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ARTILLERIE

Considérations sur l'artillerie par le général Percin

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Extraits de
"Souvenirs militaires 1870 - 1914"
Edition de "l'Armée nouvelle", Paris - 1930
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Général Alexandre Percin
Ancien Membre du Conseil Supérieur de la Guerre
Ancien Inspecteur Général de l'Artillerie
Grand-Croix de la LĂ©gion d'Honneur - MĂ©daille de 1870-1871

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boite verte


Les sous-lieutenants-élèves de l'Ecole d'application ne recevaient à Metz qu'une instruction théorique.
On leur faisait des cours sur les lois de la combustion du grain de poudre, à l'intérieur de la bouche à feu ; sur la fabrication des canons, des fusils et des munitions.
Le cours de tactique était professé par un capitaine du génie.
Il était intitulé " Cours de tactique et de castramétation ".
On y disait la place qu'un régiment devait tenir sur une route, dans un camp ou sur le champ de bataille.
On y faisait la description des diverses formations; mais, il n'y était pas question des moyens matériels ou moraux d'obtenir la victoire.
J'ignorais que le but du combat fût de chasser l'ennemi de ses positions; rôle incombant à l'infanterie, l'arme principale, celui des autres armes étant d'aider l'infanterie.
L'enseignement de l'histoire militaire, qui tenait une très grande place dans le programme de l'Ecole de Saint-Cyr, ne figurait pas dans celui de l'école de Metz.
Je suis entré dans l'armée, ne connaissant des grandes batailles qui ont fait ou défait les empires, que ce que m'en avait dit mon professeur d'histoire, au Lycée de Nancy.
On n'exécutait guère à Metz que la manoeuvre du canon; jamais de manoeuvres extérieures.
Les officiers-élèves devaient donc compléter leur instruction militaire en arrivant au régiment.
Malheureusement, les manoeuvres qu'on me faisait exécuter au régiment n'avaient aucun rapport avec ce que j'aurais à faire en campagne.
C'Ă©taient des manoeuvres de parade, sans application sur le champ de bataille.
Le 15 juillet 1870, la guerre ayant été déclarée, je me rendis chez mon capitaine, et je lui exprimai la crainte que mon insuffisante connaissance des règlements militaires ne m'empêchât d'être désigné pour partir.
"Rassurez-vous, me dit-il. A la guerre, il n'y a plus de règlement". Je fus stupéfait.
Mon capitaine aurait pu me rĂ©pondre : " A la guerre, il n'y a pas de règlement. Les circonstances sont trop variĂ©es pour qu'on puisse prĂ©voir tous les cas. Les textes du temps de paix ont mis Ă  votre disposition un certain nombre de mĂ©canismes de manoeuvre dont vous pourrez vous inspirer en campagne. A vous de les adapter le mieux possible aux besoins du moment ".
Mais, plus n'est pas synonyme de pas. " Il n'y a plus de règlement " m'a paru vouloir dire : " On vous a bourré le cerveau de choses absolument inutiles. Oubliez tout cela ".
C'était malheureusement la vérité.
On m'avait appris des choses qui ne servaient à rien et laissé ignorer ce que j'aurais dû savoir.
On ne m'avait jamais fait exécuter un seul exercice de service en campagne.
J'ignorais tout de mes devoirs en route et au cantonnement, tout de la façon dont on percevait les vivres, et dont l'alimentation était assurée en campagne.
La suite des événements m'a montré que mes camarades plus anciens n'en savaient guère plus que moi.
Je me débrouillai comme les autres; mieux que les autres, même, parce que je n'avais pas l'esprit faussé par des règlements impraticables.
J'ai appris la guerre en la faisant. Avant 1870, on ne l'apprenait pas autrement.
Dans l'infanterie, la situation Ă©tait plus grave encore.
L'insuffisance des règlements de manoeuvre était telle que le Ministère crut devoir, au lendemain de la déclaration de guerre, rédiger à la hâte des " Instructions pour le combat ", qui furent distribuées aux troupes au moment de leur entrée en campagne.
Jamais armée ne s'était présentée sur un champ de bataille, aussi peu préparée que l'armée française.