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La guerre dans l'ouest : campagne de 1870-1871

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Evénements sur la basse Seine pendant la reprise des hostilités dans le Nord.

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Source : L. Rolin. Image

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boite verte Séparation de la Ie armée prussienne en deux groupes sur la Seine et sur la Somme (10 décembre)

coche verte Par suite de la reprise des opérations dans le Nord, le général de Manteuffel divisa ses forces en deux groupes: sur la Somme, le général de Goeben prit l'offensive avec le VIIIe corps et la 3e division de cavalerie; sur la Seine, le général de Bentheim, avec le Ie corps et la brigade des dragons de la garde, se tint sur la défensive.
Les travaux de réparation sur la ligne du chemin de fer de Rouen à Amiens furent poussés avec la plus grande activité; les stations intermédiaires de Poix, Formerie, Forges et Buchy, furent occupées par les troupes d'étapes du général de Malotki, et au moyen de notre propre matériel abandonné par nous à Amiens et à Rouen, les Prussiens se trouvèrent bientôt en mesure de jeter rapidement des renforts d'une aile à l'autre, sur les points successivement menacés.

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boite verte Composition du corps du général de Bentheim à Rouen

L'ordre général de la Ie armée allemande, en date coche verte du 9 décembre, que nous avons cité plus haut, prescrivait au général de Bentheim de concentrer ses forces à Rouen et aux environs, de ne pas se défendre dans la ville elle-même, qui s'y prête peu par sa situation topographique, mais de marcher à notre rencontre si nous nous présentions, et de lancer fréquemment des colonnes mobiles sur les deux rives de la Seine.
Le mouvement de concentration du Ie corps prussien devait commencer le 10 décembre.
En exécution de cet ordre, le général de Bentheim rappela la 4e brigade, qui occupait Vernon sous les ordres du général Pritzelwitz et qui arriva à Rouen le 13 décembre.
Le 14, un détachement de toutes armes fut porté sur la rive droite de la Seine dans les environs de Pavilly, Barentin, Duclair et Yvetot, et chargé d'observer le Havre, conjointement avec la brigade des dragons de la garde.
Ce détachement était sous les ordres du général major de Zglinitzki, qui installa son quartier général au château de Roumare.
Le colonel de Massow, du 1er régiment d'infanterie Prince royal qui commandait la 2e brigade, et se trouvait depuis le 9 à Évreux, fut établi sur la rive gauche de la Seine.
Il reçut l'ordre de faire observer la ligne de la Rille par un détachement, et de se porter lui-même, avec le reste de sa brigade, dans les environs d'Elbeuf et de la Bouille.
Il partit d'Evreux le 11, et atteignit le même jour le Neubourg avec le gros de ses troupes celles qu'il avait désignées pour surveiller la Rille avaient été placées sous les ordres du colonel de Legat, du 3e régiment de grenadiers de la Prusse orientale, et dirigées sur Beaumont-le-Roger.
coche verte On sait qu'à la suite de l'évacuation d'Evreux, notre corps d'observation de la rive gauche de la Seine, commandé depuis les premiers jours de décembre par le capitaine de frégate Gaude, s'était replié en arrière de la Rille.
Le 10 décembre, le général de brigade de Lauriston, commandant supérieur des départements du Calvados et de l'Eure, envoya les mobiles de l'Ardèche et plusieurs légions de mobilisés du Calvados à Pont-l'Evéque, afin de mettre cette ville à l'abri d'une surprise.
Mais la brigade de Bock, qui s'était avancée le 9 jusqu'à Pont-Audemer et Toutainville, en était, comme on l'a vu, partie le lendemain pour rejoindre le corps du général de Goeben.
A la même date, un nouveau changement, le septième depuis le mois d'octobre, eut encore lieu dans le commandement de la subdivision de l'Eure le commandant Gaude fut remplacé par le capitaine de vaisseau de Guilhermy, major de la marine à Brest, qui fixa son quartier à la gare de Serquigny, et s'adjoignit, en qualité de chef d'état-major, le lieutenant-colonel Power, de la garde mobile de l'Eure.
Le bataillon de la Loire-Inférieure était alors établi sur les hauteurs de la Rille, à Tilleul-Othon et Goupillières, et couvrait ainsi l'embranchement de Serquigny.
Les francs-tireurs de Seine-et-Oise surveillaient notre gauche à Brionne; les francs-tireurs de Breteuil et une compagnie de la Loire-Inférieure reçurent l'ordre d'aller occuper Beaumont-le-Roger, afin d'éclairer notre droite.

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boite verte Engagements de Beaumont-le-Roger, de Tilleul-Othon et de Goupillières (11 décembre)

Le 11 décembre, le colonel de Legat, à la tête de son détachement, apparut aux environs de cette dernière ville, qui avait déjà été visitée la veille par quelques dragons.
Au moment où sa pointe d'avant-garde coche verte venait de pénétrer dans Beaumont et s'y faisait délivrer des billets de logement, elle y fut attaquée par des francs-tireurs de Breteuil (capitaine Glaçon).
Les nôtres s'étant repliés à la suite de cette attaque en emmenant trois prisonniers et leurs chevaux, le colonel de Légat fit peu de temps après son entrée dans la ville à la tête de son détachement, et son premier soin fut de détruire le chemin de fer et de reconnaître nos avant-postes.
Un escadron de dragons s'étant avancé jusqu'à Tilleul-Othon, y fut reçu à coups de fusil par les mobiles du 6e bataillon de la Loire-Inférieure (commandant Manet), et un engagement s'ensuivit à l'ouest de ce village, aux abords du hameau de Fréville.
Les dragons, ayant tenté de s'échapper dans la direction de Goupillières, eurent à essuyer également de ce côté une fusillade non moins vive, en sorte que, dans l'espace d'une demi-heure, l'escadron fut complétement dispersé et forcé de s'enfuir en désordre vers Beaumont.

Dans ces diverses escarmouches, les dragons lithuaniens du 1e régiment eurent trois hommes tués, cinq blessés, dont un officier, et neuf prisonniers, sans compter un assez grand nombre de chevaux tués ou capturés.
Les travaux entrepris au début de la campagne pour couvrir Serquigny étaient restés inachevés; la situation de ce village au fond d'une vallée en rendait la défense difficile, et ce point avait d'ailleurs perdu toute importance stratégique depuis la prise de Rouen.
Le commandant de Guilhermy, après s'être concerté avec le général de Lauriston, résolut donc de concentrer ses troupes à Bernay, en occupant une série de positions défensives en avant de cette ville, sur les hauteurs qui dominent la rive gauche de la coche verte Rille.
Ce mouvement s'exécuta le 12 décembre, de grand matin.
Le bataillon de la mobile des Landes fut établi à Grandchain et à Fontaine-l'Abbé; le le bataillon de l'Eure à Rotes; le 3e à Carsix, et le 2e autour de Matbrough, à l'intersection de la route de Rouen avec celle de Paris à Cherbourg.
Le bataillon de la Loire-Inférieure alla occuper les côtes d'Aclou.
En même temps, plusieurs corps francs furent poussés en avant pour reconnaître les positions de l'ennemi.
Dans cette même journée, le colonel de Légat , à la tête d'un détachement fort d'environ un bataillon, deux escadrons et une batterie, se dirigea par Tilleul-Othon sur Serquigny .

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boite verte Combats d'avant-postes à Nassandres et à Beaumont-le-Roger (12 décembre)

Le pont du chemin de fer n'était alors que faiblement gardé, et la seule résistance que l'ennemi rencontra aux abords du bois de Nassandres fut celle des francs-tireurs de l'Eure (capitaine Lortie ), qui durent se replier après une courte, mais vive escarmouche, dans laquelle ils eurent leur sergent-major tué et quelques hommes blessés, dont un mortellement.
Après cette affaire, le colonel de Légat venait de rentrer à Beaumont , lorsqu'il fut forcé d'en sortir de nouveau pour soutenir ses avant-postes qui étaient attaqués.
Voici ce qui s'était passé dans cette direction.
Le commandant de Guilhermy avait envoyé dans la matinée le capitaine de Boisgelin , de la mobile de l'Eure, de Bernay à Beaumont-le-Roger , pour s'éclairer sur les forces qui occupaient cette ville; il lui avait adjoint, pour l'accomplissement de sa mission, une cinquantaine de francs-tireurs de la compagnie d'Evreux (capitaine Thionet ).
Arrivé aux environs de Beaumont, le capitaine de Boisgelin , qui se coche verte trouvait justement sur ses terres, reconnut les positions avancées de l'ennemi, et se mit en devoir de faire, dans sa propre forêt, une véritable chasse à l'homme.
Guidés par ses gardes-chasse, les francs-tireurs enlevèrent, au lieu dit Mont-Rôti , un petit poste isolé de huit fantassins; ils s'avancèrent ensuite sur la gare, mais un second poste, fort d'une trentaine d'hommes, prit la fuite a leur approche.
Au bruit de la fusillade, le colonel de Legat mit aussitôt son infanterie en ligne; les francs-tireurs l'accueillirent par un feu nourri, et, après avoir conservé leurs positions pendant trois quarts d'heure, ils se replièrent par la forêt sans avoir subi aucune perte.
A Nassandres et à Beaumont , le 3e régiment de la Prusse orientale avait eu six grenadiers blessés et un autre fait prisonnier.

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boite verte Engagement de Serquigny (13 décembre)

Le 13 décembre , le colonel de Legat , sachant que la bifurcation de Serquigny était définitivement abandonnée par nous, y envoya une section de pionniers et un détachement d'infanterie pour enlever les rails et faire sauter le pont du chemin de fer.
Mais, de son côté, le commandant de Guilhermy avait dirigé sur ce point les 1e et 5e compagnies de mobiles du le bataillon de l'Eure ; dans l'après-midi, nos soldats surprirent l'ennemi dans son opération et l'attaquèrent vivement, aidés par les francs-tireurs de Louviers , qui étaient accourus au bruit du combat; après une fusillade qui dura environ une heure, les pionniers du 1e bataillon et les grenadiers du 3e régiment de la Prusse orientale prirent la fuite, laissant sur le terrain cinq hommes tués; en outre sept blessés, dont un officier, et une dizaine de prisonniers restèrent entre nos mains.
Mais, tandis que les mobiles de l'Eure et les coche verte francs-tireurs se retiraient sur Bernay avec leur capture, l'ennemi revenait en force et occupait Brionne.
Dans ces divers engagements, le colonel de Legat avait subi des pertes sensibles, mais il avait complétement détruit le chemin de fer qui relie Évreux à Rouen et à Caen.
La ligne avait été coupée à Conches; le viaduc de Grosley, ouvrage important sur la Rille, entre Romilly et Beaumont-le-Roger, avait sauté dans la journée du 13, et l'embranchement de Serquigny avait été également rendu impraticable.
Cette oeuvre de destruction accomplie, le colonel de Massow réunit ses troupes, et, se rapprochant de la Seine, il s'échelonna le 13 décembre sur la route de Brionne à Rouen, entre Saint-Denis et la Bouille, avec de faibles détachements à Elbeuf et à Pont-de-l'Arche.
La résistance que le colonel de Legat avait rencontrée les jours précédents éveillèrent l'attention du général de de Manteuffel, qui chargea le général de Bentheim de refouler notre corps d'observation de la Rille, dont le voisinage commençait à l'inquiéter.
C'est pour ce motif que la brigade de Massow fut concentrée sur la Seine le 15 décembre; le même jour, le général de Bentheim vint avec des renforts en prendre le commandement, et établit son quartier général à Elbeuf.
Les forces dont il disposait, réparties entre cette dernière ville et la Bouille, se composaient de onze bataillons, cinq escadrons et quarante huit canons.
Le 16, il se mit en marche avec la 1e division, atteignit le même jour Bourgthéroulde, poussa son avant-garde jusqu'à Saint-Denis-des-Monts, et fit éclairer la ligne de la Rille par sa cavalerie.
Sur les hauteurs de Brionne, ses patrouilles se coche verte trouvèrent en présence de la mobile de l'Ardèche, qui, avec celle de l'Eure et de la Loire-Inférieure, observait la vallée en couvrant les villes de Brionne et de Bernay.

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boite verte Marche du général de Bentheim sur la Rille (16 décembre)

Mais, des rencontres ayant eu lieu le 14 et le 15 sur la rive droite de la Seine, à Lillebonne et à Caudebec, la nouvelle en parvint au général de Bentheim qui, par suite de la reprise des hostilités dans le Nord, jugea prudent de se rapprocher de Rouen; il y rentra le 17, ne laissant sur la rive gauche, entre Grand-Couronne et Pont-de-l'Arche, qu'un régiment, un escadron et une batterie, sous les ordres du colonel de Massow.
Tandis que le général de Bentheim s'avançait sur Bourgthéroulde avec le dessein de refouler nos troupes de la Rille, le commandant de Guilhermy, bien que décidé à tenter la résistance, ne se sentait pas en force pour lutter avantageusement contre lui, puisqu'à ses quarante-huit canons Krupp il n'avait à opposer que quatre pièces de 4 rayé de montagne, servies par une vingtaine de mobiles des Côtes-du-Nord; il avait dû s'occuper en conséquence des moyens d'opérer éventuellement sa retraite sur Lisieux.
Il envoya donc à Aclou le lieutenant-colonel Thomas, des mobiles de l'Ardèche, en l'invitant à se renseigner sur la situation et à lui faire connaître les résolutions qu'il aurait prises il lui indiqua, pour le cas où la retraite serait reconnue nécessaire, un point de jonction avec les troupes de Bernay en avant de Thiberville.
Le colonel Thomas se rendit dans la soirée du 16 décembre à Aclou, en arrière de Brionne, et y concentra ses bataillons.
N'ayant pas de cavalerie pour s'éclairer, et croyant, d'après les rapports qui lui furent adressés, que l'ennemi continuait sa marche coche verte sur Brionne, alors qu'au contraire il se retirait sur Rouen, il ordonna la retraite de son régiment sur Thiberville, et il communiqua le lendemain matin sa résolution au commandant de Guilhermy.

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boite verte Mouvement de retraite et sédition à Bernay (17 décembre)

Le 17 décembre, avant le jour, le régiment de l'Ardèche se mit en marche sur Thiberville, et il fut suivi par celui de l'Eure.
Le bruit de cette retraite, bientôt parvenu à Bernay, y causa une vive effervescence; la nombreuse population ouvrière de cette ville était travaillée depuis quelque temps par plusieurs de ces exaltés qui ne voyaient partout que traîtres et trahisons, surtout depuis qu'on avait appris à l'armée la reddition de Metz par une proclamation qui commençait ainsi: « Soldats, vous avez été trahis ».
Parole imprudente, qui devait porter ses fruits.
Le commandant de Guilhermy s'apprêtait à monter à cheval pour se rendre compte de ce qui se passait, lorsqu'en sortant de l'hôtel de la sous-préfecture il fut accueilli par les cris et les menaces de la multitude; puis, assailli, bousculé, frappé à coups de crosse par une douzaine de gardes nationaux.
A cette triste scène assistaient, l'arme au pied, les mobiles du dépôt de la Seine-Inférieure.
Quelques-uns de ces jeunes soldats se rangèrent autour de leur chef pour lui faire un rempart de leurs corps; ils firent mine de mettre la baïonnette au canon et de charger leurs armes, mais le commandant de Guilhermy les en empêcha dans la crainte de surexciter la foule.
Bientôt un coup de feu retentit, et ce brave officier supérieur, dont la conduite a été si honorable au Mexique, s'affaissa, grièvement atteint d'une balle française.
Prévenu par le télégraphe, le général de Lauriston coche verte arrivait à Bernay quelques heures plus tard; s'étant assuré que l'ennemi s'était replié sur Rouen il expédia des ordres pour que toutes les troupes en retraite reprissent les positions abandonnées; et il désigna, pour en prendre le commandement, le lieutenant-colonel Roy, ancien capitaine d'infanterie, retraité par suite de blessures reçues en Crimée et en Italie, et commandant alors la 1e légion des mobilisés du Calvados.
Dès le 17, les corps qui avaient évacué Bernay réoccupèrent cette ville; le 18, la mobile de l'Ardèche entra sans coup férir à Brionne et s'établit sur les hauteurs de la rive droite de la Rille.
Ce petit corps d'observation, qui gardera ces positions jusque vers la fin de décembre, n'avait eu jusqu'ici pour toute artillerie que quatre pièces de 4 de montagne; il reçut comme renfort, le 17, quatre pièces Armstrong servies par des mobiles des Basses-Pyrénées, et une batterie de six pièces de 4 rayé de montagne servies par des mobilisés du Calvados.

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boite verte Evénements sur la rive droite de la Seine

Sur la rive droite de la Seine, les troupes prussiennes chargées d'observer le Havre se composaient de trois bataillons, quatre escadrons et deux batteries, s'étendant de Duclair à Barentin, sous les ordres du général de Zglinitzki.
A la droite de ce dernier, le général comte de Brandebourg, avec un bataillon, cinq escadrons et deux batteries, surveillait la ligne de Pavilly à Clères.
Ces deux détachements étaient placés sous le commandement supérieur du général de Pritzelwitz, qui, réduit à la défensive, s'occupa de couvrir sa ligne par une série de retranchements.
Par suite de la reprise des opérations dans le Nord, le général de Manteulfel avait été forcé de porter successivement son quartier général au Héron, à coche verte Marseille-le-Petit et à Breteuil, les 17, 18 et 19 décembre.
Sa position eût été très-difficile s'il y avait eu un concert établi entre notre armée du Nord et nos troupes de Normandie .
Si ces dernières avaient été placées sous les ordres directs du général Faidherbe, ou si tout au moins leurs opérations avaient été rattachées aux siennes, c'eût été la perte certaine de la Ie armée allemande.
Mais, par malheur, il ne régnait pas même la moindre entente entre les corps les plus voisins.
Si, par exemple, ceux qui opéraient sur les deux rives de la basse Seine avaient agi de concert, ils auraient rendu insoutenable la position du général de Bentheim, qui, pour le moment, n'avait à compter que sur ses propres forces.
En effet, tandis que l'ennemi ne pouvait passer la Seine ailleurs qu'à Rouen, nous étions complétement maîtres de ce fleuve au moyen de notre flottille; nous aurions pu communiquer d'une rive à l'autre; marcher sur Rouen par la rive droite ou par la rive gauche, ou simultanément par les deux rives; ou bien en agissant tantôt sur l'une et tantôt sur l'autre, fatiguer bien vite l'ennemi par ces mouvements alternatifs.
Mais le fleuve, qui aurait dû servir à relier entre elles les troupes du Havre et celles de la Basse-Normandie, était devenu comme un obstacle infranchissable et comme une barrière de plus.
Le Calvados et ce qui restait des départements de la Seine-Inférieure et de l'Eure eurent un nombre prodigieux de chefs, à chaque instant remplacés, dépendants tous des comités de défense, et par conséquent indépendants les uns des autres.
Au lieu d'organiser contre un ennemi commun une action commune, chaque général voulut être le maître dans son département afin de n'être subordonné à coche verte personne.
Un pareil système annihilait nos forces.
Au lieu de nous unir contre un adversaire redoutable, nous nous divisions volontairement; au lieu d'opérer avec ensemble, nous ne faisions plus que nous débattre dans de vains et stériles efforts, jusqu'à ce que nous fussions successivement accablés.
Depuis que le comte de Brandebourg était parti d'Angerville-l'Orcher pour Yvetot et Pavilly, les Prussiens avaient complétement disparu des environs du Havre.
Ils y revinrent dans les journées des 13 et 14 décembre, mais c'étaient des isolés à la recherche de leurs corps, et des traînards, qui, au nombre d'une quinzaine, se rendirent à nos avant-postes.

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boite verte Coup de main à Lillebonne (14 décembre)

Le 14 décembre, des dragons du 10e régiment de la Prusse orientale apparurent aux environs de Lillebonne les trois premiers cavaliers qui formaient la pointe d'avant-garde s'étant aventurés seuls dans les rues de cette ville, y furent cernés et démontés par les ouvriers, qui n'employèrent d'autres armes que leurs bras.
Lorsque la patrouille que précédaient ces éciaireurs survint pour avoir de leurs nouvelles, les habitants de Lillebonne lui indiquèrent de la main la route du Havre.
C'était bien, en effet, celle qu'ils avaient suivie, mais comme prisonniers et sous bonne escorte.
Après s'être livrés à des recherches infructueuses pour retrouver la trace de leurs camarades, les dragons reprirent la route de Rouen sans se douter de ce coup de main exécuté avec autant d'adresse que de résolution.

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boite verte Engagement de Caudebec (15 décembre)

Le 15 décembre une de nos canonnières, l'Etendard (lieutenant de vaisseau Maire), remontait la Seine dont elle explorait le cours, et arrivait à la hauteur de Caudebec, lorsque, vers dix heures, on signala coche verte sur la route de Caudebec l'approche d'une patrouille ennemie.
C'étaient des dragons, qui, se voyant surpris, n'eurent que le temps de s'embusquer derrière une usine; après avoir essuyé quelques coups de canon et une assez vive fusillade, ils se hâtèrent de rebrousser chemin vers Duclair, en laissant un de leurs sous-officiers sur le terrain.
Dans la soirée, ayant appris que notre canonnière avait redescendu la Seine, ils revinrent chercher le cadavre de leur camarade et emmenèrent comme otage un membre de la municipalité de Caudebec.
L'enlèvement d'une patrouille à Lillebonne et la présence d'une de nos canonnières à Caudebec causèrent à Rouen un certain émoi; les Prussiens s'imaginèrent que l'armée du Havre se mettait en mouvement; et c'est pour ce motif que le général de Bentheim, après s'être avancé sur la rive gauche jusqu'à Bourgthéroulde, jugea opportun de se rapprocher de Rouen.
On voit, par ces faits insignifiants, combien sa situation eût été critique si nos forces de la rive droite et de la rive gauche s'étaient concertées pour une offensive énergique.

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boite verte Organisation de la défense du Havre (17 décembre)

Resté seul au Havre après le départ du général Briand, et mis en éveil par les récentes démonstrations du comte de Brandebourg et du général de Goeben, le commandant Mouchez résolut d'assurer avant tout la défense de la place.
Par un ordre du 17 décembre, il répartit ses troupes en deux commandements et en deux secteurs correspondants: celui de droite, s'étendant de la batterie de la Lézarde à celle des Acacias, fut confié au lieutenant-colonel de Beaumont; celui de gauche, s'étendant de la batterie des Acacias à la Hève, au capitaine de frégate coche verte Olry; l'artillerie de droite fut placée sous les ordres du capitaine de frégate Lehelloco, celle de gauche sous les ordres du chef d'escadron d'artillerie Sauvé; les chefs de bataillon Rousset et Rolin commandèrent: le premier le fort de Tourneville, le second celui de Sainte-Adresse.
Après avoir pris ces dispositions, le commandant Mouchez s'occupa de former une colonne mobile destinée à protéger les abords de la place, grossie peu à peu par les corps qu'elle recevrait au fur et à mesure de leur formation; elle devait marcher sur Rouen dès qu'elle aurait atteint le chiffre d'une quinzaine de mille hommes.
Mais, nous l'avons déjà dit, ce qui manquait à ces troupes, composées en grande partie de mobilisés récemment levés ou chassés de leurs foyers par l'ennemi, c'étaient les cadres.
Pour faire un corps d'armée de cette masse de plus de trente mille hommes, il aurait fallu au moins un général de division, deux généraux de brigade, avec un nombre correspondant d'officiers supérieurs; or il n'y avait au Havre, en dehors de l'artillerie, que deux officiers supérieurs appartenant à l'armée régulière; l'un était major peu de temps auparavant, et l'autre capitaine au début de la campagne.
En présence de cette pénurie d'officiers, il fut impossible de donner un commencement d'organisation aux troupes entassées dans la place, et elles se trouvèrent par la suite condamnées à la plus regrettable inaction.
Le commandant Mouchez ne cessait de réclamer avec instance au ministre de la guerre les cadres nécessaires à la formation d'une colonne mobile et l'envoi d'un général chargé de la diriger.
La malheureuse expérience qu'il avait faite à Buchy coche verte n'était pas de nature à lui inspirer grande confiance dans la tâche de conduire des troupes en campagne; aussi avait-il demandé à en être déchargé et à ne conserver que le commandement de la place du Havre et de la 2e division militaire.
Toutefois, il n'attendit pas l'arrivée de l'officier général dont il avait réclamé le concours pour mettre quelques troupes en mouvement.

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boite verte Rencontre de Saint-Romain (18 décembre)

Dès le 18 décembre, six de nos cavaliers du 3e hussards, sous la conduite d'un maréchal des logis, allèrent éclairer la route de Rouen, et ils rencontrèrent vers deux heures de l'après-midi, entre Saint-Romain et les Trois-Pierres, une patrouille du 10e régiment de dragons prussiens venue également en reconnaissance.
Malgré leur infériorité numérique, nos hussards engagèrent la fusillade et résistèrent résolument pendant près d'une heure à leurs adversaires, qui essayèrent en vain de les cerner.
Sur ces entrefaites, les francs-tireurs de la guérilla parisienne (capitaine Vacquerel) arrivèrent à leur secours et parvinrent a ressaisir leurs propres bagages que les cavaliers ennemis avaient enlevés à Saint-Romain.
Dans cette escarmouche, les nôtres eurent un homme tué, un autre blessé et un troisième fait prisonnier.
Quant aux dragons, ils emmenèrent un de leurs officiers mis hors de combat et laissèrent un mort sur le terrain.
En ce moment, une bataille était imminente dans le Nord, et les patrouilles que l'ennemi poussait fréquemment sur la rive droite de la Seine ne dénotaient de sa part aucune intention agressive; il avait simplement pour but d'observer nos avant-postes.

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boite verte Mesures défensives prises par le général de Bentheim (20-21 décembre)

Le général de Bentheim avait reçu l'ordre d'envoyer coche verte six bataillons de renfort de Rouen à Amiens et, dans le cas d'une attaque sérieuse faite par nous, ses instructions lui prescrivaient d'abandonner la Normandie et de se retirer sur Beauvais, afin de se relier au reste de la Ie armée prussienne.
Ses forces se trouvant réduites à treize bataillons et trois régiments de cavalerie, c'est-à-dire à une douzaine de mille hommes, il fit sauter le viaduc d'Ectot, entre les gares d'Yvetot et de Motteville, et se tint strictement sur la défensive.
Il occupa fortement la ligne de la Sainte- Austreberte, petite rivière qui prend sa source au village du même nom et va se jeter dans la Seine à Duclair, après avoir arrosé Pavilly et Barentin.
Afin d'appuyer cette ligne et d'empêcher nos canonnières de remonter la Seine, le général de Bentheim s'empara, les 20 et 21 décembre, de six navires qu'il fit couler en face de Duclair; et, pour commander ce barrage, il établit une batterie à la Fontaine.
Les six navires coulés par les Prussiens étaient des bâtiments de commerce anglais, et nous crûmes un instant que cet outrage fait au pavillon de la Grande- Bretagne forcerait le gouvernement de ce pays à sortir de la neutralité.
Mais cet incident ne donna lieu qu'à une faible protestation, et le débat roula uniquement sur le chiffre de l'indemnité à payer aux armateurs.
Le 21 décembre, le commandant Mouchez conduisit en avant de Saint-Romain une colonne composée du 3e régiment de hussards, des mobiles de la Marne et de l'Oise, des mobilisés du 2e bataillon de la légion du Havre, des Éclaireurs de la Seine et des tirailleurs havrais, des francs-tireurs des Andelys, d'Elbeuf et du Nord, formant en tout un effectif de coche verte près de 7000 hommes avec deux batteries d'artillerie et deux mitrailleuses.
Ces troupes prirent position entre les Trois-Pierres et Bolbec, au lieu dit la Mare-Carel, s'étendant à droite par Métamare jusqu'à Saint-Antoine-Ia-Forêt, à gauche, par Saint-Jean-de-la-Neuville jusqu'à Beuzeville; le commandement en fut conné au lieutenant-colonel de Beaumont, du 3e hussards, lequel reçut l'ordre de s'opposer énergiquement aux incursions de l'ennemi, dont la présence était signalée aux environs d'Yvetot et de Fauville.
Dans la soirée du 33, le maire de Bolbec apprit que les Prussiens devaient diriger le lendemain une expédition contre cette ville, et il fit aussitôt part de cet avis au chef de la colonne française.
Le colonel de Beaumont crut qu'il suffirait d'ordonner pour la matinée du 24 une reconnaissance d'infanterie en avant de Bolbec; cette reconnaissance devait être opérée par les francs-tireurs d'Elbeuf, appuyés par les deux premières compagnies du 2e bataillon de mobilisés du Havre, le reste de ce bataillon se tenant dans les pentes boisées situées en deçà de Bolbec.
Le colonel Mocquard reçut, de son côté, l'ordre de se porter de Beuzeville sur Nointot.
Les renseignements fournis au colonel de Beaumont par la municipalité de Bolbec étaient des plus exacts.

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boite verte Engagement de Bolbec (24 décembre)

Une colonne de toutes armes, forte d'environ un millier d'hommes, sous les ordres du lieutenant-colonel de Ploetz, commandant du 1e bataillon de chasseurs prussiens, apparut le 24 décembre, vers huit heures du matin, entre Bolleville et Lanquetot.
Là, un détachement se dirigea sur Raffetot pour observer Nointot et Rouville, tandis qu'une compagnie du 5e régiment, un escadron du 10e dragons et une coche verte demi-batterie d'artillerie, commandés par le capitaine de Kczewski, s'avancèrent directement sur Bolbec.
Vers neuf heures, la fusillade s'engagea entre les tirailleurs ennemis embusqués vers la ferme de Caltot et les francs-tireurs d'Elbeuf (capitaine Stévenin) appuyés par les 1e et 2e compagnies de mobilisés du Havre (capitaines Marchal et Ducret); bientôt l'artillerie ennemie ouvrit le feu et fouilla les hauteurs opposées.
Après avoir résisté pendant près d'une heure dans les fermes qui avoisinent Roncherolles, les francs-tireurs et les mobilisés, ne se voyant pas soutenus, quittèrent leurs positions; de leur côté, les Éclaireurs de la Seine, craignant d'être tournés par le détachement qui s'avançait dans la direction de Rouville, abandonnèrent Nointot et se replièrent sur la Mare-Caret, après un court engagement dans lequel ils perdirent deux hommes.
Pendant ces divers mouvements, une canonnade s'était engagée par-dessus Bolbec entre une section de, notre artillerie (maréchal des logis Charlemagne) et l'artillerie prussienne établie à Caltot; cette dernière, changeant trois fois de position, lança en tout une trentaine d'obus qui, mal dirigés, tombèrent la plupart sur Bolbec, mais n'y causèrent que des dégâts insignifiants.
Vers onze heures, l'engagement était terminé; il nous avait coûté quatre hommes tués ou atteints mortellement et autant de blessés; en outre, deux femmes furent atteintes pendant l'action, l'une par une balle, l'autre par un éclat d'obus.
L'ennemi eut, de son côté, deux hommes tués et cinq autres mis hors de combat.
Dans la même journée, un dragon fut démonté et pris par les tirailleurs havrais et les mobiles de l'Oise, dans le voisinage de Saint-Antoine-la-Forêt. coche verte
Sur la foi de renseignements effarés qui ne furent pas contrôlés, le colonel de Beaumont se crut débordé sur sa gauche par des forces considérables, et il donna le signal de la retraite, qui s'opéra précipitamment et ne s'arrêta qu'aux lignes mêmes du Havre.
Dans cette journée, on vit donc se renouveler une échauffourée semblable à celle qui avait eu lieu le 4 décembre aux environs de Buchy, dans des circonstances analogues; il y avait cependant cette différence que la première fois on était en présence de forces relativement considérables, tandis que la seconde on n'avait devant soi qu'un faible détachement.
A la suite de cette affaire, les Prussiens firent leur entrée dans Bolbec en poussant devant eux un certain nombre d'habitants qu'ils gardèrent momentanément comme otages.
Après être restés là environ une heure et s'être assurés du départ de nos troupes, ils se retirèrent par Yvetot sur Pissy-Poville, en ayant soin de faire sauter derrière eux le viaduc de Bolleville, entre les gares de Nointot et d'Alvimare.
Pendant que le colonel de Beaumont se repliait sur Harfleur, le commandant Mouchez, ignorant ce qui se passait, partait du Havre par le chemin de fer avec du renfort; mais, arrivé aux environs de Bolbec, il n'y trouva plus que la 1e compagnie de tirailleurs havrais, qui était restée là par mégarde, et dont la présence en ces lieux démontrait surabondamment l'inanité des motifs allégués pour la retraite.
De retour au Havre, il s'empressa de diriger quatre bataillons sur la ligne de Beuzeville à Goderville, afin de détruire l'effet produit par cette nouvelle panique.
Les troupes rentrées dans la place rejoignirent successivement ce noyau après qu'elles eurent pris quelques coche verte jours de repos; et, le 27 décembre, une colonne mobile, composée d'une douzaine de mille hommes appuyés par trois batteries organisées, occupa une ligne s'étendant de la Mare-Carel à Goderville en passant par Beuzeville, Houquetot et Bréauté.
Le lieutenant-colonel de Beaumont étant parti pour Cherbourg avec trois escadrons du 3e hussards, le commandant Mouchez prit lui-même à Bréauté la direction de cette colonne; il renouvela plus instamment encore à Bordeaux sa demande de cadres et celle d'un officier général; malheureusement, ces cadres, la délégation de province était dans l'impossibilité absolue de les fournir; quant aux généraux, il lui arriva plus d'une fois de profaner ce titre en le donnant à des personnages bien faits pour rappeler, dans des temps moins tristes, ceux de « la Grande-Duchesse de Gérolstein ».
La pénurie d'officiers était telle, qu'on distribuait des grades auxiliaires à tout venant, et qu'on vit couverts de galons des gens animés sans doute des meilleures intentions, mais ignorant l'A B C du métier.
Le ministre de la guerre ne fut pas plus heureux lorsqu'il accabla d'un avancement anticipé certains officiers de l'armée régulière; il espérait sans doute que dans le nombre se révèlerait peut-être un Meade ou un Shéridan; par malheur, son espoir ne devait pas se réaliser.

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