de la seconde armée de la Loire
Retraite sur la Sarthe
18 - 19 décembre 1870
Sources : Alfred Chanzy, Du Casse, Grenest (colonel Sergent), Alexandre Lambert, Pierre Lehautcourt
18 décembre : Journée sans engagement.
Chanzy
décide de s'établir sur la ligne de la Sarthe.
Dès le matin, toutes les colonnes se mettent en direction
des vallées de l'Huisne et de la Sarthe.
Chanzy porte
son quartier général à Ardenay sur la route
du Mans à
Saint-Calais.
Le général Barry s'établit
à Jupilles,
à Chahaignes et
à la Châtre,
reliant les troupes échelonnées de la Loire
au Loir, couvrant le chemin de fer du Mans.
Le XIIIe corps, sous les ordres du grand-duc
de Mecklembourg,
se dirige vers le Nord-Ouest, pour tenir la route
de Nogent et
de Chartres.
Il passe le Loir à Cloyes
avec la 5e division
de cavalerie.
Le général Voigts-Rhetz
commence son mouvement sur Tours
avec 15 bataillons,
12 escadrons et 9 batteries.
Il laisse à Vendôme
le reste du Xe corps, sous
le commandement du
général Kraatz-Koschan,
ainsi que la 1e division
de cavalerie.
La 20e division
poursuit seule dans la direction
du Mans,
tandis que la 19e division
occupe, le 19 au soir, la ligne
Château-Renault — Amboise, se reliant sur
l'autre rive de la Loire avec
la 25e division
du IXe corps, qui, sous les ordres
du prince de Hesse, occupe tout le pays
entre la Loire et l'Indre.
La marche de ces deux divisions menace Tours.
19 décembre :
La 2e armée atteint
sans encombre ses nouvelles positions
autour du Mans.
Très tôt, le général Chanzy et les officiers
de son état-major reconnaissent les environs.
Il détermine les emplacements que les divers corps devront
occuper le lendemain, et donne ses ordres en conséquence.
Le quartier-général s'établit au
Mans dans la journée.
L'armée du prince Frédéric-Charles,
fatiguée, épuisée comme
celle de Chanzy, a besoin de repos.
Les IIIe et IXe corps,
la 6e division de cavalerie sont
cantonnés à Orléans et autour de la ville.
La cavalerie parcourt la Sologne.
Les colonnes mobiles :
Le général Chanzy, en même temps qu'il
prenait toutes ses dispositions
pour résister aux attaques directes de l'ennemi contre ses
lignes, résolut
de former des colonnes mobiles, destinées à pousser de
fortes reconnaissances
dans toutes les directions, afin d'empêcher l'ennemi, dont
on ignorait
les projets, de tourner nos positions : soit par la vallée
de la Loire,
soit par le Nord, en remontant
vers Nogent-le-Rotrou.
Le colonel Jouffroy,
qui commandait, depuis la mort du
général de Flandres,
la 3e division du 17e corps,
reçut le commandement d'une
de ces
colonnes, formée de troupes tirées des deux divisions du
16e corps, que
le général Barry
avait sous ses ordres.
Cette
colonne
devait opérer clans la direction de Vendôme.
Le général Curten
qui se trouvait, ainsi que nous venons
de le dire,
à Châteâu-la-Vallière,
reçut pour mission d'inquiéter la
gauche des
Allemands et d'éclairer tout le pays compris entre le Loir
et la Loire.
Une troisième colonne, dirigée par
le génèral Rousseau, et composée
d'une partie des troupes de la division qu'il commandait
(1e du 21e corps)
dut remonter le cours de l'Huisne, dans la direction de
la Ferté-Bernard
et de Nogent.
Les francs-tireurs du
colonel Lipowski lui servaient d'avant-garde,
et couvraient en même temps notre extrême-gauche, tandis que le corps
des volontaires du
général Cathelineau occupait la forêt
de Vibraye.
La position du Mans :
La ville est bâtie sur les deux rives de la Sarthe, qui la traverse dans la
direction du Nord-Est au Sud-Ouest.
Elle se trouve contournée, au Sud, par l'Huisne, dont
l'embouchure se trouve à quelques
kilomètres au-dessous
du Mans et qui forme, en conséquence,
de ce côté, une ligne
de fortifications naturelles facile à défendre.
Au-dessus de la ville, l'Huisne contourne un plateau
qui domine toute la contrée,
et forme, en quelque sorte, la
citadelle du Mans :
c'est le plateau d'Auvours.
Le plan de défense du général Chanzy
était combiné
de façon à profiter de tous ces avantages.
Positions affectées aux différents corps :
Le 21e corps , à gauche,
sur les deux rives de l'Huisne,
gardant le plateau d'Auvours ,
mis en état de défense, et
s'étendant jusqu'à hauteur de Montfort .
Les troupes formant
la colonne de l'amiral
Jauréguiberry
(la 1e division du 16e corps , les troupes du
général Camô , et la réserve d'artillerie
du 16e corps ) dans l'espace compris entre
la Sarthe et l'Huisne, sur leurs rives gauches,
gardant les trois routes qui se bifurquent
à partir du faubourg de Pontlieue et se
dirigent vers le Lude, Château-du-Loir et
la Chartre-sur-le-Loir .
La colonne du
général Barry constitue les avant-postes
de l'amiral Jauréguiberry , en avant de la
forêt de Bersay, entre Château-du-Loir
et la Chartre-sur-le-Loir .
Le 17e corps forme la réserve générale de
l'armée sur la rive droite de l'Huisne.
La cavalerie du 16e corps ,
sur la rive droite de la Sarthe.
L'extrême-droite est couverte, sur la rive gauche du Loir,
par la colonne du général Curten , qui reçoit,
dès le 20 décembre , l'ordre de
se porter sur Château-la-Vallière.
Misère des troupes :
Texte de Pierre Lehautcourt.
« La retraite de notre armée se termina dans la journée du
19 décembre.
Dans ce pays accidenté, la difficulté des chemins, la rigueur
de la saison et, par-dessus tout, les défaillances morales
résultant des circonstances rendirent ce mouvement fort pénible.
Partant avant le jour, les colonnes s'allongeaient à l'infini, et
leur allure était d'une extrême lenteur.
Le 18, par exemple,
le 30e mobiles (Manche), qui avait quatre lieues à faire de
Mondoubleau à Semur, n'atteignit l'étape qu'à minuit, harassé
de fatigue.
D'ailleurs, dans le désarroi général, on ne prenait
pas toujours les précautions nécessaires pour éviter
des erreurs de direction.
Certains corps s'égarèrent, d'autres
devancèrent l'armée avec intention et arrivèrent sur la Sarthe
deux jours au moins avant elle.
Les souffrances endurées par la majeure partie des troupes
étaient presque intolérables.
Au 49e mobiles (Orne), plus de
1000 hommes, c'est-à-dire les deux tiers de l'effectif présent,
n'avaient que des sabots, des moitiés de souliers ou des chiffons
aux pieds.
Presque tous, à moitié nus, faisaient usage de leur
couverture coupée en deux pour remplacer des vêtements
absents.
Aussi le nombre des fuyards était-il très grand.
Beaucoup d'hommes quittaient les bivouacs où, malgré les ordres de
Gambetta, on s'obstinait à les maintenir pendant les nuits
glaciales de cette lugubre fin de décembre ; ils cherchaient un
abri précaire dans les hameaux ou les fermes voisines.
Des corps entiers rompaient les rangs pour se loger
ainsi, à la volonté de chacun.
Parmi les hommes qui se dispersaient de la
sorte, beaucoup quittaient définitivement leur corps et
prenaient les devants dans la direction du Mans, devenu leur
centre d'attraction.
Fantassins et mobiles couvraient ainsi les
chemins, les sentiers se dirigeant vers l'ouest ;
les pieds en sang, le ventre vide, ils doublaient les étapes pour trouver,
sinon le repos, du moins un peu de répit et de bien-être relatif.
Il fallut jeter de la cavalerie et les deux régiments de
gendarmerie en avant de l'armée pour arrêter cette débandade,
mais un grand nombre de traînards réussirent à traverser ce
réseau protecteur et les rues du Mans furent bientôt pleines
d'une foule affamée et en guenilles, de l'aspect le plus décourageant.
En arrière de l'armée, le spectacle n'était pas moins triste.
Quantité de malheureux épuisés par la fatigue ou la maladie
mouraient dans les fossés ou se laissaient docilement emmener
en troupeau par des cavaliers ennemis, heureux d'échapper
ainsi à tant de misères et ignorants du sort qui les attendait
en Allemagne.
Les soldats demeurés à leurs corps ne souffraient guère
moins.
L'armée était pourvue de troupeaux de boeufs, auxquels
les intempéries, la mauvaise nourriture et les marches avaient
donné l'apparence la plus famélique.
Ils ne pouvaient suivre
et, chaque jour, on abattait les plus fatigués, pour charger
les voitures vides de la quantité de viande qui dépassait les
besoins.
Celle-ci, entassée, exposée à la pluie ou à l'humidité,
présentait bientôt tous les caractères de la putréfaction.
Cette viande malsaine, l'eau que buvaient avec excès nos soldats
répandirent promptement l'anémie parmi eux et les
disposèrent à subir les atteintes de la petite vérole, de la fièvre
typhoide ou de la dysenterie.
En outre, sous l'influence de la
fatigue, du découragement, de l'alimentation insuffisante,
l'ivrognerie faisait des progrès rapides.
Il en était de même pour l'indiscipline, qui avait un moment
disparu vers la fin de novembre.
Il devenait urgent de donner
quelque repos à l'armée, de pourvoir aux plus pressants de
ses besoins et surtout d'y rétablir l'ordre. »
(Chanzy_214), (Lambert_216_222), (Du Casse_252)
Références bibliographiques : Journée du 18 décembre |