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La guerre dans l'ouest : campagne de 1870-1871

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Nouvelles entreprises de la cavalerie ennemie sur l'Eure et sur l'Epte

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Source : L. Rolin. Image

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boite verte Situation militaire sur la rive gauche de la Seine au commencement d'octobre

coche verte Le général de Rheinbaben, qui commandait la 5e division de cavalerie, et dont le quartier général était toujours à Saint-Nom, avait la même mission que le comte de Lippe, le prince Albert (fils) et les autres chefs des divisions de cavalerie allemandes, c'était de coopérer au vaste système de réquisitions organisé autour de la capitale pour tenir constamment remplis les magasins de l'armée d'investissement.
Pour faciliter ses entreprises, on lui avait adjoint, à la date du 29 septembre, les 1e et 3e bataillons du 2e régiment bavarois "Prince royal" et il avait aussitôt lancé un fort détachement sur la ligne du chemin de fer du Havre.
Délogeant des Alluets les éclaireurs de la Seine et dispersant à Aigleville les mobiles qui avaient tenté de s'opposer à son passage, le général de Bredow s'était avancé coche verte jusqu'à Pacy et Vernon , avait réquisitionné dans les environs, et réuni sur la rivière de l'Eure de grandes provisions de fourrage et de bétail, après quoi il était retourné vers l'armée de siège, emmenant son butin.

Sur la gauche de la 5e division de cavalerie , la 6e (général-major duc Guillaume de Mecklembourg-Schwerin) faisait des entreprises analogues sur la ligne du chemin de fer de Chartres ; et nous avons relaté l'expédition du colonel d'Alvensleben sur Rambouillet , le combat d' Épernon , la surprise et l'incendie d' Ablis .
Enfin, pour aller jusqu'à l'extrémité de cette seconde ligne d'investissement, le prince Albert (père) , qui opérait sur la gauche du duc de Mecklembourg , à la tête de la 4e division de cavalerie , avait été dirigé sur la Loire dès le 17 septembre, et s'était avancé de Melun sur le chemin de fer de Paris à Artenay .
Le 5 octobre, il rencontra nos troupes à Toury , et, à la suite de l'échec qu'elles lui firent éprouver, il fut forcé de battre en retraite sur Angerville , pour remonter le lendemain vers Étampes .
L'échec du prince Albert à Toury amena la formation du corps du général de Tann , que la 6e division de cavalerie eut mission d'appuyer.
Le général de Rheinbaben , de son côté, reçut l'ordre de se mettre en communication, à Houdan , avec le duc de Mecklembourg , qui occupait Rambouillet ; par suite de ce mouvement de concentration des divisions de cavalerie allemandes sur leur gauche, le département de l'Eure, un instant envahi, se trouva tout à coup dégagé.

De notre côté, après la rencontre d' Aigleville , le coche verte colonel Cassagne avait évacué Évreux, et les patrouilles ennemies avaient pu s'avancer jusqu'aux abords de cette ville, entièrement dégarnie de troupes.
Les quelques bataillons de mobiles qui, dans les premiers jour du mois, occupaient Pacy-sur-Eure et Vernon , s'étaient repliés sur Conches et sur Louviers .
Les éclaireurs de la Seine , depuis la rencontre des Alluets , s'étaient établis aux environs de Pont-de-l'Arche , où ils se réorganisaient, de façon à pouvoir reprendre leurs opérations dans la seconde quinzaine d'octobre.
Dès qu'il avait eu connaissance de cet abandon d'une partie du département de l'Eure, le général Gudin avait fait passer sur la rive gauche de la Seine un escadron du 12e chasseurs (commandant Sautelet ), appuyé par quatre compagnies du 94e de ligne .
Arrivé à Gaillon le 6 octobre, le commandant Sautelet réoccupa Vernon le 8; aux troupes que nous venons de désigner, s'étaient joints le 1e bataillon de la garde mobile de l'Eure et les francs-tireurs de Louviers .
D'autre part, des secours ayant été demandés par le département de l'Eure au commandant de la subdivision militaire du Calvados, le général Law de Lauriston , celui-ci s'était empressé d'y envoyer le régiment des mobiles du Calvados (lieutenant-colonel de Beaurepaire ).
Le colonel Cassagne put donc faire réoccuper Evreux le 7 octobre, et pousser le lendemain les mobiles du Calvados jusqu'à Pacy-sur-Eure .
Il avait déjà reçu comme renfort, à la date du 3 octobre, le 1e bataillon de la garde mobile de l'Ardèche , qui allait être bientôt suivi des autres bataillons du même département, en sorte qu'à la date du 8 octobre, il avait des forces plus que suffisantes pour coche verte couvrir Évreux.
De son côté, le général de Malherbe , commandant la subdivision de l'Orne, avait envoyé à Dreux , le 6 octobre, le 2e bataillon de la garde mobile de son département (commandant des Moutis ).

Ainsi, pour résumer la situation militaire sur la rive gauche de la Seine au 8 octobre, il y avait, du côté de l'ennemi, la 5e division de cavalerie en observation sur la rivière de l'Eure, mais principalement concentrée sur sa gauche, vers Houdan ; elle était forte de trente-six escadrons, avec deux bataillons bavarois, en tout environ six à sept mille hommes et douze canons.
Nous avions à la même date, de Dreux à Pacy et Vernon , un escadron de chasseurs, quatre compagnies de marche de la ligne et neuf bataillons de mobiles; total environ dix mille hommes, sans artillerie.
C'était assurément un effectif respectable; malheureusement les bataillons qui le formaient, au lieu de relever d'un commandement unique, restaient sous les ordres directs des chefs de quatre subdivisions territoriales, qui dépendaient eux-mêmes, pour la plupart, des comités locaux, en sorte que ce petit corps d'observation ne devait pas tarder à se disloquer.

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boite verte Rencontres de Garancières (6 octobre) et de Condé-sur-Vègre (7 octobre)

Le 6 octobre, les éclaireurs de la 11e brigade de cavalerie (général-major de Barby ), partirent de Saint-Cyr , et s'avancèrent le long de la ligne du chemin de fer de Surdon jusqu'à Garancières ; dans cette expédition, un uhlan du 18e régiment fut blessé par des francs-tireurs , près du hameau du Breuil , ce qui valut aux habitants le pillage et un surcroît de réquisitions.
Le lendemain, un hussard du 3e régiment "Zieten" , qui faisait partie d'une patrouille appartenant à la 6e division de cavalerie et venue de coche verte de Rambouillet , reçut un coup de feu aux environs de Condé-sur-Vègre .
Les Prussiens revinrent deux jours après pour incendier le village, et tuèrent d'une balle un habitant qui fuyait dans les bois.
Ce fut le 8 octobre que le général de Rheinbaben , pour appuyer le duc de Mecklembourg , vint s'établir à Houdan , avec le gros de ses forces.

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boite verte Première apparition des Prussiens à Dreux (8 octobre)

Le même jour, une vingtaine de hussards prussiens, appartenant au 10e régiment de Magdebourg et à la 13e brigade de cavalerie (général-major de Redern ), se présentèrent à Chérisy , où ils firent des réquisitions, et poussèrent jusqu'à Dreux .
Arrivé aux portes de cette ville, le chef de la patrouille fit remettre au maire un billet réclamant des logements pour une colonne imaginaire dans laquelle figuraient deux régiments d'infanterie.
Le maire répondit aux hussards que la ville de Dreux ne se rendrait pas à une poignée de fourrageurs, et que s'ils ne se retiraient pas au plus vite, les habitants allaient leur donner la chasse.
L'officier ennemi, tirant sa montre, persista plus que jamais à annoncer l'arrivée prochaine de la colonne qu'il disait précéder : il jugea prudent toutefois de faire demi-tour, et se retira à fond de train sur Chérisy .
Là, les hussards faisaient une halte pour prendre leur repas et laisser souffler leurs chevaux, quand, vers deux heures de l'après-midi, ils furent surpris par des gardes nationaux de Dreux , qui, s'étant mis à leur poursuite, leur tuèrent un cheval et leur firent un prisonnier.
Comme on l'a vu plus haut, le 2e bataillon de la garde mobile de l'Orne était arrivé à Dreux quelques coche verte jours auparavant; de là il s'était porté à Nogentle-Roi, en observation sur Epernon, qui avait été occupé par les Allemands à la suite du combat du 4 octobre.
Ayant appris l'apparition des hussards prussiens à Dreux, le commandant des Moutis se rendit dans cette dernière ville sans perdre de temps, et, dans la nuit du 8 au 9, il prit ses dispositions pour recevoir l'ennemi, s'il se présentait de nouveau.

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boite verte Combat de Chérisy (9 octobre)

Le 9 octobre, un détachement combiné, fort d'environ deux compagnies, deux escadrons et deux pièces, revint en effet à Chérisy pour prendre les réquisitions que les hussards avaient levées la veille.
Vers onze heures, les Allemands sont en vue: fidèles à leur tactique, ils fouillent les bois de leurs obus, et en couvrent le terrain dans toutes les directions, afin de tenir les nôtres à distance.
Des gardes nationaux de Dreux et des volontaires des environs s'étaient portés sur Chérisy dès le matin, afin de maintenir l'ennemi de front et de le menacer sur sa droite, tandis que les mobiles de l'Orne l'attaqueraient sur son flanc gauche.
A une heure, ces derniers, venus de Villemeux, entrent en ligne: à la vue de ces compagnies qui débouchent des bois de Marsauceux, l'ennemi se retire précipitamment, sans prendre le temps d'enlever ses réquisitions, et laissant derrière lui quelques fantassins chargés de garder le pont de Chérisy.
Attaqué vigoureusement, ce petit poste est bientôt enlevé par les nôtres, et le reste de l'infanterie bavaroise, forcé d'abandonner son butin et de passer sous le feu des éclaireurs de Dreux, embusqués dans les bois de Raville, est promptement mis en déroute.
Dans cette affaire, un ou deux des nôtres seulement furent blessés; les coche verte fantassins bavarois du 2e régiment "Prince royal" essuyèrent des pertes sensibles: trois d'entre eux furent tués, et une dizaine blessés ou faits prisonniers.

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boite verte Incendies de Chérisy et de Septeuil (10 octobre)

En apprenant les résultats de la journée, le sous-préfet de Dreux appela les gardes nationaux les plus rapprochés de la ligne du chemin de fer, et demanda des renforts.
A sa sollicitation, le 3e bataillon de la mobile de l'Orne (commandant Boudonnet) reçut l'ordre de se porter sur Dreux, afin de coopérer avec le 2e bataillon à la défense de cette ville.
Le commandant des Moutis, prévoyant bien que, fidèle à ses habitudes de représailles, l'ennemi reviendrait en force pour venger son échec de la veille, fit barricader, dans la matinée du 10 octobre, les ponts de Chérisy et de Mézières; le premier fut gardé par les mobiles, le second par les gardes nationaux du pays.
A droite, des éclaireurs de Dreux (capitaine Troncy) occupèrent les bois qui s'étendent vers Marsauceux; à gauche, d'autres volontaires (capitaine Laval) furent dirigés sur les bois de Raville.
Une compagnie de mobiles avait été établie de grand'garde en avant de Chérisy; vers onze heures et demie, cette compagnie se repliait à la hâte sur la barricade, annonçant la présence d'une colonne ennemie qu'elle évaluait à deux mille hommes, infanterie, cavalerie et artillerie.
Quelques instants après, le canon commençait à fouiller les bois; puis les uhlans hanovriens du 13e régiment parcouraient rapidement une ligne allant de Germainville au village de Mézières; arrivés aux abords de ce village, ils furent accueillis par la fusillade de nos tirailleurs, qui leur tuèrent coche verte un homme, en mirent un autre hors de combat, et blessèrent cinq ou six chevaux.
Derrière ces cavaliers, les tirailleurs bavarois s'étaient déployés à droite et à gauche des hauteurs de Chérisy, et, sous la protection de leur artillerie, ils forcèrent les nôtres à rallier leurs réserves.
Sur ces entrefaites, des détachements de la garde nationale de Laigle, suivis du 3e bataillon de la garde mobile de l'Orne, arrivèrent comme renforts.
Ce dernier bataillon fut formé en deux colonnes: l'une devait tourner l'ennemi sur la droite, par la vallée de l'Eure et le village de Mézières; l'autre, s'avancer par la gauche, en longeant le chemin de fer, jusqu'à la ferme de la Mésangère; mais la colonne de gauche se vit arrêtée au tunnel du Petit-Chérisy, et celle de droite, en arrivant dans le village de Mézières, essuya quelques coups de canon, qui causèrent dans ses rangs une hésitation bientôt changée en panique.
Le mouvement était manqué; mais au centre, le commandant des Moutis, avec les mobiles de son bataillon, armés de fusils Chassepot, et avec les gardes nationaux de Dreux, se maintint dans ses positions et contint les efforts de l'ennemi, qui essaya plusieurs fois, mais inutilement, de s'emparer du pont de Chérisy.
Pendant ce temps les fantassins bavarois, la torche à la main, mettaient le feu à la ferme de la Mésangère et à une soixantaine de maisons de Chérisy.
C'était un nouvel exemple de la guerre de terreur; le général de Bredow, car c'était lui, renouvelait les scènes de Mézières, par lesquelles il s'est acquis dans ces malheureuses contrées une renommée impérissable.
Vers quatre heures, son œuvre de dévastation achevée et sa vengeance assouvie, il reprit le chemin coche verte de Houdan, laissant derrière lui Chérisy en flammes.
Au même moment, les éclaireurs de la brigade de Redern, venus de Maule, faisaient éprouver le même sort au village de Septeuil.
Là un hussard ivre, du 10e régiment de Magdebourg, tirant à tort et à travers dans les rues, avait tué un habitant inoffensif.
Quelques gardes nationaux exaspérés s'embusquèrent et firent expier ce meurtre aux hussards; mais ceux-ci, pour se venger à leur tour, mirent le feu à une douzaine d'habitations et se livrèrent au pillage, sous les yeux de leurs chefs, qui, lorsqu'ils le voulaient, savaient faire respecter la propriété et la vie humaine.
Après avoir occupé quelques instants les ruines de Chérisy, les nôtres s'étaient repliés sur Dreux dans la soirée, ayant perdu dans cette affaire deux tués et une douzaine de blessés.


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boite verte Evacuation et réoccupation de Dreux (11 octobre)

Le 3e bataillon de l'Orne s'étant en grande partie dispersé pendant l'action, le commandant des Moutis, sans artillerie, restait seul avec son 2e bataillon, fatigué par une lutte de deux jours et à court de munitions; il n'était pas en force pour défendre Dreux d'une manière efficace, dans le cas où l'ennemi chercherait à lui faire subir le sort qu'il venait d'infliger à Chérisy.
La ville de Dreux, située au fond d'une vallée et dominée de tous côtés par des hauteurs, n'était pas défendable avec d'aussi faibles ressources; en conséquence, il se replia dans la nuit du 10 au 11 sur Vert en Drouais; là, il trouva un ordre du général de Malherbe, lui enjoignant de diriger son 2e bataillon sur Verneuil et le 3e sur Laigle.

Tandis que ces événements se passaient à Chérisy et à Dreux, le colonel Cassagne s'était établi à Merey coche verte avec le 3e bataillon de la mobile de l'Eure et une partie du 2e; il avait dirigé sur sa gauche, à Pacy, le ler bataillon de la garde mobile de l'Ardèche, et, sur sa droite, à Saint-Georges, Anet et Ivry-Ia-Bataille, le régiment de la garde mobile du Calvados.
Par une marche de moins de deux lieues, qui les eût portés sur la lisière de la forêt de Dreux, les mobiles du Calvados cantonnés à Saint-Georges et à Anet auraient pu, en menaçant l'ennemi sur son flanc droit, empêcher le désastre de Chérisy, dont ils restèrent les spectateurs indignés mais immobiles.

Par suite du manque d'entente et d'unité dans le commandement, ce fut seulement dans la matinée du 11 que la ville de Dreux, évacuée pendant la nuit par les mobiles de l'Orne, fut occupée par ceux du Calvados.
Le même jour le colonel Cassagne, laissant à Pacy le bataillon de l'Ardèche, se porta au sud d'Evreux, sur Avrilly, pour aller, le 13, occuper Damville.
A peine installé à Dreux avec les mobiles du Calvados, le colonel de Beaurepaire obtint du général commandant la région de l'Ouest l'autorisation de rester dans le département d'Eure-et-Loir; puis il demanda des renforts de tous côtés: son régiment de mobiles, deux bataillons du Lot-et-Garonne, un bataillon de la Manche, une batterie d'artillerie, un peloton de gendarmes et plusieurs compagnies franches formèrent sous ses ordres un petit corps s'élevant à plus de 6000 hommes.

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boite verte Situation militaire dans le département de l'Eure à l'arrivée du général de Kersalaun

Grâce à l'arrivée de ces renforts, on se serait trouvé en mesure de repousser les Allemands s'ils s'étaient présentés; mais, bien loin de renouveler ses attaques sur Chérisy, le général de Rheinbaben avait évacué Houdan.
A la suite du combat d'Artenay, il avait reçu l'ordre de reprendre ses anciennes positions, et il dirigea sur Mantes la 13e brigade de cavalerie (général-major de Redern), qui prit possession de cette ville le 18 octobre.
A cette dernière date, le général de brigade de Kersalaun, du cadre de réserve, avait été mis à la tête de la subdivision de l'Eure, en remplacement du colonel du génie Rousseau, qui remplaçait lui-même le colonel Cassagne, appelé au commandement de la place de Douai.
L'escadron du 12e chasseurs et les compagnies du 94e de ligne qui occupaient Vernon avaient été rappelés le 15 octobre sur la rive droite de la Seine mais, d'autre part, les troupes de l'Eure s'étaient accrues de deux nouveaux bataillons de la garde mobile de l'Ardèche; en outre, les Éclaireurs de la Seine s'étaient reformés en un régiment ayant un effectif d'un peu plus de 700 hommes.
Les forces totales dont le général de Kersalaun, arrivé le 20 à Évreux, disposait pour la défense de la ligne de l'Eure, étaient donc les suivantes: le 41e régiment de la garde mobile de l'Ardèche (lieutenant-colonel Thomas) le 39e régiment de l'Eure (lieutenant-colonel d'Arjuzon); le 6e bataillon de la Loire-Inférieure (commandant Manet); le 1e régiment des éclaireurs de la Seine (colonel Mocquard) et la 1e compagnie des éclaireurs de Normandie (capitaine Trémant); en tout, près de 8000 hommes sans cavalerie ni artillerie.
Ces forces, réunies sousle commandement du colonel Mocquard, formèrent, de Vernon à Ivryla-Bataille, le corps d'observation de la vallée de l'Eure, appuyé sur sa droite à Dreux par celui du colonel de Beaurepaire.
Le colonel Mocquard, qui avait pour mission de couvrir Evreux et de s'opposer aux incursions et aux coche verte déprédations de l'ennemi, était allé s'établir le 19 octobre à Hécourt, sur la rive droite de l'Eure, avec quatre compagnies du 3e bataillon de l'Ardèche (commandant de Montgolfier), les Éclaireurs de la Seine et ceux de Normandie.
Le 2e bataillon de l'Eure, sous les ordres du lieutenant-colonel d'Arjuzon, était campé dans la forêt de Pacy-sur-Eure; Ivry-IaBataille, Pacy, Vernon et Gaillon étaient occupés par les autres bataillons de l'Ardèche, de l'Eure et de la Loire-Inférieure.
Dans la matinée du 20 octobre, une centaine de fourrageurs venus de Mantes se présentèrent à Villegats.
Au moment où on leur livrait les réquisitions qu'ils avaient exigées, quelques Éclaireurs de la Seine pénétrèrent dans le village, et, après un échange de coups de feu dans lequel un des nôtres fut tué, les Prussiens, ignorant sans doute le petit nombre de leurs adversaires, prirent la fuite en abandonnant leur butin.
Le lendemain, les mobiles de l'Ardèche et les Éclaireurs de la Seine, en poussant une reconnaissance sur Saint-Illiers-la-Ville, y rencontrèrent de nouveau les fourrageurs, leur tuèrent un homme, et en blessèrent un autre qui fut fait prisonnier.
Il était à supposer que l'ennemi chercherait à se venger: le colonel Mocquard reçut en effet à son camp d'Hécourt des renseignements qui lui faisaient prévoir qu'il serait attaqué le lendemain par une partie de la garnison de Mantes.
Il donna des ordres en conséquence, fit explorer le terrain dans la matinée du 22 octobre par quelques éclaireurs montés sur des chevaux pris à l'ennemi et qui formaient toute sa cavalerie; à dix heures, il était prêt à opérer une forte reconnaissance.
Il n'y avait alors à Hécourt que coche verte les troupes indiquées plus haut, formant ensemble un effectif d'environ 1200 hommes.
Elles furent réparties en deux colonnes qui, dans leur marche, devaient décrire chacune un demi-cercle et se rejoindre à Lommoye, point situé entre Mantes et le bois d'Hécourt.

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boite verte Combat de Villegats (22 octobre)

Mais tandis que le colonel Mocquard prenait ces dispositions, les hussards de Magdebourg entouraient Villegats et Cravent, et le général de Redern, avec le reste de sa cavalerie, le 3e bataillon du régiment bavarois "Prince royal" et une batterie d'artillerie, prenait position entre les deux villages.
Aussi, au moment où, vers onze heures du matin, les nôtres allaient se mettre en marche, ils se virent subitement et vivement attaqués, surtout par l'artillerie, dont les obus, tombant sur notre tête de colonne qui débouchait des bois, y causèrent des pertes sensibles.
Le colonel Mocquard fit aussitôt déployer toute sa troupe en tirailleurs; lui-même, au centre, marchait sur Villegats; sa droite formée par les éclaireurs du capitaine Trémant, s'avançait à couvert sur Cravent, en suivant une vallée profonde qui passe par les hameaux des Vieilles-Maisons et des Carrières; à gauche, la garde mobile de l'Eure quittait son campement de la forêt de Pacy, occupait Chaufour et en repoussait les éclaireurs qui s'y présentaient.
A Villegats, le centre soutint avec énergie les efforts de l'ennemi, donnant ainsi le temps à la droite, qui avait cheminé à couvert, d'entrer en ligne à son tour lorsque les Allemands la virent déboucher, ils cédèrent précipitamment le terrain; la cavalerie et l'artillerie s'enfuirent au galop, et l'infanterie bavaroise se sauva au pas de course, abandonnant sabres et schakos.
Les nôtres les poursuivirent coche verte avec un élan remarquable, jusqu'au moment où le colonel Mocquard , craignant d'exposer sa faible troupe en l'engageant trop loin, fit sonner la retraite; vers quatre heures il rentrait au camp d'Hécourt .
C'était un vrai succès; c'eût été une victoire si la poursuite avait été continuée, car les artilleurs hanovriens , en déroute complète, embourbèrent leurs pièces dans les terres détrempées de la plaine de Lommoye, à peu de distance du champ de bataille.
Dans cette journée, qui fait le plus grand honneur à nos troupes, leurs pertes s'élevèrent à six hommes tués ou atteints mortellement et une dizaine de blessés; parmi ces derniers se trouvait le commandant Guillaume , des Eclaireurs de la Seine , qui eut le bras fracturé et subit le lendemain l'amputation avec le même courage dont il avait fait preuve sur le champ de bataille.
L'ennemi, de son côté, avait essuyé la perte de dix hommes tués, parmi lesquels un officier du 11e hussards , qui s'était toujours montré au premier rang pendant l'action et avait fait preuve d'une grande bravoure.
C'était l'officier d'ordonnance du général de Redern , le second lieutenant de Kalckstein ; son nom, mal déchiffré par les Éclaireurs de la Seine, leur fit supposer qu'ils avaient tué le fils du général de Falkenstein , auquel ils attribuèrent bien gratuitement le grade de lieutenant-colonel d'artillerie.
Le soir du combat de Villegats , le colonel Mocquard , trompé par de faux renseignements et craignant un retour offensif de l'ennemi, leva son camp et le transporta dans la forêt de Pacy ; le lendemain, il alla s'établir derrière la rivière de l'Eure, sur les coche verte hauteurs boisées de Bosc-Roger ; enfin le 30 octobre, les Allemands n'ayant manifesté aucune intention agressive depuis leur échec du 22, il reprit son campement du bois d'Hécourt .

A partir de cette date jusqu'au 19 novembre, les positions des troupes de l'Eure ne subirent que de légères modifications et furent à peu près les suivantes:
Sur notre gauche, dans la forêt de Bizy, couvrant Vernon, le 1e bataillon de l'Ardèche (commandant de Guibert ) et le 1e de l'Eure (commandant Guillaume );
à Chaignes , le 2e bataillon de l'Eure (commandant Ferrus );
à Aigleville et à Pacy , le 3e bataillon de l'Ardèche (commandant de Montgoiner );
au camp d'Hécourt , les Éclaireurs de la Seine (colonel Mocquard ), ceux de Normandie (capitaine Trémant ) et le 6e bataillon de la Loire-Inférieure (commandant Manet );
à Saint-Chéron et à Merey , le 3e bataillon de l'Eure (commandant Power );
à Garennes et à Ivry-la-Bataille, le 2e bataillon de l'Ardèche (commandant Bertrand ).

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boite verte Situation militaire sur la rive droite de la Seine à l'arrivée du général Briand

Sur la rive droite de la Seine, le général Briand , ancien colonel du 2e spahis, avait été récemment nommé au grade de général de brigade et au commandement de la 2e division militaire; il ne changea rien aux dispositions prises par le général Gudin pour la défense de la Seine-Inférieure, et maintint sur la ligne de l'Andelle les troupes qui s'y trouvaient établies; groupées autour des deux régiments de cavalerie qui occupaient Fleury et Forges , elles formaient deux petits corps chargés de couvrir Rouen , l'un sur la route de Gisors , et l'autre sur celle de Beauvais , le premier opposé au prince Albert et le second au comte de Lippe .
coche verte Le corps de Fleury-sur-Andelle, qu'on appelait quelquefois improprement le camp de Grainville, était sous les ordres du lieutenant-colonel Laigneau, qui commandait le 12e régiment de chasseurs en l'absence du colonel de Tucé, mis à la tête de la subdivision militaire de la Seine-Inférieure.
Ce corps se composait des troupes suivantes, ainsi réparties:
à Fleury, le 12e régiment de chasseurs (lieutenant-colonel Laigneau);
à Pont-de-l'Arche et à Pont-Saint-Pierre, les le et 2e bataillons de la mobile des Landes (commandants Beaume et Esplendes);
à Grainville, le 1e bataillon de la Loire-Inférieure (commandant Ginoux);
à Charleval, le 2e bataillon des Hautes-Pyrénées (commandant Debloux);
à Ménesqueville, le 2e bataillon de marche des 41e et 94e de ligne (commandant Rousset);
en avant de cette ligne, à Cressenville, le 2e bataillon de la Seine-Inférieure (lieutenant-colonel Welter), détachant trois compagnies à Mesnil-Verclives (commandant Rolin).
Le corps qui occupait la vallée supérieure de l'Andelle et le pays de Bray, sous les ordres du colonel d'Espeuilles, comprenait les troupes suivantes, ainsi réparties:
à Argueil et à Forges, le 3e régiment de hussards (colonel d'Espeuilles);
à la Feuillie, les 1e et 8e bataillons de la mobile du Pas-de-Calais (commandants de Livois et Darceau);
à Argueil, le 1e bataillon des Hautes-Pyrénées (commandant Laffaille) et le 4e de l'Oise (commandant Héricart de Thury);
à Forges et à Gaillefontaine, le 1e bataillon de l'Oise (commandant Cadet), que viendra plus tard appuyer le 5e bataillon de marche des 19e et 62e de ligne (commandant Barreau).
Chacun de ces petits corps avait reçu le 20 octobre une section de canons de 12 rayés de la 2e batterie du 10e régiment d'artillerie (capitaine Lenhardt).

En avant de cette ligne se mouvaient divers corps francs qu'un décret du 29 septembre avait mis à la disposition du ministre de la guerre, mais dont il n'est pas facile de fixer exactement les positions, par ce motif que la plupart d'entre eux continuaient d'agir à leur guise et n'étaient rattachés que nominalement aux divers détachements qu'ils étaient censés couvrir.
Voici, par ordre alphabétique, la nomenclature d e ces divers corps, qui étaient plus particulièrement groupés aux abords de la forêt de Lyons, à Cressenville, Gaillarbois, Touffreville, Verclives, Nojeon-le-Sec, Puchay, Morgny et Lyons-la-Forêt.
Compagnie de marche de Dieppe (capitaine Angot);
compagnie d'Éclaireurs de la garde nationale d'Elbeuf (capitaine Julien);
compagnie d'Éclaireurs rouennais (capitaine Desseaux);
compagnie de francs-tireurs des Andelys (capitaine Desestre);
section de Bolbec (lieutenant Pimont);
section de Cherbourg (lieutenant Bitouzé);
compagnie de Louviers (capitaine Garnier);
demi-bataillon du Nord (commandant Rondot);
section de l'Orne (commandant de Beautot);
compagnie des fusiliers-marins de Dieppe (capitaine Godard);
guérilla rouennaise (capitaine Buhot);
tirailleurs havrais de la 1e compagnie (capitaine Jacquot), de la 2e (lieutenant Bellanger) et de la 3e (capitaine Moquet), auxquels viendront se joindre plus tard la 4e compagnie (capitaine Roux) et celle des Vengeurs (capitaine Deschamps).

A ces divers corps francs étaient attachés quelques cavaliers irréguliers, entre autres des guides à cheval de la Seine-Inférieure, commandés par le duc de Chartres, qui, caché sous le nom de coche verte Robert Lefort, payait obscurément sa dette à sa patrie.
La réunion de ces diverses troupes, auxquelles on a donné le nom d'armée de l'Andelle, comprenait donc en somme, à la date du 22 octobre : deux régiments de cavalerie comptant chacun moins de 300 chevaux; douze bataillons de marche de la ligne et de mobiles ayant un effectif moyen d'environ mille combattants et une quinzaine de corps francs de la valeur moyenne d'une compagnie; au total, un peu plus de 14000 hommes avec six canons.
Les détachements du prince Albert et du comte de Lippe, auxquels ces troupes étaient opposées, avaient à la même date une force totale de six bataillons, vingt-quatre escadrons et cinq batteries, soit 8 à 9000 hommes et trente canons.
Sans doute avec nos 14000 hommes de l'armée de l'Andelle, bien que la plupart mal armés, mal équipés et sans grande cohésion, on eût pu, malgré la faiblesse de notre artillerie, déloger les Prussiens et les Saxons de Gisors et de Beauvais; ce résultat eût été obtenu bien plus facilement encore, si l'armée d'Amiens avait bousculé le comte de Lippe tandis que celle de Rouen aurait culbuté le prince Albert.
Mais, pour cela, il eût fallu chez nous une entente qui, malheureusement, n'existait nulle part, ainsi qu'on l'a vu au commencement de ce chapitre en suivant les événements de la rive gauche de la Seine.
Sur la rive droite, l'armée d'Amiens, en train de se constituer sous le général Farre, reste forcément dans l'inaction.
Le général Briand, arrivé depuis peu de temps et qui dans quelques jours quittera son commandement, ne voulut pas s'attaquer seul à des coche verte troupes aguerries et à même de recevoir des renforts: il se tint strictement sur la défensive dans les positions choisies par son prédécesseur.
Quelques corps francs, las de cette inaction, vont opérer isolément dans la zone qui sépare les deux armées; ils vont harceler et fatiguer les patrouilles ennemies en leur faisant la guerre de surprises, et ces opérations, sans grands effets meurtriers et sans aucun résultat au point de vue militaire, attireront sur nos campagnes les plus terribles représailles.
Les lieux choisis de préférence par les francs-tireurs de la vallée de l'Andelle pour dresser leurs embuscades étaient les environs d'Etrépagny et les abords des bois de Doudeauville et de la Héronniére; c'est là qu'ils attendaient d'ordinaire les uhlans de la garde, ces hardis cavaliers qui, partant de Gisors, sillonnaient les environs pour faire leur service d'éclaireurs, achever de désarmer les communes, et surtout, pour réquisitionner des fourrages et du bétail.
Le 19 octobre, vers midi, un détachement de tirailleurs havrais se rendit à Étrépagny dans le but d'empêcher l'ennemi d'enlever des réquisitions qu'il y avait imposées la veille.
Embusqués en avant de la ville, près du cimetière, derrière des meules de blé, les francs-tireurs saluèrent par une fusillade hors de portée les premiers uhlans qui se présentèrent.
Comme il était tard et que les fourrageurs n'étaient pas nombreux, ils ne poussèrent pas plus loin ce jour-là; mais ils ne devaient pas tarder à revenir en force, car le prince Albert, croyant le bourg sérieusement occupé par nous, décida pour le lendemain une expédition à laquelle il fit concourir les garnisons de Gisors et de Magny.
coche verte La colonne principale, partant de Gisors, devait s'avancer par la route de Paris; la colonne auxiliaire venant de Magny devait suivre le chemin des Thilliers à Etrépagny, de manière à aborder de deux côtés à la fois cette dernière position.
Étrépagny n'avait alors aucun moyen de défense; les tirailleurs havrais avaient regagné leur campement dans la soirée du 19.

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boite verte Bombardement de la Broche (20 octobre), de Vernon (22 octobre), de Longchamps (24 octobre)

Une centaine de francs-tireurs de Louviers (capitaine Garnier) arrivés à la fin de cette escarmouche, s'installèrent dans le parc du château de M. de Corny, situé dans les bois de la Broche, position qui commande la route de Gisors.
Le lendemain, vers huit heures du matin, les trois uhlans légendaires étaient signalés dans la direction de Bézu-Saint-Eloi.
Un franc-tireur, ne pouvant résister au désir d'essayer la portée de sa carabine, leur envoya, à près d'un kilomètre, un coup de feu qui n'eut d'autre résultat que de faire connaître à l'ennemi le lieu précis occupé par les nôtres; quelques heures plus tard, le château et le parc de la Broche étaient complétement cernés par les uhlans, qui avaient prévenu la colonne de Gisors et avaient reçu comme renfort un piquet d'infanterie montée et une section d'artillerie.
Pour essayer de se reconnaître, le chef des francs-tireurs examinait la position du haut d'un petit pavillon de garde, quand il se trouva brusquement séparé de sa troupe qui s'était jetée dans les bois.
Resté avec deux domestiques, dans un grenier dont le canon défonçait la toiture, le capitaine Garnier eut à soutenir un véritable siège.
Sommé de se rendre, il répondit par une décharge de son revolver et par les appels de sa trompe, au son de laquelle il essayait de rallier ses hommes et coche verte qui ne trouvait d'écho que dans les hurrahs prussiens : traqué comme une bête fauve, il n'échappa que par miracle aux balles, aux obus et à l'incendie; il en fut quitte pour une blessure légère, et après avoir renversé un uhlan qui tentait de lui barrer le passage, il put gagner le taillis, rejoindre quelques-uns des siens et, plus tard, le gros de sa troupe qui avait été recueilli dans les bois de Frileuse par les francs-tireurs des Andelys (capitaine Desestre).
Quant aux Prussiens, furieux de s'être laissé arrêter par trois hommes dont deux sans armes, ils dévalisèrent et brûlèrent le château de la Broche; après quoi ils se rendirent à Étrépagny, pillèrent quelques boutiques, et imposèrent à la ville une contribution de quatre mille francs pour la punir d'avoir donné asile à des francs-tireurs.

Deux jours plus tard, le 22 octobre, au moment où, sur la rive gauche de la Seine, les Allemands étaient repoussés de Villegats par le colonel Mocquard, le prince Albert, pour se mettre en communication avec le général de Redern et l'appuyer au besoin par cette démonstration, avait dirigé sur Vernon un détachement de toutes armes formé par les uhlans du 1e régiment de la garde, un piquet d'infanterie montée et une section d'artillerie.
Arrivé à Vernonnet, ce détachement se vit arrêté par la Seine, le génie français ayant fait sauter le pont dans la soirée du 14 octobre.
De la rive droite l'ennemi héla les bateaux amarrés à l'autre bord et demanda le maire de Vernon: un coup de carabine tiré par un gendarme fut la seule réponse qu'il obtint.
Ce fut aussi le signal d'un bombardement: deux pièces braquées sur la route des Andelys en face de la coche verte caserne et du parc des équipages, lancèrent sur la ville une cinquantaine d'obus qui n'y causèrent heureusement que des dommages matériels.
Vers deux heures, la colonne ennemie fit demi-tour, sans avoir pris le repas que les habitants de Vernonnet avaient été requis de lui préparer.
C'est que, pendant le bombardement, on avait battu le rappel et sonné le tocsin dans les communes voisines.
Les Prussiens craignaient que leur retraite ne fût inquiétée; et en effet ils ne purent l'effectuer sans encombre.
Un braconnier émérite, des environs de Panilleuse, s'embusqua dans la forêt de Vernon, à un coude que fait la route entre la fontaine de Tilly et le castel de Saulseuse,et il attendit là le retour de l'ennemi.
Après avoir laissé passer l'avant-garde, il ajusta le cavalier qu'il prit pour le chef de l'expédition, et d'un coup de fusil tiré avec adresse, il lui fit mordre la poussière; puis il prit la fuite, poursuivi par une vive fusillade.
Les fantassins mirent pied à terre pour fouiller le bois, tandis que les uhlans le cernaient, et ils ne tardèrent pas à rencontrer trois ou quatre autres paysans armés, qui tous firent le coup de feu avec non moins de succès que leur compagnon; chacun d'eux tua ou blessa son homme, après quoi tous s'enfuirent, sauf un seul qui fut pris et paya pour les autres.
Ces braconniers avaient admirablement choisi cet endroit pour attendre l'ennemi: tant il est vrai que la chasse est l'école primaire de la guerre!
En dressant leur embuscade loin des cantonnements prussiens et dans une forêt où il était difficile d'exercer des représailles, ils avaient donné à certains chefs de corps francs une leçon qui ne fut malheureusement pas suivie, comme on va le voir.
coche verte Dans la matinée du 24 octobre, quelques francs-tireurs partis de Morgny allèrent s'embusquer aux abords du village de Longchamps, tirèrent sur une patrouille ennemie qui débouchait d'Heudicourt, et démontèrent un cavalier.
Les uhlans eurent plus de peur que de mal, mais ils résolurent néanmoins de tirer vengeance de cette surprise, et le lendemain, ayant à leur tête le major baron de Korff, ils revinrent en force avec du canon.
Les nôtres, de leur côté, prirent leurs dispositions, et le 24 au matin, deux compagnies des francs-tireurs du Nord (commandant Rondot), auxquelles se joignirent des tirailleurs havrais de la 3e compagnie (capitaine Moquet), occupèrent Longchamps et les environs, le hameau de Bifauvel, la ferme d'Entre-deux-Bocs et le bois Lesueur, se plaçant ainsi à cheval sur la route de Gisors à Lyons-Ia-Forêt.
Vers onze heures et demie, la fusillade annonça la présence des Prussiens; ils mirent aussitôt deux pièces en batterie en avant d'Heudicourt, sur la route de Gisors, et commencèrent une canonnade, heureusement mal dirigée et hors de portée, dont personne n'eut à souffrir; puis leur infanterie entra en ligne à son tour; les francs-tireurs essayèrent quelque temps de la tenir en échec, mais ils durent abandonner les bois où ils s'étaient embusqués, pour se replier sur Morgny, après avoir eu un homme tué et deux blessés.
Cette rencontre coûta en outre la vie à deux habitants inoffensifs, dont l'un gardait des vaches et l'autre gaulait des pommes; elle eut les honneurs d'un ordre du jour du général Bourbaki et d'un bulletin de Tours, bien qu'elle n'eût causé aucune perte aux Prussiens, qui, vers deux heures, reprirent le chemin de Gisors, emmenant à coche verte leur suite du bétail pris à Longchamps et de nombreuses voitures chargées de réquisitions.
Cependant la nomination du général Bourbaki au commandement supérieur de la région du nord avait été promptement connue du quartier général prussien, qui ordonna au comte de Lippe, chargé plus particulièrement d'observer Amiens de redoubler de vigilance, de prescrire de fréquentes patrouilles d'officiers et de renforcer ses détachements de réquisition.
Un de ces détachements, quittant Beauvais dans la matinée du 27 octobre, s'était dirigé sur Marseille-le-Petit, où il passa la nuit, après avoir levé aux environs de très-fortes réquisitions.
Il fut rejoint le lendemain par d'autres troupes parties de Beauvais de grand matin, avec de nombreuses voitures, et conduites par le général Senfft, qui venait prendre le commandement de la colonne.
Il disposait pour son expédition de trois compagnies du 2e régiment à pied de la garde prussienne, du 18e régiment de uhlans et d'un escadron du 3e dragons saxons avec une batterie d'artillerie; total environ 1500 hommes et six canons.
L'objectif du général Senfft était Formerie, bourg important et station du chemin de fer de Rouen à Amiens.
Cette station n'était gardée depuis la veille que par un poste du 3e hussards et par une compagnie (capitaine Dornat) du 5e bataillon de marche, envoyée du Havre et forte d'environ 130 hommes du 19e de ligne.

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boite verte Combat de Formerie (28 octobre)

Dans la matinée du 28 octobre, le général Senfft se dirigeait sur Formerie avec toutes ses forces, et vers dix heures nos vedettes du 3e hussards se repliaient sur la gare en annonçant l'arrivée de l'ennemi.
En coche verte effet, peu d'instants après, un peloton de uhlans, formant l'avant-garde, traversait rapidement le bourg de Formerie et se portait au trot sur la station.
Accueillis par une vive fusillade qui en démonta plusieurs, les cavaliers saxons n'eurent que le temps de tourner bride et furent vivement poursuivis par nos soldats jusque sur la place du Marché aux bestiaux.
Là, le capitaine Dornat se trouva tout à coup en présence de l'infanterie prussienne, qui occupait déjà le côté opposé de la place et qui, postée dans les maisons, le reçut à son tour par un feu des plus nourris.
Cette poursuite heureuse avait empêché l'ennemi de déboucher sur la gare, où il nous eût infailliblement écrasés, mais la situation devenait critique.
Le capitaine Dornat sut tirer parti de ses faibles ressources; l'entrée de chaque rue fut solidement défendue par de petits postes de quelques hommes, et, grâce à la plus énergique résistance, cette compagnie tint seule en échec, pendant près de deux heures, les forces du général Senfft, et donna ainsi aux renforts le temps d'arriver.
Le 1e bataillon de la garde mobile de l'Oise (commandant Cadet) était cantonné depuis plusieurs jours entre Forges et Gaillefontaine; dans la matinée du 28 octobre, le colonel d'Espeuilles, prévenu de la marche des Prussiens, donna l'ordre aux divers détachements de ce bataillon de se porter isolément sur Formerie.
Le premier renfort arrivé sur le lieu du combat, vers midi, venait de Gaillefontaine.
Le capitaine Alavoine, qui le commandait, laissa une compagnie à la gare, et se porta aussitôt avec la sienne, la 2e, au point le plus menacé.
Il y trouva le capitaine Dornat, qui, à la tête d'une poignée d'hommes, luttait coche verte avec la dernière énergie.
La rue dont il défendait l'entrée débouche obliquement sur la place de Formerie, dont les Prussiens occupaient le côté opposé, et forme ainsi deux angles inégaux: à droite, l'angle défilé était occupé par les soldats de la ligne; les mobiles de l'Oise durent prendre une position symétrique et occuper à gauche l'angle découvert.
En se démasquant pour traverser la rue à la tête de sa compagnie, le capitaine Alavoine fut blessé et mis hors de combat; mais un certain nombre de ses mobiles, sous les ordres du lieutenant Meneust, puis une section de la 1e compagnie (sous-lieutenant de Thanneberg), purent gagner les maisons, s'établir dans les chambres et prendre part à l'action; on continua ainsi de se fusiller par les fenêtres, des deux côtés de la place et les nôtres, bien qu'inférieurs en nombre, soutinrent avec avantage le feu de l'ennemi.
Cependant le général Senfft avait fait mettre son artillerie en batterie sur une petite éminence, à la lisière d'un bouquet de bois, sur la commune de Boutavent; depuis le début de l'engagement, il lançait ses projectiles un peu partout, mais principalement sur le pâté de maisons occupé par nos soldats et faisant face à la route de Crillon, par laquelle il était arrivé.
Les obus dirigés sur Formerie n'y causèrent que des dégâts matériels; les autres, tombant dans des terres détrempées, n'éclataient pas, et les nôtres n'eurent pas à en souffrir.
Le principal effet de cette canonnade fut de hâter l'arrivée de nos renforts, qui, vers deux heures, commencèrent à affluer de toutes parts.
Ce furent d'abord les autres compagnies du bataillon de marche et celui de la mobile de l'Oise, puis un convoi qui conduisait de Rouen à Amiens de coche verte l'infanterie de marine, et plus tard enfin, le colonel d'Espeuilles, parti d'Argueil avec deux escadrons de hussards, le 4e bataillon de la mobile de l'Oise et une section d'artillerie.
Ces divers détachements, arrivés l'un après l'autre, ne dépassèrent pas la gare de Formerie, supposant sans doute qu'elle était le principal objectif de l'ennemi, et les compagnies Dornat et Alavoine restèrent seules engagées dans l'intérieur du bourg.
Sur ces entrefaites, un renfort inattendu, arrivant sur un autre point, allait prendre à l'action une part décisive.
Le général Paulze d'Ivoy, qui commandait à Amiens, avait été informé dans la journée du 27 qu'un détachement s'était présenté à Marseille-le-Petit, avec l'intention probable de détruire la voie ferrée d'Amiens à Rouen.
Il dirigea aussitôt sur ce point le 1e bataillon de la garde mobile du Nord (commandant de Lalène-Laprade), soutenu par une section d'artillerie (lieutenant Joachim), avec la mission de repousser l'ennemi, dont la force était évaluée à 7 ou 800 hommes.
Parti d'Amiens avec un train de chemin de fer, le commandant de Lalène-Laprade devait coucher à Poix, en partir de très-bon matin pour Formeriè, et s'établir, avant le jour, dans les bois qui avoisinent cette localité dans la direction de Marseille-le-Petit; il avaitl'ordre de se concerter préalablement avec le colonel d'Espeuilles pour prendre l'ennemi entre deux feux et lui couper la retraite.
Arrivé à Poix dans la soirée du 27, il s'apprêtait à en partir dans le courant de la nuit, quand, au moment de s'embarquer, il apprit que le train qui l'avait amené était retourné à Amiens.
Averti en même temps que des fourrageurs marchaient sur Grandvilliers, coche verte il partit de Poix entre quatre et cinq heures du matin pour se porter à leur rencontre et réparer ainsi le malentendu ou la faute du chef de train.
Ralliant à Équennes deux compagnies de la mobile du Gard, ce qui portait à environ 1,500 hommes la force de son détachement, il arriva vers neuf heures à Grandvilliers, qu'il trouva inoccupé.
Là, il accorda quelque repos à sa troupe, et vers dix heures et demie, au bruit du canon qui tonnait vers Formerie, il se remit en marche dans cette direction, passant par Feuquières et Monceaux-l'Abbaye.
Arrivé vers une heure à ce dernier point, il détacha environ 500 hommes (capitaine de Lalène-Laprade), avec la section d'artillerie, vers Mureaumont, dans le but de prendre l'ennemi en queue et d'entraver sa retraite, tandis que lui même l'attaquerait en tête.
Il continua en conséquence sa marche sur Formerie avec le gros de sa colonne.
A l'entrée du village de Bouvresse, les premiers tirailleurs entendirent siffler au-dessus de leurs têtes des balles tirées par un ennemi invisible, puis des obus qui enfilaient la route.
Bien qu'inaccoutumés à ce bruit, les mobiles du Nord accentuèrent leur mouvement et s'engagèrent résolument à travers les vergers, les haies et les clôtures.
En débouchant de Bouvresse, ils essuyèrent une fusillade serrée partie d'une briqueterie; ils ripostèrent vivement, et l'infanterie prussienne ne tarda pas à tourner le dos, protégée par un pli de terrain et par le feu de son artillerie. Les nôtres se jetèrent alors dans un petit bois qui s'étend entre la briqueterie de Bouvresse et Formerie.
Déconcerté par l'arrivée de ce nouveau renfort qui le menaçait sur son flanc droit, le général Senfft avait donné le signal de la retraite; coche verte aussi, lorsque les mobiles du Nord débouchèrent sur la lisière du petit bois qui longe la route de Formerie à Crillon, l'ennemi était déjà hors de la portée des fusils à tabatière.
Il était près de trois heures; le bruit du combat allait en s'éloignant et s'affaiblissait rapidement.
Le silence s'était fait auxabords de Formerie, mais le canon retentissait encore au delà de Mureaumont, et voici ce qui se passait dans cette direction.
La colonne secondaire de la mobile du Nord, qui avait été dirigée sur ce point, y arriva vers deux heures et demie sans incident remarquable, et se porta sur Formerie en suivant la route départementale.
Mais en débouchant du village, à un coude que forme la route, les mobiles se trouvèrent face à face avec deux escadrons de cavalerie, rangés en bataille à une très petite distance; les ennemis semblaient se préparer à fondre sur eux, mais ils démasquèrent tout à coup une section d'artillerie mise en batterie au milieu de la chaussée, et les artilleurs chargèrent précipitamment, sans doute pour exécuter un tir à mitraille qui, à une si faible portée, eût été des plus meurtriers.
Les nôtres durent se replier et se reformer à l'autre extrémité du village.
Ils étaient là depuis quelque temps, lorsque la cavalerie ennemie parut à douze ou quinze cents mètres; elle semblait suivre le chemin de Boutavent à Colagnies.
Aussitôt notre artillerie tira sur elle.
A un moment où un gros de uhlans était de pied ferme, un obus bien dirigé vint éclater au milieu des rangs et y jeta le désordre ce fut le signal d'une retraite qui s'effectua précipitamment par Campeaux et Songeons.
Bon nombre de fantassins de la garde, forcés de changer de direction et de se jeter à la traverse, passèrent dans des terrains détrempés par la coche verte pluie, et y laissèrent leurs bottes, que les habitants ébahis trouvèrent le lendemain dans leurs champs.
Ce combat, dans lequel les soldats du bataillon de marche et les mobiles du Nord et de l'Oise montrèrent beaucoup de solidité et d'entrain, leur coûta six hommes tués ou atteints mortellement, et une vingtaine de blessés, dont deux officiers, les capitaines Alavoine et Dornat.
L'ennemi, de son côté, accusa dix tués, dont un sous-officier de l'infanterie de la garde, et une douzaine de blessés qui entrèrent le lendemain à l'hospice de Beauvais.
Ainsi, grâce à la résistance énergique du capitaine Dornat, qui, avec sa seule compagnie, tint longtemps l'ennemi en respect, luttant dans la proportion d'un contre dix; grâce au concours d'une fraction du 1e bataillon de l'Oise grâce surtout à l'heureuse intervention des mobiles du Nord, l'ennemi avait subi à Formerie un échec complet.
Arrivé en déroute à Beauvais dans la nuit du 28 au 29, le général Senfft annonçait à Clermont qu'ayant rencontré l'ennemi à Formerie, il avait été forcé de se replier avec perte: zum Rückzug unter Verlust gezwungen.
Il s'attendait à être attaqué par nous; il s'apprêtait même à évacuer Beauvais, et le détachement de Clermont avait reçu l'ordre de s'apprêter à le recueillir, en se portant par Mouy sur Noailles, pour occuper le défilé de Silly.
Mais la mobile du Nord s'étant retirée sur Grandvilliers, et le colonel d'Espeuilles se maintenant sur la défensive le général saxon se remit peu à peu de son émotion, qui fut bientôt complétement dissipée coche verte par une nouvelle aussi rassurante pour lui qu'accablante pour nous.
Dans ]a journée du 27 il fit afficher à Beauvais et communiquer aux journaux l'avis suivant, qui est par lui-même assez significatif:
"La reconnaissance d'hier à Formerie a montré que le bourg était occupé par deux bataillons. Après une courte canonnade, le détachement revint sur Songeons et Beauvais, et empêcha l'ennemi d'atteindre son but, qui était de lui couper la retraite dans la direction de Marseille. Nos pertes ont été de quatre morts et douze blessés."
Comme les Allemands, en général, n'avaient pas l'habitude de nous faire connaître les rapports de leurs opérations, l'avis du général Senfft aurait pu paraître singulier s'il ne se fût terminé par la phrase suivante, qui était pour lui une consolation à son échec de Formerie, et pour nous l'annonce d'un nouveau désastre, dont les conséquences seront désormais irréparables : "Le 27 de ce mois, à cinq heures du soir, Metz a capitulé. »

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