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La guerre dans l'ouest : campagne de 1870-1871

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Suite des entreprises de la cavalerie ennemie sur l'Eure et sur l'Oise

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Source : L. Rolin. Image

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boite verte Situation militaire de la Normandie à la fin du mois de septembre

La présence des Allemands à Mantes et à Beauvais avait semé au loin l'effroi parmi les populations de la Normandie, et l'alarme était grande dans les départements d'Eure-et-Loir, de l'Eure et de la Seine-Inférieure, qui se sentaient de plus en plus menacés, et qui allaient avoir à subir d'un jour à l'autre les incursions et les déprédations des fourrageurs ennemis.
Ces craintes n'étaient que trop fondées, et la situation était devenue des plus sombres dans les derniers jours de septembre, au moment où la France, après d'irréparables désastres, apprenait encore la chute de Toul et celle de Strasbourg.
La capitale, étroitement investie, ne pouvait songer qu'à elle-même; la province, abandonnée à ses propres ressources, était réduite à se débattre dans la confusion et l'impuissance, et se trouvait désormais livrée à tous les hasards et à tous les périls de la résistance locale.
Déjà l'Empire, ayant risqué sa dernière armée et à la veille de s'écrouler, avait fait appel à son armée administrative pour la création de nos réserves.
Le ministre de l'intérieur reçut la mission de réunir en quelques heures, au moyen du télégraphe, les ressources que le ministre de la guerre avait eu des années pour organiser.
Les préfets furent chargés de convoquer la garde mobile, de pourvoir à son habillement, à son équipement, à son armement et à sa solde, de favoriser la formation des corps francs, et d'activer celle des compagnies de marche de la garde nationale.
Des fonctionnaires civils, remplissant des fonctions analogues à celles de nos inspecteurs généraux, furent envoyés en province pour s'assurer de l'exécution des mesures prescrites.

Cette mission fut dévolue, pour la Normandie, à M. le conseiller d'État Oscar de Vallée, dont la tournée se trouva interrompue par la nouvelle de la catastrophe de Sedan.
Ce qui restait en France d'anciens militaires subit avec tristesse, mais avec résignation, les inspections et les revues de ces personnages civils.
Si seulement on s'était borné à se servir de notre machine administrative pour habiller, soigner et ravitailler les divers contingents, peut-être que l'on eût pu tout réparer; mais, au lieu de s'occuper exclusivement d'administration, les autorités civiles prétendaient s'immiscer dans la direction militaire, imposer des plans et ordonner des mouvements; les généraux et les chefs de corps, au lieu d'avoir à songer uniquement à leurs troupes, sont forcés de compter avec les préfets, les maires et les conseils municipaux, qui, loin de les aider, les contrecarrent, leur enlèvent toute initiative, et par là même le sentiment de leur propre responsabilité.
Au moyen des ressources qu'il a créées, chaque département, dans un esprit d'égoïsme aussi absurde qu'étroit, veut essayer de protéger ses confins comme une nouvelle frontière;
les arrondissements imiteront l'exemple des départements, et nos forces, au lieu de se concentrer, vont se trouver éparpillées sur tous les points.
Comme l'Empire, le gouvernement de la défense nationale ne sut pas se dégager des préoccupations politiques; c'est pour ce motif qu'il patronna ce funeste système de défense sur place, et la formation de ces innombrables comités de défense, d'initiative ou de vigilance, dont l'action a si souvent paralysé celle de nos généraux.
Ces divers comités étaient composés de gens étrangers pour la plupart aux connaissances militaires, et qui avaient néanmoins la voix prépondérante.
Des avocats, des médecins, des pharmaciens, qui n'auraient pas manqué de crier haro s'ils avaient vu des officiers plaider le mur mitoyen, prescrire des médicaments ou manipuler des pilules, étaient les premiers à fouler aux pieds l'antique maxime : "Chacun son métier ".
Abusés par la légende de 1792, ils croyaient à l'improvisation des armées, et proclamaient qu'il n'était pas nécessaire d'avoir moisi plusieurs années dans une caserne pour défendre son pays; ils se figuraient qu'un homme est un soldat, et que l'élan et la passion suffisent à tout et remplacent tout, l'ordre, l'autorité, la discipline, le nombre, et même le canon.
Avec de tels stratégistes, nos provinces de l'Ouest se trouvaient condamnées à l'isolement.
Elles étaient presque complétement dépourvues de troupes régulières mais, sous l'imminence du danger, il s'était produit chez elles un grand mouvement patriotique : les volontaires se multipliaient, chacun voulait se défendre, et chacun cherchait un fusil; mais par malheur les armes faisaient défaut, et, plus encore que les armes, les institutions militaires, qui forment à l'avance les bras capables de les manier, et qui sont le plus sûr boulevard de l'indépendance d'une nation.
Par suite du manque de direction militaire, nous n'aurons guère à étudier dans le cours de cet ouvrage que des opérations toutes locales, ne se rattachant à aucun plan d'ensemble ; nous allons donc suivre successivement, sur chaque rive de la Seine, les efforts isolés qui vont être faits pour tâcher d'opposer une digue au flot sans cesse grossissant de l'invasion.

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boite verte Corps du général Gudin dans le département de la Seine-Inférieure

Sur la rive droite, à Rouen, commandait le général de division comte Gudin, fils de l'illustre Gudin, tué à Valoutina ; (...) sorti spontanément du cadre de réserve pour offrir à son pays le secours d'un bras plus que septuagénaire et l'exemple du patriotisme, était venu reprendre le commandement de la 2e division militaire, qu'il avait longtemps et dignement exercé.
C'était un homme d'une activité et d'une énergie vraiment surprenantes pour son grand âge, qui jugeait la situation froidement, sans illusions, mais sans faiblesse.
Il voyait clairement qu'en voulant se défendre de tous côtés, on n'arrêterait l'invasion nulle part; aussi était-il d'avis de temporiser, convaincu que chaque jour écoulé était un jour de gagné sur l'ennemi.
D'ailleurs, les forces dont il disposait étaient des plus restreintes ; le noyau en était formé par deux régiments de cavalerie échappés de Sedan et arrivés à Rouen dans les derniers jours de septembre.
II y avait, en outre, deux bataillons de marche de la ligne en formation dans la 2e division militaire; mais ces corps se composaient, en grande partie, de jeunes soldats de la classe de 1870, appelés dans les dépôts dans la seconde quinzaine de septembre; il fallait le temps de les instruire, et ils ne furent en état de prendre la campagne que vers la fin du mois suivant.
Le gros des forces du général Gudin se composait de douze bataillons de mobiles, mal habillés, peu ou point équipés, n'ayant que des chaussures de carton ou des vêtements d'amadou, (...) ; tous armés de fusils transformés modèle 1867, dits à tabatière, armes défectueuses, d'une faible portée, d'une justesse médiocre, très-sujettes à se détraquer, sans pièces de rechange, et en grande partie hors de service.
Telles étaient les troupes que, sur la rive droite de la Seine, le général Gudin pouvait opposer aux détachements du comte de Lippe et du prince Albert, qui, opérant de concert, avaient sous leurs ordres six bataillons, seize escadrons et trente canons, c'est-à-dire sept à huit mille hommes de troupes aguerries, exaltées par le succès, éclairées par une nombreuse cavalerie, et pouvant, en cas d'attaque, se concentrer rapidement sur le même point.

A côté du général Gudin, à Rouen, M. Estancelin, ancien député, avait reçu du gouvernement le commandement supérieur des gardes nationales dans les départements de la Seine-Inférieure, du Calvados et de la Manche, avec la mission de les habiller, de les armer, de les organiser et d'utiliser leurs services.
M. Estancelin s'était aussitôt mis à l'oeuvre, avec un dévouement d'autant plus méritoire qu'il n'avait autour de lui aucun militaire apte à le seconder, et qu'il rencontrait à chaque pas des difficultés de toute sorte.
Dissoute dans presque toutes les villes de France, la garde nationale avait été maintenue à Rouen et à Elbeuf, où elle formait une légion bien organisée; mais dans le reste du département de la Seine-Inférieure et dans ceux du Calvados et de la Manche, il n'était guère possible de compter sur un concours efficace des gardes nationaux volontaires avant que les compagnies de marche fussent formées.
Le grand génie guerrier des temps modernes, (Napoléon Ie), écrivait "Il ne faut pas que les gardes nationales aillent se mettre par quinze cents devant l'ennemi, sans ordre. Elles y vont, il est vrai, mais elles en reviennent bien plus vite".
Le général Gudin connaissait l'opinion de Napoléon Ie sur la garde nationale, et se serait bien gardé d'épuiser, en les employant prématurément, les ressources que pouvait fournir plus tard cette milice, lorsqu'elle aurait été réunie et exercée.
Avec des moyens aussi restreints, il ne pouvait faire qu'une seule chose, gagner du temps pour instruire et discipliner ses jeunes troupes, pour organiser un peu d'artillerie, car il ne possédait pas un canon, et enfin pour permettre aux fortifications du Havre de s'élever et de s'armer; car le Havre était son seul point d'appui, et, en cas d'échec ou devant des forces supérieures, il avait l'ordre du ministre de se retirer sur cette place.

La ville de Rouen, dont les maisons sont en grande partie construites en bois, est dominée à une très petite distance par une série de hauteurs qui l'entourent de toutes parts sur la rive droite de la Seine, et n'est pas défendable avec la portée actuelle de l'artillerie, à moins d'avoir des troupes nombreuses et solides pour occuper sérieusement la crête des coteaux.
La défense immédiate de Rouen avec le peu de troupes novices que possédait le général Gudin, eût amené inévitablement la destruction d'une des plus grandes cités commerciales de France, la perte de sa garnison, et cela sans résultat utile pour l'ensemble de la défense du territoire.
Aussi le plan du général était-il d'occuper la vallée de l'Andelle, la foret de Lyons et le pays accidenté qui s'étend depuis Gournay jusqu'à Neufchâtel , en portant successivement sur cette ligne les bataillons organisés au fur et à mesure qu'ils lui arriveraient.
Ce terrain couvert, coupé, boisé, était un champ de bataille très-favorable pour former des débutants, les Allemands ne pouvant y déployer les deux armes qui leur donnaient la supériorité, la cavalerie et l'artillerie.
Là on pouvait, non point les provoquer, mais les attendre ; aguerrir nos jeunes troupes en leur faisant surprendre les reconnaissances ou les partis ennemis qui se présenteraient à leur portée, et, en cas d'attaque par des forces supérieures, se retirer, selon les circonstances, sur le Havre par la rive droite de la Seine, ou par la rive gauche au moyen des ponts conservés intacts.
Les nombreux comités locaux de défense qui avaient, eux aussi, leurs plans particuliers et leur stratégie de clocher, ne se firent pas faute de critiquer les dispositions prises par le général Gudin ; dans l'arrondissement des Andelys , qui se trouve séparé par la Seine du reste du département de l'Eure, on pressait très-vivement le général de s'établir sur la ligne de l'Epte, qui formait autrefois la limite entre la Normandie et l'Ile-de-France.
De cette façon, il est vrai, nos troupes, au lieu d'être adossées à une rivière, eussent été couvertes par une autre; mais l'Epte, qui prend sa source au même point que l'Andelle , a un développement de plus de vingt lieues, et en outre, dans son cours inférieur, elle arrose un pays à peu près découvert, le pied des plateaux du Vexin; elle offrait donc une ligne plus étendue, plus éloignée et beaucoup moins favorable que l'Andelle.
D'ailleurs il est probable que si le général Gudin s'était porté sur l'Epte, d'autres lui auraient conseillé de s'avancer jusqu'à l'Oise; mais se hasarder si loin avec des troupes si peu nombreuses et si novices, c'était appeler l'attention de l'ennemi, aller bénévolement au-devant d'un échec certain, et découvrir du même coup, non-seulement l'arrondissement des Andelys, mais encore Rouen et la Seine-Inférieure, qui avaient bien aussi leur importance et qu'il s'agissait particulièrement de protéger.
Le général s'en tint donc avec fermeté au plan qu'il avait conçu, plan qui était le seul raisonnable, le seul sérieux, et le seul qui serait probablement adopté aujourd'hui par tout chef militaire placé dans les mêmes conditions.
Dans les derniers jours du mois de septembre, les troupes dont le général Gudin disposait sont ainsi réparties :
à Fleury-sur-Andelle, le 12e régiment de chasseurs ;
à Charleval, le 2e bataillon de la garde mobile des Hautes-Pyrénées ;
à la Feuillie, le 8e bataillon du Pas-de-Calais ;
à Gournay, deux escadrons du 3e régiment de hussards, le 1e bataillon de la garde mobile du Pas-de-Calais et le 4e de l'Oise ;
à Argueil, le 1e bataillon des Hautes-Pyrénées ;
enfin le 1e bataillon de l'Oise est dirigé sur Formerie .
Les 1e et 2e bataillons des Landes, arrivés depuis quelques jours à Rouen, achèvent de s'y former; les 2e et 3e bataillons de l'Oise et le 2e de la Seine-Inférieure sont employés aux travaux de défense et à l'armement de la place du Havre.
Si nous ajoutons aux troupes que nous venons d'énumérer les bataillons de marche de la ligne en formation dans les dépôts, nous aurons l'ensemble des forces placées sous les ordres du général Gudin au 1e octobre, soit deux régiments de cavalerie, deux bataillons de marche de la ligne en formation, et onze bataillons de mobiles; en tout, 13 à 14 mille hommes sans artillerie.

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boite verte Corps du général Delarue dans le département de l'Eure

Sur la rive gauche de la Seine, à Evreux, le général Delarue, commandant la subdivision territoriale, était chargé de la défense du département de l'Eure, car le délégué du ministre de la guerre avait réparti pour la défense les départements en deux zones, la première comprenant ceux qui se trouvaient en contact immédiat avec l'ennemi.
Vers le 20 septembre, le général Delarue avait reçu pour instructions d'évacuer Évreux dès que l'ennemi s'en approcherait, et de replier ses troupes sur Serquigny, point stratégique qu'il devait défendre autant que possible, ainsi que la ligne du chemin de fer, qui restait dans ce cas la seule communication libre avec Rouen et le nord de la France.
A cette date, le général Delarue n'avait à sa disposition que le 39e régiment de la garde mobile de l'Eure et le 1e régiment des Éclaireurs de la Seine, formant ensemble un effectif de moins de 4000 hommes, sans cavalerie ni artillerie.
Le département de l'Eure faisant partie de la 2e division militaire, le général Delarue se trouvait sous les ordres du général Gudin ; mais il était en réalité dans la dépendance des comités de défense de son département, lesquels, comme on sait, prétendaient ne dépendre de personne.
L'action des départements de la Seine-Inférieure et de l'Eure se trouva ainsi presque complétement isolée dès le début ; le commandant de la division militaire ne s'occupait de ce qui se passait au delà de la Seine que parce que Rouen pouvait être attaqué de ce côté.
Avant de revenir sur la rive droite de ce fleuve, nous allons raconter en peu de mots les événements qui se sont déroulés sur la rive gauche à la fin de septembre et dans les premiers jours d'octobre.
Retournés à Vernon à la suite de leur première apparition à Mantes le 22 septembre, les Éclaireurs de la Seine, formant deux bataillons, allèrent s'établir le lendemain dans la forêt de Rosny; le 25, ils s'avancèrent jusqu'à Magnanville, et le 28, ils occupèrent Mantes, chassant devant eux les éclaireurs prussiens.
Ce jour-là, un des leurs, le capitaine Guillaume explorant les environs à la tête d'une patrouille, surprit dans la cour d'un moulin d'Epône quelques cavaliers qu'il dispersa; il s'empara de leurs chevaux, qu'il ramena, aux grands applaudissements des habitants de Mantes qui le virent rentrer dans cet équipage.
Le 29, les Éclaireurs de la Seine allèrent camper à Maule, en arrière de la petite rivière de la Mauldre et de la forêt des Alluets, opposés aux fourrageurs ennemis de la 5e division de cavalerie, dont le quartier général se trouvait à Saint-Nom, et qui, depuis l'expédition de la brigade de Brédow contre Mézières, était concentrée à Saint-Germain, sur la lisière de la forêt de Marly.
Les francs-tireurs furent suivis dans ce mouvement par des gardes nationaux sédentaires.
Depuis le 20 septembre, un piquet d' éclaireurs à cheval de la garde nationale de Rouen (sous-lieutenant Lequeux-Muston) avait exploré la rive droite de la Seine, en passant par Fleury-sur-Andelle, Etrépagny et Magny.
En l'absence de toute cavalerie régulière, ces volontaires avaient rempli leur mission avec une Intelligence et une activité remarquables, donnant fréquemment de leurs nouvelles et tenant la population, alors si anxieuse, au courant de la marche de l'ennemi.
Ils furent rejoints peu de temps après par une colonne sous les ordres du commandant général Estancelin; elle se composait d'un autre piquet de cavaliers et d'éclaireurs à cheval de Rouen et d'Elbeuf, du dépôt de la garde mobile de la Seine-inférieure, et d'environ sept cents volontaires du 1e bataillon de la garde nationale de Rouen (commandant Rondon).

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boite verte Excursion de la garde nationale de Rouen à Mantes (29 septembre)

Transportées par le chemin de fer, ces troupes firent leur entrée à Mantes le 29 septembre, peu d'heures après que les Éclaireurs de la Seine en étaient partis.
Après avoir poussé une pointe en chemin de fer jusqu'à Meulan, de concert avec les tirailleurs havrais de la 1e compagnie qui se trouvaient dans ces parages, et exploré quelques localités entre Mantes et Mézières sans rencontrer l'ennemi, la colonne expéditionnaire, couverte par les francs-tireurs, reprit le soir même le train qui l'avait amenée, et passant par Louviers et Elbeuf, fit sa rentrée à Rouen le 2 octobre.

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boite verte Entreprises du détachement de Bredow sur la rive gauche de la Seine

"C'était incontestablement une expédition aventurée", comme l'a plus tard avoué celui qui la dirigeait ; en effet, si elle avait été différée de vingt-quatre heures seulement, le commandant général Estancelin se serait trouvé en face du général de Bredow , qui, à la tête d'une colonne composée du 13e régiment de dragons, de deux escadrons du 16e uhlans , de six compagnies d'infanterie bavaroise et d'une batterie d'artillerie, s'apprêtait à faire de son côté une expédition contre Mantes, afin de purger la contrée des francs-tireurs qui l'occupaient.
Les deux bataillons des Éclaireurs de la Seine (commandant de Faby), arrivés à Maule le 29, s'étaient répandus aux environs, notamment à Ecquevilly, où ils tirèrent sur une patrouille du lOe hussards , à laquelle ils prirent un homme et deux chevaux, et aux Alluets , où deux cents des leurs environ passèrent la nuit : aucune troupe française ne devait s'approcher aussi près de Paris pendant l'investissement.

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boite verte Rencontre des Alluets (30 septembre)

Le 30, vers six heures du matin, on signala la présence d'une patrouille; c'étaient trois dragons du 13e régiment de Schleswig-Holstein qui se dirigeaient sur les Alluets au pas de leurs montures.
Embusqués derrière des murs, les francs-tireurs les attendirent et les reçurent par une décharge qui tua un cheval et blessa mortellement un cavalier.
Le même jour, vers onze heures, l'avant-garde du général de Bredow vint prendre position à l'est du village, à une distance de plus de deux kilomètres, et se mit en devoir de le bombarder et de l'incendier, tout en fouillant de ses obus les bois où les éclaireurs s'étaient réfugiés.
Ceux ci, bien que hors de portée, ripostèrent par une fusillade qui eut pour résultat de maintenir à distance l'infanterie bavaroise.
Pendant près de trois heures l'artillerie ennemie ne cessa de tonner, et plus de cent obus tombèrent sur les Alluets, où ils mirent le feu à une grange et endommagèrent plusieurs habitations.
Les nôtres, qui couraient risque d'être enveloppés dans les bois, furent avertis par les gens du pays, qui leur servirent de guides, et ils se retirèrent, sans cesser de tirailler, par Ecquevilly et par Mareil-sur-Mauldre .
L'ennemi en les poursuivant lança encore une douzaine.d'obus sur le village d'Herbeville , et brûla, à la Falaise , la maison d'un paysan pris les armes à la main.
A la suite de cet engagement, qui ne causa d'autre perte à l'ennemi que celle du dragon tué le matin, et aux nôtres qu'une seule blessure sérieuse, les Prussiens occupèrent Maule, et les Éclaireurs de la Seine se replièrent sur Mantes , où ils arrivèrent à la nuit.

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boite verte Occupation de Mantes (le octobre). Rencontre d'Aigleville (5 octobre)

Dans la matinée du lendemain, 1e octobre, le général de Bredow fit son entrée à Mantes à la tête de la colonne dont nous avons donné plus haut la composition, et qui pouvait être forte d'un peu plus de 2000 hommes.
Les Éclaireurs de la Seine, rejoints par des francs-tireurs de Rouen et du Havre , venaient de quitter la ville quelques heures auparavant et n'eurent que le temps de se retirer à Dammartin , pour se rabattre pendant la nuit suivante dans la direction de Vernon et de Louviers.

Il ne restait plus pour couvrir Évreux de ce côté que la garde mobile de l'Eure.
Dès le 22 septembre, le 1e bataillon avait été envoyé à Vernon, avec l'ordre d'occuper la forêt de Bizy.
Le 2 octobre, le 3e bataillon du même département fut dirigé d'Evreux sur Pacy, avec mission de harceler l'ennemi qui occupait Mantes et de le gêner dans ses réquisitions, mais il avait l'ordre de se retirer devant des forces supérieures, en se conformant aux instructions contenues dans la circulaire ministérielle du 21 septembre sur l'emploi de la garde mobile.
Le 3, sur l'ordre du lieutenant-colonel d'Arjuzon, commandant le 39e régiment de la mobile de l'Eure, les 1e et 3e bataillons se réunirent à Chaufour, et poussèrent une reconnaissance jusque près de Bonnières, après quoi ils reprirent les positions qu'ils occupaient précédemment.
Dans la matinée du 4 octobre, la 2e compagnie du 1e bataillon (capitaine de Saint-Foy), envoyée de Port-Villez en reconnaissance vers Bonnières, s'y trouva tout à coup en présence du gros du détachement ennemi venu de Mantes; elle eut à essuyer le feu de son artillerie, et dut se replier sur Vernon, d'où la garnison se retira peu de temps après sur Gaillon et Louviers.
Après avoir fait incendier et détruire la gare de Bonnières, sous le prétexte qu'on avait tiré quelques coups de fusil sur ses éclaireurs du haut d'une locomotive blindée, le général de Bredow se porta dans la direction de Pacy.
Le commandant Power, chef du 3e bataillon qui occupait cette ville, fut informé que l'ennemi s'était dirigé sur Bréval, et il apprit sa présence à Bonnières.
Menacé ainsi de deux côtés, il prit ses dispositions en vue d'une attaque qui devenait imminente.
Il fit occuper Saint-Chéron par trois compagnies, en plaça deux autres dans les bois qui se trouvent en avant de Pacy, le long de la route de Bonnières, et laissa les deux dernières en réserve dans la ville.
Avant que les deux compagnies envoyées dans la forêt eussent le temps de prendre position, une trentaine de dragons prussiens arrivèrent jusqu'au poste établi en avant de Pacy, mais ils rebroussèrent immédiatement à la vue des mobiles.
Dans la soirée, le commandant Power rassembla les deux compagnies restées en réserve et rejoignit celles qui se trouvaient déjà dans la forêt avec le lieutenant-colonel d'Arjuzon.
Le 5, avant le jour, ces quatre compagnies, auxquelles s'étaient joints quelques volontaires des environs, furent postées à la lisière du bois, sur le territoire d'Aigleville.
Vers dix heures l'ennemi parut.
Ce furent d'abord quelques éclaireurs qui tournèrent bride après avoir essuyé une décharge; puis une assez forte avant-garde de cavalerie, soutenue par un détachement d'infanterie dont le feu prenait en flanc nos tirailleurs.
A plusieurs reprises les dragons se mirent en devoir de charger, mais ils essuyèrent une fusillade nourrie qui les força de tourner bride. Peu de temps après on entendit sur la route le roulement de l'artillerie qui arrivait avec le gros de la colonne.
Le colonel d'Arjuzon, voyant qu'il avait affaire à un corps de toutes armes et supérieur en nombre, s'abstint de s'engager et donna le signal de la retraite, qui s'effectua par Ménille et par le pont de Cocherel.
Cependant le général de Bredow, après avoir fouillé la forêt à coups de canon, s'était porté rapidement vers Pacy; puis, apercevant les mobiles dans Ménille, il dirigea son feu de ce côté; mais les maisons seules eurent à en souffrir, et les compagnies qui s'y trouvaient purent gagner Évreux sans avoir à déplorer aucune perte.
Les volontaires furent moins heureux dans le mouvement de retraite, un garde national d'Evreux fut pris et massacré par la cavalerie.
Trois habitants de Pacy, qui s'étaient avancés en curieux et sans armes, trouvèrent également la mort aux portes de la ville.
Quant au détachement de Saint-Chéron, il se retira sans coup férir et ne perdit qu'un caporal isolé, qui, rencontré par quelques cavaliers, fut blessé et fait prisonnier.
Bien que cette rencontre n'ait occasionné à l'ennemi, s'il faut l'en croire, que des pertes nulles ou insignifiantes, le village d'Aigleville faillit être incendié : l'ordre en avait été donné, et plusieurs fantassins, la torche au poing, n'attendaient plus que le signal, lorsqu'une domestique du château, Bavaroise d'origine, parvint à adoucir la férocité de ses compatriotes.
La présence de l'ennemi à Pacy, connue aussitôt à Evreux, y causa une panique des plus vives.
Le colonel Cassagne, qui avait remplacé la veille le général Delarue dans le commandement de la subdivision de l'Eure, eut d'abord l'intention de tenter un retour offensif et de reprendre ses positions mais l'ennemi ayant occupé Vernon dans la même journée et paraissant menacer Evreux de deux côtés, cette ville fut abandonnée dans la nuit du 5 au 6, les divers services administratifs et le matériel de la gare évacués précipitamment, et les troupes dirigées sur Serquigny.
Le 6, le général de Bredow lança dans la direction d'Evreux et de Vernon de forts détachements de réquisition qui ne rencontrèrent plus aucune résistance; il réunit ainsi de grandes provisions, consistant principalement en farines, bestiaux, avoine et fourrages, qu'il dirigea aussitôt sur les magasins de l'armée d'investissement.

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boite verte Entreprises des Allemands sur la ligne de Chartres

Pendant ces entreprises du détachement de Bredow sur la rive gauche de la Seine, la 6e division de cavalerie (général-major duc de Mecklembourg-Schwerin), qui opérait à la gauche de la 5e, s'avançait sur Chartres en suivant la ligne de Paris à Rambouillet.

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boite verte Embuscades et massacres de Saint-Léger-aux-Bois (1-2 octobre)

Le 1e octobre, une patrouille du 16e hussards de Schleswig-Holstein tentait de se mettre en communication avec le général de Rheinbaben; entre Saint-Léger-aux-Bois et Condé-sur-Vègre, au lieu dit les Pins-du-Phalanstère, elle tomba dans une embuscade dressée par des gardes nationaux des communes voisines et des francs-tireurs de Saint-Léger, et elle eut deux cavaliers tués et cinq blessés.
Dans ce pays couvert de forêts, les paysans s'étaient organisés pour inquiéter l'ennemi, et chaque jour ses fourrageurs étaient reçus à coups de fusil.
Pour mettre fin à cette résistance, le duc de Mecklembourg donna l'ordre à un bataillon du 11e régiment bavarois "de Tann" de faire une battue dans la forêt.
Dans la matinée du 2 octobre, les Bavarois cernèrent la commune de Poigny et se mirent en devoir de fouiller les bois.
Aux abords de l'étang de la Cerisaie, ils égorgèrent froidement deux bergers dans la hutte desquels ils avaient trouvé un vieux fusil. (...).
A Saint-Léger-aux-Bois, pour venger les pertes essuyées la veille par les hussards, ils pendirent le maire par son écharpe à la porte de sa mairie, fusillèrent un garde national et emmenèrent seize habitants comme otages.

Deux de ces malheureux, effrayés, essayent de fuir; ils sont impitoyablement massacrés; l'un d'eux, lorsqu'il reçut le coup mortel, tenait ses deux enfants par la main.
Là encore, les meurtriers branchèrent les cadavres de leurs victimes, supplice que les bourreaux du moyen âge réservaient aux voleurs de grands chemins.
Un récit allemand de la dernière guerre, récit illustré, dans lequel la plume rivalise souvent avec le crayon pour l'extravagance, nous apprend le nom de celui qui présidait à l'exécution de ces hautes-œuvres.
C'était le major de Beumen, un philanthrope, nous dit-on : der menschenfreundliche Major von Beumen.
Si cet officier est un type d'humanité, on se demande ce que peut être le commun des Bavarois, ses compatriotes.

Pendant ces escarmouches, l'ennemi, qui occupait en force Rambouillet, poussait de fréquentes reconnaissances jusqu'à Epernon.

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boite verte Combat d'Epernon (4 octobre)

Le 4 octobre, le colonel d'Alvensleben, à la tête de la 15e brigade de cavalerie, de deux compagnies d'infanterie du régiment du corps et du 11e bavarois, et d'une batterie, se porta lui-même sur cette ville, menaçant ainsi le département d'Eure-et-Loir.
Ce département était tout à fait dépourvu de moyens de défense.
Dès que les communications avaient été coupées avec Paris, le général Boyer, commandant de la subdivision militaire, se conformant aux instructions qu'il avait reçues du ministre, s'était retiré dans l'Orne avec les mobiles placés sous son commandement, afin qu'ils pussent achever leur instruction et acquérir quelque solidité.
Mais cet officier général se trouvant en désaccord avec les comités de défense, fut relevé de ses fonctions, et les mobiles rappelés à Chartres.
A la nouvelle de l'approche de l'ennemi, le préfet d'Eure-et-Loir, qui, comme tant d'autres fonctionnaires civils, ne craignait pas d'ordonner des mouvements militaires, dirigea sur Épernon les 2e et 4e bataillons de la garde mobile de son département (lieutenant-colonel Marais); renforcés par quelques gardes nationaux et par des francs-tireurs du pays, ils allèrent occuper le plateau des Marmousets et celui de la Diane, qui dominent la ville à une faible distance et sont séparés par une vallée étroite que traverse la grande route du côté de Rambouillet.
Le 4 octobre, entre dix et onze heures, l'ennemi parut, et commença la canonnade.
Après une lutte sérieuse de plusieurs heures, dans laquelle le commandant Lecomte tomba bravement à la tête du 4e bataillon d'Eure-et-Loir, et qui coûta, tant aux mobiles qu'aux gardes nationaux de Droué, quinze tués et une trentaine de blessés, les nôtres, écrasés par l'artillerie, se virent forcés d'abandonner le terrain et de se retirer sur Chartres.
D'après les états de pertes du bureau statistique prussien auxquels nous nous en rapportons, bien qu'ils soient souvent inexacts, le colonel d'Alvensleben avait eu, de son côté, dans cette journée, sept hommes tués et vingt-quatre blessés, dont un officier.
Le soir même, il entra à Epernon; le lendemain, il s'occupa de faire des réquisitions, et le 7, il retourna à Rambouillet, emmenant son butin et laissant derrière lui quelques détachements.
L'un de ces détachements, composé du 4e escadron du 16e régiment de hussards de Schleswig-Holstein et d'un piquet d'infanterie du 11e régiment bavarois, occupait Ablis, bourg riche et important, situé sur les confins du département de Seine-et-Oise.

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boite verte Surprise et incendie d'Ablis (8 octobre)

Le 8 octobre, un peu avant le jour, les Allemands y furent surpris et attaqués par environ cent trente francs-tireurs de Paris (commandant Lipowski), venus de Denonville.
Apres une demi-heure de combat, les nôtres se replièrent, emmenant avec eux soixante-dix prisonniers et près de cent chevaux.
Dans ce hardi coup de main, qui leur coûta deux hommes seulement, les francs-tireurs de Paris tuèrent six Prussiens et en blessèrent cinq autres ; parmi les premiers se trouvait le capitaine Ulrich, chef de l'escadron des hussards et du détachement.
Malheureusement les représailles ne devaient pas se faire attendre : à neuf heures du matin, l'ennemi revient avec des forces considérables pour venger son échec de la nuit; le village est envahi et cerné; quatre paysans, rencontrés dans les rues, sont massacrés sans pitié ; le maire est averti que s'il ne paye pas sur l'heure une contribution de cinq mille francs, on va incendier sa commune; puis, quand l'argent est versé, le feu est mis aux habitations, et le bourg est brûlé de fond en comble; dans sa soif de vengeance l'ennemi n'épargne même pas l'ambulance dans laquelle on a soigné ses blessés.
Vingt-deux otages sont enchaînés et traînés au quartier prussien du Mesnil-Saint-Denis par le général-major de Schmidt, chef de la division de cavalerie, qui menace de les retenir si le gouvernement français ne lui rend pas les hussards faits prisonniers.
Le lendemain, cependant, sur la protestation de la délégation de Tours et des autorités du département, le général de Schmidt se décida à relâcher les habitants d'Ablis, et il aurait même, dit-on, en les reconduisant aux avant-postes, laissé échapper ces paroles:
"A mon lit de mort, je me rappellerai cette malheureuse affaire."
Il pourra se rappeler également le drame de Sivry-sur-Ante, dans lequel son ancien régiment a été le principal acteur, et dont la Champagne ne perdra pas de si tôt le souvenir.
"L'Incendie d'Ablis était, dit Rüstow, le premier acte annonçant clairement la guerre de terreur."
Ce n'était ni le premier ni malheureusement le dernier: déjà nous avons vu le général de Bredow inaugurer sa marche par le bombardement de Mézières; nous verrons cette consigne s'exécuter impitoyablement sur les deux rives de la Seine, et nous n'aurons que trop souvent l'occasion de flétrir ces représailles dignes des guerres civiles.

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boite verte Entreprises des Saxons et des Prussiens sur la rive droite de la Seine

Sur la rive gauche de la Seine, nous avons laissé les Saxons au moment où, après avoir pris possession de Beauvais, le 30 septembre ils ont envahi la plus grande partie du département de l'Oise.
Au commencement d'octobre, se sentant soutenus par le détachement du prince Albert, dont les patrouilles sillonnent déjà les environs de Marines et de Magny, et s'avancent jusqu'aux portes de Gisors, ils deviennent, de leur côté, plus entreprenants et le 2 octobre ils envoient dans la direction de Gournay une première reconnaissance, forte de deux escadrons de cavalerie, dragons et uhlans.

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boite verte Rencontres de Gournay (2 octobre) et d'Armentières (5 octobre)

Gournay, ville commerçante et marché important, était un centre de ravitaillement dont l'ennemi désirait s'assurer la possession; aussi, dès le 21 septembre, le général Gudin avait-il fait occuper cette ville par le 8e bataillon de la mobile du Pas-de-Calais (commandant Darceau), qui fut renforcé le 1e octobre par le 4e bataillon de l'Oise et par deux escadrons du 3e hussards, sous les ordres du colonel d'Espeuilles.
Dans la matinée du 2 octobre, un peloton de nos hussards rencontra à la hauteur de Senantes la reconnaissance saxonne en marche sur Gournay, et, en présence d'un ennemi supérieur en nombre, il dut se replier sur cette ville, suivi de près par les Saxons.
Enhardie par la retraite des nôtres, une patrouille du 18e uhlans s'avance jusqu'à la gare; mais elle est reçue à coups de fusil par une section de la 5e compagnie du Pas-de-Calais (lieutenant de Puisieux), qui se trouve là de grand'garde.
Tandis que le reste de la compagnie de mobiles (capitaine du Hays) cherche à les tourner au pas de course, le colonel d'Espeuilles, à la tête d'un escadron, donne la chasse aux uhlans; et ceux-ci, après avoir essuyé plusieurs décharges, s'enfuient, emmenant un de leurs sous-officiers blessé et laissant entre nos mains deux chevaux et un prisonnier.
Cette première apparition des fourrageurs à Gournay, sur la limite même de la Seine-Inférieure, causa dans le département une très-vive émotion; mais l'émotion de l'ennemi ne fut pas moins vive, car il ne s'attendait nullement à rencontrer notre cavalerie régulière, ni surtout à être ramené par elle, aussi cette escarmouche occasionna-t-elle une alerte, non seulement parmi la garnison de Beauvais, mais encore parmi celle de Clermont, qui s'empressa de doubler le service des grand'gardes et des patrouilles.

Devenus plus circonspects, les Saxons ne se hasardèrent plus aussi loin, et ce furent nos cavaliers qui allèrent à leur rencontre.
Le 5 octobre, un peloton du 3e hussards, en reconnaissance à la Chapelle-aux-Pots, fut averti dela présence de patrouilles ennemies dont il suivit la trace jusqu'à Hodenc-en-Bray.
Là, sept de nos hussards se détachèrent, fondirent à toute bride sur Armentières, et y rejoignirent les Saxons, qui, ne se croyant pas suivis de si près, faisaient tranquillement leur provision de tabac et de cigares.
Troublés dans leurs achats, ils détalèrent précipitamment, poursuivis pendant plusieurs kilomètres par les décharges des nôtres.
Dans cette nouvelle rencontre, deux dragons furent mortellement atteints; quant à nos hussards, n'ayant éprouvé aucune perte, ils rentrèrent à Gournay, ramenant encore un uhlan fait prisonnier.
En traversant, dans leur fuite, le hameau d'Héricourt, les dragons du 2e régiment saxon s'écriaient qu'ils seraient vengés.
Ils le furent en effet dès le lendemain.

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boite verte Incendie d'Héricourt (6 octobre)

Sur les ordres du colonel saxon de Standfest, qui occupait Beauvais, un détachement d'exécution, commandé par le major de Goerne, du 2e régiment à pied de la garde prussienne, et composé des 6e et 7e compagnies de ce régiment, de deux escadrons du 18e uhlans saxons et de deux pièces d'artillerie, se mit en route pour la Chapelle-aux-Pots.
Tandis que la cavalerie cernait le village, le gros de la troupe se dirigeait sur Héricourt.
Déjà l'avant-garde prussienne avait massacré sur sa route, au Pont-qui-Penche, un malheureux paysan dont les réponses incohérentes lui avaient paru suspectes;
en arrivant au passage à niveau du chemin de fer, dit le Pont-aux-Claies, les fantassins envahirent la maisonnette du garde-barrière;
l'ayant trouvé caché dans sa cave avec plusieurs ouvriers employés aux réparations de la voie, ils le firent sortir; puis, sur le simplé soupçon qu'il était de connivence avec des francs-tireurs, ils le forcèrent à s'adosser à un poteau du télégraphe et le fusillèrent sous les yeux de sa femme éplorée, en face de sa maisonnette en flammes.
Quant aux terrassiers, ils échappèrent à la mort, mais non à l'ignominie mis à nu et attachés aux arbres de la route, ils ne furent relâchés qu'après avoir été fustigés d'une façon toute germanique.
Poursuivant sa marche sur Héricourt, le major de Goerne arrive vers midi à l'entrée duvillage; sachant qu'il est vide de défenseurs et qu'il n'y a personne pour lui répondre, il met ses pièces en batterie et commence le bombardement pour ainsi dire à bout portant au bout de vingt minutes, les hameaux d'Héricourt, d'Armentières et de la Frenoye sont en feu.
Vers deux heures, ces héros reprennent la route de Beauvais, laissant derrière eux une soixantaine d'habitations en flammes, et satisfaits d'avoir tiré vengeance d'un fait de guerre qui était pourtant des plus réguliers.
C'est ainsi que, sur la rive droite comme sur la rive gauche de la Seine, les Allemands, ayant rompu en visière avec la civilisation, parcourent notre malheureux pays la mèche allumée, la torche à la main, et ils se réjouissent de ce que la "pacification fait partout de rapides progrès" : Die Pacifirung machte hier uberall gute Fortschritte !
Ah si de pareils moyens eussent été employés dans un pays armé et préparé pour la défense, ils auraient eu pour résultat l'extermination certaine des "pacificateurs").

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boite verte Occupation de Compiègne (7 octobre)

Au lendemain de l'incendie d'Héricourt, les Allemands, pensant nous avoir suffisamment terrifiés du côté de l'ouest, résolurent d'étendre leur rayon d'occupation dans le nord un régiment de dragons saxons parti de Clermont avec une section d'artillerie, et deux compagnies prussiennes envoyées de Chantilly, allèrent tenir garnison à Compiègne, qui avait été visité plusieurs fois déjà par les fourrageurs ennemis, et qui fut occupé sans difficulté.
Le major de Funcke, qui commandait ce détachement saxo-prussien, s'attendait à faire un long séjour à Compiègne; installé à l'ancienne résidence impériale, il se montrait assez satisfait de la nourriture et du logement, quand, deux jours après son arrivée, il reçut tout à coup, à son grand déplaisir, l'ordre de retourner à Clermont, dont le colonel de Standfest venait de prendre le commandement.
Le général Senfft, de son côté, s'était rendu à Beauvais pour concourir au mouvement que le prince Albert et le comte de Lippe allaient effectuer de concert contre Gisors.
La ville de Gisors, qui est le centre d'un commerce important, le nœud de plusieurs embranchements de chemin de fer, et, en quelque sorte, la clef du Vexin, ne devait pas tarder à être réquisitionnée par l'ennemi c'était l'objectif nxé au prince Albert, que nous avons laissé à la fin du chapitre précédent sur la rive droite de l'Oise

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boite verte Apparition des Prussiens à Gisors (6 octobre)

Au commencement d'octobre , le détachement de ce prince, se reliant à celui du comte de Lippe, poussait ses patrouilles le long de la ligne de l'Epte, où il détruisait les ponts de Bray-et-Lu, de Montreuil et d'Aveny.
Le 2 octobre le jour même où les cavaliers saxons s'avançaient jusqu'aux portes de Gournay, les uhlans prussiens poussaient jusqu'à Trie-Château, coupaient le télégraphe à Eragny et y détruisaient le chemin de fer.
Le 6 octobre, huit des leurs pénétrèrent dans Gisors, poussant devant eux un habitant qu'ils avaient pris comme guide et comme sauvegarde; mais, reçus à coups de fusil par les gardes nationaux, qui leur blessèrent deux chevaux, ils s'enfuirent à toute bride en abandonnant leur prisonnier.
La présence presque simultanée de l'ennemi à Pacy et à Vernon, à Gournay et à Gisors, dans les premiers jours d'octobre, avait redoublé les alarmes en Normandie.
A Rouen, le commandant général Estancelin faisait retentir l'appel aux armes: "L'ennemi entre dans notre province, disait-il dans sa proclamation du 8 octobre, que tout homme de cœur prenne son fusil et vienne le recevoir! Sur les frontières de notre département, des accidents de terrain, des bois profonds, permettent une résistance efficace : que chaque arbre abrite un tireur, que chaque obstacle soit défendu!"
C'est à la même date que M. Gambetta, échappé de Paris en ballon et tombé la veille aux environs de Montdidier, traversait la ville de Rouen, où de sa voix vibrante il adressait à la foule assemblée ces paroles restées célèbres : "Si nous ne pouvons faire un pacte avec la victoire, faisons un pacte avec la mort!"

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