Uniformes
Extrait des
SOUVENIRS D'UN MOBILE DE LA SARTHE 33e régiment de la garde nationale mobile, Monnoyer, Le Mans, 1909 par Denis Erard |
Ah ! il ne brillait
pas par la panache notre uniforme. A part les gradés, sergents et caporaux,
qui avaient des vareuses de drap bleu foncé avec collets rouges, c'est-à-dire
l'uniforme adopté, les hommes habillés à la hâte, étaient vêtus de blouses
bleues serrées à la taille par le ceinturon. Une patte de ganse rouge sur
l'épaule les différenciaient seule de la blouse du paysan.
Dans les premiers jours de notre
rassemblement, on avait fait coudre sur l'épaule gauche de chaque homme
un bout de cette même ganse rouge placé en croix. On disait que c'était
l'Impératrice qui avait témoigné le désir de voir la garde mobile prendre
le signe des croisés. L'idée religieuse était peut-être belle, mais nous
ne sommes plus aux siècles de foi et, quand était venu le 4 septembre, l'emblême
avait sans doute été considéré comme séditieux et l'on nous avait ordonné
de l'enlever.
Pantalons foncés, avec bandes
rouges larges de deux doigts, dont le bas était enserré dans les guêtres
de toile, puis képi de même nuance que le pantalon, avec turban rouge. Sur
le dos le havre-sac de toile grise; et voilà l'équipement avec lequel nous
étions partis. Malgré la simplicité de cet uniforme, ils avaient bon air
les petits moblots. Leur allure avait quelque chose de décidé et de martial,
le sac était gaillardement porté, large, débordant les épaules par suite
du paquetage de la couverture et de la toile de tente roulées autour, et
surmonté à gauche par des piquets de tente comme d'une aigrette.
Chaque régiment de mobiles avait
du reste son aspect particulier : la Sarthe était reconnaissable à ses blouses
bleues; le Loir-et-Cher avait des blouses de toile écrue et képis de même
étoffe; la Dordogne aussi avait des blouses de toile écrue, mais képi de
drap bleu foncé avec bandeau rouge. Ces coiffures avaient été façonnées
avec du drap de mauvaise qualité, qui sous l'action successive de la pluie
et du soleil avait déteint et fini par prendre une teinte de vin indéfinissable.
Les rangs en marche présentaient
donc des alignements de blouses bleues et de blouses claires, qui faisaient
reconnaître les régiments de loin et du premier coup d'oeil. Mais quel point
de mire devaient offrir nos camarades avec leur costume clair se détachant
trop bien sur la verdure des champs !