du Nord s'étaient, il est vrai, donné une fois la main à Formerie, mais ce fut là une rencontre tout à fait fortuite et qui ne devait malheureusement pas se renouveler.
Quoi qu'il en soit, le général de Manteuffel envoya, dès le 22 novembre contre notre armée du Nord, une reconnaissance qui poussa jusqu'au bois de Gentelles, aux portes d'Amiens, et rapporta la nouvelle que le général Bourbaki était présent dans cette ville. Il y était, en effet, passé la veille, se dirigeant sur Rouen.
Les Prussiens avaient bien appris, par les journaux, que le général en chef de la région du Nord était relevé de son commandement, mais ils devaient croire qu'il le conserverait au moins jusqu'à l'arrivée de son successeur, et ils supposèrent que, dans son voyage de Lille à Amiens et d'Amiens à Rouen, il n'avait d'autre but que de ramener ses ailes sur le centre.

boite verte

boite verte Chute de la Fère et prise d'Amiens

C'est pour s'opposer à une telle concentration, que le général de Manteuffel attaqua notre armée du Nord, sans même attendre que la sienne eût achevé sa formation en bataille sur la ligne de l'Oise.
La journée de Villers-Bretonneux décida du sort d'Amiens; mais, après cette bataille, l'ennemi ignorait encore coche verte si le gros de nos forces était avec le général Farre ou avec le général Briand.
Dans le doute, il eût été plus rationnel pour les Prussiens de poursuivre le général Farre et de compléter le résultat obtenu à Villers-Bretonneux.
Avec la Fère et Amiens, ils possédaient déjà deux points d'appui dans le Nord, et il semble qu'ils devaient chercher à se rendre complétement maîtres de la ligne de la Somme en dirigeant contre la place de Péronne, qui en est la clef, l'entreprise qu'ils firent plus tard et qui était naturellement indiquée.
Mais, sur les rapports du comte de Lippe et de l'armée de la Meuse, le grand quartier de Versailles désigna Rouen comme le point le plus menaçant pour l'armée de siège.
La surprise d'Etrépagny, survenue dans la nuit du 29 au 30 novembre, était de nature à faire cesser toute hésitation chez le général de Manteuffel; la tentative du général Briand contre Gisors eut donc pour résultat de dégager l'armée du Nord et de lui permettre de se reconstituer avec une merveilleuse promptitude sous la main habile et énergique du général Faidherbe.

boite verte

boite verte Marche du général de Manteuffel sur Rouen (1e décembre)

Laissant derrière lui un mince rideau de troupes pour couvrir la ligne de la Somme, occuper Amiens et la Fère et garder la ligne ferrée qui relie ces deux villes, le général de Manteuffel se mit en route sur Rouen avec le gros de ses forces dès le 1er décembre.
Son ordre de marche semble trahir comme un indice de précipitation: ses corps d'armée sont formés par inversion; le VIIIe a l'aile droite et suit la route qui longe le chemin de fer par Poix, Formerie et Forges.
Le 2 décembre, le quartier du général de Manteuffel est à Grandvilliers et son aile gauche à Breteuil, en sorte que, dans cette position, il pourrait également coche verte se porter sur Rouen ou sur Beauvais et Paris; mais à cette date, il connaît sans doute l'insuccès de notre tentative de sortie, et il poursuit sa marche sur Rouen.


Le 3, ses têtes de colonnes sont sur l'Epte, à Forges et à Gournay; le même jour, il déploie son armée, la forme en bataille, lui crée une réserve et l'établit dans les positions suivantes:
A l'aile droite, le VIIIe corps (général de Goeben), de Forges à Neufchâtel, quartier général à Gaillefontaine; à l'aile gauche, le Ie corps (général de Bentheim), à Gournay et aux environs, quartier général à la Chapelle-Songeons; la réserve, à Pommereux et à Bazancourt; le grand quartier du général de Manteuffel à Songeons.

boite verte

boite verte Répartition des troupes de l'Andelle au 3 décembre

Voyons quelle était, de notre côté, la situation militaire et comment nos troupes étaient réparties à la même date.

Par suite de l'ordre de marche sur Paris, donné dans la soirée du 30 novembre et contremandé le 3 décembre, le général Briand avait perdu trois jours entiers, qui auraient pu être utilisés pour organiser la défense de la Seine-Inférieure.
Le mouvement sur Paris avait reçu un commencement d'exécution; les bagages, les convois de munitions, le matériel du chemin de fer avaient été réunis à cet effet; plusieurs bataillons de mobilisés avaient été dirigés sur la rive gauche de la Seine et une partie des troupes du corps de Fleury avaient été concentrées pour suivre la même direction.
Les troupes, dont le général Briand disposait le 3 décembre au soir, restaient, comme auparavant, séparées en deux groupes et placées sous des commandements dont les centres avaient été fixés à Fleury-sur-Andelle, pour l'aile droite, et successivement coche verte à Forges, Argueil, Gournay, puis Buchy, pour l'aile gauche.
A Fleury-sur-Andelle le capitaine de frégate Olry avait sous ses ordres les corps dont nous allons faire connaître la désignation et les positions :
à Fleury, le 12e régiment de chasseurs, le 2e bataillon de marche de la ligne et le 1e bataillon de la mobile de la Loire-Inférieure;
à Écouis et à Fresne-l'Archevêque, le régiment de la mobile de l'Oise;
à Gaillardbois-Cressenville, le 2e bataillon de la Seine-Inférieure;
à Ménesqueville, le 2e bataillon des Landes;
à Charleval, le 2e bataillon des Hautes-Pyrénées.
En outre, dans les derniers temps, la plupart des corps francs avaient été rattachés au commandement de Fleury; c'étaient: au Mesnil-Bellanguet, le demi-bataillon des tirailleurs havrais;
à Mussegros, la compagnie des francs-tireurs des Andelys; au château de Belleface, la compagnie d'Elbeuf; à Lyons-la-Forêt, le demi-bataillon du Nord, la compagnie des éclaireurs Rouennais et les guides de la Seine-Inférieure, pour ne pas parler de deux ou trois autres petites troupes irrégulières et de peu d'importance.
L'artillerie comprenait deux sections de la 2e batterie du 10e régiment, une de la 31e batterie de la marine, une des mobilisés de Rouen, une batterie des mobilisés du Havre et une autre de la garde nationale sédentaire de Rouen.
Le corps de Fleury-sur-Andelle comptait donc à peu près 1,500 hommes de l'armée régulière, 7000 mobiles et 12 à 1500 francs-tireurs; total, environ 10000 hommes avec vingt et un canons, dont six Withworth, six de 4, trois Armstrong et six rayés de montagne.

coche verte Depuis le départ du général d'Espeuilles, le corps du pays de Bray, dont nous ferons connaître plus loin la composition était passé sous le commandement du lieutenant-colonel de Beaumont, du 3e hussards, qui occupait Gournay dans les derniers jours de novembre.
Le 1e décembre, il reçut l'ordre de se porter à Gaillefontaine avec une partie de ses troupes pour couvrir la route d'Amiens et la ligne du chemin de fer, Gournay restant occupé par deux bataillons.
Les journées des 1e et 2 décembre s'écoulèrent sans événement digne de remarque.
Dans la nuit du 2 au 3, l'approche des têtes de colonnes du général de Manteuffel fut signalée; le colonel de Beaumont, ne se sentant pas en force pour leur disputer le cours supérieur de l'Epte, se replia aussitôt sur Buchy, où la concentration de son petit corps s'opéra dans la matinée du 3 décembre.
A ce moment, le général Briand n'avait pas encore reçu le contre-ordre à sa marche sur Paris; il était donc forcé de rester à Rouen pour y recevoir les instructions du ministre.
Il était, d'ailleurs, persuadé que le colonel de Beaumont ne pouvait avoir devant lui qu'une faible avant-garde, et il lui avait donné l'ordre de tenir à tout prix.
Lorsqu'il fut informé de son mouvement de retraite, il chargea le capitaine de vaisseau Mouchez du commandement supérieur et de la défense du pays de Bray.
Placé vers le milieu de septembre à la tête de la division navale de la basse Seine, le commandant Mouchez avait, en exécution d'un décret du 18 octobre, réuni à son commandement celui des forces de terre du Havre; et, sous son impulsion, les travaux de défense et l'armement de cette place s'étaient rapidement coche verte achevés.
Un mois plus tard, le 20 novembre, sur les instances de la municipalité de Rouen, qui voulait également créer autour de cette ville des ouvrages de fortification, le commandant Mouchez fut remplacé au Havre par le capitaine de frégate Rallier et appelé à la tête de la subdivision militaire de la Seine-Inférieure.
Malgré le peu de temps qu'il avait devant lui, il s'était mis à l'oeuvre avec activité, et il était tout entier à ses travaux de défense, quand, dans la nuit du 2 au 3 décembre, il se vit chargé de la mission précédemment confiée au colonel de Beaumont.
Bien que peu initié à l'art de conduire des troupes en campagne, comme tant d'autres braves marins qui combattaient hors de leur élément, le commandant Mouchez ne crut pas pouvoir refuser le concours qu'on demandait à son patriotisme, et il accepta le commandement d'un corps dont la situation se trouvait déjà plus que compromise.
Arrivé seul à Forges le 3 décembre à une heure du matin, il n'y trouva plus que quelques détachements en pleine retraite, et il ne put qu'approuver les dispositions déjà prises par le lieutenant-colonel de Beaumont, c'est-à-dire la concentration sur Buchy, où l'on devait essayer d'arrêter l'ennemi, s'il n'y avait pas une disproportion de forces trop considérable.
La position de Buchy, beaucoup moins favorable que celle de Gaillefontaine pour contenir les efforts d'une armée venant d'Amiens, avait cependant une certaine importance stratégique, comme point de bifurcation des routes de Forges et de Neufchâtel et du chemin de fer d'Amiens vers Rouen et Dieppe.
Dans la matinée du 3 décembre, par un froid de 7 à 8 degrés, le bourg de Buchy et ses environs furent subitement coche verte envahis et encombrés par une foule de soldats débandés, à moitié gelés, sans vivres et dans un état de dénûment complet.
Les premiers ennemis à combattre étaient donc le froid, et surtout la faim. "Ventre affamé n'a pas d'oreilles", a écrit le fabuliste; Disciplinam servare non potest jejunus exercitus, dit un vieil adage militaire; il était, en effet, bien difficile de maintenir l'ordre et la discipline parmi des troupes aussi éprouvées par le manque de nourriture.
Depuis le 1e décembre, l'armée de l'Andelle se trouvait placée sous le régime de la solde avec vivres de campagne, mais le service n'était pas encore organisé, et l'intendance était dans l'impossibilité de procurer les rations qu'elle était censée fournir.
La journée du 3 décembre et une partie de la nuit suivante furent donc employées au ravitaillement.
Le commandant Mouchez dut se faire lui-même le pourvoyeur de son petit corps d'armée; il partit pour Rouen, et, grâce au patriotique concours de la municipalité de cette ville il en revint à minuit avec ce qui était nécessaire, sinon pour alimenter ses troupes, du moins pour les empêcher de mourir de faim.
Le reste de la nuit se passa à opérer la répartition de ces vivres.
Pendant ce voyage à Rouen, le commandant Mouchez avait pressé le général Briand de venir se rendre compte par lui-même de la situation et de prendre la direction des troupes de Buchy, mais le général crut qu'il suffirait d'y envoyer quelques renforts.
En restant à Rouen, il voulait sans doute être à même de se porter, suivant le besoin, à Buchy ou à Fleury-sur-Andelle, au point où il jugerait sa présence le plus nécessaire.


Il semblait encore ignorer la direction précise de la marche du général de Manteuffel et coche verte surtout la rapidité avec laquelle cette marche s'était opérée.
D'ailleurs il n'était pas le seul qui fût dans cette ignorance; la ville de Rouen elle-même n'avait guère changé d'aspect et paraissait jouir d'une quiétude relative; les dépêches du gouvernement, les nouvelles des journaux et les avis d'Amiens parvenus le 3 décembre, persistaient à présenter Paris comme l'objectif de la Ie armée allemande.
En réalité, dans cette journée, l'ennemi occupait Neufchâtel, Forges et Gournay, et nous étions complétement en présence.

Le petit corps du commandant Mouchez comprenait le 3e hussards et le 5e bataillon de marche, cantonnés à Buchy; le 1e bataillon de la mobile des Hautes-Pyrénées, au Tremblay; le 4e bataillon de l'Oise, à Estouteville; le 1e bataillon du Pas-de-Calais, à Saint-Martin-du-Plessis, et le 8e à Écalles-sur-Buchy.
A ces troupes étaient venus se joindre comme renfort dans la journée du 3 le 2e bataillon de la mobile de la Marne, qui s'était trouvé séparé de l'armée d'Amiens à la suite de la bataille de Villers-Bretonneux, et qui avait été dirigé sur Bosc-Roger; le régiment des éclaireurs de la Seine et la compagnie des Vengeurs de la mort, arrivés dans la soirée de Lyons-la-Forêt à Buchy.
En outre, le commandant général Estancelin avait dirigé sur ce point cinq bataillons de la légion des mobilisés de Rouen, qui furent ainsi répartis: le 3e bataillon, à Critot; le 4e à Beaumont; les 6e, 7e et 8e, à Rocquemont.
Enfin deux bataillons de la légion du Havre occupèrent, le 2e, Buchy, et le 6e, la Frenaye.
Ces derniers bataillons, dont quelques-uns étaient incomplétement organisés, avaient un effectif moyen d'à peu près coche verte 700 hommes.
Quant à l'artillerie, elle comprenait deux sections de la 31e batterie de la marine, deux de la 2e batterie du 10e régiment, et une de la batterie des mobilisés de Rouen en tout, deux pièces rayées de 4, trois pièces Armstrong et six canons obusiers de 12 lisses.
Le corps de Buchy comptait donc environ 1300 soldats de l'armée régulière, infanterie et cavalerie, 5000 mobiles, à peu près le même nombre de mobilisés, et environ 800 francs-tireurs total, 12000 hommes, avec onze canons.
Toutefois ce qu'il faut considérer dans ces troupes, c'est moins encore la quantité que la qualité.
Ces bataillons, appelés à la hâte des points les plus éloignés, ne se connaissant pas entre eux et ne connaissant pas leurs chefs placés à la dernière heure sous un commandement improvisé, manquaient forcément de cette cohésion et de cette confiance réciproque qui peuvent seules garantir la solidité.

boite verte

boite verte Effectif des forces allemandes

Voyons maintenant quelles étaient les forces qui nous étaient opposées: en marchant sur Rouen, le général de Manteuffel avait laissé à Amiens le corps d'observation du général de Groeben, qui se composait de six bataillons, huit escadrons et trois batteries; il avait, en outre, un bataillon d'infanterie détaché à la Fère mais, d'un autre côté, le grand quartier de Versailles avait mis sous ses ordres directs, pour la durée de ses opérations contre Rouen, la brigade des dragons de la garde du comte de Brandebourg, en garnison à Beauvais, et le détachement du comte de Lippe.
Le corps saxon de Gisors, qui était toujours opposé à nos troupes de l'Andelle, formait ainsi l'aile gauche de la Ie armée prussienne, après avoir été si longtemps l'aile droite des troupes allemandes coche verte chargées de couvrir l'armée d'investissement.
Toutes ces forces, réunies le 3 décembre sur la ligne de l'Epte, de Forges à Gisors, formaient un total de quarante-sept bataillons, quarante-huit escadrons et trente batteries.
Il s'agit maintenant d'exprimer ces chiffres en têtes de combattants, et c'est là que gît difficulté.
Lorsque la Ie armée part de Metz, le général Senfft, qui prend le soin de nous annoncer son approche, évalue sa force à 80000 hommes, et, arrivée à Rouen, elle en aurait eu à peine la moitié, s'il faut s'en rapporter aux Prussiens; nous croyons que ces évaluations sont également éloignées de la vérité.
Sur l'effectif du pied de guerre réglementaire, le bataillon au complet comptant mille baïonnettes, et l'escadron cent cinquante sabres, la 1e armée allemande aurait été forte de 55000 hommes environ; mais nous supposerons que, par suite des marches et des combats, elle avait perdu un cinquième de son infanterie et un dixième de sa cavalerie; en réalité quelques rares bataillons avaient seuls pu subir un pareil déchet et les escadrons avaient fort peu souffert.
Le chiffre total des forces du général de Manteuffel dépassait donc 45000 hommes.
Quant aux artilleurs, les Allemands n'ont pas l'habitude de les faire figurer dans l'effectif des combattants, bien que ce soient eux qui jouentle rôle principal dans les batailles; mais il n'en est pas moins vrai que le 3 décembre le général de Manteuffel avait à sa disposition trente batteries, ou, pour parler rigoureusement, cent soixante-dix-neuf canons; car nous admettrons que le comte de Lippe n'avait pas eu le temps de remplacer celui qu'il avait laissé entre nos mains à Etrépagny.
Les forces du général de Manteuffel étaient donc, coche verte comme quantité, plus que doubles de celles du général Briand; et, quant à la qualité, on ne saurait comparer aux régiments prussiens, aguerris et exaltés par le succès, nos quelques bataillons incohérents, ni opposer aux 179 canons Krupp notre artillerie, composée en grande partie de canons lisses ou de pièces de montagne.

Il suffit de mettre ces éléments en regard les uns des autres pour voir quelles étaient les chances d'une tentative de résistance.
Pour que la lutte eût été possible, il aurait fallu d'abord conserver les positions du pays de Bray, opérer une concentration de nos forces sur leur gauche, occuper fortement la ligne de séparation des eaux, et toute la partie qui s'étend entre le cours supérieur de l'Epte et celui de l'Andelle et de la Béthune.
Il y a là un terrain coupé, boisé, accidenté, hérissé de fermes dont chacune forme à elle seule un ouvrage de campagne.
Le choix d'une pareille position, très favorable à la défense, aurait pu compenser en partie notre infériorité numérique, en enlevant à l'ennemi le moyen d'employer sa nombreuse cavalerie et son artillerie formidable.
Si les Prussiens, contenus ainsi en tête, eussent été en même temps menacés en queue par notre armée du Nord, dont le général Faidherbe venait de prendre le commandement, le général de Manteuffel aurait été vraisemblablement forcé de renoncer à sa marche sur Rouen et de se retirer sur Beauvais.
Une simple démonstration sur ses derrières, tandis qu'il eût été maintenu de front, aurait profondément modifié la situation; par malheur il n'existait aucune relation entre le général Faidherbe et le général Briand; en sorte que l'armée de l'Andelle, qui aurait pu, quelques jours auparavant, coche verte être concentrée sur Amiens, prendre part à la bataille de Villers-Bretonneux et changer les conditions de la lutte, se vit à son tour isolée en face d'un ennemi plus de deux fois supérieur en nombre.

En présence d'une telle supériorité numérique, il était impossible au commandant Mouchez de résister seul dans un pays aussi découvert que celui qui environne Buchy; il résolut donc de se retirer encore plus en arrière, vers Quincampoix, pour s'appuyer au besoin sur la forêt Verte et se trouver plus à proximité des retranchements qu'il avait fait élever autour de Rouen.
Afin de couvrir ce mouvement de retraite et de s'éclairer en même temps sur la force des corps ennemis, dont l'approche avait été annoncée la nuit précédente, il lança, dans la matinée du 4 décembre, deux fortes reconnaissances dans les directions de Forges et de Neufchâtel.
De son côté, le général de Manteuffel avait donné ses ordres dès la veille.
Son intention n'était pas de livrer bataille le 4, mais de gagner du terrain et d'atteindre la ligne de l'Andelle afin d'être prêt à tout événement.
Le Ie corps devait s'avancer jusqu'à la Haye et Lyons-la-Forét, le VIIIe jusqu'à Buchy, la réserve jusqu'à Argueil.
La brigade des dragons de la garde était mise à la disposition du général de Goeben pour couvrir son aile droite; à l'aile gauche, le comte de Lippe devait pareillement se porter d'Étrépagny vers Fleury-sur-Andelle.
Le VIIIe corps avait reçu l'ordre de commencer son mouvement à neuf heures du matin, et il était particulièrement chargé de détruire les chemins de fer et les télégraphes qui mettaient Rouen en communication avec Dieppe et le Havre.
Le général de Goeben, disposant de trois brigades, coche verte en avait formé,autant de colonnes qui devaient converger sur Buchy à sa gauche, la 29e brigade, sous les ordres du général lieutenant de Kummer, s'avançait par la route de Forges; au centre, la 32e, commandée par le général lieutenant de Barnekow, se dirigeait sur Sommery; à sa droite, le colonel Mettler, qui remplaçait le général major de Gneiseneau, marchait de Neufchâtel sur Saint-Martin-Omonville, à la tête de la 31e brigade.
C'est avec les têtes de colonnes du VIIIe corps prussien, et principalement avec celles des ailes, que nos troupes eurent dans la journée du 4 décembre plusieurs engagements isolés, auxquels on a donné le nom de combats de Buchy.

boite verte

boite verte Combats de Forgettes, de Rocquemont et de Bosc-le-Hard

La reconnaissance envoyée dans la matinée de ce même jour sur la route de Forges était sous les ordres du colonel Mocquard; elle se composait du 2e bataillon de la mobile de la Marne (commandant de Peyronnet), du 2e bataillon de mobilisés de la légion du Havre (commandant Deloeuvre), du régiment des Éclaireurs de la Seine, de la compagnie des Vengeurs de la mort (capitaine Deschamps) et d'une section de canons obusiers de 12 lisses (maréchal des logis Aumont); en tout un peu moins de 3000 hommes et deux canons.
A sept heures du matin, ces troupes avaient pris position sur le plateau de Forgettes, à environ six kilomètres de Buchy, la droite appuyée vers le hameau de Hucleu et la gauche vers celui de Liffremont; les Éclaireurs de la Seine, déployés en tirailleurs sur la pente du Mont-Albout; les deux pièces sur la droite de la route, avec une compagnie de soutien.
Vers huit heures et demie, quelques cavaliers débouchèrent de Mauquenchy sur la coche verte route de Forges, mais ils firent aussitôt volte-face, salués de loin par quelques décharges de mousqueterie et par un coup de canon, dont le projectile alla tomber à peu près à mi-chemin, ce qui n'était pas fait pour inspirer une grande confiance à nos soldats dans l'appui de leur artillerie.
La patrouille ennemie avait disparu et l'on pouvait croire l'affaire terminée, quand, peu de temps après, une batterie vint se mettre en position sur les hauteurs opposées, à environ deux kilomètres de nos pièces qu'elle prit comme objectif.
A une pareille distance, des obusiers lisses étaient incapables de répondre d'une manière efficace; les artilleurs tirèrent néanmoins quelques coups de temps à autre pour ne pas décourager notre infanterie.
La canonnade et la fusillade se prolongèrent ainsi sans grand effet meurtrier pendant environ une heure.
L'avant-garde prussienne qui occupait Mauquenchy, et qui se composait du 2e bataillon du 65e régiment, n'avait d'autre but que de donner à la colonne qu'elle précédait le temps d'entrer en ligne.
Vers dix heures, le général de Kummer, débouchant à la tête de sa brigade, s'étendit aussitôt par sa droite vers Roncherolles, afin de se tenir en communication avec la colonne du centre qui s'avançait sur Sommery.
Lorsqu'il eut reconnu la faiblesse numérique de ses adversaires, il donna l'ordre de l'attaque.
Avec des efforts dignes d'un meilleur résultat, quelques-unes de nos compagnies essayèrent de disputer le terrain, mais l'artillerie ennemie, qui jusque-là les avait épargnées, fut aussitôt dirigée contre elles; l'un de ses premiers obus enleva un éclaireur de la Seine et en blessa quelques autres.
En présence des forces considérables qu'il avait coche verte devant lui, et qui le débordaient sur sa gauche, le colonel Mocquard dut se résoudre à donner le signal de la retraite.
Par malheur elle s'opéra précipitamment, et nos artilleurs ne purent éviter d'abandonner une de leurs pièces, démontée pendant l'action.
Dans cette affaire, les mobiles, les mobilisés et les francs-tireurs eurent quatre hommes tués ou atteints mortellement, douze à quinze autres hors de combat, et une vingtaine de prisonniers.
L'ennemi, de son côté, laissa deux des siens sur le terrain et envoya aux ambulances de Forges-les-Eaux une douzaine de blessés appartenant tous, sauf un artilleur, au 65e régiment d'infanterie du Rhin.


La canonnade de Forgettes avait été entendue à Buchy, mais on crut que c'était notre reconnaissance qui fouillait les bois et qu'il n'y avait rien de sérieux de ce côté, aucune estafette n'ayant rendu compte de ce qui s'y passait.
Vers dix heures et demie, on vit apparaitre les premiers fuyards, propageant sur leur route une panique dont ils étaient les auteurs, et le gros des troupes massées autour de Buchy suivit ce mouvement rétrograde que les chefs furent impuissants à enrayer.
Des détachements du 5e bataillon de marche (commandant Barreau), ainsi qu'un escadron du 3e hussards, postés sur la route de Forges, entre Bosc-Roger et le hameau de Razeran, attendirent seuls l'ennemi de pied ferme; mais après une courte canonnade, ils se virent également débordés sur leur gauche et forcés de se replier.
Dans ce second engagement, nos soldats eurent quelques blessés; un sous-lieutenant et une vingtaine d'hommes coche verte furent faits prisonniers, et le nombre en eût été bien plus considérable si l'ennemi avait continué la poursuite mais, par bonheur, le général de Kummer, dont l'itinéraire était tracé vers le sud, ne crut pas devoir dépasser Razeran.
Sur la route de Neufchâtel, la reconnaissance ordonnée par le commandant Mouchez était formée des 4e, 6e, 7e et 8e bataillons de la légion des mobilisés de Rouen, du 1e bataillon de la mobile des Hautes-Pyrénées, d'un escadron du 3e hussards et d'une section d'artillerie.
Le lieutenant-colonel Laperrine, qui la dirigeait, avait pour instructions de se porter sur Saint-Martin-Omonville, de faire reconnaître Saint-Saëns par sa cavalerie, et de se retirer ensuite dans la direction de Saint-Georges-sur-Fontaine, en passant par Cailly et Fontaine-le-Bourg.
Au moment même où cette reconnaissance partait de Rocquemont, l'ennemi débouchait de Saint-Martin, et lorsque, vers onze heures du matin, le colonel Laperrine atteignit la limite qui sépare les deux communes, il se trouva en présence du colonel Mettler, qui occupait, avec la tête de sa brigade, Bréquigny et le haut de la côte du Fontenay.
A la hauteur de la ferme de Beauvais, qui était au pouvoir des Prussiens, les mobilisés des Iere et 2e compagnies du 1e bataillon (commandant Gamarre), déployés en tirailleurs, essuyèrent une vive fusillade; ils ripostèrent résolument, et, bien qu'ils ne fussent armés que de mauvais fusils à piston, ils infligèrent quelques pertes à leurs adversaires.
Plein de confiance dans ce début, le colonel Laperrine s'apprêtait à se lancer sur l'ennemi, lorsqu'il reçut du colonel de Beaumont, qui commandait en second à Buchy, l'ordre de se replier immédiatement coche verte par la route de Rouen.
La retraite s'opéra aussitôt sans trop de confusion, mais les tirailleurs engagés eurent à souffrir de ce mouvement imprévu.
Cette rencontre coûta aux mobilisés de la légion de Rouen deux hommes tués, neuf blessés, dont un officier, le sous-lieutenant Borgnet, et une vingtaine de prisonniers.
En outre, un détachement du 6e bataillon des mobilisés de la légion du Havre, fort de 8 officiers et de 267 hommes, qui, à la suite de la panique de Buchy, avait quitté la Frenaye et s'était mis en marche sans ordres et sans direction, tomba au milieu de la brigade Mettler, qui s'avançait à la poursuite du colonel Laperrine, et fut tout entier fait prisonnier au lieu dit les Hétreaux, sur le territoire de Rocquemont.
Au moment où ces mobilisés étaient ainsi enveloppés et pris à Rocquemont, le général de Barnekow entrait à Buchy, suivi du général de Goeben, tandis que le général de Manteuffel arrivait à Argueil et établissait son quartier général au château du marquis de Castelbajac.
Il était donc grand temps que la retraite de nos troupes s'effectuât; et, dans les conditions où elle s'opérait, elle aurait pu devenir désastreuse, si le chef du VIIIe corps, qui avait à sa disposition plus de 2000 chevaux, eût ordonné la poursuite.
Mais il fut forcé de s'en abstenir par suite d'une diversion qui menaçait son aile droite et qui eut lieu dans des circonstances que nous allons indiquer.
On a vu plus haut que le général Briand, resté à Rouen, avait reçu, dans la soirée du 3 décembre, coche verte contre-ordre à sa marche sur Paris.
Libre désormais de toute préoccupation à ce sujet, il s'était occupé de porter sur Buchy, où était réellement le danger, une partie du corps de l'Andelle, ne laissant sur cette ligne que le rideau nécessaire pour masquer le mouvement et observer le détachement du comte de Lippe.
La colonne destinée à renforcer les troupes de Buchy fut concentrée en partie à Fleury; elle devait se composer du 2e bataillon de marche de la ligne, de plusieurs bataillons de mobiles et de deux batteries d'artillerie.
En outre, le général Briand avait chargé le commandant général Estancelin d'occuper Clères et Saint-Victor avec la garde nationale sédentaire de Rouen, et de couvrir ainsi le chemin de fer de Dieppe et la bifurcation d'Amiens.
Ces gardes nationaux devaient être rendus, le 4 de bon matin, dans les positions qui leur avaient été assignées, mais ils ne partirent de Rouen qu'à onze heures; ils arrivèrent à Clères vers trois heures de l'après-midi, et, par suite d'une erreur inexpliquée, le chef de train conduisit le commandant général Estancelin et tout son détachement jusqu'à Saint-Victor.
Ce détachement, formé des 1e, 2e et 4e bataillons de la garde nationale sédentaire de Rouen (lieutenant-colonel Hurault de Ligny), était fort d'environ 1300 hommes.
Quant au transport des troupes de Fleury sur Buchy, par suite du manque de temps, de l'insuffisance du matériel des chemins de fer et de l'encombrement de voies, il ne put recevoir qu'un commencement d'exécution.
L'artillerie resta embarquée à la gare de Fleury; le 2e bataillon de marche de coche verte la ligne ne dépassa pas Clères, et le 2e bataillon de la garde mobile de la Seine-Inférieure (commandant Rolin), qui formait la tête de cette colonne, se trouva seul engagé.
Embarqué dans la matinée à Fleury-sur-Andelle, ce bataillon, fort d'un peu plus de mille hommes, arriva vers midi à la gare de Rouen.
On avait bien entendu, des hauteurs de cette ville, la canonnade qui avait éclaté le matin dans la direction de Buchy, mais on en ignorait complétement les résultats; le train continua sa marche par Clères et arriva vers une heure à la station de Bosc-le-Hard, qui était devenue tête de ligne.
La communication était interrompue depuis quelques heures avec Critot, et le télégraphe venait également d'être détruit en arrière par les coureurs ennemis qui s'avançaient jusqu'à Saint-Victor.
Une patrouille prussienne était en vue; et, à l'approche du train, elle se retira dans la direction d'Augeville, après avoir fusillé un mobilisé du 3e bataillon de Rouen, qu'elle avait pris dans les environs et contraint à lui servir de guide.
Les mobiles de la Seine-Inférieure se trouvaient ainsi complétement en l'air et dans une situation difficile par suite de la rupture du télégraphe, il était impossible de demander des instructions; laisser le train continuer sa marche, c'était tomber à coup sûr au milieu des forces ennemies et renouveler, dans des conditions plus graves encore, la catastrophe qui avait eu lieu juste deux mois auparavant près de Critot, car le chemin de fer était coupé en cet endroit.
C'est pourquoi, après s'être renseigné près des habitants du pays, le coche verte commandant Rolin résolut de faire débarquer son bataillon, et de prendre position, en attendant le reste de la colonne qui devait le suivre.
Situé au point où la route de Rouen à Belleneombre coupe le chemin de fer de Dieppe à Amiens, le bourg de Bosc-le-Hard a un développement de près de trois kilomètres; il ne pouvait, par conséquent, être longtemps ni efficacement défendu par un millier d'hommes.
Néanmoins, comme il s'agissait avant tout de protéger le débarquement des renforts attendus, le commandant Rolin couvrit la gare par une ligne de tirailleurs avec une compagnie comme soutien, après quoi il fit occuper Bosc-le-Hard par le reste de son bataillon, appuyant sa gauche à la station et s'étendant par sa droite jusqu'au carrefour de la rue Vilaine.
Les vedettes prussiennes avaient assisté à ces préparatifs qui éveillèrent bientôt l'attention de l'ennemi.
Etabli à Buchy, le général de Goeben avait massé le gros de ses forces au nord-ouest de la bifurcation que le chemin de fer forme en cet endroit; le comte de Brandebourg, avec la brigade des dragons de la garde, occupait Rocquemont, et le général de Barnekow, avec la 16e division d'infanterie, Critot, Esteville, Yquebeuf et Cailly.
Pour couvrir son aile droite et détruire nos chemins de fer, le général de Goeben avait formé, sous les ordres du major d'Elern, un détachement de deux bataillons du 29e régiment d'infanterie, d'un escadron et d'une batterie.
Cette colonne, suivant l'embranchement de Buchy à Clères, rencontra vers trois heures les mobiles qui occupaient Bosc-Ie-Hard elle prit immédiatement position à l'est de ce bourg, sa gauche occupant le coche verte hameau de la rue Vilaine, sa droite s'étendant jusqu'au passage à niveau d'Augeville, son artillerie au centre et à une centaine de mètres en avant du chemin qui relie ces deux points.
Pendant que le major d'Efern prenait ces dispositions, un train venant de Rouen s'arrêtait à la gare de Bosc-le-Hard, et nos soldats crurent un instant à l'arrivée d'un renfort, mais ce n'était qu'un convoi de vivres envoyé trop tard au commandant Mouchez; l'intendant Gueswiller et le nombreux personnel qui l'accompagnait n'eurent que le temps de rétrograder au bruit du canon et de la fusillade, car le combat commençait.
Quelques cavaliers, étant venus s'éclairer de trop près, furent vivement poursuivis par nos mobiles, qui se trouvèrent bientôt en présence des tirailleurs ennemis; la fusillade éclata aussitôt et l'action s'engagea de toutes parts.
Autrefois nous enlevions les villages à la baïonnette, aujourd'hui les Prussiens les allument à coups de canon, et leur infanterie n'entre en ligne que quand l'artillerie lui a frayé le chemin: man führt nicht Infanterie zum Angriff, bevor Artillerie gehörig vorgearbeitet hat
Fidèle à cette tactique, le major d'Elern ouvrit une vive canonnade qu'il concentra sur l'emplacement présumé de nos réserves, la gare, et surtout le cimetière, qui fut labouré par les obus.
Par bonheur le tir était trop tendu, et la plupart des projectiles passaient audessus de nos têtes nos tirailleurs, bien abrités, eurent peu à en souffrir, et le reste du bataillon, déployé derrière les fossés des fermes, put soutenir pendant plus d'une heure cette lutte inégale.
A l'approche de coche verte la nuit, le commandant Rolin, ne voyant arriver aucun renfort et voulant conserver quelques cartouches pour repousser des charges de cavalerie qu'il considérait comme imminentes, résolut de mettre fin à une résistance qui, prolongée plus longtemps, aurait compromis la retraite.
En conséquence, il fit rompre par la droite, pour marcher vers la gauche dans la direction de Biennais, ce qui fit supposer à l'ennemi qu'il nous avait forcés de tourner le dos à Rouen: Nach einstündigem Gefecht aus ihrer dort eingenommenen Position geworfen und in nordwestlicher Richtung von Rouen abgedrängt .
La retraite s'opéra en ordre et avec calme; notre droite ne fut que légèrement inquiétée par quelques fusiliers devenus plus entreprenants; notre gauche était couverte par les tirailleurs, qui, trop fortement engagés, ne purent rallier à temps le bataillon.
Cernés dans les chantiers qui avoisinent la gare, ces jeunes soldats, au nombre de près de quatre-vingts, furent forcés de mettre bas les armes et faits prisonniers en bataille, après avoir épuisé leurs munitions.
Nous perdîmes, en outre, six hommes tués ou mortellement atteints et une vingtaine de blessés.
Pour grossir le nombre de leurs prisonniers, les Prussiens s'emparèrent d'une douzaine d'habitants qu'ils soupçonnaient d'avoir pris part à la lutte; l'un d'eux fut tué en cherchant à s'évader; les autres furent emmenés en captivité à Stralsund avec les mobiles, un gendarme de la brigade de Saint-Saëns et un cavalier du 12e chasseurs qui, envoyé comme estafette à coche verte Bosc-le-Hard, fut pris après l'action.
L'ennemi, de son côté, expia chèrement les pertes qu'il nous fit subir; plusieurs fantassins du 29e régiment du Rhin relevés sur le champ de bataille, reçurent la sépulture par les soins des habitants, et une vingtaine de ses blessés furent portés dans nos ambulances de Forges et de Neufchâtel.
Dans ce combat, les mobiles du 2e bataillon de la Seine-Inférieure, isolés et réduits à leurs propres forces, avaient tenu bon contre un détachement de toutes armes, relativement considérable, et montré ce qu'on pouvait attendre d'eux si les opérations avaient été mieux combinées.
Toutefois, le sang versé ne le fut pas inutilement, puisque cette diversion sur l'aile droite de l'ennemi l'empêcha de poursuivre nos troupes refoulées à Buchy.
Elle permit en outre aux gardes nationaux qui s'étaient aventurés jusqu'à Saint-Victor, au moment même de l'action, de se replier sur Rouen sans encombre; ils durent certainement leur salut à cette circonstance, car leur pointe était d'autant plus aventurée, que le général de Goeben avait pour instructions de couper toutes les communications de Rouen avec Dieppe, et même avec leHavre.

Aussi, dès que le major d'Elern eut occupé Bosc-le-Hard, son premier soin fut d'envoyer à Etaimpuis, point d'intersection des lignes de l'Ouest et du Nord, un détachement qui détruisit le télégraphe, et se mit en devoir d'enlever les rails du viaduc.
Dérangés dans cette besogne par le dernier train de voyageurs allant à Dieppe, les Prussiens firent feu et tuèrent le conducteur.
A la suite du combat de Bosc-le-Hard, les mobiles de la Seine-Inférieure s'étaient retirés sur Clères, coche verte qu'ils trouvèrent abandonné par les gardes nationaux, et qu'ils durent évacuer eux-mêmes vers huit heures du soir, au reçu d'une dépêche télégraphique leur enjoignant de se rapprocher de Rouen; ils partirent en conséquence dans cette direction et passèrent la nuit à Malaunay.
Le 2e bataillon de marche de la ligne était rentré à Rouen avec les gardes nationaux sédentaires.
Les troupes qui avaient fait précédemment partie du corps de Buchy s'étaient portées aux environs du Houlme et de Pissy-Poville, tendant à découvrir Rouen et à prendre la route du Havre, à l'exception, toutefois, des gardes nationaux mobilisés qui, vers sept heures du soir, arrivèrent derrière les retranchements d'Isneauville.

boite verte

boite verte Escarmouches de Saint-Jean-de-Frenelle, de Lyons-la-Forêt et de Vascoeuil (4 décembre)

Pendant que ces événements se passaient sur notre gauche, à Buchy et à Bosc-le-Hard, les troupes laissées en avant de l'Andelle avaient également sur notre droite quelques engagements avec l'ennemi.
Le comte de Lippe, comme on l'a vu, avait reçu l'ordre de faire une reconnaissance sur Écouis, et, dans l'après-midi du 4, il poussa jusqu'à Boisemont un détachement fort de trois compagnies, deux escadrons et deux pièces.
De notre côté, un bataillon des mobiles de l'Oise, un escadron du 12e chasseurs et deux sections d'artillerie se portèrent en avant de Mussegros, et échangèrent quelques coups de canon et de fusil hors de portée et sans grand résultat.
La seule perte éprouvée par les Saxons dans cette rencontre fut celle d'un cavalier du 3e dragons, blessé aux environs de Saint-Jean-de-Frenelle, vraisemblablement par des francs-tireurs embusqués dans les bois de Léomesnil.
Nos troupes avaient, d'ailleurs, reçu l'ordre de se tenir sur la défensive, et les Saxons, de coche verte leur côté, se bornèrent à une simple démonstration.
A Lyons-la-Forét et à Beauficel, les francs-tireurs de Rouen (capitaine Desseaux), et des Andelys (capitaine Stévenin), escarmouchèrent pendant cette journée avec la cavalerie ennemie et firent sept prisonniers, parmi lesquels le second lieutenant de Stieglitz, du 17e uhlans saxon, chargé de se mettre en communication avec le général de Manteuffel.
De ce côté, de Lyons, le général de Bentheim, qui avait à traverser la forêt, ne s'avançait qu'avec beaucoup de précaution et de lenteur.
Dans la matinée, ses patrouilles poussèrent jusqu'à la ligne de l'Andelle et essuyèrent à Vascoeuil une décharge des francs-tireurs du Nord.
Dans l'après-midi, elles revinrent à Vascoeuil à plusieurs reprises, mais elles furent repoussées chaque fois par les pompiers de la localité, qui, bien que restés sans appui, continuèrent néanmoins jusqu'au lendemain à défendre résolument leurs foyers, et blessèrent un sous-officier et un cavalier du 1e régiment de dragons lithuaniens.
La déroute de Buchy ne fut connue à Rouen que vers quatre heures du soir, et la nouvelle en fut apportée par les premiers fuyards.
Dès qu'elle parvint aux oreilles du général Briand, il rappela à Rouen le corps de l'Andelle, ainsi que les diverses troupes disséminées de toutes parts, et il se porta lui-meme au-devant de celles de Buchy, qu'il rencontra à Isneauville dans la débandade la plus complète.
Il essaya de les répartir derrière les lignes de défense ébauchées en cet endroit mais tous ses efforts furent inutiles,, car la plupart des hommes, coche verte n'ayant pas mangé de la journée, se précipitèrent dans la ville pour y chercher des vivres et une nuit de repos à l'abri de la gelée.


Tels sont les événements qui eurent lieu autour de Rouen dans la journée du 4 décembre, événements isolés et décousus que nous avons exposés chronologiquement, vu l'impossibilité où nous étions de présenter en ordre des engagements auxquels le désordre seul semble avoir présidé.
C'est sans doute pour des raisons analogues, et par suite de l'absence de relations officielles que le délégué de la guerre, M. de Freycinet, qui était cependant en situation d'être mieux renseigné que personne, a fait de cette journée un récit qui semble calqué sur celui d'un reporter anglais.
D'après lui, le corps de Buchy aurait compris 2000 marins; la vérité est qu'il n'y en avait que deux en tout, le capitaine de vaisseau Mouchez, et le lieutenant de vaisseau Boistel, son aide de camp.
S'il y avait eu là 2000 marins, ils auraient certainement fait ce qu'ont fait à Dreux ceux du général du Temple, et, s'ils n'avaient pu arrêter l'ennemi, ils auraient du moins sauvé l'honneur de la journée.

boite verte

boite verte Positions des deux partis dans la soirée du 4 décembre

Dans la soirée du 4 décembre, la situation militaire était donc la suivante:
Les troupes de l'Andelle avaient été rappelées à Rouen; les gardes nationaux mobilisés et sédentaires s'étaient disséminés dans la ville et les environs; le colonel de Beaumont, avec son régiment et les bataillons de mobiles qu'il avait eus précédemment sous ses ordres, était au Houlme et à Pissy-Poville, sur la route du Havre; enfin, à l'extrême gauche, les mobiles du 2e bataillon de la Seine-Inférieure occupaient Malaunay.

Du côté des Allemands, le général de Manteuffel se trouvait, avec coche verte la réserve, à Argueil, où il s'était établi; le général de Goeben, avec le VIIIe corps, occupait Buchy, s'étendant, par sa droite, jusqu'au chemin de fer de Dieppe, et poussant son avant-garde sur la route de Rouen, jusqu'à Saint-André; le général de Bentheim, qui, à la tête du Ie corps, avait reçu l'ordre de s'avancer jusqu'à la Haye, s'était arrêté à la Feuillie; le comte de Lippe, après l'escarmouche de Saint-Jean-de-Frenelle, s'était retiré au Thil, se disposant à marcher le lendemain sur Lilly, afin de se relier plus étroitement avec le général de Manteuffel.


En résumé, si de notre côté la direction militaire avait fait complétement défaut dans la journée du 4 décembre, il est heureux que chez nos adversaires tout n'ait pas été conduit avec la précision habituelle à l'armée prussienne.
Le général de Goeben n'utilisa pas, pour la poursuite de nos troupes de Buchy, sa brigade de cavalerie, encore renforcée par celle des dragons de la garde, qui avait là une belle occasion de prendre sa revanche de Mars-la-Tour; en outre, les communications ne paraissent pas avoir été bien établies entre le VIIIe corps et le Ie, qui lui-même n'était pas relié avec le détachement saxon.
Il y avait eu, dans cette journée, des escarmouches aux environs d'Écouis, de Lyons-la-Forêt et de Vascoeuil, des combats d'avant garde à Forgettes, Rocquemont et Bosc-le-Hard, et le décousu même de ces engagements put donner le change à l'ennemi.
D'après l'étendue de la ligne occupée par nos troupes, le général de Manteuffel crut avoir affaire à des forces égales, sinon supérieures aux siennes; il ne s'avança donc qu'avec une excessive prudence, bien convaincu qu'il allait avoir à livrer prochainement une bataille sérieuse.

SUITE ...