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PROJETS D'OPÉRATIONS EN PROVINCE

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Source : Auguste Ducrot : La défense de Paris (1870-71) - tome 2. Image

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PLAN DU GOUVERNEMENT DE TOURS
CHAPITRE PREMIER
LE PLAN DE SORTIE PAR LA BASSE-SEINE EST REPOUSSÉ PAR LA DÉLÉGATION DE TOURS.

« Nous avions, dit le général Trochu, un plan très simple, très-pratique, très-hardi, et j'en parle avec une liberté d'esprit d'autant plus entière, que la pensée en appartient à mon vaillant collaborateur, le général Ducrot, et qu'elle lui fait le plus grand honneur...
« C'est un principe que lorsqu'une armée doit prononcer un effort dans une direction donnée, il faut que cet effort ait lieu là où il n'est pas attendu. Eh bien ! dans l'immense périmètre de la place de Paris, une seule direction, répondait à cette condition, une seule, et c'est, j'imagine, pour cela que jusqu'ici elle n'a pas été aperçue et que personne n'en a parlé : C'est la direction de Paris au Havre par Rouen...
« De ce côté, les deux bras de la Seine formant la presqu'île de Gennevilliers, opposent à toute sortie des obstacles assez sérieux pour que l'ennemi s'y prépare moins que de tous les autres côtés du périmètre, et, en effet, à l'époque dont je parle, l'ennemi, dans cette zone qui a pour base la Seine, d'Argenteuil à Chatou, et pour sommet Cormeil, n'avait fait là aucun dispositif défensif qui parût redoutable, et il n'avait pas massé là des troupes considérables... Cette direction offrait bien d'autres avantages : sur tout son parcours, elle était flanquée à gauche et protégée par le fleuve ; à droite, elle pouvait l'être par la petite armée qui s'était organisée à Lille, et qui, descendant par Amiens, venait s'établir sur son flanc droit... En outre, l'occupation de l'ennemi, ne dépassant pas alors la ligne de Pontoise à Mantes, en un jour, après un seul combat probablement, l'armée pouvait être portée en dehors de l'occupation prussienne, cheminer à marches forcées sur Rouen, grand centre de ravitaillement, et de là, sur la mer, base d'opération universelle, puisqu'elle met l'armée en contact avec toutes les ressources du pays... Telle était la combinaison militaire autour de laquelle ont tourné pendant deux mois, sans que personne le sût, tous les efforts delà Défense de Paris.

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« La veille du jour marqué pour l'entreprise, cinquante mille hommes devaient traverser bruyamment Paris, se porter à hauteur des forts de l’Est, et menacer, par un effort sérieux, bien qu'il ne dût pas être poussé à fond, les lignes de retraité de l'ennemi et son quartier-général de Bondy...
« Cinquante autres mille hommes, choisis en officiers et en soldats... devaient, le lendemain, dans la nuit, quand l'attention de l'armée prussienne aurait été attirée par la fausse attaque et quand l'ennemi aurait fait dans cette direction ses premières concentrations, cinquante autres mille hommes, dis-je, devaient se réunir dans la presqu'île de Gennevilliers, passer le fleuve à la pointe du jour, sous un feu d'artillerie qui commandait la plus grande partie de la zone à franchir, s'élever, après un seul combat, jusqu'aux hauteurs de Cormeil, traverser l'Oise, arriver à Rouen, puis à la mer... » 
Cette combinaison, autour de laquelle « tournèrent » pendant deux mois tous les efforts de la Défense... combinaison longuement exposée déjà (1) et que ces lignes du Gouverneur résument si parfaitement dans son ensemble...
Ce plan, jetant l'élite de nos soldats, de nos marins, sur les points les plus faibles de la ligne d'investissement, donnant à Paris « sa propre armée de secours, armée qui, une fois hors des murs, allait devenir le « noyau, l'âme de tous les novices rassemblés sur les « divers points de notre malheureux pays... >>
Ce plan enfin, qui unissait Paris à la France… nous allons voir avec quel dédain il va être rejeté par la Délégation de Tours…
Le 14 octobre, le général Trochu avait chargé M. Ranc

(1) Auguste Ducrot : Voir le tome 1, pages 316 et suivantes..

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se rendant à Tours, d'exposer à M. Gambetta notre projet de sortie par la Basse-Seine.
Ne voulant rien communiquer d'écrit, de peur que l'ennemi n'en eût connaissance, le Gouverneur avait donné seulement des indications verbales... «Au moins, ajoutait-il, faudrait-il arriver à ce que nos opérations ne fussent pas tout-à-fait contradictoires, et j'ai le devoir de dire au Gouvernement de Tours, sous le sceau d'un secret dont la révélation serait dangereuse, comment les opérations sont réglées, etc..., etc... »
Plusieurs fois le général Trochu et M. Jules Favre revinrent dans leurs dépêches sur le plan de sortie par la Basse-Seine :
19 octobre 1870 : Jules Favre au Gouvernement, Tours.... « Le général Trochu m'a expliqué ce matin tous ses plans, M. Ranc vous en a porté ce qui est nécessaire, et vous savez comment opérer ; faites-le tout de suite. Nous devons d'ici à vingt jours être en mesure de passer sur le corps de l'ennemi. »
23 octobre : « Vous êtes l'âme de la défense ; vous ne pouvez la diriger techniquement, il faut donc un général chargé du commandement en chef. Nous avons cru que ce rôle revenait de droit à Bourbaki, qui connaît le plan du général... Il faut se concentrer sur un point, d'où l'on pourra marcher, en se protégeant et en se nourrissant, sur Paris, qui doit être l'objectif. C'est en cela que, le plan du général me paraît excellent. Il faut s'efforcer de le mettre à exécution. Si Bourbaki ne veut pas prendre le commandement, il faut qu'il combine son action dans le Nord avec la nôtre et la vôtre. — Je crois que vous pouvez mettre au fur l'échiquier, au point convenu, 60 ou 80,000 hommes,

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que Bourbaki peut converger sur ce point avec 20 ou 25,000 hommes ; une bataille gagnée, tout est sauvé. »
25 octobre : « Tâchez de vous ranger au point convenu ; donnez-nous des détails dont vos dépêches manquent... Nous pouvons agir efficacement dans quinze jours ; il faut que vous ayez, à ce moment, 120,000 hommes de vos meilleures troupes au point convenu. »
Le 10 novembre, le général Trochu ne recevant aucune réponse, écrivit à M. Gambetta :
Gouverneur de Paris à M. Gambetta.
10 novembre 1870.
Nous sommes sans nouvelles de Tours depuis le 26 octobre et d'autant plus inquiets que l'ennemi fait répandre dans nos camps des nouvelles sinistres sur l'état des départements.
Votre silence rend aussi la situation du Gouvernement difficile devant la population de Paris, qui croit que nous lui cachons des nouvelles.
Je reviens aux affaires militaires ; il est d'un haut et puissant intérêt que vous ayez, une armée sur la Basse-Seine, s'appuyant sur Rouen, approvisionnée et cheminant avec précaution sur la rive droite. — Dites cela à Bourbaki qui doit se porter là très rapidement, et s'il ne le fait pas, envoyez-y par des voies rapides un gros détachement de l'armée de la Loire. Si, rien de tout cela n'est possible, j'agirai seul du 15 au 18 courant, mais c'est périlleux...
Général TROCHU.
Lettres, dépêches, messages, rien ne put faire prendre en considération le plan de sortie de la Basse-Seine par la Délégation... on ne le discuta même pas.
« Ce n'est que par hasard, raconte M. de Freycinet, que M. Gambetta parla un jour de cette communication

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du Gouvernement de Paris... on en causa un instant au milieu de beaucoup d'autres sujets de conversation... et depuis lors, M. de Freycinet « n'a plus entendu parler de cette affaire. »
« A entendre M. Gambetta, autant qu'il s'en souvient, il n'avait vu là (sortie par la Basse-Seine) qu'une simple conversation, car, dit-il, on ne pouvait prendre cela pour un plan ; il était question, en effet, dans cette conversation, d'opérer une sortie par les petits plateaux... Cela... s'appelle comme cela... » (1)
« Il est un troisième plan, dit encore M. de Freycinet, dans son ouvrage, la Guerre en Province, dont je n'aurais pas jugé utile de parler, car il n'a pas fait l'objet d'une véritable discussion, si le général Trochu ne l'avait développé dans son discours du 13 juin en paraissant y attacher une certaine importance. Selon le Gouverneur de Paris nous aurions dû envoyer nos meilleures troupes du côté de Rouen, leur faire traverser la Seine, pour de là les ramener sur Paris, en suivant la rive droite. J'avoue que je n'avais jamais cru à l'adoption délibérée d'une telle combinaison, etc. » (2)
Enfin, le général d'Aurelle, invité par M. de Freycinet à donner le meilleur moyen de joindre l'armée de Paris, ayant répondu : « Il serait nécessaire pour cela que je fusse au courant de ce qui se passe à Paris et des instructions du Gouverneur, » M. Gambetta lui écrivit : « Je vous prie de méditer un projet d'opérations ayant pour suprême objectif Paris ; je ne peux accepter que cette préparation implique pour vous

(1) La Guerre de France, Ch. de Mazade, p. 186.
(2) De Freycinet, la Guerre en Province, p. 78, 79, etc…

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la connaissance préalable, des projets du général Trochu. »
« Quand on songe, dit M. Chaper, que c'était un avocat, aidé d'un ingénieur, aussi profondément ignorants l'un que l'autre des éléments les plus simples de l'art de la guerre, qui jugeaient de la valeur des plans de nos généraux, « sans même en faire l'objet d'une véritable discussion, » et qu'ils y substituaient leurs combinaisons personnelles, on ne peut se défendre d'un sentiment de surprise, de douleur et d'indignation ! Comment, livré à de telles mains, notre pauvre pays n'eût-il pas achevé de succomber ! »

Chapitre deux
DES DEUX PLANS RATIONNELS POUVANT ÊTRE ADOPTÉS PAR LA DÉLÉGATION DE TOURS.
Premier Projet.

L'armée qui se formait derrière la Loire, 150,000 hommes environ, pouvait tenter de délivrer Paris, objectif suprême des efforts de la France, de trois manières différentes.
La première, demandée avec instance par le Gouvernement de Paris, consistait à faire exécuter à l'armée de la Loire un grand mouvement du sud au nord derrière un rideau de troupes couvrant tout l'espace entre Beaugency, Châteaudun, Nogent-le-Rotrou...
Ce mouvement facilité par la voie ferrée : Tours, le Mans, Alençon, Caen, jetait dans le Calvados 100,000 hommes environ ; soit par mer, soit par la ligne de fer Lisieux-Bernay, cette armée venait s'établir en avant

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de Rouen sur le plateau de l'Andelle et dans la forêt de Rouvray, où nos 60,000 hommes de Paris allaient les rejoindre après avoir brisé la ligne d'investissement de la presqu'île d'Argenteuil.
Ces 160,000 Hommes donnaient la main aux 25 ou 30,000 de l'armée du Nord, et nous avions ainsi une concentration de près de 200,000 hommes entre Rouen et Amiens ; ce seul fait eût produit, est-il besoin de le dire, un effet moral des plus puissants.
Déjà enflammés par ce premier avantage, nous serions venus très-probablement à bout des corps de l'armée assiégeante lancés à notre poursuite, eussent-ils été appuyés par le corps de Manteuffel, qui alors marchait sur la Somme.
Ce succès obtenu, nous montions vers le Nord par Amiens, Péronne, Saint-Quentin, et prenant pour nouvelle base d'opération le réseau de nos forteresses de Picardie, de Flandre, nous nous jetions par Laon, Reims et Châlons sur les lignes d'opération de l'armée allemande.
C'était un horizon nouveau qui s'ouvrait, une seconde phase de la guerre qui se dessinait, où peut-être la fortune nous serait revenue... une bataille gagnée sur les derrières de l'armée assiégeante la mettait dans une situation tellement critique, que la seule crainte d'une si terrible aventure l'aurait sans doute déterminée à quitter Paris.
N'aurions-nous pas réussi à rompre la ligne d'investissement par la presqu'île d'Argenteuil, que l'armée de la Loire en avant de Rouen n'en continuait pas moins à jouer un rôle très-important.
Après avoir donné la main à l'armée, du Nord, elle se jetait sur le corps de Manteuffel s'il continuait à pousser sur Amiens, et en venait facilement à bout ; dès lors,

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prenant toujours pour base nos places de Picardie, de Flandre, les armées de la Loire et du Nord poussaient des attaques, des pointes, par Reims et Châlons sur la grande ligne d'opération de l'ennemi.
Devant de semblables forces accumulées sur les flancs et les derrières des Allemands, il aurait été impossible au Prince Frédéric-Charles de s'avancer sur la Loire... forcé de protéger la grande ligne Paris-Strasbourg, il eût été retenu en Champagne.
Les arrivages de matériel, les approvisionnements seraient devenus plus lents, plus difficiles par toute cette vallée de la Marne, théâtre d'engagements, de combats incessants (1).
Cette combinaison, bien qu'inférieure à la première, arrivait probablement au même but, et déterminait les Allemands à abandonner la partie autour de Paris (2).

Deuxième projet.

L'armée de la Loire voulait-elle opérer seule sans se concerter avec Paris, tout en s'enlevant des chances de succès, elle pouvait encore agir d'une manière efficace.
Au lieu de faire le mouvement du sud au nord, cette armée se portait de l'ouest à l'est ; laissant un rideau devant Orléans, Gien, Clamecy, elle gagnait par les

(1) « La perte de la ligne d'opération est tellement inquiétante, qu'elle rend criminel le général qui s'en rend coupable. » (Mémoires de Napoléon.)
(2) Ce premier projet était tellement rationnel, qu'il avait été entrevu par l'ennemi. Dans l'instruction du comte de Moltke au chef d'état-major de la 2e armée, nous lisons cette phrase : ... « Il semble que l'armée de la Loire cherche aujourd'hui à tourner vers l'Ouest la position qu'elle n'ose aborder de front. »

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voies ferrées Sancerre, Chagny, Dijon, le massif du Morvan, où toutes les immenses ressources du Midi venaient rapidement s'accumuler.
Là, dans cette vaste forteresse naturelle, à cheval sur les bassins de la Seine et de la Saône, maîtres de tous les débouchés, routes et vallées, nous tombions par Châtillon, Tonnerre, Auxerre, sur les grandes lignes d'opération de l'armée assiégeante.
Par Langres, Chaumont, Neufchâteau ou par Gray, Vesoul, Lure, nous pouvions également lancer des colonnes mobiles sur le versant occidental des Vosges jusqu'à Belfort.
La seule occupation du massif du Morvan immobilisait forcément l'armée du Prince Frédéric-Charles, en Champagne et en Haute-Lorraine.
Les rives de la Loire n'étaient pas envahies et nos pointes sur les derrières de l'armée de Paris rendaient sa situation si inquiétante, si difficile qu'elle se fût peut-être décidée à se retirer...
Tel était le deuxième plan ; restait un troisième : marcher directement sur Paris par l'Orléanais et le plateau de la Beauce.

Troisième Projet.

Il n'est que trop facile de démontrer combien ce projet adopté par la Délégation de Tours était frappé d'impuissance (1).

(1) Le Prince Frédéric-Charles comptait que nous ferions cette faute. « Les ordres, dit-il, en parlant de l'armée française de la Loire, étaient fixés le 15 pour la marche sur Étampes... ils ont été révoqués le lendemain... mais nous avons vu bien des choses extraordinaires dans cette guerre, et des ordres d'avocat pourraient bien enjoindre de nouveau à l'armée de la Loire de marcher sur Paris coûte que coûte. » (Extrait des projets d'opération du Prince Frédéric-Charles, vers le milieu de novembre.)

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Tout d'abord Orléans nous était-il bien nécessaire ? Une fois maîtres de cette ville, nous trouvions-nous, au point de vue défensif, dans de meilleures conditions ? Située tout entière sur la rive droite et au saillant du fleuve sans aucune espèce de fortification, il fallait, pour la garder et la défendre, placer une armée en avant d'elle... on n'avait plus le fossé de la Loire devant soi, on l'avait derrière soi… En cas de retraite, notre armée, obligée sous le feu de l'ennemi de repasser ce grand et large fleuve, courrait risque d'être prise ou détruite. Enfin l'occupation d'Orléans entraînait presque forcément nos armées à marcher directement sur Paris par le plateau de la Beauce…
En dehors de toute considération stratégique, n'y avait-il pas témérité à pousser nos bataillons improvisés dans ces immenses champs nus, découverts... où les solides et nombreuses armées allemandes pouvaient déployer leurs formidables moyens d'action ?
Nos jeunes conscrits d'un mois à peine, sans appui, sans refuge, comme perdus au milieu de ces vastes plaines ouvertes de toutes parts, ne devaient-ils pas être balayés au premier choc un peu sérieux ?
Ceci établi, prenons la situation après la bataille de Coulmiers (9 novembre) et examinons les positions de l'ennemi...
Von der Tann était à Toury (10 lieues nord d'Orléans), où il recevait de nombreux renforts, une division d'infanterie et deux divisions de cavalerie ; toutes ces forces (40,000 h.), placées sous les ordres du duc de Mecklembourg-Schwerin, manoeuvraient entre la ligne Chartres et Etampes.
D'un autre côté, le prince Frédéric-Charles accourait à marches forcées de Metz, avec 100,000 hommes. Vers le

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14 novembre déjà ses têtes de colonnes débouchaient sur Fontainebleau à hauteur d'Etampes...
Ainsi la ligne Chartres-Etampes-Fontainebleau entre Seine et Eure pouvait être considérée comme la ligne de concentration des forces allemandes... et c'est sur cette ligne même de concentration qu'on poussait l'armée de la Loire ! Elle allait attaquer de front... les 40,000 hommes de Mecklembourg, les 100,000 hommes du Prince Frédéric-Charles, le tout soutenu en arrière par l'armée du Siège...
Les victoires remportées, si brillantes qu'elles fussent, n'amenaient donc que la réunion compacte de toutes les forces allemandes au lieu de les diviser et de les rompre...
La retraite de Von der Tann ne venait-elle pas démontrer l'inanité d'une semblable attaque de front ?... Il avait suffi au commandant du 1er corps bavarois de faire une dizaine de lieues pour voir arriver à son secours une division de l'armée de Paris.
Enfin cette attaque de front par l'Orléanais et la Beauce, bien que mauvaise de tous points, pouvait cependant, dirigée, conduite d'une certaine manière, amener des résultats relativement moins déplorables que ceux qui se sont produits :
L'aile droite (Mecklembourg), forte de 40,000 hommes, se tenait à l'ouest dans les environs de Chartres...
L'aile gauche (Prince Frédéric-Charles), composée de 100,000 hommes, s'avançait par l'est dans les environs de Fontainebleau.
En se portant droit à l'ouest sur les 40,000 hommes de Mecklembourg, il était permis de penser qu'avec 150,000 ou 200,000 hommes, nous aurions un succès facile qui, relevant le moral de notre armée, nous permettrait peut-être une marche sur Paris. Il y avait là quelque chance

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si l'on agissait rapidement, mais tant il est vrai que les grandes fautes d'ensemble engendrent toujours des fautes d'exécution et de détail, l'armée de la Loire opéra tout différemment.
Elle se porta droit à l'est (direction Fontainebleau) sur les masses considérables du Prince Frédéric-Charles... Celui-ci arrivait à marches forcées... Nous devions tout faire pour l'éviter... On est allé à sa rencontre comme si on voulait lui épargner la moitié du chemin.
Si nous nous sommes laissé entraîner à ces digressions, c'est qu'il était bon de démontrer que notre plan de sortie par la Basse-Seine avec la coopération de l'armée de la Loire n'était pas aussi chimérique que le gouvernement de Tours semble l'avoir pensé (1).

(1) Un des derniers documents allemands donnera une idée de la manière dont le plan de la Délégation était apprécié par nos adversaires :
«  Cette idée fixe des Français de délivrer Paris en attaquant directement l'armée d'investissement, idée qui touchait presque à la démence, facilita et simplifia beaucoup la tâche des Allemands. Ils purent ainsi, à leur gré et suivant les besoins du moment, augmenter ou restreindre l'étendue du théâtre de la guerre : nulle part ils n'étaient tenus d'être en force, excepté devant Paris, où ils devaient toujours se trouver en état de parer à toutes les éventualités ; le succès final ne pouvait dès lors faire le moindre doute.
Grâce au désir aveugle de délivrer directement la capitale, la guerre se maintint pendant des mois entiers, au grand avantage des Allemands, sur un terrain très-limité, ce ne fut que tout à la fin, lorsque de nombreuses défaites eurent fait perdre tout espoir de délivrer directement Paris, qu'on essaya une entreprise d'un nouveau genre (celle de Belfort). Si elle eût réussi, elle aurait certainement reculé de beauté coup l'heure du dénouement.
Le meilleur moyen, sinon de délivrer immédiatement la capitale, du moins de diminuer les forces qui la bloquaient, eût été d'employer les troupes dont on pouvait disposer à entraver les communications alle mandes. »
(Extrait des remarques du lieutenant général prussien Von Hanneken sur la défense de la France en 1870-1871.)