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Premier anniversaire du combat d'Orléans
11 octobre 1871

FLEURY-LES-AUBRAIS - La Sablière

Extraits du texte de l'abbé Th. Cochard (1871)


Il fut décidé, le 20 avril 1871, qu'un monument serait érigé par souscription publique sur la commune de Fleury, dans le champ des Sabliers.
Cet obélisque de pierre fut inauguré le 11 octobre 1871


Si l'un de ces 40000 Allemands qui, le 11 octobre 1870, forçaient l'entrée d'Orléans, après avoir été, pendant cinq heures, tenus en échec par 5000 français, était revenu dans la cité de Jeanne d'Arc, le 11 octobre 1871, pour revoir en touriste le théâtre de ses exploits, quelle n'eût pas été sa surprise de voir, ce jour-là, nos rues désertes, nos magasins fermés, et nos usines silencieuses!
Et si, interrogeant un passant sur la solitude et le silence qui régnaient dans nos murs, il lui eût demandé, où se trouvaient les Orléanais, il aurait été conduit à quelques pas de la ville, dans une plaine basse, étroitement encaissée entre la ligne du chemin de fer de Paris et le faubourg Bannier : alors il aurait bien vite compris l'émigration en masse des habitants d'Orléans.
Là, sous un ciel gris et pluvieux, et au milieu d'une campagne verdoyante encore, une foule immense et compacte couvrait le terrain légèrement ondulé des Sablières, échelonnée dans les vignes, grimpée dans les arbres, occupant champs, routes et sentiers, ou éparpillée sur le talus du chemin de fer.
Tous les regards se portent sur un monument de granit bleuâtre, à l'aspect sévère, à la forme pyramidale, orné de drapeaux tricolores, de fusils et de sabres, et disparaissant sous un monceau de couronnes de lauriers et d'immortelles. Sur l'une des faces du soubassement on lit :

A LA MÉMOIRE DES BRAVES
MORTS EN DÉFENDANT LA VILLE D'ORLÉANS
LE 11 OCTOBRE 1870.

En effet, sous ce tertre sablonneux, reposent 152 français, et non loin d'eux 107 bavarois. Vainqueurs et vaincus gisent dans la même poussière.
Mais ce sont les vaincus qui furent nos frères, que les Orléanais, sont venus honorer. Ils reposent là, où ils sont tombés glorieusement, pour sauvegarder l'honneur du drapeau et préserver Orléans de l'invasion.
Orléans ne l'a pas oublié. C'est sur ce sol arrosé d'un sang généreux qu'il s'est donné et qu'à chaque anniversaire du 11 octobre il se donnera rendez-vous.
La foule arrive et augmente de moment en moment.
A son maintien grave, à son air triste, à ses vêtements en deuil, on sent qu'un grand et douloureux souvenir, ravivé par les morts qui sont à ses pieds, la domine et l'absorbe. Dans chaque groupe on se raconte les épisodes du combat des Aydes.
C'est bien le moment et le lieu.
On est là en plein champ de bataille. C'est le même cadre, moins le tableau toutefois : au loin, Orléans que signale la cathédrale; à gauche, les Aubrais; à droite, le pignon mutilé de Notre-Dame-des-Aydes et les vingt huit maisons incendiées à la main par l'ennemi ; derrière, ce sont les hauteurs de la Montjoie, d'où Orléans fut bombardé.
L'action manque, mais le souvenir y supplée, et la ressuscite avec sa tempête de feu et sa grêle de balles, avec son épouvante et ses horreurs, et aussi, et surtout, avec l'héroïsme dont firent preuve les derniers défenseurs d'Orléans, dont la plupart étaient des étrangers, des Belges des Irlandais, des Polonais, etc., etc., etc,
En effet, là se trouvaient éparpillés dans les vignes, montés dans les arbres, couchés dans les fossés, embusqués aux angles des murs et des rues, nos tirailleurs se battant sans espoir, et tombant sans défaillance aucune.
Ils étaient un contre dix ! On se montre du doigt l'endroit où tombe raide mort l'intrépide commandant Arago.
On se rappellera vaillance du commandant Murville, du 27e de marche, mortellement blessé en avant du faubourg Saint-Jean.
On a aussi un souvenir d'admiration et de regret pour celui qui commandait la 18e batterie du 10e d'artillerie, laquelle seule tint tête aux 25 batteries bavaro-prussiennes: le capitaine Chauliaguet.
Après avoir affronté la mort sans peur comme sans reproche, à Ormes, à Coulmiers, un obus prussien le couchait sans vie sur le champ de bataille de Danzé.
Mais c'est surtout la légion étrangère qui est l'objet de tous les entretiens.
C'est justice, car c'est elle qui a le plus souffert de la lutte, et c'est elle qui a fourni à la tombe des Sablières le plus fort contingent.
On cite encore avec admiration les noms des braves officiers que les obus prussiens épargnèrent: le lieutenant-colonel de Jouffroy, le colonel Pera-Gallo, Le Gonidec et de Bellevue, des zouaves pontificaux, etc.
On nomme les régiments qui se sacrifièrent et qui furent sacrifiés pour protéger la retraite de l'Armée de la Loire, et chacun exprime le souhait de lire bientôt sur la face postérieure du monument, l'inscription, suivante, votée par le conseil municipal d'Orléans:

AUX SOLDATS DE L'ARMÉE FRANCAISE,
Du 10e d'artillerie,
Du 3e bataillon du 39e de ligne,
Du 5e bataillon de la légion étrangère,
Des 2e et 3e bataillons des mobiles de la Nièvre,
Des 5e et 8e bataillons de marche des chasseurs à pied,
Des compagnies de zouaves pontificaux,
Des compagnies des 27e, 33e et 34e régiments de ligne,
Qui se sont sacrifiés pour la France, le 11 octobre 1870,
Et qui, au nombre de 6000 à peine,
Ont arrêté, pendant une demi-journée
aux portes d'Orléans, plus de 35000 Allemands,
soutenus par 100 pièces d'artillerie,
LA VILLE D'ORLÉANS
1871

Ainsi, par cet anniversaire national et par ce monument, c'est un double hommage qui est rendu aux morts et aux survivants d'une lutte héroïque.