ARTILLERIE
Considérations sur l'artillerie par le général Percin
Extraits de Général Alexandre Percin |
Les sous-lieutenants-élèves de l'Ecole d'application
ne recevaient à Metz qu'une instruction théorique.
On leur faisait des cours sur les lois de la combustion du grain de poudre,
à l'intérieur de la bouche à feu ; sur la fabrication des canons, des fusils
et des munitions.
Le cours de tactique était professé par un capitaine du génie.
Il était intitulé
" Cours de tactique et de castramétation ".
On y disait la place qu'un régiment
devait tenir sur une route, dans un camp ou sur le champ de bataille.
On y
faisait la description des diverses formations; mais, il n'y Ă©tait pas question
des moyens matériels ou moraux d'obtenir la victoire.
J'ignorais que le but
du combat fût de chasser l'ennemi de ses positions; rôle incombant à l'infanterie,
l'arme principale, celui des autres armes Ă©tant d'aider l'infanterie.
L'enseignement de l'histoire militaire, qui tenait une très grande place dans
le programme de l'Ecole de Saint-Cyr, ne figurait pas dans celui de l'Ă©cole
de Metz.
Je suis entré dans l'armée, ne connaissant des grandes batailles
qui ont fait ou défait les empires, que ce que m'en avait dit mon professeur
d'histoire, au Lycée de Nancy.
On n'exécutait guère à Metz que la manoeuvre du canon; jamais de manoeuvres
extérieures.
Les officiers-élèves devaient donc compléter leur instruction
militaire en arrivant au régiment.
Malheureusement, les manoeuvres qu'on me faisait exécuter au régiment n'avaient
aucun rapport avec ce que j'aurais Ă faire en campagne.
C'Ă©taient des manoeuvres
de parade, sans application sur le champ de bataille.
Le 15 juillet 1870, la guerre ayant été déclarée, je me rendis chez mon capitaine,
et je lui exprimai la crainte que mon insuffisante connaissance des règlements
militaires ne m'empêchât d'être désigné pour partir.
"Rassurez-vous, me dit-il. A la guerre, il n'y a plus de règlement". Je fus stupéfait.
Mon capitaine aurait pu me rĂ©pondre : " A la guerre, il n'y a pas de règlement.
Les circonstances sont trop variées pour qu'on puisse prévoir tous les cas. Les
textes du temps de paix ont mis à votre disposition un certain nombre de mécanismes
de manoeuvre dont vous pourrez vous inspirer en campagne. A vous de les adapter
le mieux possible aux besoins du moment ".
Mais, plus n'est pas synonyme de pas. " Il n'y
a plus de règlement " m'a paru vouloir dire : " On vous a bourré le cerveau
de choses absolument inutiles. Oubliez tout cela ".
C'était malheureusement la vérité.
On m'avait
appris des choses qui ne servaient à rien et laissé ignorer ce que j'aurais
dĂ» savoir.
On ne m'avait jamais fait exécuter un seul exercice de service
en campagne.
J'ignorais tout de mes devoirs en route et
au cantonnement, tout de la façon dont on percevait les vivres, et dont l'alimentation
était assurée en campagne.
La suite des événements m'a montré que mes camarades
plus anciens n'en savaient guère plus que moi.
Je me débrouillai comme les
autres; mieux que les autres, même, parce que je n'avais pas l'esprit faussé
par des règlements impraticables.
J'ai appris la guerre en la faisant. Avant
1870, on ne l'apprenait pas autrement.
Dans l'infanterie, la situation Ă©tait plus grave
encore.
L'insuffisance des règlements de manoeuvre était telle que le Ministère
crut devoir, au lendemain de la déclaration de guerre, rédiger à la hâte des
" Instructions pour le combat ", qui furent distribuées aux troupes au moment
de leur entrée en campagne.
Jamais armée ne s'était présentée sur un champ
de bataille, aussi peu préparée que l'armée française.