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Jamais les Prussiens n'viendront
Manger la soupe en Bretagne
Jamais les Prussiens n'viendront
Manger la soupe aux Bretons

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Pendant la guerre de 1870, 50 000 mobilisés bretons sont rassemblés dans un camp insalubre à Conlie dans la Sarthe. Ils ne seront ni armés, ni instruits à la vie militaire et fort mal équipés.
La grande majorité d’entre eux sera renvoyée en Bretagne au bout de quelques mois sans avoir combattu.
Plusieurs bataillons seront envoyés au combat, mais Gambetta fera porter à ces Bretons la responsabilité de la défaite française au Mans en janvier 1871.
La commission d’enquête sur les actes du gouvernement de la défense nationale ne débouchera sur aucune poursuite.
Cet épisode absent des manuels d’histoire va donner lieu à des rumeurs et désinformations qui vont sévir pendant des décennies. Elles vont s’amplifier avec des assertions outrancières diffusées sur internet.
Ce texte a pour but de faire un peu de lumière sur cette affaire en tentant d’apporter quelques éléments de réponse à partir des documents d’époque.

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boite verte La levée en masse
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Après le désastre de Sedan le 2 septembre où l'empereur est fait prisonnier, la République est proclamée sous la présidence du général Trochu.

Léon Gambetta, membre du Gouvernement de la Défense Nationale demeurant dans Paris assiégé, est partisan de la "guerre à outrance". Il quitte Paris en ballon et rejoins Tours où il organise la levée en masse. Il espère pouvoir préparer les troupes disponibles en province à une contre-attaque générale afin de secourir Paris encerclé et repousser l'occupant.

Originaire de Ploaré en Douarnenez, Emile de Kératry, ancien préfet de police de Paris, a également quitté Paris en ballon et rejoint Gambetta à Tours. Convaincu du bien-fondé de la poursuite de la guerre, il propose à Gambetta le recrutement et la formation de 50000 mobilisés de l'ouest afin de former une armée de Bretagne qui viendra renforcer l'armée de la Loire pour tenter de délivrer Paris de l'étreinte allemande.

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Emile de Kératry

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boite verte Le site de Conlie
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C’est par une lettre datant du 21 octobre que Kératry présente son plan détaillé à Gambetta.
Il est accepté, et le 22 octobre le gouvernement décrète la création des « Forces de Bretagne » sous le commandement de Kératry, nommé général de division auxiliaire. Un crédit de huit millions lui est alloué pour organiser et équiper cette armée.
Le décret précise que cette troupe doit se composer des gardes mobiles disponibles, des mobilisés et des corps francs de Bretagne.
Kératry avait souhaité étendre ce recrutement à la Mayenne et à la Sarthe, mais le recrutement fut fixé aux seuls départements bretons.
A l’origine, Kératry pensait implanter le camp à l’est du Mans et avait prévu des retranchements protégeant à la fois le camp et la ville.
Vraisemblablement il aurait occupé le plateau d’Auvours.
Ce choix ne fut pas retenu car M. de Loverdo, du bureau de la guerre à Tours, le prévint que le Mans de devait pas être défendu.
Kératry choisit alors une position en arrière de la ville.
Il décide finalement d’établir le camp sur le site de la Jaunelière qui domine les environs. C'est une colline proche de la commune de Conlie, à 25 km du Mans.
Il visite la commune et le site du futur camp accompagné par le Docteur Répin, maire de Conlie.
Puis, avec l'aide des préfets de Bretagne, il adresse un appel à la mobilisation en souhaitant rassembler le plus grand nombre au cri de « Dieu et Patrie ! » et parcourt la Bretagne pour accélérer le recrutement des mobilisés.

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Pendant ce temps le colonel Rousseau, chef du génie, dirige les travaux de l'enceinte fortifiée du camp prévu pour contenir 40 à 50 000 hommes.
Le maire de Conlie, le docteur Répin, mobilisa tout ce qui pouvait servir d'hébergement pour accueillir la foule d'ouvriers accourus des départements voisins pour travailler aux fortifications du camp.

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La colline de la Jaunelière

Les archives départementales de la Sarthe présentent un plan du camp de Conlie établi en mai 1871 par M. Boussard :
http://archives.sarthe.fr/a/665/plan-du-camp-de-conlie-mai-1871/

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boiteverte Les désillusions
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Les premiers contingents arrivent à Conlie le 3 novembre et leur rangs dépasseront le nombre de 25000 au 21 novembre. La pénurie de tentes, de couvertures et d'objets de campagne se fait vite sentir devant le nombre grandissant des arrivants.
Vêtus pour la plupart misérablement, chaussés de sabots et ne parlant pas français, ils connaissent les premières désillusions.
Pour comble de malheur, la pluie incessante transforme en bourbier les terrains désignés pour servir aux campements et empêchent tout exercice.
Le 20 novembre, les fortifications du camp sont presque achevées. On attend la livraison d'armes provenant d'un surplus de la guerre de sécession acheté aux USA.
Mais les armes n'arrivent toujours pas et le manque de cadres instructeurs ne permet pas de contrôler tous ces hommes livrés à l'oisiveté, l'ennui et le découragement.

Alors que les approvisionnements en armes et munitions sont retardés ou détournés, Kératry comprend que Gambetta et son entourage suspectent l'armée de Bretagne d’être hostile à la république. Les hommes sont au désespoir, souffrant du froid et de l’humidité. Sans instructeurs et mal équipés, ils se sentent abandonnés. Bientôt la maladie s'installe. A une épidémie de variole s'ajoutent les cas de pneumonie et de bronchite.

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Ferme de la Jaunelière qui servit de quartier général
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point rouge Récit de l'historien Arthur de la Borderie :

«... Aux brumes et aux premières pluies d'hiver avaient succédé les glaces, les neiges, le verglas, et ensuite d'affreux dégels, dont les eaux ruisselantes, inépuisables, ne pouvant être absorbées par un sous-sol argileux , détrempaient si complètement la couche supérieure du sol, que cet humus semi-liquide, remué déjà par un labour récent, délayé par les pieds de cinquante mille hommes, finit par former un vrai cloaque.
On n'y pouvait faire un pas sans enfoncer à mi-jambe. Non seulement l'exercice y était impossible, mais les corvées indispensables pour les vivres, l'eau, le bois, la paille, y devenaient d'une difficulté extrême.
L'humidité pénétrait sous toutes les tentes, dont plusieurs furent envahies, en diverses circonstances, par de véritables inondations...»

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boiteverte L'intervention de St-Calais
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Le 24 novembre, 4000 carabines Spencer sont livrées au camp mais avec des munitions d'un calibre inadéquat. Kératry rencontre Gambetta au Mans.
Celui-ci lui donne l'ordre de rassembler 10000 hommes pour marcher sur St-Calais et venir en renfort contre l'armée du Duc De Mecklembourg.
Les bataillons les plus disponibles au camp de Conlie sont envoyés à Yvré-l'Evêque le 24 novembre; ils constituent une division de marche.
Ils se portent en reconnaissance le 26 sur Bouloire sans engagement avec les prussiens.
Le 27 novembre 1870, Gambetta intègre l’armée de Bretagne au 21e corps dirigé par le général Jaures. Ce même jour, Kératry qui ne veut pas être subordonné à Jaures, démissionne de son commandement de l'armée de Bretagne.
Il laisse le commandement du camp de Conlie au général Le Bouedec et celui de la division de marche au général Gougeard.
La division de marche devient la 4e division du 21e corps.
Le général de Marivault succéde à Kératry le 12 décembre.
Celui-ci, effaré devant l'état des troupes décide contre l'avis de Gambetta, l'évacuation partielle du camp.
L'état des bataillons rentrant en Bretagne soulève l'indignation générale.

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A consulter : Division de Bretagne

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boiteverte La bataille du Mans
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Il reste six bataillons de mobilisés (6400 hommes) à Conlie, que l'on réquisitionne en renfort pour couvrir les abords du Mans sur Pontlieue.
Le 10 janvier, la veille de la bataille du Mans, on leur fournit des fusils à percussion Springfield en mauvais état. (1).
Très affaiblis par les privations, sans instruction militaire et mal armés, les Bretons ne constituent pas une troupe solide. Le 11 au soir, les Prussiens mènent une offensive déterminante sur la position de la Tuilerie.
Les affrontements ont lieu dans une grande confusion. Les mobilisés bretons et les troupes régulières ne peuvent plus tenir les positions et se retirent sur Pontlieue.
Le général Chanzy ordonne la retraite et rend compte de la défaite à Gambetta. Celui-ci communique l'information aux préfets en faisant porter aux Bretons la responsabilité de ce revers.
Dans les jours qui suivent, le plus grand désordre va régner sur le camp de Conlie avec le passage des hordes de soldats, en déroute après la défaite du Mans.

point rouge Observations d'un journaliste du Times:
«... L'aspect des troupes que j'ai rencontrées aujourd'hui était déplorable.
Leurs armes rouillées paraissaient hors d'état de servir. Plusieurs marchaient sans chaussures, un grand nombre paraissaient exténués et leur cavalerie était dans un état pire que l'infanterie s'il est possible. Bien souvent, c'est le cavalier qui aide le cheval à avancer...»

Le 14 janvier au soir les prussiens sont à Conlie et occupent le camp abandonné en grande hâte.
Impressionnés par les moyens mis en oeuvre, ils décident de détruire le camp qui peut encore offrir aux français un point d'appui et font sauter les fortifications.
L'occupation prussienne de la commune de Conlie ne s'achèvera que le 6 mars 1871.

(1) Rapport de M. le comte Rampon : Extrait sur la vérification des armes américaines page 18 à 24 .

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ANALYSE

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Le scandale de cette affaire et l'indignation en bretagne reposent sur le fait qu’on a rassemblé autant d’hommes pour en faire une armée, que ces hommes n’ont jamais eu la préparation suffisante et qu'il furent finalement couverts d'opprobre.

La question se pose de savoir quelles sont les causes de cette mauvaise préparation, et qui en sont les responsables.

La lecture des documents d'époque, des témoignages et des dépositions devant la commission d'enquête permettent un éclairage de ce dossier extrèmement complexe.
Pour autant on y trouve aussi des contradictions, des divergences d'opinions ainsi que quelques malentendus.

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boiteverte L’ambiguïté du décret du 22 octobre
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Dans la description de son plan du 21 octobre, Keratry précisait ses demandes à Gambetta :

Pour que mon commandement ne soit pas illusoire, et pour que j'aie en mains l'instrument nécessaire, je réclame tous pouvoirs, ne relevant que du gouvernement lui-même, pour lever, équiper, enrégimenter, nourrir et diriger les contingents utiles qui restent disponibles à l'heure actuelle dans les départements de l'Ouest ... Pour arriver au but proposé, je composerai le corps d'armée des gardes mobiles restant encore dans lesdits départements, de leurs gardes nationaux mobilisés ; j'ai un besoin absolu, pour m'éclairer, de deux escadrons de cavalerie régulière, à 150 chevaux par escadron, de deux mille hommes d'infanterie régulière comme noyau de résistance. L'effectif devant s'élever, j'espère, à une quarantaine de mille hommes, j'ai besoin de seize batteries de 12 rayé et de quatre batteries de 4 rayé ; ce qui fait un total de cent vingt canons, soit trois pièces par mille hommes, proportion adoptée par les Prussiens. En outre, je pourrai requérir dans les arrondissements maritimes les marins qui me seront nécessaires, soit pour le service des pièces de marine que j'établirai autour du Mans, soit pour le service de mes pièces de campagne, à défaut d'artilleurs de terre. J'aurai le choix libre des officiers de l'armée régulière qui demanderont à me suivre, et qui sont aujourd'hui sans emploi.

Ce projet tout à fait singulier fut validé le lendemain par Gambetta.

Le décret du 22 octobre donnant naissance à l’Armée de Bretagne stipulait :

« Art. 1. - M. de Kératry est chargé du commandement en chef des gardes mobiles actuelles, des gardes nationaux mobilisés et corps francs des départements de l'Ouest : Finistère, Morbihan, Côtes-du Nord, Ille-et-Vilaine, Loire-Inférieure ...
Art. 2. - M. de Kératry, investi de tous pouvoirs pour organiser, équiper, nourrir et diriger ces forces qui prendront le nom de Forces de Bretagne, ne relèvera que du ministre de la Guerre ...
Art. 5. - Un crédit de 8 millions, spécialement affecté à l'armée de Bretagne, est ouvert au commandant en chef. L'armée de l'Ouest jouira , en outre, de la solde et des vivres de campagne réglementaires, à partir du jour où chaque corps ou fraction de corps aura été mis en mouvement. ».

Mais que signifient exactement les termes « équiper » et « organiser » ?
Pour M. de Freycinet ces termes comprenaient l'armement et l’équipement des hommes. (1)
Ce n'était pas la conception de Kératry. (2)

Selon Carré-Kérisouet c’est Kératry lui-même, qui à la demande de Gambetta, a rédigé ce décret. Aussi pourquoi les conditions formulées dans ce décret sont-elles aussi ambiguës et largement inférieures à ce qu’il avait demandé dans son plan du 21 octobre ?

L'allocaton de 8 millions de francs est en fait une avance sur un budget de 15 millions à la charge des départements bretons.(3) (4)
Cet argent alloué va permettre la construction et les aménagements du camp.

(1) Déposition de M. Freycinet : Extrait sur l'équipement en armes - page 15 .
(2) Déposition de M. de Kératry : Extrait sur l'équipement en armes - page 92 .
(3) Déposition de M. de Kératry : Extrait sur le crédit de 8 millions - page 92 .
(4) Rapport La Borderie : Extrait sur le crédit de 8 millions - page 9 .

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boiteverte Le projet de l'armée de Bretagne
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Alors qu'il était préfet de police à Paris, Kératry s'était entretenu avec Gambetta sur la nécessité de rassembler des forces armées dans les départements non occupés pour lancer une large offensive pour le ravitaillement de la capitale (1). Le 16 octobre à Tours, les deux hommes vont reprendre ce projet. (2)
Kératry était favorable au plan du général Trochu consistant en un ravitaillement de Paris par la Province avec un mouvement par l'Ouest, combiné avec la voie ferrée de Bretagne et la Seine.
En prenant la ville du Mans comme base d'opérations et d'approvisionnement, Kératry voulait conduire l'armée de ravitaillement en suivant la route de la rive droite de la Seine, appuyée d'une part sur les forces de la Seine-Inférieure et de l'autre sur l'aile gauche de l'armée de Loire. (Kératry_t1_673_2)

(1) Déposition de M. de Kératry du 15 juillet 1871 tome 1 page 674 : Extrait sur le but des forces de Bretagne .
(2) Aimé Jaÿ : Extrait sur le projet de Kératry - page 7 .

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boiteverte Le statut de l'armée de Bretagne
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Kératry a fait le choix de rassembler des troupes et de les organiser de façon indépendante des institutions militaires. Pour cela il a demandé les pleins pouvoirs et les a obtenus.
Et d'ex-lieutenant, il se voit octroyé le grade de général à titre auxiliaire.
Le caractère très singulier et sans précédent de cette troupe en porte-à-faux de l’armée régulière, ressemble à l’organisation d’un très important corps franc entièrement autonome.
Se substituant à toute hiérarchie militaire, Kératry reçoit un commandement qui ne relève que du gouvernement. Il est rattaché directement au ministre de la guerre, Gambetta dont il prend les ordres et auquel il rend compte.
Aimé Jaÿ, secrétaire de Kératry, explique ce choix par l'urgence de la situation; Le gouvernement étant occupé à la réorganisation de l'armée après la défaite de Sedan, il fallait trouver un moyen alternatif pour lever au plus vite une armée de renfort. (1)
Cette situation fragile va très vite montrer ses limites et les conséquences vont être funestes. (2 )
Mais tout a basculé avec la nécessité absolue de l'approvisionnement en armes et du recrutement d'officiers et sous-officiers.
Sur ces deux points, Kératry était tributaire du bon vouloir des bureaux ministériels de Tours qui n’appréciaient guère cette formation s’administrant en dehors de leur autorité.
Ainsi l'amiral Fourichon, le général Thoumas (directeur de l'artillerie) et le général de Loverdo (directeur du personnel) refusèrent de répondre directement aux demandes d'un officier en marge totale des usages militaires en vigueur. Ils exigeaient systématiquement un ordre écrit de la part du ministre. (3).
Kératry était ainsi renvoyé au bon vouloir de Gambetta.

(1) Aimé Jaÿ : Extrait sur le statut de l'armée de Bretagne - page 14 .
(2) Déposition du général Gougeard : Extrait sur le statut de l'armée de Bretagne - page 85 .
(3) Déposition de l'amiral Fourichon : Extrait sur la fourniture d'armes - page 641 .

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boiteverte Les mobilisés
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Le décret du 29 septembre 1870 rédigé par Jules Cazot (secrétaire général de l'Intérieur), appelait la mobilisation de la garde nationale mobilisée.
Les hommes de 21 à 40 ans sans famille à charge n'appartenant ni à l'armée d'active ni à la garde mobile, formèrent la garde nationale mobilisée.
Le décret du 11 octobre 1870 définit la formation des corps de la garde nationale mobilisée.
Ils sont regroupés en compagnies (commune), en bataillon (canton) en légion (arrondissement) et en brigade (département).

La majorité de ces hommes n'avaient aucune instruction militaire et très peu d'entre eux deviendront des soldats.

Le contexte de vie des paysans bretons en pays d'Auray en 1850 (Source : Ecomusée de St-Dégan à Brech, Morbihan) :

Les seuls moyens de déplacement sont la marche et le char à banc(5km/h).
Les chemins sont en mauvais état.
Le rayon d'action habituel du paysan est de moins de 10km.
Le train n'est pas arrivé en Bretagne.
Les 3/4 de la population vivent à la campagne .
L'espérance de vie se situe autour de 40 ans.
Un enfant sur six ne survit pas au-delà d'un an.
Aller à l'école n'est pas obligatoire.
Le foyer regroupe trois générations qui vivent sous le même toit.
On parle breton et on ne sait pas écrire.

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Détails relatifs à l'instruction des jeunes gens compris sur les listes du contingent de la classe de 1867 :

Département Ne sachant ni lire ni écrire Sachant lire seulement Sachant lire et écrire ? Contingent
Côtes du Nord 764 (41.8%) 104 895 61 1824
Finistère 793 (44.5%) 134 654 198 1779
Ille et Vilaine 474 (26.9%) 150 1042 93 1759
Loire Inférieure 501 (30%) 54 1101 14 1670
Morbihan 680 (47%) 42 638 84 1444
Maine et Loire 363 (24.6%) 41 1061 8 1473
Mayenne 165 (15.4%) 94 781 27 1067
Orne 85 (8.3%) 23 909 7 1024
Sarthe 310 (25.9%) 21 861 2 1194

Source : Ministère de la guerre. Compte rendu sur le recrutement de l'armée pendant l'année 1968. (gallica)

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boiteverte L'état d'esprit des mobilisés
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Le général d'Aurelle de Paladines a témoigné de l'excellente réputation des soldats bretons. (1)
Les mobilisés arrivés au camp faisaient preuve de motivation, résolus à la défense du pays. (2)
Plusieurs témoignages confirment leur détermination. (3)(4)
Le découragement va gagner les hommes avec le manque d'armes et les conditions climatiques désastreuses. (5)
Fin décembre, l'amiral Jauréguiberry relate des rumeurs de contestation contre la guerre et contre Gambetta. (6) (7)

(1) Intervention du général d'Aurelle de Paladine au sujet des soldats bretons .
(2) Déposition de M. Gougeard : Extrait sur les mobilisés - page 78 .
(3) Déposition de M. Bidard : Extrait sur les mobilisés - page 25 .
(4) Déposition de M. de Lalande : Extrait sur les mobilisés - page 65 .
(5) Article de M. Pioger : Lettre d'un mobilisé breton .
(6) Déposition de l'amiral Jauréguiberry : Extrait sur le mécontentement des troupes - page 297 .
(7) Dépêches de Léon gambetta - Joseph Reinach : Gambetta à Freycinet - page 304 note 1 .

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boiteverte Le service d'intendance
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Keratry ne comptait pas sur l'intendance de l'armée régulière et confia ce service à M. Carré Kérisouet, ex député des Côtes du Nord.
M. Carré Kérisouet reçut le grade de général de brigade et eut pour mission le traitement de toutes les fournitures.
M. Charlon s'occupa de la gestion et la livraison régulière des denrées alimentaires.
Kératry avait créé un conseil de contrôle des fournitures et des marchés. Ce conseil était composé d'élus des départements bretons. (1)
Jusqu'à fin novembre, les mobilisés ont eu une nourriture abondante et de qualité. (2) (3)

Tableau officiel des rations alimentaires : x  mp_tex_9941_keratry_dep2_684_

Une grande partie des vétements et équipements ont été fournis par les départements bretons. Il manquait cependant de matériel pour la cuisine (marmites ...) (4)
En décembre, sous le commandement de l'amiral Marivault, les approvisionnements ont été très perturbés suite au blocage des crédits imposé par les bureaux de la guerre. (5)

(1) Déposition de M. de Kératry du 15 juillet 1871 tome 1 page 682.
(2) Déposition de M. Carré Kérisouet : Extrait sur la nourriture au camp - page 20 et 23 .
(3) Déposition de M. Bidard : Extrait sur la nourriture au camp - page 31 .
(4) Déposition de M. Carré Kérisouet : Extrait sur l'intendance - page 19 .
(5) Déposition de M. de Vauguion : Extrait sur les finances du camp - page 70 .

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boiteverte Les cadres
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Des cadres étaient indispensables pour former cette nouvelle armée.

Les différents types de troupes relatives au mode de recrutement alors en vigueur, étaient les troupes de l’armée régulière, de la garde nationale mobile, et de la garde nationale mobilisée.
Les officiers des mobilisés avaient été nommés à l'élection sans considération de la compétence militaire. (1) (2)
Le recrutement de cadres étaient donc absolument nécessaire pour la formation des recrues à l'école du soldat ainsi qu’à l’encadrement des futurs bataillons.
Kératry avait prévu dans son plan plusieurs milliers de soldats d’infanterie, et quelques escadrons de cavalerie; Les officiers et sous-officiers de ces unités auraient pu assurer partiellement l’encadrement des troupes. Mais malgré les promesses du directeur du personnel, le général de Loverdo, ces troupes furent attribuées au 21e corps du général Jaures.
Une dépêche du 28 octobre rédigée par Loverdo et signée par Gambetta, précisait que Keratry ne pouvait pas recruter dans l'armée régulière.
Le recrutement se fit principalement chez les anciens militaires (Le Bouëdec, de Vauguyon ...) et Kératry reçut malgré tout sept officiers de l'armée régulière dont certains ne retrouvèrent pas leur situation antérieure après la guerre.
Suite à une circulaire de Loverdo, les officiers qui acceptaient des postes dans l'armée de Bretagne étaient considérés comme démissionnaires et rayés des contrôles de l'armée active. (3).
Toute la hiérarchie militaire de l'armée de Bretagne fut impactée au point que l'Etat-major était réduit d'un tiers. (4)

(1) Déposition du général de Vauguion : Extrait sur le manque de cadres - pages 75.
(2) Dépositions du général de Lalande : Extrait sur le manque de cadres - pages 59.
(3) Déposition de M. de Kératry : Extrait sur le recrutement des cadres - page 95.
(4) Déposition de M. de Kératry : Extrait sur la faiblesse de l'Etat-major - page 101.

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boiteverte La commission d'armement
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Le 9 septembre, le gouvernement avait organisé le service des achats d'armes et de munitions avec un décret instituant une commission d'armement qui relevait du ministère des travaux publics.
Elle était présidée par Jules Le Cesne. (1)
Les attributions ce cette commision ont été précisées dans un décret du 29 septembre 1870 : x  1882_x_decrets_du_gdn_paris_dumaine

Ce décret attribue la répartition des armes acquises et transformées à la commision. Jules Le cesne invoqua son manque de compétence pour une telle responsabilité ; Cette tâche revint aux deux ministères de la guerre et de l'intérieur.
Les services de la commission d'armement s'attachaient à trouver des stocks d'armes disponibles à la vente.
Ces armes étaient destinées aux gardes nationales mobiles et mobilisées ainsi qu'aux franc-tireurs.
Le rapport du Comte Rampon n'indique pas que la commission ait reçu des consignes sur les caractéristiques techniques (chargement, magasins, percussion, cartouches ...).
On ne portait que peu d'intérêt (bien à tort) aux armes nouvelles venues d’Amérique équipées de magasins et de cartouches métalliques.
Théoriquement cette commission avait l'exclusivité des commandes d'armement.
Mais ses travaux étaient concurrencés par ceux des bureaux de la guerre, ceux de M. Lévy, directeur de l'artillerie départementale et ceux de M. Deshorties, président de la commission d'étude des moyens de défense. (5)
M. Deshorties et son collègue M. Naquet proposaient des marchés jugés avantageux directement à la signature de Gambetta. (2)
Ces rivalités apportaient désordre et retard dans les approvisionnements. (3)
En 1873, une enquête parlementaire a été faite au nom de la commission des marchés sur les opérations de la commission d'armement. Le rapport a été rédigé par M. le comte Rampon. (4)

(1) Déposition de M. Freycinet : Extrait sur la commission d'armement - page 16.
(2) Annales de l'Assemblée Nationale 1872 tome XIII annexe page 83, Rapport de Léon Riant.
(3) Déposition de M. Gambetta : Extrait sur les commissions d'armement - page 106.
(4) Annales de l'Assemblée Nationale 1873 tome XIX page 344, Rapport de M. le comte Rampon.
(5) Arrêté du 20 octobre 1870 sur la commission des moyens de défense..

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boiteverte Les armes
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Alors que des armes en bon état étaient disponibles (selon le relevé des directeurs des arsenaux ), la fourniture fut très difficile aux services du camp.

Une promesse d'armes avait été faite à Kératry par Gambetta (19) mais ce point n'est pas mentionné dans le décret du 22 octobre.
Kératry en a informé M. Bidard de la Noë (16) et M. Carré-Kérisouet (17) en leur précisant la nature de ces armes : des remington , et a rédigé une lettre de confirmation adressée à la commission d'enquête. (18)
Kératry était informé par le courrier abondant de M. Le Cesne qui dirigeait la commission d'armement ; Celui-ci inventoriait toutes les armes qui pouvaient être délivrées aux troupes bretonnes suivant les arrivages successifs des navires.
Mais M. Le Cesne n'était pas habilité à la distribution qui relevait des services de l'artillerie et de son directeur, le général Thoumas. La commission d'armement avait été créée pour équiper les gardes mobilisées et les Francs-tireurs, mais devant la pénurie de chassepot et de fusils à tabatières, les services de l'artillerie firent des réquisitions sur les armes à tir rapide. Ces réquisitions étaient en conformité avec le décret du 12 octobre. (25)
Les armes étaient dirigées en grand partie sur les arsenaux et nombre des fusils remington en modèle égyptien furent attribués à l'armée de l'Est. (21)
Devant la commission d'enquête, Kératry apporte une pièce significative suite à une enquête sur l'emploi des armes faite par M. Le Trésor de La Rocque : une lettre confirmant la livraison des arsenaux. (2)

Le général Thoumas siégeait à la commission d'armement et en connaissait le but. Pour autant il se refusait à fournir des armes à tir rapide aux mobilisés, se conformant strictement à la convention (10) entre les ministères de la guerre et de l'intérieur : L’usage militaire réservait le Chassepot aux troupes régulières. Les mobiles appelés à combattre aux côtés des troupes régulières étaient dotés de fusils Chassepot ou de fusils à tabatière. Quant aux gardes nationales mobilisées ou sédentaires, c’est le fusil à percussion qui seul leur était attribué. (11)
Le général Thoumas exprima ce dernier point de manière très maladroite lors d'un entretien houleux avec le commissaire général Carré-Kérisouet. (12)
Le même argument fut repris par Gambetta lors de son entretien avec Kératry le 24 novembre. (13 et 14)

Kératry voulait absolument se procurer des armes à tir rapide ; Le 26 octobre il fait une demande directement à la commission d'armement (5) et réussit à obtenir une partie de la cargaison de la «Ville de Paris» arrivé à Brest le 17 octobre. 2000 Remington espagnols sont livrés fin octobre et 5000 carabines Spencer à la mi-novembre. Ce sont les seules armes à tir rapide qui parviendront au camp.

Les armes promises par Gambetta devaient provenir principalement du bateau le «Saint-Laurent» arrivé à Brest le 2 Novembre 1870.
A ce sujet des informations fausses ont circulé ; Le journal L'Avenir de Rennes fait dire à M. Carré-Kérisouet que 75000 remington ont été débarqués de ce navire. M. Bidard de la Noë déclare une quantité de 75000 armes dont 40000 remington.(16) Enfin M. Callet affirme le détournement de 75000 fusils vers Toulon.(15)
Hors le «Saint-Laurent» n'a jamais importé une telle quantité d'armes ; Sa cargaison était de 55156 fusils et carabines dont 10000 remington égyptiens.(20) Et c'est le «Pereire» qui a été détourné de Brest pour accoster au Havre et non à Toulon.

Un important échange épistolaire traduit les échanges houleux qui eurent lieu alors entre Kératry et l'administration de Tours.
C'est un inextricable imbroglio d’ordres, contre-ordres et reports de responsabilités et d’habilitations.
Kératry a dénoncé l'attitude des bureaux de la guerre à Tours et de l'amiral Fourichon. (1) Ce dernier a évoqué les difficultés rencontrées face aux demandes permanentes d'armement qu'il ne pouvait pas satisfaire. (24)

Les départements bretons fournirent aussi des armes, mais au 22 novembre, sur 30 000 hommes seuls 12 000 étaient armés.

A l'insuffisance des livraisons d’armes s'ajouta le manque de petit matériel nécessaire à l'entretien ; A cette époque les armes à feu étaient très vulnérables à l'humidité. (3)

L'attribution des fusils Spencer fut critiquée par le général Gougeard estimant que ces armes étaient trop sophistiquées pour les Bretons. (6) De son côté, le général de Vauguion considérait que ces Spencer n'étaient pas adaptés d'une manière générale pour l'infanterie. (7)
L'adéquation du type d'arme avec les compétences des paysans bretons reste un point d'interrogation.

Tableau de l'armement de l'armée de Bretagne à la date du 23 novembre 1870 (source Aimé Jaÿ page 164) :

Conlie mp_tex_9945_aimejay_164

Le préfet d'Ille-et-Vilaine et le maire de Rennes, M. Bidard déplorent la situation critique des mobilisés. Ce dernier envoie le 15 décembre une lettre de protestation à la délégation de Tours pour réclamer la livraison d'armes. (23)
Le 17 décembre, suite à une dépêche alarmante de Marivault, Gambetta ordonne la fourniture des armes ; Le général Thoumas débloque les fusils du navire Erié, présents à l'arsenal de Brest. (8) (22)
Ce sont 10000 fusils Springfield provenant d'achats douteux en Amérique qui sont livrés aux Bretons à Conlie (28 et 29 décembre) et au Mans.
En effet, malgré l'existence de la commission d'armement, les achats d'armes en Amérique faits dans la précipitation, ont connu de nombreuses difficultés (conflits d'intérêt des intermédiaires et concurrence ...).
De même, le contrôle qualitatif des armes à percussion comme les Springfield n'a jamais été fait dans des conditions satisfaisantes. (9).

(1) Déposition de M. Kératry : Extrait sur l'hostilité des bureaux de la guerre - page 685.
(2) Télégrammes officiels : Le Trésor de la Rocque à Kératry - page 132.
(3) Dépositions du général de Lalande : Extrait sur le manque d'armes et de moyens de nettoyage - page 60.
(5) Déposition de M. Kératry : Extrait sur les demandes d'armes - annexes page 104.
(6) Déposition du général Gougeard : Extrait sur les fusils Spencer - page 79.
(7) Déposition du général de Vauguion : Extrait sur les fusils Spencer - page 74.
(8) Télégrammes officiels : Thoumas - page 231.
(9) Rapport de M. le comte Rampon : Extrait sur la vérification des armes américaines - page 18 à 24.
(10) Rapport de M. le comte Rampon : Extrait sur l'attribution des armes américaines - page 142.
(11) Déposition de M. Freycinet : Extrait sur l'attribution des armes - page 17.
(12) Lettre : Carré-Kérisouet à Kératry.
(13) Déposition du général de Vauguion : Extrait sur les fusils à piston - pages 68.
(14) Déposition de M. Kératry : Extrait sur l'hostilité des bureaux de la guerre - page 112.
(15) Déposition de Gambetta : Extrait sur les fusils de Brest - page 562.
(16) Déposition de M. Bidard de la Noë : Extrait sur les fusils du Saint-Laurent - page 29.
(17) Déposition de M. Carré-Kérisouet : Extrait sur les armes à tir rapide - page 19.
(18) Annexe à la déposition de M. Kératry : Extrait sur les armes à tir rapide - page 238.
(19) Déposition de M. Kératry : Extrait sur les armes à tir rapide - page 104.
(20) Rapport La Borderie : Annexes page 157.
(21) Rapport de M. le comte Rampon - annexe : Extrait sur les fusils Remington - page 272.
(22) Rapport de M. le comte Rampon - annexe : Extrait sur la livraison des fusils Springfield - page 273.
(23) Déposition de M. Bidard de la Noë : Extrait sur l'armement des Bretons - page 30.
(24) Déposition de M. Fourichon : Extrait sur les réclamations d'armement - page 639.
(25) Décret du 12 octobre sur les réquisitions d'armes étrangères.

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boiteverte La boue du camp
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La réputation du camp repose en partie sur le marécage du aux forte pluies de l'hiver.(1)
Les infortunés mobilisés renommèrent le camp en "Kerfank" (village de boue en breton).
Le choix du lieu d'implantation est mis en cause par les généraux Gougeard (2) et Lalande (3) alors que Kératry considère qu'il sagit d'un problème général du à la saison. (4) C'est également l'avis du général de Vauguion. (5)
L’humidité et la boue du camp ont joué aussi un rôle primordial dans la mauvaise préparation des troupes. Outre les conditions de vie déplorables qu’elles imposaient aux hommes, elles ont contribuées partiellement à la non répartition des armes.
En effet, les instructeurs étaient en nombre trop insuffisant pour instruire les mobilisés à l’usage et à l‘entretien des armes militaires. Il n'y avait pas de nécessaire d’arme pour l'entretien, ni d'endroit de stockage satisfaisant contre l'humidité.
La distribution des armes pouvait remonter le moral des troupes, mais cela revenait à les livrer à la corrosion et à un fonctionnement compromis. (6)

(1) Robert Gestin : Extrait sur la boue du camp - page 21.
(2) Déposition du général Gougeard : Extrait sur la boue du camp - page 85.
(3) Déposition du général de Lalande : Extrait sur la boue du camp - page 63.
(4) Déposition de M. Kératry : Extrait sur la boue du camp - page 93.
(5) Déposition du général de Vauguion : Extrait sur la boue du camp - page 75.
(6) Déposition du général de Lalande : Extrait sur le manque d'armes et de moyens de nettoyage - page 60.

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boiteverte Les doutes de Gambetta
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A l’origine les deux hommes étaient d’accord sur un plan de « ravitaillement de Paris » s’appuyant sur des forces de province confiées à Kératry. Puis Gambetta changea d’avis après le retour d’un voyage en Espagne de Kératry. Peu enthousiaste alors sur la création de ces « forces de Bretagne », il proposa à Kératry un poste en Algérie.
Celui-ci déclina l’offre et insista en rédigeant son plan du 21 octobre. Curieusement, Gambetta accepta la création de cette armée indépendante, et signa le décret rédigé en termes peu précis. Plus tard, il gèlera les livraisons d’armes à Conlie et s'opposera à l'évacuation du camp en péril sanitaire. Enfin il intègre l'armée de Bretagne à l'armée regulière le 21 novembre en plaçant Kératry sous les ordres du général Jaures du 21e corps.

Cette attitude incohérente et irrésolue porte à croire que Gambetta considérait cette affaire comme mineure face aux graves problèmes de la nation qu’il devait assumer dans les domaines politiques et militaires.
Dès son arrivée à Tours, Gambetta se confronta aux actions véhémentes des ligues et comités de défense dans plusieurs régions.(1) (17) Les initiatives locales en matière de défense contribuait à la dispertion de l'action militaire au détriment de la délégation de Tours. Ainsi le spectre de la sécession a pu influencer le ministre dans la crainte d'un séparatisme des forces de Bretagne.
Les services de la délégation étaient sollicités quotidiennement par de nombreux volontaires enthousiastes et envahissants qui leur exposaient leur plan. Glais-Bizoin écrit dans son livre que c’est pour se débarrasser de Kératry que Gambetta accepta de signer le décret. Il le fit avec nonchalance, croyant sans doute que Kératry abandonnerait face aux difficultés.

C’est aussi sur l’aspect sensible de la politique que le projet de Kératry posa problème. Celui-ci, dans ses appels au rassemblement n’évoquait pas la République mais « Dieu et la Patrie », valeurs plus porteuses auprès des populations de l’ouest. Le docteur Gestin ainsi que le général Gougeard affirment que les troupes bretonnes n’étaient pas politisées ; seule la libération de la France importait. (2) (3) (4)
Mais cela inquiétait l’entourage de Gambetta qui doutait de l’attachement de ces troupes à la République. Il les considérait comme plus volontiers sensibles aux idées monarchistes. (16) Vraisemblablement les proches collaborateurs de Gambetta l’ont mis en garde contre ce projet d’armée régionale bien singulière. (5) (6) (7) (8) Le général de Loverdo était très hostile à la mise en œuvre du projet de Kératry et tentait de dissuader Gambetta et Freycinet d'y donner suite. (15)


Le rapport général de la commission d’enquête (dont la correspondance des bureaux de la guerre) atteste l’hypothèse selon laquelle Gambetta et son entourage, redoutant un péril de type séditieux, (relatif aux préventions politiques évoquées plus haut), auraient adopté délibérément une attitude frileuse, usant de manœuvres dilatoires, au détriment de l’organisation des « forces de Bretagne ».
Devant la commission d’enquête, Kératry apporte nombre de preuves des contrariétés rencontrées, alors que Gambetta reste évasif et ne cherche pas à se dédouaner outre mesure ; Il déclare ignorer les problèmes de livraison d’armes à Conlie, nie la défectuosité des armes des mobilisés lors de la bataille du Mans et reporte les fautes sur Kératry. (9)
Une dépêche du 24 novembre atteste la volonté affichée de Gambetta pour geler les livraisons d'armes au camp.

On peut se demander aussi pourquoi Gambetta a repoussé si tardivement l’évacuation du camp. En octobre, Gambetta pouvait encore annuler le projet de Kératry et du coup éviter la création du camp. Mais après le 21 novembre, date à laquelle il décide la création de onze camps régionaux, il est trop tard. En effet, pour ne pas prêter le flanc à la critique de ses détracteurs, il ne peut pas se désavouer en dévalorisant le camp de Conlie.
Il est primordial à ses yeux que ce camp puisse conserver une bonne réputation; ainsi il déplore auprès du préfet de la Sarthe la publication d'un article malvenu dans le journal «l'Union de la Sarthe» . (10)
A la mi-décembre il met en doute l'insalubrité et donne des ordres stricts contre l’évacuation des mobilisés. (12) (11)
Le 17 décembre, il envoie une dépêche lourde de sens (13) qui trahit son inquiétude surtout quand cette affaire commence à prendre un aspect politique à son détriment. (14)

Gambetta est presque le seul parmi les protagonistes à ne pas avoir rédigé de livre de souvenirs. Il subsiste pour autant sa déposition devant la commision d'enquête.
Si Gambetta avait soutenu Kératry, et lui avait donné les moyens nécessaire, cette armée de Bretagne n’aurait somme toute pu constituer qu’une force d’appui pour l’armée régulière, mais elle aurait pu jouer un rôle décisif lors de la bataille du Mans. Sans repousser les prussiens, du moins les troupes françaises auraient-elles pu conserver leurs positions.

(1) Déposition de M. Gambetta : Extraits sur les mouvements de province - page 548 et sur les ligues du Midi - page 555.
(2) Déposition du général Gougeard : Extrait sur la politisation des Bretons - page 78.
(3) Déposition du général de Vauguion : Extrait sur la politisation des Bretons - page 67.
(4) Robert Gestin : Extrait sur les préventions politiques contre Kératry - page 14.
(5) Kératry : Projet de marche sur Tours.
(6) Déposition de M. Kératry : Extrait sur l'hostilité des bureaux de la guerre - page 112.
(7) Déposition de M. Kératry : Extrait sur l'entourage de Gambetta - annexes page 678.
(8) Aimé Jaÿ : Extrait sur Sur les préventions politiques contre Kératry - page 83.
(9) Déposition de M. Gambetta : Extraits sur les armes des Bretons - page 563.
(10) Télégrammes officiels : Gambetta à Chevalier, préfet de la Sarthe - page 134.
(11) Télégrammes officiels : Freycinet à Gambetta - page 229.
(12) Télégrammes officiels : Gambetta à Freycinet- page 229.
(13) Télégrammes officiels : Gambetta à Freycinet- page 230.
(14) Télégrammes officiels : Gambetta à Freycinet- page 233.
(15) Lettre de M. Loverdo : Lettre à la commission des Marchés.
(16) Déposition de M. Carré-Kerisouet : Extrait sur l'hostilité des bureaux de la guerre - page 22.
(17) Déposition de M. Fourichon : Extrait sur les ligues - page 640.

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boiteverte L’idéalisme de Kératry
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On peut s’étonner du degré d’illusions qui animait Kératry. Dans le contexte politique et la situation militaire du moment, son projet de ravitaillement de la capitale était extrêmement ambitieux. Mais il avait conscience que cette troupe de secours ne pourrait intervenir qu'en appoint à une offensive de l'armée régulière. (1)
Pourtant, en tant que préfet de police et ex-député, il ne pouvait pas ignorer les tensions politiques du moment. De même en tant qu’ancien militaire il connaissait les modes de fonctionnement des bureaux de l’armée (notamment la procédure sur l’attribution des armes).
Comment a-t-il pu croire dans le marasme ambiant, en partant de rien, qu’il pourrait constituer un corps d’armée opérationnel à partir de recrues du 3e ban du contingent ?
Ces troupes étant de surcroît administrées en totale indépendance de l’armée régulière et dépendant directement de Gambetta ?
Selon Carré-Kérisouet c’est Kératry lui-même qui a rédigé ce décret, à la demande de Gambetta. Aussi pourquoi les conditions formulées dans ce décret sont-elles aussi ambiguës et largement inférieures à ce qu’il avait demandé dans son plan du 21 octobre ?
Alors qu’il n’a pas toutes les garanties pour mener à bien la coordination des forces de Bretagne, il accélère le recrutement dans les départements.
On ne peut mettre en doute sa détermination à servir son pays ; il a fait preuve de ténacité et de sacrifice dans l’organisation du camp.
Mais les faits montrent que ce déploiement d’énergie était aussi au service d’une ambition personnelle.
En effet, sa déposition devant la commission d’enquête ne laisse aucun doute sur les motifs de sa démission du commandement du camp : il était très attaché à son indépendance militaire, n’acceptait pas que son projet de corps spécial soit modifié par Gambetta et refusait de passer sous les ordres de Jaures. (5)
Cette démission marque le point final du statut particulier de l’armée de Bretagne.
Le général Marivault ne poursuit pas l’œuvre de Kératry. Effrayé par le cloaque du site, il fait désarmer et évacuer progressivement le camp.
Kératry et Glais-Bizoin s’offusquent de ces mesures et du retour des mobilisés en Bretagne (dépêche du 12 décembre). (2) , (3).
C’est sans doute une fin funeste mais vraisemblablement un moindre mal. Comment tout cela aurait évolué si Kératry était resté en poste ?

Notons que la rumeur a attribué à Kératry des visées séparatistes. Les documents historiques allant dans ce sens nous restent inconnus.
Par contre, dans son livre de 1898, Kératry révèle son projet éphémère de marcher sur Tours et renverser Gambetta. (4)

(1) Déposition de M. Kératry : Extrait sur le rôle des forces de Bretagne - page 93.
(2) Déposition de M. Kératry : Extrait sur l'évacuation du camp - annexes page 680.
(3) Télégrammes officiels : Kératry à Glais-Bizouin - page 9.
(4) Kératry : Projet de marche sur Tours.
(5) Déposition de M. Carré-Kérisouët : Extrait annexes page 21.

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boiteverte D’autres méthodes d’organisation
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D’autres méthodes d’organisation auraient pu apporter de meilleurs résultats comme par exemple celle exposée par le docteur Robert Gestin dans son livre de souvenirs :
… Si les mobilisés Bretons avaient été levés plus tôt, dès la première semaine de septembre, ou seulement au commencement d'octobre; si on leur avait adjoint des inscrits maritimes parmi les-quels on aurait trouvé des canonniers et des instructeurs, qui les auraient encadrés; s'ils avaient été pourvus immédiatement de fusils modernes; si, au lieu de les entasser sans armes dans le camp de Conlie. (Les camps et surtout les camps d'instruction en hiver, en plein air, en plein champ, sur des terres labourées, sans baraques construites à l'avance, sans chemins empierrés, etc., sont une énorme erreur).
Si les mobiles avaient été laissés un mois dans leurs départements, où l'instruction militaire leur aurait été donnée dans leurs chefs-lieux de canton ou même dans leurs communes, puis dans les chefs-lieux d'arrondissement, et si une fois dégrossis, habitués à tirer à la cible, à obéir à leurs officiers et sous-officiers, on les avait réunis dans un ou deux camps à l'approche du danger, une semaine avant d'entrer en campagne, etc.; si tout cela avait été fait, la Bretagne aurait mis en ligne une armée de 40 à 50.000 soldats au moins, aussi bons que les autres. Cette armée, commandée par un général capable, aurait peut-être arrêté l'en¬nemi aux lignes du Loir…

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boiteverte Effectif des troupes
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Pour les cinq départements bretons, le contingent mobilisable était de l'ordre de 79000 hommes.

Département contingent mobilisable contingent après la révision
Côtes-du-Nord 17500 17085
Finistère 13950 12286
Ille-et-Vilaine 17878 18439
Loire-Inférieure 17317 14094
Morbihan 12500 11500

Début novembre, les premiers mobilisés bretons arrivent au camp de Conlie.
Chaque jour de nouveaux mobilisés venaient grossir les rangs des effectifs.
Le 22 novembre, le camp comptait 47 bataillons de mobilisés et 7 compagnies de francs-tireurs. (Keratry_dep1_677_6)

Plusieurs relevés de situation sont notés dans les ouvrages d'Aimé jaÿ, Kératry et Arthur de la Borderie :

Date Présents au camp Division de marche Source Cité par Page
6 novembre 3144- Le Bouedec Aimé Jaÿ animation 77
9 novembre 177 + 4474- Le Bouedec Aimé Jaÿ 77
10 novembre 207 + 5124- Le Bouedec Aimé Jaÿ 77
15 novembre 13573- Borderie Borderie animation 16
21 novembre Conlie mp_tex_9946_aimejay_078_1
20457
- Aimé Jaÿ Aimé Jaÿ 78
23 novembre Conlie mp_tex_9946_aimejay_078_2
24546
- Aimé JaÿAimé Jaÿ 78
23 novembre 25500- BorderieBorderie 16
24 novembre 30000- BorderieBorderie 69
26 novembre 1750011997 Le BouedecAimé Jaÿ 79
27 novembre 35000- BorderieBorderie 16
4 décembre 1198 + 3743213424 Général HacaAimé Jaÿ 397
6 décembre Conlie mp_tex_9946_aimejay_80_81
40033
13424 Aimé Jaÿ
Kératry
Aimé Jaÿ
Kératry
81
140
8 décembre 48000- De LalandeDe Lalande 59
10 décembre 4800012000 Aimé JaÿAimé Jaÿ 82
13 décembre Conlie mp_tex_9947_borderie_plon_356
47610
- BorderieBorderie 356

Les département de Bretagne auraient donné 65000 hommes au total passés à Conlie. (De Lalande dep_59) (Carré-Kérisouët dep_21)

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boiteverte Les décès au camp
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Pendant longtemps des rumeurs ont circulé sur le nombre de victimes au camp de Conlie. L’inflation numérique est fantaisiste et consternante : on évoquera un sacrifice de 80 000 soldats ! Un site internet affirme actuellement que 75000 soldats bretons ont péri à Conlie. 80000 est en fait le nombre estimé de mobilisables sur les cinq département bretons en septembre 1870.

C'est un tout autre son de cloche qui retentit à la lecture des témoignages ;
Pendant son commandement, Kératry avait relevé sept décès de soldats sur un effectif de 32000 arrivés au camp. (1).
Le général Haca indique dans son rapport le 4 décembre que l'état sanitaire est satisfaisant et que le chiffre des malades et celui des blessés a été jusqu'ici peu élévé.
Le docteur Aubry, (2), déclare dans son rapport que le 28 décembre, la mortalité a été de 109 depuis le début de l’établissement du camp et que l’état sanitaire du camp est satisfaisant.
D'après M. Carré-Kérisouet, il n'y avait pas beaucoup de maladies et les rapports des médecins étaient favorables. (3)
Le rapporteur du service sanitaire, M. Morlet (Rapport de la commission d'enquête 1416J 1872 page 129) déclare :

«... Pendant toute la durée du camp, du 6 novembre 1870 au 7 janvier 1871, sur près de 60000 hommes qui y passèrent, il entra en tout aux ambulances 1942 malades, dont 143 morts, (88 de variole et 55 d'autres maladies), 1433 évacués, 208 réformés et 70 congédiés... ».

109 et 143 correspondent au nombre de décès notés parmi les malades entrés aux ambulances et constituent des relevés ponctuels de source sérieuse.

Dans sa déposition devant la commission d'enquête, M. de Kératry considère ce chiffre de 143 comme le chiffre officiel. (4)

Le site internet des archives départementales de la Sarthe met à disposition le registre d’état civil de la mairie de Conlie.
Celui-ci indique 135 décès de soldats entre le 7 novembre 1870 au 18 février 1871.
Puis en 1873, le registre a été complété sur cette même période par des ajouts : 4 pour 1870 et 34 pour 1871. Ce qui porte le total à 173.
Cela correspond au nombre de soldats morts au camp de Conlie ou dans les ambulances du camp ou sur la commune de Conlie.
Sur ces 173 il y a 150 bretons (60 des Côtes-du-Nord, 25 du Finistère, 33 de l'Ille-et-Vilaine, 6 de la Loire-Inférieure, 26 du Morbihan).
15 soldats sont de régions précisées (1 de l'Aude, 7 de la Haute-Garonne, 1 de la Manche, 1 de la Mayenne, 1 de l'Orne , 1 des Basses-Pyrénées, 2 de la Sarthe et 1 de la Somme)
et 8 soldats de régions non précisées.

Fonctions des 173 hommes décédés :
artilleurs 2
chasseur à pied 1
cuirassiers 2
dragon 1
génie 1
mobiles 2
mobilisés 147
ouvriers 3
aumônier 1
soldats 2
soldat de marche 3
? 2

Répartition des décès :
courbe
Source : Archives départementales de la Sarthe.

La notion de « chiffre officiel » est subjective. Tous ces chiffres sont officiels dans leur contexte respectif.
Arthur de la Borderie, (auteur du rapport de la commission d’enquête sur le camp de Conlie), lui-même, ne donne pas de chiffre officiel. Au moment de la rédaction de son rapport, il avait à disposition ces mêmes informations. Et c’est un sujet qu’il n’a pas développé sans doute par prudence. (5)

D’autres sources plus tardives et non référencées apportent de la confusion à cette analyse :

A proximité de la « croix des bretons » du cimetière de Conlie se situe un carré militaire 1870 ;
Emile Dehayes de MARCERE indique dans son ouvrage, « Tombes des militaires morts pendant la guerre de 70, ministère de l’intérieur, Paris - 1878 » :

« 189 militaires français, dont 147 mobilisés bretons, morts au camp de Conlie, avaient été inhumés dans le cimetière et en dehors; on les a réunis dans une concession perpétuelle de 18 mètres.
Une autre concession de 2 mètres a été acquise par l'État pour la sépulture de 7 militaires allemands. Les deux tombes sont entourées de grilles en fer...»

M. de Marcère n’a pas précisé quelle était la source de ce nombre de 147.

Sur la croix des Bretons, la plaque du Souvenir Français datant de 1903 indique :

« … 118 soldats bretons et 13 autres soldats … ».

Là encore ces quantités ne trouvent pas d’explications.
Pour autant ces chiffres tous différents sont du même ordre de grandeur.
Le registre de Conlie est le seul document historique concret que nous ayons pour donner un dénombrement. Ce chiffre est un relevé administratif qui ne peut pas traduire de manière absolue les pertes réelles des Bretons.
Le médecin Aubry nous donne une autre piste à la fin de son rapport ; Il dit qu’il faut considérer les évacuations. En effet elles étaient nombreuses. 1433 selon le rapport Morlet. Dans sa 2eme déposition, Kératry évoque ces évacuations. (6)
De même, le général de Lalande témoigne de la faible mortalité au camp du au rapatriement sanitaire en Bretagne. (7)
Hors ces malades n’allaient pas vers les ambulances de campagne mais bien vers des établissements structurés, hopitaux des grandes villes, asiles etc… Leurs cas étaient assez critiques pour nécessiter une évacuation :

« ... le service des ambulances était établi avec tous les soins désirables et les militaires atteints de maladie graves étaient dès le début évacués sur les hôpitaux de Rennes et autres villes.
Il y avait très peu de malades et on les dirigeait sur *** dès que leur état semblait devenir grave. » (Monjaret de Kerjégu, délégué du Finistère). (Keratry_183).

On ne sait pas quel fut leur sort. C’est ce que dit le Dr Aubry. Cela nous laisse supposer que la mortalité a été bien supérieure aux 173 décès du registre de Conlie.

Lors de l’évacuation progressive du camp qui s'est faite dans des conditions difficiles (8) (11) et pendant la retraite de l’armée vers la Mayenne, de nombreux soldats ont été touchés par la maladie et ont trouvé la mort dans les communes environnantes et bien au-delà.
Dans son rapport, M. de la Borderie précise que les maladies concernaient un sixième des effectifs des bataillons de mobilisés évacués. (9)
Le maire de Rennes, M. Bidard de la Noë indique une mortalité de 15 à 17 pendant plusieurs semaines aux hopitaux militaires de la ville. (10)
A ce jour ces décès supplémentaires restent indéterminés et une estimation chiffrée me parait hasardeuse.

Une remarque au sujet des 131 noms gravés sur la croix des Bretons : On les retrouve sur le registre de la mairie sauf pour 5 d’entre eux :
PREVOT RENOUX DIREUT DENNUD BOLEC.
On peut expliquer cela. Par exemple, une famille de Bretagne a eu un jeune soldat passé par Conlie et mort à la guerre ou disparu prisonnier en Prusse suite à la campagne de la division Gougeard. Cette famille a demandé à juste titre l’inscription du nom sur l’embase de la croix. Dans ce cas il est normal que le nom ne soit pas au registre.

Il est à noter que la mairie de Conlie a reçu par le passé des visiteurs demandant le lieu de la fosse commune du camp. Cette idée de fosse commune vient sans doute de l’eau forte prémonitoire de Jean Moulin représentant des cadavres nus entassés dans une fosse (illustration pour le poème La pastorale de Conlie de Tristan Corbière). Les images morbides des camps de 39-45 ont sans doute contribué à alimenter cette vision macabre. Aucune source n’atteste de l’existence d’une fosse commune au camp.

(1) Déposition de M. Kératry : Extrait sur l'état sanitaire - page 684.
(2) Rapport du docteur Aubry : Extrait sur l'état sanitaire du camp.
(3) Déposition de M. Carré-Kérisouet : Extrait sur l'état sanitaire du camp.
(4) Déposition de M. Kératry : Extrait sur le chiffre officiel - page 684.
(5) Rapport de M. la Borderie : Extrait sur la mortalité lors de l'évacuation du camp - page 102.
(6) Déposition de M. Kératry : Extrait sur l'état sanitaire - page 94.
(7) Déposition du général de Lalande : Extrait sur la boue du camp et les maladies - page 63.
(8) Déposition de M. Bidard de la Noë : Extrait sur l'évacuation des mobilisés sur Rennes - page 30 .
(9) Rapport de M. la Borderie : Extrait sur la mortalité lors de l'évacuation du camp - page 102.
(10) Déposition de M. Bidard de la Noë : Extrait sur Sur la mortalité des Bretons à Rennes - page 31.
(11) Déposition de M. Carré-Kérisouet : Extrait sur l'évacuation des mobiblisés .

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boiteverte Le rapport Haca
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Suite à la démission de Kératry, le général de Loverdo demanda la création d'une commission pour effectuer une inspection générale de l'armée de Bretagne. (1)
Le général Haca procéda à une inspection du camp du 2 au 4 décembre 1870, assisté par deux collègues, M Bézard et M. Bruyère.
L'examen très complet donna lieu à un rapport assez mitigé transmis à Gambetta qui en fut très préoccupé. (2)
Kératry a fait une critique détaillée de ce rapport dans son livre de 1873 .
L'intéret de ce rapport réside dans la description précise de la situation du camp début décembre, même s'il est controversé sur certains points.
L'intégralité du rapport est joint aux annexes du rapport de M. de la Borderie .

(1) Armée de Bretagne - E. de Kératry - Lacroix - Paris -1873 : Extrait sur le rôle du général de Loverdo - page 143.
(2) Télégrammes officiels : Gambetta à Freycinet - page 235.

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boiteverte La commission d'enquête
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Après l’évacuation du camp, la colère gronde dans toute la Bretagne.

Le 14 juin 1871, l'assemblée nationale crée une commission d'enquête, chargée d'établir un rapport sur les actes du Gouvernement de la Défense Nationale.

Les transcription des travaux de la commission d'enquête (en cours de 1871 à 1875), représentent un ensemble de documents constitué de 11 volumes de rapports, 7 volumes de dépositions des témoins et 2 volumes de dépêches télégraphiques.

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Les 20 volumes du rapport

Il existe aussi un rapport fait au nom de la commission des marchés sur les opérations de la commission d'armement rédigé par M. le comte Rampon. (1)

De même, M. Léon Riant rédigea trois rapports au nom de la commission des marchés :
sur la commission d'étude des moyens de défense. (2)
sur les marchés passés par les administrations publiques en Angleterre. (3)
sur les marchés passés par les administrations publiques à New-York. (4)

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Outre le rapport général, la commission d’enquête sur les actes du Gouvernement de la Défense Nationale avait demandé à l‘historien Arthur de la Borderie de rédiger un rapport particulier sur l’affaire du camp de Conlie.

Ce rapport est contenu dans le tome XI de la série des 11 rapports, édité en décembre 1873.

Conlie mp_pho_6180_rapport_

Il donnera lieu à une édition grand public en 1874 contenant des corrections et des compléments.

Conlie 1874_borderie_camp_plon

A la suite des publications de la Commission d'enquête, Kératry va rassembler les documents concernant Conlie et y ajouter des pièces nouvelles en publiant cet ouvrage :

« Une voix bien plus autorisée que la mienne pût rétablir la réalité des actes et faire justice. La Commission d'enquête de l'Assemblée nationale m'a vengé des injustices passées .»

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Des pétitions ont été faites en Bretagne ( dont une émanant de Kératry) pour demander une déclaration officielle de la commission d'enquête sur le rôle des Bretons.
Arthur de la Borderie a rédigé en 1875, un texte complémentaire qui écarte leur culpabilité dans cette affaire. (5).

La pétition de Kératry a été publiée dans le journal "L'Union Bretonne" du 12 mars 1874.

(1) Annales de l'Assemblée Nationale 1873 tome XIX page 344, séance du 23 juillet 1871, Rapport de M. le comte Rampon.
(2) Annales de l'Assemblée Nationale 1872 tome XIII page 83, séance du 15 juillet 1872, Rapport de Léon Riant.
(3) Annales de l'Assemblée Nationale 1871 tome V page 242, séance du 14 septembre 1871, Rapport de Léon Riant.
(4) Annales de l'Assemblée Nationale 1871 tome III page 655, séance du 27 juin 1871, Rapport de Léon Riant.
(5) Rapport de M. la Borderie : Rapport supplémentaire.

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boiteverte La Tuilerie
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Lors de la bataille du Mans le 11 janvier au soir, 6400 mobilisés bretons venant de Conlie (De_Lalande_60_63) mal préparés et mal armés, occupaient de façon discontinue une ligne allant d'Arnage jusqu'à Yvré-l'Evêque.
C'étaient les six bataillons d'Ille-et-Vilaine : 2e et 3e de Rennes, 1e de Saint-Malo et les 1e, 2e et 3e de Redon-Monfort sous le commandement du général de Lalande.
Des troupes régulières (infanterie de la division Barry et chasseurs du 8e de marche) étaient en renfort.
Ils subirent l'attaque de la 20e division prussienne, dont un combat d'artillerie intense depuis 15h jusqu'à la nuit dans lequel les batteries de la Tuilerie tirèrent près de 300 coups. (13)
Les mobilisés attaqués par l'infanterie prussienne vers 16h l'ont affrontée pendant deux heures avant d'être assaillis par le nombre.
Faute de renforts, ils quittèrent leurs positions vers 18h en suivant le repli général des troupes régulières. (12)

Le déroulement des actions sur ces positions est assez complexe ;
Nous disposons avec le rapport La Borderie des récits de l'amiral Jauréguiberry, du général de Lalande, du colonel d'Elteil et du capitaine Buffé, présents sur les lieux.
Le général de Lalande relate cette retraite générale après deux heures de résistance. (1)
De son côté, L'amiral Jauréguiberry donne une relation discordante, minimisant l'ampleur des affrontements.
Enfin, F. Guilbaud, ex-commandant du 1e bataillon de la 4e légion d'Ille-et-Vilaine, apporte dans son livre de 1873 un un témoignage précis du déroulement des combats autour de la Tuilerie.
Il révèle que les troupes étaient disséminées et montre qu'au moment ultime de l'attaque prussienne sur la position de la Tuilerie, celle-ci n'avait pas de défenseurs.

Son récit montre que la débandade des mobilisés dénoncée en fin de journée par l'amiral Jauréguiberry est loin d'être clairement établie.
Cette situation sera confirmée par les travaux du lieutenant Alwrod en 1912 dans son livre sur la bataille du Mans.

Alwrod 1912_alwrod_bataille_du_mans_grassin

Le rôle de ces mobilisés d'Ille-et-Vilaine, mis en cause lors des combats du 11 janvier, avait été largement évoqué par la commission d'enquête.
Les dépositions des témoins avait établi que ces hommes n’étaient pas en état de combattre.

Dans les ouvrages historiques français, on ne dispose pas de témoignage direct d'une déroute irraisonnée des Bretons abandonnant leurs positions autour de la Tuilerie.
Seule la fuite des mobilisés de St Malo postés près de Mulsanne à 4 km de la Tuilerie, est décrite par le capitaine Buffé.
Si le rapport du Grand Etat-major Prussien ne relate pas de panique des mobilisés, la surprise et la fuite de ceux-ci sont mentionnés par le lieutenant de Casimir (cité par Grenest). (2).
Pourtant nombre d’auteurs relatant la guerre de 1870 ont relayé la panique des mobilisés de Bretagne de façon péremptoire.
(Charles Mengin, Le Bouedec, Léonce Rousset, Arthur Chuquet, L. Dussieux, D. Malet, Y.E. Brocherie ...)

Comment l'information de la prise de la Tuilerie a-t-elle été transmise à la hiérarchie ?
Sur ce point les témoignages sont contradictoires ;
Dans sa déposition, le général De Lalande précise avoir prévenu l'amiral Jauréguiberry immédiatement après la prise de la Tuilerie. (De_Lalande_63) (3) (4)
De même le commandant Guilbaud a rendu compte à l'amiral Jauréguiberry vers 20h. (5)
Enfin, l'amiral Jauréguiberry déplore d'apprendre la situation par un commandant de bataillon venu lui réclamer des vivres. (6)

L'amiral a informé le général Chanzy de la perte de la Tuilerie dans une dépêche citée par Chanzy. (7).

Il est frappant de constater à quel point les souvenirs du général de Lalande et de l'amiral ne concordent pas.
Celui-ci affirme ne pas avoir été prévenu de l'état des mobilisés bretons et accuse le général de Lalande de tous les maux.
Leurs témoignages divergent sur trois points : leur entretien au matin du 11 janvier, le déroulement des combats autour de la Tuilerie et enfin les conditions de l'évacuation des troupes sur Pontlieu.

Le soir du 12 janvier, le général Chanzy ayant rendu compte de la défaite à Gambetta, celui-ci communique l'information aux préfets en condamnant l'attitude des Bretons à la Tuilerie (dépêche du 12 janvier, 6h15).
Dans une autre dépêche (12 janvier, 3h30), Gambetta ne cite pas leur conduite vaillante au combat d'Auvours , en tronquant la dépêche du général Chanzy du 11 janvier, 11h30.
Le journal "La Gazette de l'Ouest" a publié le 17 janvier 1871 un article comparant les deux versions.
Dans sa déposition, Gambetta affirme avoir fait une dépêche complète qui était parue au journal officiel. (8)
Concernant les mobilisés d'Ille-et-Vilaine décédés à la bataille du Mans, le général de Lalande apporte un témoignage déterminant. Il évalue les pertes humaines à 400 (tués, blessés et disparus). (9)

Le 14 janvier, le général Lalande était à Evron avec sa brigade "presque entière ralliée" et demandait 6000 rations pour ses soldats à cours de vivres. Le général de Marivault et M. Carré-Kérisouët, arrivés à Evron par le train de ravitaillement constataient la bonne tenue des troupes. (10) (11)

(1) Déposition du général de Lalande : Extrait sur la prise de la Tuilerie - page 18.
(2) Grenest : Extrait sur la prise de la Tuilerie - T2 page 290 .
(3) Déposition du général de Lalande : Extrait sur l'information de la prise de la Tuilerie - page 63.
(4) Déposition du général de Lalande : Extrait sur l'information de la prise de la Tuilerie - page 19.
(5) F. Guilbaud : Extrait sur l'information de la prise de la Tuilerie - page 34.
(6) Déposition de l'amiral Jauréguiberry : Extrait sur l'information de la prise de la Tuilerie - page 294.
(7) Chanzy : Extrait sur l'information de la prise de la Tuilerie - page 323 .
(8) Déposition de Gambetta : Extrait sur la dépêche des Bretons à Auvours - page 562.
(9) Déposition du général de Lalande : Extrait sur les 6400 Bretons à la bataille du Mans - page 64.
(10) Déposition du général de Marivault : Extrait sur les bataillons de Lalande - page 52.
(11) Déposition de M. Carré-Kérisouët : Extrait sur les 6400 Bretons à la bataille du Mans - page 22.
(12) Déposition de M. de Vauguion : Extrait sur la prise de la Tuilerie - page 72 .
(13) Déposition du général de Lalande : Extrait sur les déclarations du général Chanzy - page 62.


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boiteverte Conclusion
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Outre la boue, les obstacles majeurs à l'organisation du camp ont été la pénurie de cadres instructeurs et le manque d'armes.
Les raisons de ces deux derniers maux : L'indépendance militaire des forces de Bretagne, la neutralité politique affichée de Kératry, l'ambiguïté du décret du 22 octobre et l'hostilité de certains officiers supérieurs. La part de responsabilité de Gambetta reste à déterminer.
Il est un fait que toutes les troupes engagées dans la défense du territoire dans la phase républicaine de ce conflit ont beaucoup souffert.
Mais si la majorité des mobilisés de Conlie n’a pas combattu, ils ont cumulé tous les problèmes imaginables.
De cette dramatique histoire du camp de Conlie, ce sont surtout les noms de Gambetta et Kératry qui restent dans la mémoire collective.
Les sympathisants de l’un et de l’autre s’efforceront au fil du temps de redorer un blason bien terni.
Et pourtant, bien moins que les politiques et les militaires gradés, les mobilisés sont les vraies victimes trop souvent oubliées de cette affaire pitoyable.

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ANNEXES

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boiteverte 1 - Dépêches
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coche verte 1-1 Dépêche du 12 décembre. Source : page 316 - L'armée de Bretagne - Aimé Jaÿ, (Plon, Paris 1873).

Glais-Bizoin, membre du Gouvernement de Bordeaux.

(Extrême urgence.) - Rennes, 12 décembre, 10 h. soir.

Reçu votre dépêche; mais il faut que Gambetta prenne une mesure immédiate, dans un cas ou dans l'autre. Le nouveau général a déjà donné l'ordre d'arrêter tous les travaux du camp, qu'on désarme. On va disséminer en arrière toutes les troupes qui ont coûté tant de sacrifices au pays. Je proteste de toute mon énergie contre cette mesure, désastreuse pour la Bretagne et la défense nationale, et cette protestation sera ma dernière, vous devez le comprendre. Pas une minute à perdre pour arrêter cette décomposition de l'armée, qui stupéfie ici.
Signé : KÉRATRY.

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coche verte 1-2 Dépêche du 12 janvier. Source : page 108 et 109 - Recueil de dépêches télégraphiques officielles - (Typographie de J. Haslé, Morlaix 1871).

Bordeaux, 12 janvier, 5 h. 50 soir.

Le Ministre de l'Intérieur à Messieurs les Préfets et Sous-Préfets

Hier, un nouveau combat a eu lieu presque sous les murs du Mans. Le général Jauréguibéry s'est solidement maintenu, sur la rive droite de l'Huisne. Le général de Colomb s'est battu 6 heures, avec acharnement. Sur le plateau d'Auvours, le général Gougeard a eu son cheval percé de six balles. Nos positions au dessous de Changé et sur la route de Parigné ont été conservées, toutes les positions ont été maintenues, excepté la Tuilerie enlevée à la nuit, par retour offensif de l'ennemi. Nous avons fait des prisonniers. Ils évaluent l'ensemble des forces allemandes engagées ou en réserve à 180000 hommes. Les pertes de part et d'autre, mal connues encore, sont sérieuses. De notre côté, deux colonels grièvement blessés.

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coche verte 1-3 Dépêche du 12 janvier, 6h15. Source : page 109 - Recueil de dépêches télégraphiques officielles - (Typographie de J. Haslé, Morlaix 1871).

Bordeaux, 12 janvier, 6 heures 15 soir

Le ministre de l'Intérieur à Messieurs les Préfets et Sous-Préfets.

Nous vous communiquons deux dépêches du général Chanzy, parvenues dans la journée.
Le Mans, 12 janvier, 9 heures 40 matin.
Général Chanzy à Guerre. — Nos positions étaient bonnes hier soir sauf à la Tuilerie où des mobilisés de la Bretagne ont en se débandant entrainé l'abandon des positions occupées sur rive gauche de l'Huisne. Le vice-amiral Jaurréguibéry et les autres généraux croient que la retraite est commandée par les circonstances. Je me résigne, mais le cœur me saigne.
Le Mans, 12 h. 5 soir.
Général Chanzy à Guerre. — Nous avons commencé notre mouvement de retraite que j'organise de manière à occuper avec mes divers corps la ligne de...... les y reconstituer et reprendre mes opérations.

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coche verte 1-4 Extrait de la Gazette de l'Ouest. Source : page 383 - L'armée de Bretagne - Aimé Jaÿ, (Plon, Paris 1873).


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coche verte 1-5 Sur l'attribution des fusils à percussion :
Lettre du commissaire général des Forces de Bretagne à général en chef, camp de Conlie.
Source : Rapports, tome XI, Enquête parlementaire. n°1416J 1873 - (Cerf et fils, Versailles, 1873) - page 110.

Tours, le 18 novembre 1870.
Mon général,
La seconde partie de ma mission est plus difficile que la première.
J'ai vu la commission d'armement hier soir, j'ai demandé de votre part à être fixé sur le nombre et la qualité des fusils destinés à l'armée de Bretagne.
Le général Thoumas s'est levé avec une extrême violence contre nos intentions, disant que les fusils à percussion sont très suffisants pour des mobilisés, qu'il n'y a aucune raison pour faire une exception en faveur de la Bretagne, que les autres pays s'en contentent bien, etc...
J'ai relevé vertement ce général, puis j'ai exposé au comité toutes les raisons qui justifient notre demande, les prouesses faites il y a trois semaines, et les engagements pris par nous vis-à-vis de l'armée.
De plus. j'ai invoqué la promesse de Gambetta, faite la veille même.
En somme, le comité d'armement est divisé; nous y comptons des amis et des ennemis acharnés. Il faut que j'aie ordre de Gambetta aujourd'hui même et par écrit.
Je suis navré de voir la France entre les mains des mêmes hommes qui ont fait tous nos malheurs. J'ai vu hier M, Thiers qui s'est chargé de demander des marins à l'amiral Fourichon ; c'est sur l'avis de Gambetta que j'ai pris M. Thiers comme intermédiaire.
Votre bien dévoué,
Carré-Kérisouet.

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coche verte 1-6 Sur l'hostilité des bureaux de la guerre à Tours :
Lettre du commissaire général des Forces de Bretagne à général en chef, camp de Conlie.
Source : Rapports, tome XI, Enquête parlementaire. n°1416J 1873 - (Cerf et fils, Versailles, 1873) - page 111.

Tours, le 20 novembre 1870.
Mon général,
Votre dépêche d'hier a produit l'effet que j'en attendais ; au premier moment, on s'est emporté, on a déclaré que vous n'auriez rien, etc...
Puis, les choses ont pris meilleure tournure, et, sans vous donner à beaucoup près ce qu'il vous faut, on est arrivé à poser en principe que l'armée de Bretagne a le droit de prétendre à des fusils perfectionnés.
La lettre-ci-jointe de Le Cesne est loin de me satisifaire, et, sauf avis de vous, je ne quitterai pas Tours aujourd'hui. Je vais me rendre, avec Glais-Bizoin,, au bureau des distributions d'armes, afin de me rendre compte de l'usage qu'on en fait.
Je suis sûr que l'action du colonel Thoumas pèse fortement contre vous, et, d'un autre côté, je crois à l'existence de certaines autres influences hostiles au point de vue politique.
Il est évident, cependant, que plus nous serons avancés, moins on osera nous refuser.
... En somme, grandes difficultés de toute sorte et résistance acharnée pour les plus petites choses, voilà la situation. Bien à vous,
E. Carré-Kérisouet.

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boiteverte Télégrammes officiels
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point rouge Source 1 : Rapports, tome XI, Enquête parlementaire. n°1416J 1872 - Rapport La Borderie - (Cerf et fils, Versailles, 1873) - Annexes.
coche verte Source 2 : Armée de Bretagne 1870-1871 - Emile de Kératry, (A. Lacroix, éditeur, Paris 1873).
etoile verte Source 3 : Dépêches ... de Léon gambetta - Joseph Reinach, (G. Charpentier, éditeur, Paris 1891).
coche_noire Source 4 : Camp de Conlie - Rapport La Borderie - (Plon, Paris, 1874) .

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point rouge

Nantes, 28 septembre, 2h.50, soir.
Préfet à Glais-Bizoin, Tours.
Ne vous laissez pas circonvenir par la ligue de l'Ouest. Cette ligue est fort peu républicaine. Elle va vous demander la nomination d'un commissaire muni de pleins pouvoirs, civils et militaires, pour treize départements; ce serait folie de l'accorder.
Le préfet de Nantes, Signé : GUÉPIN.

etoileverte point rouge

Tours, 27 octobre 1870, 11h50 soir.
Intérieur et Guerre à général Kératry, Saint-Brieuc.
Le Mans a besoin d'être protégé ; les cinq batteries sont absolument nécessaires pour défendre la ligne de Serquigny que nous avons un si grand intérêt à protéger. Je vous prie de n'apporter aucun trouble aux opérations de ce côté ; de les faciliter au contraire autant qu'il vous sera possible, et, pour ce faire, de laisser partir les cinq batteries. Évitons surtout tout ce qui pourrait ressembler à des conflits de pouvoirs.

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Lorient, 31 octobre, 11h.23 matin.
Le Conseil de défense de l'arrondissement de Lorient à Guerre, Tours.
Attendu que les arsenaux renferment les moyens de résistance qu'on cherche inutilement à l'étranger ;
Attendu que les autorités maritimes, soit par manque d'ordres, soit par mauvaise volonté, soit par négligence absolue du département de la marine, ne mettent pas à la disposition des citoyens toutes les armes et tous les projectiles qui ne sont pas compris dans la défense de la rade et du port, ainsi que tout objet d'équipement et d'habillement;
Le comité de défense de l'arrondissement de Lorient déclare se constituer en permanence ; ajoute que si, dans les vingt-quatre heures, le gouvernement de la délégation de Tours ne lui donne pas les pouvoirs nécessaires pour armer avec ces éléments les citoyens qu'il demande à son patriotisme, il refusera le départ des gardes nationaux mobilisés, n'entendant à aucun prix accepter la responsabilisé de désastres certains.
Si, d'ici vingt-quatre heures, le comité n'a pas été saisi de pouvoirs réguliers lui subordonnant les autorités militaires et maritimes détentrices d'armes, munitions et effets, il les saisira lui-même pour les besoins de la défense de la Bretagne.
Ont signé tous les membres du conseil de défense, au nombre de vingt-deux.
Pour copie conforme :
Le préfet du Morbihan, Signé : G. RATIER.
Le sous-préfet de Lorient, président du comité : Signé : RONDEAUX.

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Lorient, 31 octobre, 12h.40 matin.
Général Kératry à ministre Gambetta, Tours.
Décidément, je crois que mes dépêches à votre adresse sont supprimées. Voilà trois jours que des dépêches très-urgentes restent sans réponse et sans solution. II y a péril militaire ,et politique, surtout aujourd'hui, je vous en avertis, à en agir ainsi. Les populations qu'on envoie au feu ne peuvent admettre qu'on les laisse désarmées et qu'on les fasse marcher, quand les arsenaux maritimes renferment des armes, canons et projectiles, laissés inactifs. Le mécontentement s'accentue très-grave. Prenez des résolutions. Si vous tardez, des manifestations dangereuses vont éclater dans les ports contre les autorités maritimes, et vous n'en serez plus maîtres. J'attends votre réponse, signée de votre propre main. L'émotion est très-forte à Lorient.
Kératry

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Quimper, 31 octobre, 2h.45 soir.
Préfet à Guerre, Tours.
Je vous signale de nouveau l'extrême urgence de l'utilisation des ressources de toute nature des arsenaux de la marine. — Le comité de défense de Lorient vient de prendre une résolution des plus nettes, sous l'inspiration de Kératry. Les autres comités vont faire de même. La Bretagne, si résolue et si calme, se donnerait une apparence révolutionnaire, qu'elle réprouve au fond.
De grâce, décidez ou annoncez une décision. Pression énorme de l'opinion. Le mot de trahison est sur toutes les lèvres
.
1° Levée des marins de 35 à 45 ans;
2° examen des ressources des arsenaux Brest et Lorient : — voilà deux mesures à prendre immédiatement.
Je vous réponds, sous ma responsabilité de préfet et de citoyen, que c'est indispensable.
Signé : E. CAMESCASSE.

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1er novembre 1870.
Guerre au directeur d'artillerie, à Brest.
Délivrez immédiatement au général Kératry tout le matériel de guerre qu'il vous demandera. La présente dépêche est un ordre formel. Répondez sur-le-champ au sujet des mesures prises pour l'exécution.

etoileverte point rouge

1er novembre 1870.
Guerre à général Kératry, à Nantes.
Je vous confirme ma dépêche précédente vous annonçant que je suis résolu à seconder par tous les moyens qui sont en mon pouvoir la mission dont vous êtes chargé.
Ordre formel a été donné à Roussin, du ministère de la marine, de lever tous les obstacles que vous pourriez rencontrer de la part des préfets maritimes pour l'armement de votre corps d'armée.
Je n'ai fait de réserve, dans mes rapports avec vous, qu'en ce qui touche les opérations militaires générales.
Je vous renouvelle à cet égard l'invitation de les seconder aussi activement que vous le pourrez. Agissez avec la dernière énergie.
Communiquez la présente dépêche à toutes personnes tentées de vous opposer résistance.

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Vannes, 2 nov. 1870, à 8 h. Préfet à Intérieur, Tours.
Reçu votre dépêche confidentielle 3145, J'en prends bonne note. Vieux républicain, je vous remercie de votre énergie. Soyez tranquille ; Kératry, passant revue, a été reçu à Lorient et à Vannes aux cris de : Vive la République !
Signé : G. RATIER.

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20 novembre 1870.
Guerre à général Kératry, à Conlie.
Je me suis occupé, pendant une grande partie de la journée, d'hier et d'aujourd'hui, de la question de l'armement de vos troupes. Je crois m'être acquitté de mes devoirs envers le pays, envers vos soldats et envers vous. Ce n'est pas la première fois d'ailleurs que je vous donne la preuve de mon concours dont vous ne devriez jamais douter.
Je suis bien aise de vous en avoir donné une preuve nouvelle le jour où vous écriviez dans une dépêche qui a passé sous mes yeux que j'arme à fusils perfectionnés tous les aventuriers qui passent à Tours au cri de Vive la République ! Ce n'est point ce cri qui m'empêcherait de les armer si j'avais de quoi, et je suis tout à fait surpris que vous vous soyez permis de faire un grief qui, du reste, est tout à fait injuste. Je ne vous dis rien de plus sur ce mouvement d'impatience.

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Tours, le 21 novembre 1870.
Guerre à général Kératry, au camp de Conlie.
Concertez-vous avec Jaurès pour couvrir Alençon avec toutes les forces dont vous devez pouvoir disposer.

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Tours, 22 novembre.
Guerre à Kéralry.
L'ennemi paraît vouloir nous pousser assez vivement dans la direction du Mans ;
je vous conjure d'oublier que vous êtes Breton pour ne vous souvenir que de votre qualité de Français et de vous concerter avec le général Jaurès pour opposer a l'invasion votre naissante mais vaillante armée ; c'est l'occasion de lui donner le baptême du feu.

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Tours, 22 novembre, 1h.5 soir.
Guerre à Kératry.
Je pars pour Mans avec renforts. Je vous manderai aussitôt arrivé. Jusque-là travaillez et préparez-vous a mettre en ligne les plus grandes forces que vous pourrez.
Gambetta.

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Le Mans, 22 novembre, 4h.25 soir.
Guerre à Kéralry, Conlie.
Je suis au Mans, venez, je vous prie ; il faut nous concerter pour agir et sauver la ligne du Mans que des incapables ont compromise.
Gambetta.

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Le Mans, 23 novembre, 5h. matin.
Guerre à Kératry, Conlie.
Vous commencez votre mouvement sur Saint-Calais ; je reste au Mans: tous mes renforts pour vous appuyer. Allez rendre a la République et à la France un signalé service et justifier d'un coup toutes les espérances fondées sur votre valeur. Venez, nous nous battrons ensemble ; nous arrêterons la marche des Prussiens ; vous savez d'avance les résultats d'une heureuse résistance.
Gambetta.

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Du Mans, le 24 novembre, 4 h. 5 matin.
Ministre Guerre à Directeur artillerie, Rennes.
En vue d'arrêter toutes prises nouvelles et prévenir tous malentendus, je vous donne l'ordre formel de ne rien délivrer, ni en matériel, ni en munitions, à M. de Kératry ou à ses lieutenants sans une autorisation explicite de ma part ou de mon délégué à Tours.
Suspendez donc d'urgence toutes livraisons cartouches, batteries, mitrailleuses et autre matériel.
Signé : L. Gambetta,
P.S. — Avez-vous expédié 50,000 cartouches à M. de Kératry ? Si non, gardez-vous de lui expédier ces cartouches, envoyez-les au Mans.

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MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR
Le Mans. 26 novembre 1870, 10h.10. soir. Allain-Targé à général Kératry (Yvré)
Vous n'avez pas le temps de lire des journaux.
Je tiens à vous dire cependant que le rédacteur de "l'Union de la Sarthe", ayant publié un article odieusement mensonger sur la visite du ministre au camp de Conlie, vient d'être arrêté et traduit en cour martiale.
Le Commissaire, Targé.

Le Mans de Tours, 26 novembre.
Intérieur et Guerre à Préfet du Mans. (Extrême urgence.)
Cette manœuvre est odieuse.
J'ai eu le plaisir de féliciter moi-même le général Kératry, le général Le Bouëdec, les colonels Rousseau et Julien, sur l'excellente organisation du camp de Conlie et l'état des fortifications.
Nous ne pouvons pas laisser d'indignes citoyens répandre de fausses nouvelles et la calomnie pour desservir les opérations de la guerre.
Léon Gambetta. Pour copie conforme : Le Préfet de la Sarthe, Chevalier.

CABINET DU PREFET DE LA SARTHE.
A M. le général de Kèratry
Le Mans, 29 novembre 1870
Général, Je vous envoie la copie de la dépêche que j'ai reçue vendredi du Ministre.
Vous y verrez avec quelle énergie il a repoussé le jugement qu'on lui prêtait sur l'organisation de votre camp de Conlie.
Je suis personnellement heureux, général, de cette occasion de joindre mes félicitations à celles du ministre et de vous assurer de mes sentiments les plus distingués et les plus dévoués. Le Préfet de la Sarthe, Chevalier.

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Camp d'Yvré-L'Evêque, 28 novembre, 2 heures du matin.
Carré-Kérisouët à Guerre, Tours.
Je reçois une dépêche de M. de Kératry datée de Conlie, par laquelle j'apprends sa démission de général en chef des forces de Bretagne.
En temps de paix, je me retirerais sans hésitation, sans examiner les raisons qui ont amené cette démission.
Aujourd'hui, je laisse de côté toute question de solidarité ou d'affection blessée.
Un devoir domine tous les autres, celui qui nous impose de servir notre pays dans la limite de nos forces et de nos moyens.
D'après cela, veuillez me dire, monsieur le ministre, ce que vous voulez que je fasse ; je suis entièrement à votre disposition pour servir la France et la République.
Mon frère et mon beau-frère, mariés comme moi, sont dans l'armée, l'un comme capitaine d'éclaireurs à cheval, l'autre comme capitaine d'état-major, tous deux sont à Conlie.
Je ne suppose pas que leur intention soit de se retirer si vous voulez bien les maintenir.
En attendant votre réponse, je reste à l'armée qui se porte en avant demain et, dans tous les cas, je ferai mon devoir de soldat citoyen.

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Glais-Bizouin, membre du Gouvernement de Bordeaux.
Rennes, 12 décembre, 10 h. soir.
Reçu votre dépêche ; mais il faut que Gambetta prenne une mesure immédiate dans un sens ou dans l'autre. Car le nouveau général à déjà donné ordre d'arrêter tous travaux du camp qu'on désarme.
On va disséminer en arrière toutes les troupes qui ont coûté tant de sacrifices au pays.
Je proteste de toute mon énergie contre cette mesure désastreuse pour la Bretagne et la défense nationale, et cette protestation sera ma dernière, vous devez le comprendre.
Pas une minute à perdre, pour arrêter cette dissolution de l'armée qui stupéfie.
Kératry.

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Bordeaux, 16 décembre, 10 h. matin.
Guerre à Gambetta, Bourges, (Très-urgent).
Je reçois du général Marivault la dépêche suivante : « Je demande de nouveau l'ordre de l'évacuation. Il y a péril physique et moral à rester plus longtemps sans pouvoir donner aux troupes l'assurance d'un changement. »
Comme le camp de Conlie confine à la politique, je ne crois pas pouvoir prendre une décision à son sujet sans vous en avoir référé.
Faut-il, en présence des mauvaises conditions physiques dans lesquelles il paraît que se trouvent nos troupes, et en présence aussi de l'éventualité d'une marche de l'ennemi sur le Mans, faut-il évacuer le camp de Conlie ?
Et si oui, faut-il disperser purement et simplement les hommes, ou chercher un autre emplacement ? Réponse urgente.
C.de Freycinet.

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Bourges, 16 décembre, 12 h. 57 soir.
Gambetta à Freycinet, Bordeaux. (Extrême urgence.)
Il ne faut évacuer le camp de Conlie sous aucun prétexte. J'ignore de quelles conditions physiques on veut parler.
S'il y a des malades, il faut les évacuer seuls.
Le Mans peut être menacé, mais fort loin d'être attaqué.
Je ne comprends rien à pareille panique et vous prie de donner des instructions énergiques, et au besoin d'envoyer un homme résolu pour les appliquer.
L. Gambetta

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N° 44. Bordeaux, 17 déc., 10 h.5 matin.
Guerre à général Marivault, camp Conlie.
Faites connaître l'effectif exact des hommes à armer du camp de Conlie.
Thoumas.

N°45. Bordeaux, 17 décembre 1870.
Glais-Bizoin à général Marivault, camp de Conlie.
Erié à Brest ; a 115000 fusils Springfield, 900 carabines Spencer. 3790 roberts. Dites combien armes vous manquent, et demandez ici autorisation prendre à Brest directement ce qu'il vous faut.
Glais-Bizoin.

N°46. Bordeaux, 17 décembre 1870.
(Expédié le 18, à 12 h. 20 matin.)
Guerre à général de Marivault, camp Conlie.
Envoyez immédiatement à Brest plusieurs délégués qui recevront du directeur d'artillerie 41600 fusils Springfield, avec 100 cartouches par arme. Les armes qui sont actuellement au camp de Conlie seront renvoyées à La Rochelle aussitôt que vous aurez reçu les springfields.
Thoumas.

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Bourges, 17 décembre, 9 h. 25 soir.
Gambetta à Freycinet, Bordeaux.
Mon cher ami, je reçois une dépêche très-grave du camp de Conlie ;
je veux croire qu'elle est exagérée ; mais enfin, s'il y a nécessité, malgré le crève-coeur que j'en éprouve, il faut sauver les hommes, choisir un meilleur emplacement, armer au plus vite avec le chargement des derniers navires les 40,000 hommes qu'on dit être là réunis et que l'absence d'armes décourage, prévenir Chanzy à cause du matériel de marine qui se trouve au camp et voir s'il ne lui serait pas possible, à lui, d'en profiter ;
enfin, faire pour le mieux, même en avouant que je me suis trompé.
L. Gambetta

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Bourges, 18 décembre, 10 h. 45 matin.
Gambetta à délégué Freycinet, Bordeaux.
Je vous accuse réception de toutes vos dépêches et vous remercie de votre ponctualité.
J'ai peur que dans l'affaire du camp de Conlie il ne se glisse quelque peu de passion.
Je ne sais si je me trompe, Il y a là des exagérations évidentes.
J'ai vu ici un officier, aide-de-camp du général Trochu, qui vient de passer par Conlie, et qui ne m'a pas fait, sur l'emplacement et les conditions matérielles de l'installation du camp, un rapport aussi défavorable que je m'y attendais après les dépêches que j'avais reçues.
Il dit cependant que la boue est si forte que les exercices sont impossibles.
Pour cette seule raison, j'admets parfaitement qu'on étudie la question de la translation du camp, mais je vous prie de faire procéder à toute cette opération avec sagesse et lenteur.
Je ne veux pas que l'affaire du camp de Conlie puisse devenir un embarras pour nous moins que pour personne, et si je vois clair, je m'aperçois qu'à Nantes déjà, et bientôt à Bordeaux, on s'agitera fort autour de cette question.
Je vous recommande spécialement votre correspondance avec Marivault.
Mettez-y tous vos soins.
N'envoyez à Conlie que des hommes de confiance.
Enfin, ne perdez pas de vue qu'il ne faut pas que l'on puisse quelque jour mettre en avant l'erreur de Conlie, s'il y a eu vraiment erreur, pour attaquer l'institution des camps, que je considère comme l'un des actes les plus importants de notre administration. .
L. Gambetta

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Gambetta à délégué Guerre, Bordeaux.
Lyon, 21 décembre 1871, 8 h. 50m. s.
Quand je vous ai renvoyé le rapport sur l'affaire de Conlie, je vous ai fait observer qu'il fallait une reddition de compte pour mettre ma responsabilité à couvert.
Je vous disais de constituer une Commission des comptes devant laquelle on appellerait MM. de Kératry et Carré-Kérisouët ; Il le faut ; faites appeler le général Haca.
Demandez lui une note plus précise que le rapport, et faites instruire rigoureusement sur cette déplorable affaire.
Il faut que le gaspillage, s'il y en a, soit bien établi à la charge de ceux qui s'en sont rendus coupables.
Signé : Léon Gambetta.

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Le Mans, 4 janvier 1871. — Général Chanzy à ministre Guerre, à Bordeaux.
Il est indispensable,en prévision des opérations à entreprendre, d'avoir une force suffisante pour défendre les positions et garder le pays.
Il y a, tant au camp de Conlie qu'à Redon et à Rennes, 5 000 hommes armés ; je demande à les faire venir de suite ici.
Il y a à Conlie, Pibray, Rennes, Fougères et Redon, 17 000 hommes formés en bataillons; il leur manque des fusils.
Il y a à Rennes (40 000 fusils Sprinfeld).
Je demande à faire armer d'urgence ces 17 000 hommes (22 bataillons) et à les appeler sur les positions que je leur assignerai.
J'organiserai toutes les forces sous le commandement du général Le Bouèdec. Je demande enfin à disposer des canons de montagne qui sont à Rennes, et qui serviront au général Le Bouedec pour défendre ses positions.
Il faudrait de plus de la cavalerie pour éclairer; quelques escadrons d'éclaireurs à cheval ou de cavalerie régulière suffiraient.
Il est urgent d'organiser tout cela, Il ne manque que les pleins pouvoirs.
Prière de me faire connaître votre décision,

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LE MANS, 11 janvier 1871.
Général Chanzy à Guerre, Bordeaux.
Nous avons eu aujourd'hui la bataille du Mans. L'ennemi nous a attaqués sur toute la ligne. Le général Jauréguiberry s'est solidement maintenu sur la rive droite de l'Huisne; le général de Colomb s'est battu pendant six heures avec acharnement sur le plateau d'Auvours; le général Gougeard, qui a eu son cheval percé de 6 balles, a montré la plus grande vigueur, et les troupes de Bretagne ont puissamment contribué à conserver cette position importante.
J'ai annoncé au général Gougeard qu'il était commandeur. Au-dessous de Changé, le général Jouffroy s'est maintenu malgré la fatigue de sa division et les efforts de l'ennemi. La division Roquebrune ne s'est pas laissé entamer sur la route de Parigné.
Nous coucherions sur toutes nos positions sans une panique des troupes du général Lalande qui, cédant sans résister, devant un retour offensif tenté à la tombée de la nuit par l'ennemi, ont abandonné la position importante de la Tuilerie. Le vice-amiral Jauréguiberry, chargé de la défense de Pontlieue, a déjà pris ses dispositions pour faire reprendre la Tuilerie avant le jour. (...)

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Le Mans, 11 janvier 1871.
Général Chanzy à Guerre, Bordeaux.
Je ne comprends rien aux difficultés que semble vouloir soulever le général Marivault et à ses susceptibilités. Je ne tiens nullement à commander aux forces de Bretagne. Ce que la fraction qui est ici a fait aujourd'hui à la Tuilerie me fixe suffisamment. Je ne demande qu'une chose, parce qu'elle est nécessaire, indispensable : c'est que le général Marivault organise comme il l'entendra, mais le plus vite et le mieux possible, des forces appelées à défendre les positions du Mans quand nous les quitterons.

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LE MANS, 12 janvier 1871.
Général Chanzy à Guerre, Bordeaux (extrême urgence).
Notre position était bonne hier au soir. La panique des mobilisés de Bretagne a été le signal de la débandade sur toute la rive gauche de l'Huisnes, toutes les troupes se sont dispersées, ont fui ou refusent de combattre.
Le vice-amiral Jauréguiberry déclare que la retraite est impérieusement commandée. Sur les autres positions, les généraux déclarent qu'ils ne peuvent tenir.
Le coeur me saigne, je suis contraint de céder. Je donne aux divers corps d'armée les lignes de Carentan comme objectif de cette retraite, parce que j'ai la conviction que toute reconstitution de l'armée avant cette position est impossible. Je la tenterai néanmoins dès que j'aurai pu grouper les fuyards qui, au nombre de plus de 50000, sont déjà sur les routes de Laval et d'Alençon.

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Sillé, 14 janvier 1871.
Général Chanzy à Guerre, Bordeaux.
Le temps est exécrable, le pays est couvert de neige, les routes de verglas, une bruine épaisse empoche de voir et retarde l'installation sur les positions.
(...) Les mobilises de Bretagne qui ont lâché pied malheureusement le 11 au soir à Pontlieue, sont à Evron; ceux trouvés à Conlie et sur lesquels on ne peut compter, sont à Aise-le-Béranger ; (...) 3 000 mobilisés de la Mayenne qui ont fui ce matin de Beaumont devant quelques uhlans ne résistant qu'à quelques officiers qui cherchaient à les maintenir, sont dirigés sur Baisse;
Je voudrais, en leur infusant la confiance, réchauffer le coeur de tous ces hommes transis, hésitants, sans énergie.
Il s'est produit hier au camp de Conlie un fait déplorable qui peint l'armée de Bretagne : les vivres ont été pillés, des armes et des munitions détruites ou abandonnées, et tout cela par plus de 3000 mobiles refusant à leurs chefs d'aider à l'évacuation régulière du camp et de rester jusqu'au soir sur une position que rien ne menaçait, puisqu'à l'heure qu'il est l'armée l'occupe encore.
Je donne au général Marivault, dont je ne m'explique pas l'absence, l'ordre de retenir de suite et de mettre un terme a la débandade des troupes dont il a le commandement.

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LAVAL, 17 janvier 1871.
Ministre Guerre à délégué Freycinet, Bordeaux.
Nous sommes arrivés depuis deux heures à Laval. J'attends d'un moment à l'autre le général Chanzy. C'est à la suite seulement de cet entretien que je pourrai vous fixer. (...)
L'armée de Bretagne n'est qu'un ramassis de débandés à cause de l'état-major et des officiers.
J'ai le projet, après en avoir conféré avec le général Chanzy, d'enlever tous ces hommes à la Bretagne, de les verser dans les dépôts de troupes dans l'Est et dans le Midi, en traitant les réfractaires comme déserteurs, et en supprimant d'un trait de plume tout l'état-major.

Etudiez la mesure dans le détail, et surtout les moyens d'exécution. (...)
Gambetta.

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Note 1

LAVAL, 18 janvier 1871.
Ministre Guerre à délégué Freycinet, Bordeaux.

J'ai vu le général Chanzy et l'amiral Jauréguiberry.
Il résulte de ces deux entretiens que la situation et l'état de la deuxième armée sont assez graves. Le séjour du Mans a été funeste au moral de l'armée. Les influences de certains partis qui veulent la fin de la guerre ont pénétré son esprit. Il y a parmi elle des agents prussiens qui la travaillent.
En outre, certains effectifs ont beaucoup souffert, notamment celui du 16e corps. Il serait indispensable de rechercher dans les dépôts du Midi de quoi refaire le corps de l'amiral qui est descendu à 15 000 hommes. L'arrivée de troupes fraîches et surtout étrangères à la propagande qui a été faite au Mans, serait un élément précieux de reconstitution.

Note 2

Quant aux mobilisés, dont la panique a été la véritable cause de la déroute, voici ce que j'ai fait jusqu'à présent.
J'ai chargé Cathelineau de ramasser ce qu'il y aurait de mieux et d'en former une colonne de 5 à 6 000 hommes dont il prendrait le commandement.
J'ai envoyé le capitaine Le Luyé pour en faire autant. Je crois que c'est le meilleur système à prendre ;

Note 3

quant à Marivault, il faut s'en défaire, il est incapable et se répand en propos scandaleux.
Je vous prie également de faire rechercher, en faisant appel au concours de M. Ranc, le général Lalande qui commandait a la Tuilerie, au besoin de le faire arrêter et de le diriger sur Laval
.

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Laval, 19 janvier 1871.
Sûreté générale à Intérieur et Guerre, Laval.
J'ai reçu votre dépêche et j'ai en communication celle de Freycinet; je ne suis pas étonné de ce que vous dites.
Le Mans, avec une population travaillée par «l'Union de la Sarthe» et «la Sarthe» , n'a pu que démoraliser l'armée.
Voilà le grand danger de la presse réactionnaire.
Ses injures glissent sur nous et la République les dédaigne, mais elles constituent à la longue un dissolvant dangereux. Il y a, je crois, à Laval un journal de ce genre.
J'estime que vous feriez bien d'intimer au rédacteur l'ordre de surseoir a toute polémique tant que l'armée sera dans le pays. Ces gens-là sont lâches. Il obéira.
Je pense aussi que Chanzy devrait appliquer avee une sévérité inexorable l'arrêté qu'il avait pris au Mans sur les cafés. Enfin, permettez-moi de vous dire que le ministre de la Guerre a une part de responsabilité dans le découragement de l'armée.
On n'a jamais voulu sévir conlre les officiers supérieurs ou méme les simples capitaines qui sèment la panique par des propos du genre de ceux de Marivault. Vingt fois nous avons signalé à la Guerre des faits de ce genre, jamais on n'a agi, c'est là qu'est la principale cause du mal. Il faudrait à la première occasion une punition exemplaire avec éclat. (...)
A. Ranc.

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Bordeaux, 23 janvier 1871, 9h35 matin.
Délégué Guerre à Gambetta, Lille. (Faire suivre.)
(...) Je vous serai obligé de me répondre au sujet de Charette pour lequel je vous ai télégraphié il y a trois jours. Le général Chanzy insiste de nouveau vivement pour que le commandement de tous les mobilisés bretons soit confié à ce général. Je vous ai fait connaître que cette mesure ayant un côté politique, j'étais dans l'impossibilité absolue de prendre aucune décision. Veuillez me donner vos instructions pour cette affaire, à laquelle le général Chanzy attache une grande importance. Il dit que ce sera le seul moyen pour lui de reprendre l'offensive sans compromettre la Bretagne.
C. de Freycinet.

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Au reste, bien qu'elle ne figure ni dans le rapport sur Conlie ni dans les Annexes de l'édition officielle, nous avons pu nous procurer une copie de la dépêche télégraphique dans laquelle M. Gambetta lui-même fait connaître à M. de Freycinet ses sentiments au sujet du commandement supérieur de la Bretagne demandé pour M. de Charette par le général Chanzy ; elle est ainsi conçue :

Lille, 23 janvier, 12h5 matin.
Ministre Guerre à délégué Freycinet, Bordeaux.
Je reçois votre dépêche datée de cinq heures et demie du soir. Vous savez maintenant où je suis venu et pour quelles causes je suis venu ici. Ma présence était indispensable et y fera quelque bien. Quant à l'affaire Charette, je vous prie de faire savoir à qui de droit que l'idée de ce grand commandement régional ne me paraît pas réalisable. Je veux bien que l'on pense à donner à M. de Charette un corps de mobilisés à commander ; mais quant à l'investir d'une autorité aussi vaste que celle dont on a parlé, voilà qui ne se peut admettre. Vous avez dû voir déjà certaine dépêche du préfet d'Angers qui s'effraye du commandement donné à Cathelineau ; jugez de ce que seraient les réclamations ! Ecrivez donc dans ce sens. Je vous remercie de votre dévouement, j'y compte toujours et vous prie, mon cher ami, de croire à tous mes sentiments.
Léon Gambetta

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Bordeaux, 23 janvier, 2h55 soir.
Guerre à général Chanzy, Laval.
M. Gambetta pense qu'il y aurait des inconvénients à constituer à Charette une sorte de commandement régional. Le mieux, dans son opinion, serait de lui adjoindre, purement et simplement, un certain corps de mobilisés bretons, avec lesquels il guerroyerait comme Lipowski et Cathelineau. Si cela vous convient, indiquez-moi le nombre de mobilisés que vous jugeriez utile de lui donner, en sus des volontaires qu'il a déjà. Il faut en tous cas éviter de donner à Charette une sorte de suprématie politique. Il doit rester ce qu'il est, le chef militaire d'un corps de partisans.
C. de Freycinet.

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Laval, 23 janvier 1871.
Chanzy A Guerre.
Si j'ai insisté pour organiser la résistance de Bretagne avec des chefs connus et écoutés, c'est qu'il me tarde de pouvoir agir, et je ne le puis sans découvrir un pays que rien ne protégerait plus.
Pour laisser Charette avec un simple rôle de partisan, tout en le mettant dans des conditions de résistance sérieuse, il lui faudrait au moins une dizaine de mille hommes qu'on pourrait lui constituer en adjoignant à ses volontaires un certain nombre de bataillons de l'armée de Bretagne, choisis parmi les plus prêts, les mieux armés et les mieux organisés. On lui donnerait pour mission de couvrir Rennes, et de défendre le pays en arrière de la Mayenne et au nord de Laval.
On pourrait donner à un autre chef, que vous choisiriez, une même force et la défense de la contre en arrière de la ligue de l'Orne. Les forces de Bretagne, mal armées, mal commandées, mal organisées, ne peuvent, malgré la bonté incontestable de leurs éléments, être employées plus utilement. (...)
Chanzy.

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LAVAL, 27 janvier 1871.
Général Chanzy à Guerre, Bordeaux.
(...) Vous ne m'avez pas fait connaître si vous approuviez mon projet de défense de la Bretagne, en donnant au général de Colomb, qui conserverait 2 divisions du 17e corps, le commandement de toutes les forces bretonnes réparties sous Cathelineau, Charette, Bérenger et Lipowski.
J'insiste près de Charette pour qu'il forme son corps sur la ligne de Vitré à Fougères, au lieu de Rennes, point beaucoup trop éloigné. (...)

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LAVAL, 27 janvier 1871.
Général Chanzy à Guerre, Bordeaux.
(...) Par suite de l'approbation que vous avez donnée au projet que je vous ai soumis pour l'organisation de la défense de la Bretagne, je vais charger le général de Colomb de hâter cette organisation et l'installer dans son nouveau commandement. (...)

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boiteverte 2 - Rapport du docteur Aubry
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Rapport de la commission d'enquête 1416J 1872 annexes page 285.

« A M. le général commandant en chef le camp de Conlie. 28 décembre 1870.
GÉNÉRAL,
Conformément à votre ordre, j'ai l'honneur de vous adresser le rapport sur l'état sanitaire du camp de Conlie à la date du 28 décembre.
Les ambulances du camp contiennent, à cette date, 161 malades.
Le nombre des varioleux est de 42.
Le nombre des hommes atteints de maladies différentes est de 119.
Parmi les varioleux, j'ai constaté trois cas très-graves, dix cas très-légers, le reste, des varioles à marche régulière.
Les maladies dominantes dans les autres salles sont généralement très-peu graves: les plus nombreuses sont des maux de gorge simples, des diarrhées non dyssentériques, des bronchites légères; de rares pneumonies ont été observées, il y a quelques jours. Aujourd'hui, cette maladie ne se trouve pas dans les ambulances. On peut donc considérer l'état sanitaire du camp comme satisfaisant.
Le froid qui sévit a, suivant moi, été favorable, en arrêtant les putréfactions imminentes, qui ne manqueraient pas d'engendrer des miasmes putrides en cas de dégel.
Si ces conditions devaient se réaliser, on verrait très-probablement se manifester les fièvres typhoïdes et la dyssenterie.
Depuis l’établissement du camp de Conlie, la mortalité dans les ambulances a été de 109, dont 58 varioleux.
Pour apprécier ces chiffres, il importe de ne pas perdre de vue que de fréquentes évacuations ont eu lieu, et que nous ignorons le sort de beaucoup d'hommes évacués.

Agréez, général, etc.
J. AUBRY, médecin principal. »

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boiteverte 3 - Rapport supplémentaire
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Dépositions des témoins, tome 5, Rapport de la commission d’enquête du 4 septembre.

Rapport mp_tex_9968_rapport_1875 Rapport mp_tex_9967_rapport_1875

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boiteverte 5 - Déposition de M. Freycinet
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M. Freycinet était délégué du ministre de la guerre à Tours.

Dépositions des témoins, tome 3, Enquête parlementaire. n°1416 1872 - (Cerf et fils, Versailles, 1873) - Séance du 10 aout 1871 - Extraits.

coche verte 5-1 Sur l'équipement en armes - page 15 :

« M. de Freycinet. — ... Maintenant, j'ajouterai que l'organisation originaire du camp de Conlie s'est faite entièrement en dehors de nous.
M. de Kératry, qui était investi du commandement du camp de Conlie, nous a demandé un crédit qui lui a été ouvert pour l'organisation de ce camp.
Il nous a déclaré qu'il se chargeait lui-même d'armer et d'équiper ses hommes ; je ne m'en suis pas occupé, cela s'est fait entièrement en dehors de nous, et il est facile de le le voir par ma correspondance et par les dépêches que j'envoyais.
Ce n'est qu'après le départ de M. de Kératry que j'ai eu à m'occuper du camp de Conlie, qui rentrait dans la loi commune à partir de ce moment.

M. le comte de Durfort de Civrac. — Ainsi, tant que M. de Kératry a été à la tête du camp de Conlie, ce camp a été étranger au Ministère de la Guerre ?

M. de Freycinet. — II n'était pas étranger au ministère de la guerre, mais il était dans une période d'organisation et M. de Kératry nous avait déclaré que, moyennant un crédit de 8 millions, il se chargeait de l'armement et de l'équipement du camp de Conlie.

M. de Rainneville. — Alors c'est M. de Kératry qui'est responsable de la qualité des armes achetées ?

M. de Freycinet. — Je ne m'en suis pas occupé; je n'ai envoyé ni dépêches, ni lettres, pendant que M. de Kératry était à la tête du camp de Conlie.

M. le comte de Rességuier. — Le fait énorme d'avoir envoyé à l'ennemi des hommes qui n'avaient aucune éducation militaire, qui n'avaient ni fusils, ni cartouches, ce fait-là cependant incomhe au ministère de la guerre ?

M. de Freycinet. — Permettez... J'ignore ce qu'il y a de fondé matériellement dans cette assertion ; mais comme j'avais l'honneur de vous le dire tout-à-l'heure, le choix de ces hommes, dans le camp de Conlie, a été fait par les généraux Chanzy et de Marivault, non par l'administration de la guerre. Aucun ordre émanant de l'administration de la guerre, n'a été envoyé pour dire de choisir tels hommes plutôt que tels autres.
Il n'y a jamais eu autre chose qu'une autorisation accordée à ces deux généraux de se concerter et de régler le choix d'un commun accord.

M. le comte de Rességuier. — Je voudrais mieux préciser la question. Les généraux de Marivault et Lalande nous ont dit qu'ils vous avaient déclaré l'un et l'autre que, dans l'état du camp de Conlie, avec des fusils absolument impropres à tout service, avec des cartouches qui n'entraient pas dans les canons, il leur était impossible de conduire des hommes à l'ennemi.
Ils ont envoyé des dépèches à l'état-major du général Chanzy, ils en ont envoyé à Bordeaux, dans lesquelles ils disaient : « Mener ces hommes devant l'ennemi, c'est les mener à la boucherie, au déshonneur ! »
Je me rappelle bien les expressions dont ils se sont servis, j'en ai pris note.
Eh bien ! avez-vous eu connaissance de ces dépêches ?
J'ajoute que le général de Marivault nous a dit avoir résigné son commandement et en avoir été relevé après l'envoi d'une dépêche qui se terminait par une protestation, contre l'inutile et criminel sacrifice d'hommes qui avait été fait à la Tuilerie.
Dans ces conditions, est-ce le général Chanzy, qui, lui, de son autorité privée, a fait venir du camp de Conlie des hommes que les généraux qui les commandaient trouvaient impropres au service ?
ou bien est-ce de Bordeaux que vous avez envoyé, coûte que coûte, l'ordre de les faire partir ?

M. de Freycinet. — Non, non; je n'ai passé aucun ordre de ce genre.

Un membre. — Avez-vous reçu les dépêches des généraux Lalande et de Marivault disant : « Les hommes du camp de Conlie ne sont pas en état de se battre ? »

M. de Freycinet. — Il y a eu pendant très longtemps une sorte de conflit entre les généraux Chanzy et de Marivault. C'est précisément pendant ce conflit que nous n'avons pas voulu intervenir ; car nous n'avions pas la possibilité matérielle d'apprécier la valeur des mobilisés de Conlie. ... »

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coche verte 5-2 Sur l'attribution des armes - page 17 :

« M. Dezanneau.— J'ai une question à adresser à M. de Freycinet.
Il parait prouvé par une pièce qu'au moment où l'on faisait marcher les 10,000 mobilisés du camp de Conlie. il y avait des armes, des Chassepot et des Remington, qui n'avaient pas été distribués aux troupes.

M. de Freycinet. — A quel endroit étaient déposés ces fusils ?

M. Dezanneau. - Au camp de Conlie. ...

M. de Freycinet. — Je n'en ai pas connaissance. Mais je dis que le fait ne m'étonnerait pas, attendu que nous manquions de chassepots et qu'on avait pris la mesure générale de ne donner des chassepots qu'aux troupes régulières.
Vous savez qu'il y a le plus grand intérêt à ce que toutes les troupes régulières aient la même arme.
Eh bien! comme on tenait à donner aux troupes régulières des chassepots, on les réservait tous pour ces troupes. »

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coche verte 5-3 Sur la commission d'armement - page 16 :

« M. de Freycinet. — ... Mais nous sommes restés complètement étrangers au choix des armes. La commission d'armement, qui achetait les armes, relevait du ministère des travaux publics.
Elle n'a jamais relevé du ministère de la guerre et nous n'avons jamais eu l'ombre d'une communication hiérarchique avec la commission d'armement.
Par conséquent, ce qu'elle a fait de bien ou de mal nous est absolument étranger. Je le répète, l'administration de la guerre n'a aucune pièce qui établisse l'ombre d'une relation quelconque avec la commission d'armement.
En ce qui concerne par conséquent la qualité des armes, je n'ai jamais eu à me prononcer. On nous donnait des armes ; nous les prenions comme on nous les donnait.
Quand elles étaient médiocres, nous les restituions. On est venu me dire qu'un certain nombre de fusils n'étaient pas percés: quand j'ai appris cela, naturellement, cela m'a fait bondir et immédiatement j'ai fait appeler le général Thoumas ; « Voilà ce que j'apprends ; envoyez un officier d'artillerie à Rennes pour faire la vérification. »
Et, en effet, il y avait un certain nombre de cheminées de fusils qui n'étaient pas percées.

M. le comte de Durfort de Civrac. — Je demanderai comment il se fait que cette commission d'armement, dont l'importance était si grande, ne fut pas directement sous les ordres du ministère de la guerre ?

M. de Freycinet. — Je ne pouvais pas l'exiger: j'étais une sorte de secrétaire général délégué du ministre. Tout au plus le Ministre de la guerre pouvait-il l'exiger.

M. le comte de Durfort de Civrac. — Enfin la guerre ne peut pas se faire sans armes !

M. de Freycinet. — Evidemment. Mais la commission d'armement existait avant mon entrée au ministère.
Elle a été constituée par le gouvernement de Paris, dans le courant du mois de septembre. Quand je suis arrivé à Tours, elle était déjà en fonction; il m'était impossible, à moi , nouveau venu, de lever une question de ce genre. On n'aurait pas manqué d'y voir de ma part une occasion d'accaparer, de m'étendre.

Un membre. — De quelle autorité relevait la commission d'armement ?

M. de Freycinet. — Elle relevait du ministre des travaux publics ; je crois que c'était de M. Crémieux. »

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boiteverte 6 - Rapport de M. le comte Rampon
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Rapport fait au nom de la commission des marchés sur les opérations de la Commission d'armement
rédigé par M. le comte Rampon. n°1490 1873 - (Cerf et fils, Versailles, 1873).

coche verte Sur l'attribution des armes américaines page 142 :

« Dès le mois d'août, le Ministère de l'intérieur avait reçu la mission de distribuer des armes aux gardes nationales sédentaires. A Tours, une décision du Gouvernement avait réservé au Ministère de la guerre la distribution des armes se chargeant par la culasse, au Ministère de l'intérieur, celle des armes se chargeant par la bouche.
Ainsi, les régiments de ligne et les gardes mobiles étaient armés de fusils se chargeant par la culasse, les gardes nationales mobilisées ou sédentaires de fusils se chargeant par la bouche.

Cette répartition des armes entre deux Ministères, logique et nécessaire au mois d'août, n'avait plus sa raison d'être en septembre. Les événements de la guerre, en nous privant de la plus grande partie de nos troupes prisonnières à Sedan, bloquées dans Paris ou dans Metz, ne laissaient plus sous la dépendance du Ministère de la guerre que quelques débris de régiments de ligne, et la moitié à peu près des bataillons de mobiles.
Dès le mois d'octobre, et surtout dès le mois de novembre, les armes se chargeant par la culasse, qui arrivaient en grand nombre, excédaient les besoins du Ministère de la guerre. On ne s'explique pas comment l'excédant ne fut pas reporté d'un Ministère sur l'autre, d'autant plus qu'à Tours et à Bordeaux, les deux Ministères étaient dans la même main.
Les fusils se chargeant par la bouche arrivèrent à partir du mois d'octobre. Ceux-là, du moins, le Ministère de l'intérieur les distribuait avec une infatigable ardeur.
Mais dans quel ordre le Gouvernement en réglait-il l'emploi ? Il avait déclaré qu'il fallait commencer par armer les mobilisés des départements envahis ou limitrophes de l'invasion ? Qui se trouvait plus rapproché de l'ennemi que les mobilisés de l'Ouest et de Conlie ? C'est par eux, pourtant, que s'est terminée la distribution des armes. Le Ministère de la guerre ne les armait pas de fusils se chargeant par la culasse. Le Ministère de l'intérieur ne les armait pas davantage de fusils se chargeant par la bouche.

Le Gouvernement avait reçu, sans parler des 39,760 fusils Enfield et de 5,233,000 cartouches, livrés au Ministère de l'Intérieur, avant le mois de décembre, par la Commission d'armement, 192,913 fusils springfield et 16,487,510 cartouches, et le Gouvernement livrait ces armes aux mobilisés des départements du Midi, les plus éloignés du théâtre de la guerre, notamment aux mobilisés du Gard, du Cantal, de l'Ardèche, de la Dordogne, de la Drôme, de la Gironde, des Landes, de la Haute-Loire, des Alpes-Maritimes, du Lot, de l'Ariége, de Tarn-et-Garonne, de la Corrèze, des Hautes-Alpes, de la Lozère, des Hautes-Pyrénées, du Tarn, des Basses-Alpes, du Lot-et-Garonne, de l'Aude, de l'Aveyron, de la Haute-Garonne, de l'Hérault et de Vaucluse.
Les mobilisés de Bretagne ne furent armés que le 9 janvier, à la veille de la bataille du Mans, longtemps après les mobilisés du Midi, longtemps après les gardes nationales sédentaires.
44,000 fusils springfield furent distribués aux mobilisés ; mais ceux-ci, ne connaissant pas le maniement des armes, étaient pour la plupart inhabiles à s'en servir. Les fusils, que le rapport du commandant d'artillerie Plumerel déclare de bonne qualité, étaient dans le plus piteux état. Ils traînaient, depuis le 20 octobre, aux Etats-Unis ou en France, sur les quais des gares, sur les quais des ports, dans la cale des navires ; les canons étaient couverts de rouille, les cheminées étaient bouchées ; un nettoyage à fond, des réparations mêmes étaient nécessaires, et ce sont de pareilles armes qu'on distribuait, en présence de l'ennemi, à des soldats improvisés !
Le retard apporté dans l'armement des mobilisés de Bretagne a pu contribuer, dans une certaine mesure, à la désastreuse issue de la bataille du Mans. (pièce 97)

Le décret du 29 septembre 1870 avait attribué à la Commission d'armement la répartition des armes acquises et transformées par ses soins. Mais la Commission s'émut la première de ce privilège excessif.
Aux termes de sa lettre du 11 octobre, « la répartition des armes devait nécessairement s'inspirer des nécessités de la défense et d'une connaissance exacte des opérations militaires. Or, la Commission ne possédant aucun élément pour cette appréciation, il lui était impossible d'en assumer sous aucune forme la responsabilité.... L'article 2 du décret (du 29 septembre) devait être modifié en ce sens qu'au gouvernement seul appartiendrait la répartition des armes par les deux Ministres de l'Intérieur et de la Guerre. »
L'avis de la Commission finit par l'emporter. Une circulaire du Ministre de l'Intérieur (14 octobre) détermina le sens exact du décret.
La Commission présentait aux Ministères les états des arrivages, et ils en faisaient à leur gré l'attribution et la répartition aux corps d'armée ou aux départements.
Ainsi, dès que les armes étaient débarquées et livrées aux directions d'artillerie ou aux officiers chargés de les recevoir, le mandat de la Commission cessait. Le Ministre de l'Intérieur et de la Guerre avait seul la mission de répartir les armes entre les corps d'armée, les départements et les villes.
C'est à lui seul qu'incombe la responsabilité de cette distribution, si tardive, si incomplète et si mal réglée.
»

« Pièce n° 97.
Lettre de M. le général Chanzy à M. le comte Rampon.
Versailles, 6 juin 1873.
MON CHER COLLÈGUE,
Vous avez parfaitement raison dans votre appréciation de l'influence que les retards apportés dans l'armement des mobilisés du camp de Conlie ont eu non seulement sur l'issue de la bataille du Mans, mais encore sur toutes les opérations de la deuxième armée de la Loire à laquelle on annonçait toujours une réserve qui n'a, par le fait, jamais existé à Conlie.
Je suis ici en passant, ne sachant si je pourrai vous rencontrer, j'ai préféré vous écrire ces quelques mots pour vous dire que vous pouvez parfaitement maintenir la phrase dont vous voulez bien me donner le texte.
Veuillez agréer, je vous prie, mon cher collègue, l'expression de mes sentiments les plus affectueux et les plus dévoués.
Général CHANZY. »

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coche verte Sur la vérification des armes américaines page 18 à 24 :

« ... Le Gouvernement avait adjoint à la mission Anglaise un officier d'artillerie, le capitaine Boudreaux, accompagné d'un nombreux personnel, et il ne songea point à désigner pour l'Amérique d'officier ou de contrôleur. Le capitaine Guzman, officier très-instruit, très-capable, se trouvait à New-York. Notre collègue, M. Riant, vous a raconté les incidents de son séjour.
Il attendait avec deux officiers et un contrôleur un matériel qu'on lui promettait tous les jours et qu'on ne livrait pas. Il aurait pu vérifier les cartouches, les fusils, les harnais, le matériel d'artillerie, les canons. Il demanda des ordres et ne les obtint jamais.

Les traités conclus avec M. Remington stipulaient la vérification des armes, mais elle devait avoir lieu aussitôt après l'arrivée des navires, tandis qu'elle ne pouvait être efficace qu'en Amérique avant le départ. Dans une lettre du 4 septembre 1871, M. le ministre de la guerre assure que son administration n'a pas connu ces traités. Le Ministre a été mal informé. Les directions d'artillerie du Havre, de Cherbourg et de Brest, ports choisis pour le débarquement des armes, avaient connu les marchés; elles avaient reçu les instructions de la commission d'armement.
Ces directions attribuent aux circonstances l'absence du contrôle. On manquait d'employés spéciaux, de contrôleurs d'armes. Stimulé par le télégraphe, on débarquait en toute hâte. On se bornait, après vérification sommaire, à délivrer des récépissés constatant les quantités.
Ainsi, pour les armes reçues en vertu de traités, la vérification a été prévue, mais elle n'a pu avoir lieu ; quant aux achats effectués sans traité, l'idée d'un contrôle n'est même pas entrée dans les prévisions du Gouvernement.

Pour les armes neuves tirées des arsenaux des Américains, ou des usines de la maison Remington, il y avait une garantie morale, mais beaucoup d'armes ne provenaient pas de cette origine.
Lorsqu'on pénétrera dans le détail des achats, on s'apercevra que l'économie d'un contrôle a coûté cher au Trésor.
...

Tous les fusils springfield livrés par la maison Remington, ne proviennent pas directement des deux achats du 28 septembre et du 19 octobre.
Il est vrai qu'une dépêche (8 octobre, n° 410) de la Commission d'armement, autorisait M. Squire (représentant de la maison Remington), non-seulement à acheter les 350,000 fusils springfeld, mis en vente les 28 septembre et 19 octobre, mais tout ce qu'il pourrait obtenir en sus de ces quantités. Il est vrai que la dépêche ajoutait : « Vous n'êtes pas limité pour le prix. »
Cette dépêche autorisait-elle l'achat effectué en novembre, de 20,000 fusils springfield, livrés par un sieur Pond ? Ces fusils, payés 10 dollars 12 cents 1/2, étaient-ils neufs ? Squire le prétend ! Rien ne le prouve. Il explique que ces armes avaient été achetées par Pond, en différents lots, dans les arsenaux de divers Etats; il ajoute, que Pond les détenait en toute propriété, lorsqu'il en fit la première offre à lui Squire.
Tout cela n'est pas, très vraisemblable. Pond, simple commissionnaire, et peu muni d'argent comptant, ne pouvait guère avoir à sa disposition les 200,000 dollars nécessaires pour payer les 20,000 fusils.

Mais si Pond n'était pas propriétaire des armes, pourquoi Squire a-t-il usé de son intermédiaire ? Ces armes, du moins, étaient-elles de bonne qualité ? Nous l'ignorons.
Elles ne provenaient certainement pas des arsenaux du Gouvernement fédéral, il n'y a pas plus de garantie morale, que de contrôle matériel.
Elles sont tirées on ne sait d'où, embarquées on se sait comment, et mêlées avec d'autres lots de springfield.
Au départ de New-York, comme à l'arrivée, au Havre, personne ne les visite. Si, dans ces conditions, le Gouvernement a obtenu de bonnes armes, il a été singulièrement favorisé par la fortune.
»

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coche verte Sur la destination des fusils remington - annexe page 272 : Observations de la direction d'artillerie

« Le ministère de la guerre n'était chargé, en effet, que de l'armement des troupes de lignes, mais une fois que les mobiles, les mobilisés et les franc-tireurs étaient mis à la disposition du Ministre de la guerre et qu'on les envoyait devant l'ennemi, on changeait autant que possible leur armement pour leur donner des fusils à tir rapide. C'est ainsi qu'il a été distribué, par la Direction d'artillerie depuis le 17 septembre 1870 jusqu'au 23 février 1871 : 400000 fusils se chargeant par la culasse, dont 100000 aux troupes de ligne.
Quant aux retards apportés à ces distributions, ils n'ont existé que pour deux modèles d'armes: les carabines de cavalerie dont personne ne voulait et les fusils Remington pour lesquels il n'y avait au début ni baïonnettes ni cartouches. (...)
Il était difficile de délivrer des fusils Remington égyptiens ; pour 26000 fusils arrivés avant le 15 novembre on avait reçu seulement 3400 baïonnettes.
La commission d'armement en faisait fabriquer dans les usines de la Loire, mais les livraisons n'ont commencé qu'au mois de décembre, et, pour pouvoir se servir des fusils, il a fallu que le Ministère de la Guerre fit faire des baïonnettes à la manufacture d'armes de Chatellerault.
Tous les fusils remington avaient cependant été distribués avant la réunion de l'Assemblée, et principalement dans l'Est.
Il convenait en effet pour diminuer autant que possible la confusion résultant du grand nombre de modèles de cartouches, de grouper les armes par région autant du moins que le permettaient les événements de la guerre. A la date du 15 février, c'est-à-dire après la destruction de l'armée de l'Est, il restait encore entre les mains des troupes 420000 fusils remington.
»

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coche verte Sur la livraison des fusils springfield - annexe page 273 : Observations de la direction d'artillerie

« La direction d'artillerie n'a reçu qu'à Bordeaux, c'est-à-dire après le 10 décembre l'ordre d'armer les troupes de ce camp. Il ne restait plus de fusils disponibles ; le Ministère de l'Intérieur a cédé à celui de la guerre 46000 fusils Springfield, qui se trouvaient dans le port de Brest à bord de l'Erié. L'ordre d'expédier ces fusils au camp de Conlie a été envoyé par télégramme le 18 décembre, c'est-à-dire le jour même où l'on a su pouvoir en disposer. Mais il faut et il faudra toujours du temps pour débarquer et recevoir 46000 fusils, pour les expédier, les déballer et les distribuer. En outre des difficultés financières complètement indépendantes du Ministère de la guerre ont retardé de quelques jours le débarquement. Il serait facile de s'assurer de tout cela par la correspondance de la direction de Brest. »

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boiteverte 7 - Déposition de l'amiral Fourichon
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L'amiral Fourichon était ministre de la marine.
Dépositions des témoins, tome 1, Enquête parlementaire. n°1416 1872 - (Cerf et fils, Versailles, 1872) - Séance du 16 mai 1872 - Extraits page 641.

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coche verte 7-1 Sur la fourniture d'armes - page 641 :

« Avant de vous dire le peu que je sais du camp de Conlie, je vous prie de me laisser raconter mes relations avec M. de Kératry.
A son passage à Tours pour se rendre en Bretagne, M. de Kératry vint me voir, et après m'avoir informé du commandement qu'il allait exercer, il ajouta qu'il aurait beaucoup de demandes à adresser à la Marine.
Je lui répondis que les arsenaux et autres établissements de la marine travaillaient nuit et jour à la confection du matériel demandé pour la défense nationale, et que tous les produits de ces travaux étaient et devaient nécessairement être mis à la disposition du ministre de la guerre, qui, seul, pouvait en faire la répartition suivant les besoins des armées; que, par conséquent, c'était, au ministre que lui, M. de Kératry, devrait adresser ses demandes ; que rien ne lui serait délivré directement, sauf dans les cas d'urgence où les chefs des établissements maritimes apprécieraient sous leur responsabilité.
M. de Kératry ne contesta point la convenance, je dirai la nécessité de cette manière de procéder. Cependant je fus bientôt informé qu'il s'était prétenté aux préfets maritimes de Brest et de Lorient, comme muni de pleins pouvoirs auxquels on était tenu d'obéir. Sur cette information, j'avertis le ministre de la guerre, et je renouvelai mes prescriptions antérieures.
Mais déjà M. de Kératry avait obtenu livraison de plusieurs choses, notamment des 300 derniers fusils chassepots qui restaient à Lorient pour armer nos fusilliers marins, entre les mains desquels ces armes eussent été mieux utilisées qu'au camp de Conlie.
Rien, d'ailleurs, n'a été refusé à M. de Kératry de ce qu'il a demandé régulièrement, soit en matériel de guerre, soit en personnel d'ouvriers des arsenaux.
Et cependant M. de Kératry a récriminé contre l'administration de la marine ! Vous jugerez, Messieurs, de la valeur de ses plaintes. »

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coche verte 7-2 Sur l'opposition entre les autorités militaires et civiles - page 635 :

« Il y avait alors dans toute la France des rivalités extrêmement violentes entre les autorités militaires et les autorités civiles. La lutte était particulièrement ardente et acharnée à Lyon.
Là se trouvait un préfet, ami des hommes du pouvoir, de MM. Crémieux, Laurier, et autres.
Ces messieurs vantaient sa modération et son patriotisme, et ils étaient disposés à céder à ses prétentions, qui n'allaient rien moins qu'à la subordination de l'autorité militaire à l'autorité civile.
Je résistai et j'en référai à Paris. Nos communications étaient encore possibles, elles durèrent jusqu'au 8 octobre.
Une première solution me fut favorable . M. Gambetta lui-même répondit : « Rassurez l'amiral, chacun gardera ses attributions. »
Mais M. Challemel-Lacour revint à la charge et réussit à convaincre mes deux collègues, qui signèrent un décret lui donnant raison.
Je refusai d'y adhérer et me déclarai démissionnaire.
Cette lutte était très-vive ailleurs qu'à Lyon.
M. Testelin, qui vient d'être élu aux élections complémentaires , réclamait également dans le Nord l'autorité supérieure pour lui. Déjà, M. Esquiros l'exerçait à Marseille.
C'était une tendance générale qui me semblait funeste et à laquelle il ne m'était pas permis de m'associer. »

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coche verte 7-3 Sur les réclamations d'armement au ministère de la marine - page 639 :

« On ne pouvait pas ne pas recevoir les députations des départements ; elles venaient toutes parler au nom du salut du pays, et réclamaient sans cesse des armes, des troupes, des canons.
Impossible de vous exprimer combien on était affolé, à quel point on avait perdu la tête.
Dès le 15 septembre, Marseille se croyait menacé et demandait 200 canons de gros calibre. Lyon en demandait 300.
Et c'étaient des autorités, des comités de défense, des conseils municipaux qui venaient apporter les demandes les plus déraisonnables, toujours au nom du salut du pays.
Quand on faisait une objection, on était accusé de mauvais vouloir et bientôt après de trahison.
Ça été une des choses les plus pénibles que j'aie eu à souffrir que de répondre à ces exigences, parce que mes collègues les acceptaient et les recommandaient un peu à l'aveugle, d'ailleurs dans les plus louables intentions.
Avec toutes ces exagérations, combien n'a-t-on pas perdu de matériel qui n'a servi à rien !
Les canons enterrés dans les boues du camp de Conlie en sont la preuve.
Cependant, il est juste de reconnaître que l'élan était général, qu'on se montrait partout prêt aux sacrifices et que dès lors les réclamations outrées étaient excusables. Mais il était très-difficile de faire la part de chacun.
Je le répète, résister à ces exigences a été ma tâche la plus pénible, parce que je n'étais pas soutenu par mes collègues,qui, au contraire, croyant les ressources de la marine inépuisables, appuyaient des demandes auxquelles il m'était impossible de satisfaire. »

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coche verte 7-4 Sur les ligues - page 640 :

« Un membre. — N'y avait-il pas, en dehors du gouvernement, des réunions où l'on prenait des mesures extraordinaires ?
M. l'amiral Fourichon. — Il y en avait en effet dans la vallée du Rhône plusieurs, d'un caractère purement révolutionnaire.
M. Gent était le grand promoteur de la ligue du Sud-Est.
Les départements de la Bretagne et de la Normandie cherchaient à s'entendre et à réunir leurs ressources, mais uniquement dans l'intérêt de la défense nationale.
Il en était de même à Bordeaux pour les départements du Sud-Ouest. »

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boiteverte 8 - Dépositions de M. de Kératry
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coche verte Première déposition du 15 juillet 1871 :
Source : Dépositions des témoins, tome 1, Enquête parlementaire. n°1416 1872 - (Cerf et fils, Versailles, 1872) - Séance du 15 juillet 1871 - Extraits.

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coche verte 8-1-1 Sur l'évacuation du camp - annexes page 680 :

« Quelques jours après mon départ du camp de Conlie, j'apprends que l'armée de Bretagne et le camp de Conlie sont frappés à mort par l'administration de la guerre qui ordonne de désarmer le camp et de ranger en arrière les contingents Bretons, pour les cantonner , c'est-à-dire pour les priver de toute organisation et de toute cohésion.
Je protestai de toute mon énergie; car je prévoyais les futurs désastres du Mans, et il était bien dur de penser que là Bretagne qui s'était sacrifiée, allait être livrée sans défense à l'invasion. »

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coche verte 8-1-2 Sur l'hostilité des bureaux de la guerre - page 685 :

« ... M. Maurice. — Vous avez dit que l'armement était insuffisant, souvent incomplet. Est-ce le ministère de la guerre qui s'est opposé à l'armement et qui a apporté du mauvais vouloir, ou M. Gambetta ?
M. le comte de Kératry. — M. Gambetta apportait à cet égard le plus grand bon vouloir; c'était l'administration de la guerre à Tours et l'amiral Fourichon qui faisaient preuve de la plus mauvaise volonté. »

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coche verte 8-1-3 Sur l'état sanitaire - page 684 :

« ... Notre intendance a marché admirablement, les troupes n'ont jamais manqué de rien pendant ma gestion. Interrogez-les : riz, pain, vin, viande et ce qui ne se donnait nulle part, de la paille de couchage, café et légumes, quelquefois eau-de-vie, tel était l'ordinaire de mes soldats et officiers, comme de moi même. Nous couchions tous sous la tente.
Quant à la mortalité, qui ailleurs a été si grande, elle a été presque nulle.
Lorsque j'ai quitté le camp de Conlie, il était mort sept hommes; en regard de ce chiffre, il faut mettre le mouvement des hommes qui sont venus au camp jusqu'à mon départ: 32,000.
Voilà pour l'état sanitaire ; je crois qu'ailleurs il serait difficile de trouver une situation plus satisfaisante;
cependant des armées, habituées soit à la vie d'Afrique, soit à la vie de garnison, devaient être plus solides que la mienne, recrutée d'hier parmi les paysans, les ouvriers des villes, les bourgeois.
Vous ne pouvez pas ignorer qu'à ce moment là, la Bretagne était décimée par une violente épidémie de petite-vérole. 62,000 mobilisés Bretons ont été levés et expédiés à Conlie avant et après mon départ. Le chiffre officiel des décès a été de 143 : 88 par variole, 55 par autres maladies.
Il y a eu 1,433 évacuations, 208 réformés, 70 congédiés sur 1,654 malades, entrés dans les cinq ambulances départementales créées dans l'armée de Bretagne. ... »

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coche verte 8-1-4 Sur l'entourage de Gambetta - annexes page 678 :

« Quant à la cause qui a fait dissoudre l'armée de Bretagne, elle est, pour moi, dans les craintes politiques, inspirées chaque jour à M. Gambetta par une partie de son entourage qui recevait le mot d'ordre de la Commune de Paris, et dans l'hostilité des bureaux de la guerre contre toute tentative d'armée citoyenne, étrangère à sa sphère de création et d'action. »

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coche verte 8-1-5 Sur le but des forces de Bretagne - annexes page 674 :

« Au moment où je pris le commandement de l'armée de Bretagne, ma situation était nettement déterminée par la lettre du 21 octobre que j'avais écrite à M. Gambetta, et par le décret du 22 octobre qui en avait été la suite ; (...) Il résulte de ces deux documents que j'étais général en chef avec pleins pouvoirs, relevant du ministre de la guerre seul, et que mon armée avait pour objet spécial le ravitaillement de Paris. C'est un point qui avait été librement débattu, et qu'il m'importe de bien préciser. »

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coche verte Deuxième déposition du 6 juillet 1872 :
Source : Rapports, tome XI, Enquête parlementaire. n°1416J 1873 - (Cerf et fils, Versailles, 1873) - Séance du 6 juillet 1872 - Extraits.

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coche verte 8-2-1-1 Sur le crédit de 8 millions - page 92 :

« ... Vous voyez, messieurs, que ce décret (du 22 octobre) contenait deux clauses particulières: par la première, un crédit de 8 millions m'était ouvert. Certains esprits ont trouvé cette attribution irrégulière ou exagérée : qu'il soit dit en passant que ce ne fut qu'une faible fraction de ce que la Bretagne a fourni pour son contingent numéraire, à savoir, plus de 15 millions ; ce crédit n'était donc qu'une avance, parfaitement régulière et naturelle sur ces 15 millions... »

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coche verte 8-2-1-2 Sur l'équipement en armes - page 92 :

« ... Vous voyez, messieurs, que ce décret (du 22 octobre) contenait deux clauses particulières: par la première, un crédit de 8 millions m'était ouvert. (...).
Car il était entendu par ce décret que j'étais chargé de nourrir, équiper, habiller les hommes, mais non, il faut le remarquer de suite, de les armer.
En effet, comment eût-on pu avec 8 millions, non-seulement nourrir, habiller et équiper, mais encore armer 40,000 soldats, chiffre du contingent en hommes prévu ?
Le plus simple calcul suffirait pour combattre une semblable assertion. En effet, 40.000 fusils, (et encore sans le prix des cartouches) à 100 f. chaque, auraient coûté 4,000,000 francs. Que serait-il resté pour nourriture, équipement, habillement, transport, établissement du camp, sans parler de la solde ? ... »

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coche verte 8-2-2 Sur le rôle des forces de Bretagne - annexes page 93 :

« ... En effet, j'avais le désir de rendre service à mon pays, je m'étais offert comme mes anciens collègues, MM. Carré-Kérisouët et Estancelin ; je prétendais réunir en un seul groupe bien compacte tous les contingents bretons restés en dehors de la direction de la guerre.
Que répondit M. Gambetta à mes propositions ? « Je vous autorise à lever tous les contingents mobilisés. »
Il est bien entendu, lui avais-je écrit, que nos compatriotes ne seront appelés par moi que dans un but, celui déterminé par ma lettre du 21 octobre.
Car de pareilles troupes seraient incapables de tenir en rase campagne ; ce seront des forces relatives, qui devront s'appuyer à quelque autre force, ayant un objectif spécial et marchant sur une ligne bien déterminée ; cette ligne désignée était celle de l'Ouest que je connaissais parfaitement comme plus accessible à de jeunes recrues, incapables de tenir en plaine comme de vieux soldats.
J'habite depuis longtemps le département de Seine-et-Oise; je savais aussi, par des dépêches qui m'arrivaient de Saint-Germain à travers les lignes ennemies, que la partie du territoire qui longe la forêt de Rambouillet était fort peu occupée par les Allemands.
Il fut donc entendu que l'armée de Bretagne n'aurait qu'un but : l'essai de ravitaillement de Paris par la ligne de l'Ouest ; nous ne devions nous engager à fond que lorsqu'une armée soit de droite, soit de gauche, aurait fait une pointe offensive.
Lorsque je sortis du cabinet de M. Gambetta, uniquement armé d'une signature, qu'étais-je ? Messieurs, un simple citoyen, fort de sa passion de servir son pays, transformé, comme en Amérique, en chef militaire provisoire : je n'avais à ma disposition ni généraux, ni officiers, ni intendants, ni cadres, ni soldats, ni canons. Je n'avais rien, absolument rien qu'un papier, il fallait, tout faire, tout chercher, tout créer. Je me rendrai cette justice que je n'ai pas failli à la peine. ... »

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coche verte 8-2-3 Sur la boue du camp - page 93 :

« ... Un des grands griefs portés contre cette installation de Conlie à été la boue.
Mais à Satory, au camp de Chàlons, n'éprouve-t-on pas les mêmes inconvénients, quand il tombe de grandes averses, et que 45.000 hommes s'y agitent ?
La boue était inséparable de l'hiver ; les pluies furent torrentielles, et je me rappelle avoir vu, lors des premiers jours de l'armistice, les Allemands manœuvrer sur les chaussées et sur les boulevards d'Orléans, avec de la boue jusqu'aux jarrets. C'était un inconvénient inévitable ... »

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coche verte 8-2-4 Sur l'état sanitaire - annexes page 94 :

« ... C'était un inconvénient inévitable, et si je me reporte aux rapports médicaux et officiels, intéressant tous les mouvements des mobilisés bretons à Conlie, je vois en définitive qu'il n'y a eu sur place que 143 morts, dont 88 par la variole, sur un effectif réel de 60 000 hommes.
Il est certain que sur 1,433 évacués, il a dû se produire d'autres décès à domicile.
Ce chiffre néanmoins est encore inférieur à la moyenne de la mortalité que présentent les régiments placés dans de meilleures conditions topographiques et climatériques.
L'état sanitaire a donc été satisfaisant, en dépit de tous les mensonges complaisamment colportés.
... »

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coche verte 8-2-5 Sur le recrutement des cadres - annexes page 95 :

« ... En ce qui concerne mes rapports avec la guerre, il a été joué un jeu étrange à Tours ; et j'en comprends aujourd'hui, mieux éclairé, toutes les perfidies.
M. Gambetta qui était ministre de la guerre signait des nominations d'officiers; M. le général Loverdo les détruisait de sa propre autorité; je me suis trouvé, lorsque la première division de marche de l'armée de Bretagne s'est portée en avant, en dépit de toutes les nominations signées par M. Gambetta lui-même, fort de sept officiers appartenant à la guerre; l'effectif en soldats était environ de 25,000 à cette époque.
Nous manquions totalement d'instructeurs, quand la marine aurait pu nous fournir le nécessaire.
Je puis citer le fait d'un officier de marine qui a été traduit après l'armistice en conseil de guerre, recherché pour avoir fait accepter ses services dans l'armée de Bretagne, après y avoir mérité la croix de la légion-d'honneur par sa bravoure au feu.
M. Gambetta avait signé de sa main les nominations dans le corps Breton de plusieurs officiers et de ceux, entre autres, appartenant à la gendarmerie, que je lui avais proposés pour la prévôté du camp : il y avait donc ordre formel du ministre de la guerre ; que fit le général Loverdo ?
Il envoya immédiatement une circulaire confidentielle, indiquant que tout sous-officier ou officier qui viendrait à l'armée de Bretagne serait rayé immédiatement des contrôles de l'armée active.
Il est vrai qu'il était recommandé aux chefs de services dépositaires de cette circulaire de la tenir confidentielle. ... »

page 101 :

« ... Un dernier mot sur le sort des officiers mis à ma disposition. Je n'ai reçu que sept officiers de l'armée régulière.
Après ma démission, plusieurs ont voulu rejoindre leurs corps ; le général Loverdo les a éconduits tristement; l'un d'eux, lieutenant-colonel, a été renvoyé en Algérie, d'où il était accouru régulièrement, avec perte de ses droits à l'ancienneté. Quel encouragement pour les âmes dévouées ! ...
Dernier symptôme ! il n'a jamais paru, sauf celle de M. Carré-Kérisouët et la mienne, une seule nomination d'officier de l'armée de Bretagne au Journal Officiel;
ce fut absolument comme si elle n'existait plus, et cela malgré toutes les promesses écrites de M. Gambetta ! ... »

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coche verte 8-2-6 Sur la faiblesse de l'Etat-major - annexes page 101 :

« ... Un mot relatif à l'état-major de l'armée de Bretagne et à l'effectif de son intendance ...
On a parlé de l'excessif état-major du camp de Conlie; plût à Dieu qu'on eût procédé partout avec la même réserve.

Chiffres officiels en main, il est constaté qu'au camp de Conlie, y compris le général en chef, l'état-major particulier et l'état-major général de l'armée de Bretagne ne se composaient que de 22 individus. L'effectif en hommes étant de 30,000 environ le 24 novembre.
Les situations militaires en font foi. En ce qui me concernait, j'avais simplement cinq officiers de grade inférieur prés de moi, et nous étions debout jour et nuit.
Si le même corps avait appartenu à l'armée régulière, son état-major aurait dû se composer de 63 officiers.

Si je passe à l'intendance, je dirai que ce service marchait dans les mêmes conditions d'économie.
L'intendance régulière d'un corps de 30,000 hommes comporte 62 officiers ; nous n'en comptions que 36; par conséquent, la différence était presque inférieure de moitié au chiffre réglementaire ... »

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coche verte 8-2-7 Sur l'hostilité des bureaux de la guerre à Tours - page 112 :

« M. de Kératry. — ... Eh bien ! vous l'avez compris, messieurs, la situation de l'armée de Bretagne s'était dévoilée très grave, à partir du jour où les véritables dispositions de Tours s'étaient manifestées librement : car, si je me reporte aux deux lettres du commissaire-général M. Carré-Kérisouët, que m'écrit-il ? "que les affaires vont très-mal, et que, s'il fallait rendre un nouveau décret du 22 octobre, on ne le rendrait pas", et il cite, entre autres choses, ce propos bien extraordinaire, échappé dans la commission d'armement de la bouche d'un officier français, répété plus tard par M. Gambetta, à savoir : que des fusils à percussion étaient suffisants pour des mobilisés. Nous étions bien loin des bonnes dispositions de la première heure.

M. le Président. — Par qui ce propos a-t-il été tenu ?

M. de Kératry. — Par le colonel Thoumas, à la date du 17 novembre,

M. le Président. — Vous dites qu'il fut répété par M. Gambetta ?

M de Kératry. — Il me l'a répété à moi-même, au Mans.
A partir de ces manifestations d'hostilité persistante, j'ai compris que l'armée de Bretagne était condamnée. M. Carré-Kérisouët à son retour de Tours m'a tenu le même langage, alors que certains officiers de l'armée de Bretagne rentraient au siège du gouvernement, où ils avaient été envoyés en mission. A leur sens, il y avait une intention bien arrêtée dans l'administration de la guerre, et je crois qu'elle ne l'était pas moins dans le cerveau de M. Gambetta, de ne pas armer l'armée de Bretagne.
Les promesses ont continué, mais tout en se ralentissant. J'en ai connu les tristes résultats.

M. Chaper. — Suivant vous, cependant, à l'origine, M. Gambetta était parfaitement disposé pour l'armée de Bretagne.

M. de Kératry. — Il était parfaitement disposé, le décret du 22 octobre le prouve.

M. Chaper. — Selon vous, le général Loverdo y aurait été opposé, et peu à peu M. Gambetta aurait modifié son opinion et se serait arrêté à celle du général Loverdo, mais beaucoup plus tard ?

M. de Kératry. — J'ai lieu de supposer que cette modification a eu pour première cause mon attitude à Nantes, exploitée dès lors par les préfets radicaux, à qui ma réserve politique avait déplu. Ajoutez à cela les deux causes suivantes : les administrations supérieures de la guerre et de l'intendance, hostiles à la création d'une armée conçue, organisée et fonctionnant en dehors de leur action directe ; d'autre part, les satellites de M. Gambetta, soupçonnant et désignant, dès le premier jour, l'armée de Bretagne comme foyer éventuel d'une conspiration monarchique. On a supposé un instant que les princes étaient dans nos rangs.

M. Chaper. — Aviez-vous connaissance que les princes voulussent servir dans l'armée ?

M. de Kératry. — Leur désir de servir ne fut rendu public que plus tard. En ce qui me concerne, à cette époque, je n'en ai eu aucune connaissance. Quant à moi, si la demande m'avait été adressée par les princes, je les aurais acceptés de grand cœur dans l'armée de Bretagne ...
Quant à M. Gambetta, il a cédé évidemment à des considérations politiques, quand il a brisé l'armée de Bretagne. Il n'avait point de motifs militaires, il n'en peut invoquer aucun : la preuve c'est que, lorsqu'il est venu au camp de Conlie, il a constaté toute sa satisfaction, aussi bien au point de vue stratégique que sous le rapport de l'organisation militaire ; il me l'a témoignée publiquement, ainsi qu'à tous les généraux présents au camp.
La négation de cette satisfaction de M. Gambetta a même donné lieu à l'arrestation d'un journaliste qui fut incarcéré au Mans, et dont je réclamai, en ce qui pouvait me concerner, la mise en liberté, quel qu'eût été son désir d'attaquer le commandant de l'armée de Bretagne. Consultez les dépêches échangées à ce propos entre M. Gambetta et les autorités du Mans: vous reconnaîtrez facilement que l'organisation du camp de Conlie a été si favorablement jugée par M. Gambetta que, deux jours après, il a classé ce camp au nombre des camps définitifs d'instruction.
Eût-il pris pareille décision, si le camp de Conlie avait été ia cause, comme on s'est plu à le dire, de l'avortement de l'armée de Bretagne ? Il faut chercher ailleurs les vrais mobiles de sa conduite.

M. Chaper. — Vous avez dit qu'à un moment M. Gambetta était bien disposé pour l'armée de Bretagne; cependant il ne vous a pas donné d'armes.

M. de Kératry. — Oui, à l'origine, il était favorable, mais tout avait changé. Aussi les armes n'arrivaient pas, et c'était là, je le répète, l'objet de mes griefs et de mes réclamations journalières. J'en ai terminé avec la Commission d'armement; vous avez pu juger des promesses et des réalités.
... »

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coche verte 8-2-8 Sur les demandes d'armes - page 104 :

« Le 26 octobre, je télégraphie à M. Le Cesne :
Rennes, 26 octobre. Général Kératry a comité armement. Tours.
Effectif beaucoup plus considérable que je ne croyais ; manque totalement d'armes. Je compte sur vous pour cargaison prochaine de New-York à Brest. J'ai besoin de 5000 carabines Spencer, 12000 fusils Spencer, 40000 fusils à aiguille, 15 mitrailleuses; tous canons de 12 que vous pourrez acheter... »

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coche verte 8-2-9 Sur la promesse d'armes à tir rapide - page 104 :

« Après notre entretien du 22 octobre, M. Gambetta, avec qui j'étais pleinement d'accord sur le principe des armes perfectionnées à distribuer aux Bretons, m'avait invité à me mettre immédiatement en relations avec M. Le Cesne, président de la commission d'armement ; quand je me séparai de ce dernier, il fut bien entendu que je devais promptement recevoir les armes à tir rapide qui me seraient nécessaires. »

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coche verte Annexe à la deuxième déposition de M. de Kératry du 6 juillet 1872 :
Source : Armée de Bretagne 1870-1871 - Emile de Kératry, (A. Lacroix, éditeur, Paris 1873).

coche verte 8-3-1 Sur la promesse d'armes à tir rapide - page 238 :

« A M. le Président de la Commission d'enquête sur les actes du Gouvernement du 4 Septembre.
Marseille, le 16 juillet 1872.
MONSIEUR LE PRÉSIDENT,
Vous m'avez fait l'honneur de m'exprimer le désir de recevoir des renseignements plus circonstanciés sur (...) l'armée de Bretagne. Je m'empresse de vous les faire parvenir.
Vous me demandez où, à quelle époque et dans quelles conditions M. Gambetta me promit les armes à tir rapide que mon ordre du jour annonçait à l'armée de Bretagne.
Ce fut dans ma troisième entrevue à Tours, avec M. Gambetta, le 22 octobre 1870, le jour même où il signa le décret constituant l'armée de Bretagne.

Notre discussion fut longue.
Le Ministre supprima deux des sept départements désignés par ma lettre de demande de service.
Il réduisit, en outre, le nombre de soldats réguliers que je demandais comme noyau de résistance : mais, en revanche, sur la question des armes à tir rapide, nous fûmes pleinement d'accord. Nous étions seuls en tête à tête.
Il me désigna M. Le Cesne comme devant faire face à tous les besoins de ce genre. Cette promesse englobait même celle des chassepots disponibles, et dans les dépêches remises par moi à la Commission, vous devez en trouver une, d'une date ultérieure, émanée de la guerre, et qui m'indiquait que je devais renoncer aux chassepots.
Je m'abouchai, en sortant de chez M. Gambetta, avec M. Le Cesne et son frère.
Je discutai longuement avec eux mes besoins, et j'emportai les promesses dont vous trouvez les traces constantes dans la correspondance que je vous ai livrée.
Ce qui prouvera de plus combien M. Gambetta se rappelait ses promesses si souvent invoquées par moi, c'est une dépêche que vous avez, où M. Gambetta m'annonce une future livraison par la Guerre d'armes à tir rapide, en même temps que M. Le Cesne, de son côté, m'entretenait d'espérances semblables au nom de la commission d'armement. ... »

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boiteverte 9 - Rapport de M. de la Borderie
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Rapport fait au nom de la commission d'enquête sur les actes du Gouvernement de la Défense nationale n°1416J 1872 - Le camp de Conlie et l'armée de Bretagne - Arthur de la Borderie,(Cerf et fils, Versailles 1873) - Extraits.

coche verte 9-1 Sur la mortalité lors de l'évacuation du camp - page 102 :

« Au moment de leur sortie du camp, les divers groupes de mobilisés bretons dépassaient ensemble 40,000 hommes ; mais à la suite de l'évacuation, cet effectif se trouva réduit dans une proportion notable.
La fatigue de plusieurs journées de route sur un sol de boue ou de neige, imposée à des soldats nullement rompus à la marche ; l'entassement des hommes à chaque étape dans des logements ou des casernements parfois insalubres et toujours trop étroits ; l'irrégularité dans les distributions de vivres qui se produisit plus d'une fois pendant le trajet de Conlie en Bretagne ; la rigueur exceptionnelle de la saison, contre laquelle un habillement incomplet, beaucoup trop léger, était une défense insuffisante ; la variole enfin qui sévissait dans la plupart des localités traversées par les mobilisés, — toutes ces causes firent éclater parmi eux une véritable épidémie de pleurésies et de petites véroles.
Le colonel de la 2e légion d'Ille-et-Vilaine nous apprend qu'à peine rendu dans ses cantonnements, ce corps envoya aux hôpitaux où aux ambulances plus de 400 soldats outre ce qu'il avait déjà de congés de convalescence et de malades laissés dans les gîtes d'étapes, si bien que, vers le 10 janvier, l'effectif était tombé de 3,700 hommes à 3,000.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets dans tous les bataillons mobilisés, l'effectif total dut être réduit à peu près dans la même proportion, c'est-à-dire d'un sixième.
Dans l'état sanitaire de l'armée de Bretagne, ce fut là le moment critique. Non-seulement les maladies, mais les décès furent nombreux ; nous n'avons trouvé aucun moyen d'en déterminer le chiffre.
Pour ceux des mobilisés qui résistèrent à cette crise, la situation paraissait s'améliorer. Le ministre avait enfin ouvert les crédits demandés, l'intendance les portes de ses magasins; elle rhabillait, réquipait les légions bretonnes avec des effets propres et solides.
Dans les villes où l'on était cantonné, on trouvait peu à peu des instructeurs pour les officiers et pour les soldats, des terrains fermes où marcher, où s'exercer.
Apres s'être séché, nettoyé et rhabillé, on se mettait à l'exercice de bon cœur ; le moral se remontait.»

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coche verte 9-2 Sur le crédit de 8 millions - page 9 :

« Quant au crédit de 8 millions, il peut être considéré comme une avance faite par l'État, car un autre décret de ce même jour, 22 octobre, en mettant à la charge des départements et des communes l'habillement et l'entretien des mobilisés, devait faire entrer au Trésor, pour la part contributive de la Bretagne, une somme de plus de 15 millions.
Aux termes du décret du 22 octobre, chaque département devait payer à l'État, pour chacun de ses mobilisés, une somme de 195 fr., savoir :
pour les dépenses d'habillement, d'équipement et de campement, 60 fr.,
et pour trois mois de solde, à raison d'une moyenne de 1 fr. 50 par jour, 135 fr.,
soit, pour les 79,305 mobilisés des cinq départements de la Bretagne, 15,464,475 fr.
Un autre décret, du 5 novembre, augmenta ce contingent pécuniaire d'une somme de 20 fr. par homme pour l'armement (soit 1,586,100 fr. pour les mobilisés bretons); mais le décret de création de l'armée de Bretagne n'ayant pas mis l'armement à la charge de M. de Kératry, il n'y a pas lieu de faire entrer ici cette taxe supplémentaire en ligne de compte. »

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boiteverte 10 - Déposition du général Gougeard
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Le général Gougeard commandait la division de marche de l'armée de Bretagne. (4e division du 21e corps)

Rapports, tome XI, Enquête parlementaire. n°1416J 1873 - (Cerf et fils, Versailles, 1873) - Séance du 11 juin 1872 - Extraits.

coche verte 10-1 Sur la boue du camp - page 85 :

« Conlie n'est pas une position militaire sérieuse ... Elle est encore moins une position pour un camp d'instruction.
Les eaux n'ont pas d'écoulement, les terres sont fortes et argileuses, de sorte que la boue est quelque chose d'inimaginable.
On y est littéralement enseveli, et il faut avoir assisté à ce spectacle pour s'en faire une idée.
Rien de ce que je pourrais vous dire ne pourrait vous décrire l'aspect du camp de Conlie; c'est quelque chose d'inexprimable. On n'a jamais vu chose pareille. »

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coche verte 10-2 Sur les fusils Spencer :

- page 79 : « L'infanterie de ligne était armée de chassepots ; la mobile, de chassepots et de remingtons; le bataillon de Rennes, de chassepots fournis par l'Etat; les quatre bataillons de la Loire-Inférieure, de bons sniders fournis par le département ; les autres bataillons, de carabines Spencer achetées en Amérique par l'armée de Bretagne, qui avaient l'aspect extérieur de mousquetons de cavalerie, n'avaient pas de baïonnettes, et qui cependant portaient à 8 et 900 mètres et étaient de la catégorie des armes dites à magasin, c'est-à-dire ayant huit coups de réserve.
Ces armes étaient très délicates et avaient dû coûter fort cher, mais par leur délicatesse même elles étaient peu pratiques dans les mains des paysans bretons qui, il faut le dire, y avaient peu de confiance, quoiqu'elles eussent été redoutables dans les mains d'hommes soigneux et exercés. »

- page 82 : « ... Le bataillon de mobilisés de Rennes était armé de Chassepots donnés par la guerre. Quant aux autres, Vannes, Lorient, Saint-Brieuc, etc., ils avaient des fusils Spencer.
Ce sont des armes excellentes , je dirai même qu'elles sont beaucoup trop bonnes.
Les hommes n'y avaient pourtant pas confiance, et cela pouvait jusqu'à certain point s'expliquer par plusieurs motifs.
Le fusil Spencer est assez court : il à l'aspect d'un mousqueton de cavalerie; de plus, il n'a pas de baïonnette.
Ce fut surtout la cause pour laquelle les hommes n'y avaient pas confiance, et je comprenais très bien ce sentiment.
Maintenant c'est une arme très juste, d'une portée longue, entre 8 à 900 mètres. Elle fait partie des armes dites à magasin, c'est-à-dire qu'il y a huit coups dans la crosse. Certes, si les hommes avaient pu se rendre compte de la valeur de l'arme qu'ils avaient entre les mains, ils l'auraient mieux appréciée et en auraient tiré un plus grand parti.
Seulement, il faut ajouter que le mécanisme en est assez délicat et d'un entretien difficile.
En résumé le défaut de cette arme c'est d'être trop bonne, trop délicate. Seulement dans les mains des paysans bretons, elle ne valait rien; elle a d'ailleurs des défauts pour combattre en ligne. Je fus même plus tard obligé d'y renoncer.
M. Dezanneau. — Ainsi l'armement était bon, suffisant ?
M. Gougeard. — L'armement était très bon et même,en ce qui concerne les fusils Spencer, trop bon ...»

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coche verte 10-3 Sur le statut de l'armée de Bretagne :

- page 85 : « Il faut rechercher encore la cause de cet insuccès dans cette idée de M. de Kératry de former de tous les mobilisés de Bretagne une armée spéciale.
...
Une cause déterminante est encore cette idée de vouloir devant l'ennemi innover des règles nouvelles. Ainsi, en refusant de se soumettre aux règles de la guerre sur l'intendance, sur l'artillerie, sur le génie etc., en voulant faire cette organisation avec ses pleins pouvoirs, on se privait nécessairement d'un concours indispensable et on devait échouer.
...
M. de Kératry s'est souvent plaint de ne pas avoir trouvé de concours dans l'administration de l'intendance. Je n'en sais rien ; mais je serais très-disposé à le croire. Quand on ne veut pas se soumettre aux règles d'une administration qui sont sa raison d'être, et qui n'en a pas d'autre, il n'est pas étonnant qu'on ne soit pas aidé par elle. Je trouve là une raison philosophique très suffisante. »

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coche verte 10-4 Sur la politisation des Bretons :

- page 78 : « ... Les hommes désignés par le décret de mobilisation ... étaient préoccupés de l'unique désir de défendre leur pays sans arrière-pensée politique d'aucune nature, et que c'est prêter au pays des sentiments qu'il n'avait pas, et faire à mon avis injure à la Bretagne de dire, avec M. de Kératry, que c'était une armée particulière recrutée dans un but spécial et que ses attaches politiques lui avaient permis de lever.

- pages 86 - 87 : « Dire que cette armée avait des opinions politiques, dire qu'on l'avait fait lever, ainsi que le prétend M. de Kératry, sous cette influence, c'est, je ne crains pas d'employer le mot, c'est une calomnie. La Bretagne n'avait pas d'autre idée que de défendre son pays, pas d'autre.
Tous, nous avions cette pensée, rien que celle-là, et nous étions parfaitement décidés à remettre le règlement des autres questions, sur lesquelles nous pouvions avoir notre manière de voir (et quant à moi, j'en ai de très arrêtées), au moment où les Prussiens seraient chassés.
Mais alors, je le répète, la Bretagne n'avait d'opinion politique d'aucune sorte.
...
... Je n'ai jamais cherché à avoir d'autre influence que celle qui m'était nécessaire pour les conduire à l'ennemi. »

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coche verte 10-5 Sur la motivation des Bretons :

- page 78 : « Je dois constater que les hommes désignés par le décret de mobilisation, loin d'y faire aucune résistance, s'y sont prêtés avec une grande bonne volonté. ... Ils étaient animés des meilleurs sentiments ...

- pages 86 - 87 : « Il est également évident que ces Bretons étaient animée d'un excellent esprit. Ils ne se rendaient pas compte des dangers qu'ils allaient courir, ils n'avaient pas de connaissances militaires assez grandes pour savoir à quels devoirs sérieux ils s'étaient engagés, mais ils étaient animés de l'ardent désir de défendre leur pays, et pas d'autre chose. »

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coche verte 10-6 Sur la défiance de Gambetta envers la Bretagne :

- page 85 : « En ce qui concerne la prétendue défiance du ministre de la guerre envers la Bretagne, c'est là une supposition gratuite que rien ne justifie.
Au moment où je pris le commandement, il m'a remercié d'accepter une tâche aussi lourde.
Il a fait tout ce qui lui était possible pour nous armer, nous équiper et nous organiser de son mieux.
La proximité de l'ennemi m'a empêché d'assister à la conférence de Laval, mais j'ai su par ceux qui y assistaient que M. le ministre de la guerre leur avait parlé de notre pays dans les meilleurs termes. »

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coche verte 10-7 Sur l'activité politique de Gambetta :

- page 86 : « Pour moi et pour tous les officiers qui m'entouraient, nous avions la conviction qu'il (Gambetta) était uniquement guidé par le désir le servir son pays, et nous avions tous en lui une entière confiance.
Personne n'a eu l'idée que la politique eût joué un rôle dans sa manière de faire; c'est mon opinion et c'est celle de tous mes officiers qui avaient en lui une grande confiance. ...
J'ai entendu dire dans le monde, et j'insiste sur ce point, que le gouvernement avait fait de la politique ; il n'en est rien. »

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boiteverte 11 - Déposition du général de Vauguion
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Le général de Vauguion était chef d'état-major de l'armée de Bretagne.

Rapports, tome XI, Enquête parlementaire. n°1416J 1873 - (Cerf et fils, Versailles, 1873) - Séance du 18 mai 1872 - Extraits.

coche verte 11-1 Sur la politisation des Bretons - pages 67 : :

« Autant que je puis m'en souvenir, M. Gambetta venait dans ce moment-là du camp de Conlie. M. de Kératry ignorait qu'il eût fait ce voyage ; M. Gambetta avait profité du moment où nous nous rendions au Mans avec nos 12,000 hommes pour aller faire une visite au camp de Conlie. Je crois qu'il ne fut pas très-satisfait de ce qu'il put voir des tendances politiques du camp de Conlie. Il s'attendait sans doute à y trouver quelque trace d'enthousiasme républicain ; il n'y en avait aucune. Nul ne songeait à la République, on ne songeait qu'à la guerre. Ce sont là mes appréciations personnelles, d'après ce que je voyais chaque jour, mais je crois qu'on ne pourrait pas sérieusement les contester. Je crois aussi que cette espèce d'antipathie ou de froideur que j'ai observée entre M. Gambetta et M. de Kératry pendant cet entretien du Mans, venait de là. Les premières paroles roulèrent sur la question du camp ; « II est admirable, dit Gambetta, mais cependant il manque encore telle et telle chose. »
»

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coche verte 11-2 Sur les fusils à piston - pages 68 :

« Voilà le sens de cette discussion (entretien entre Kératry et Gambetta le 24 novembre 1870), dont je ne prétends pas ici redire tous les termes, d'autant plus que l'entretien dura environ deux heures. Il y eut toutefois, relativement aux armes, un mot qui me frappa et que j'ai retenu. Lorsque M. de Kératry se plaignit de n'avoir pas reçu d'armes à tir rapide, M. Gambetta lui coupa la parole et s'écria : « — De quoi vous plaignez-vous ? Tout ce que vous m'avez demandé, je vous l'ai donné ! D'ailleurs vos mobilisés peuvent bien se contenter de fusils à piston ; ils suffisent bien aux autres mobilisés ». Après les promesses formelles qui nous avaient été faites, cette parole me sembla grave. C'est à la Commission d'en juger. »

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coche verte 11-3 Sur le mécontentement de Gambetta - pages 70 :

« Mais il était évident que M. Gambetta, pour une raison ou pour une autre, avait pris en grippe le camp de Conlie. Ainsi, pendant que j'étais à Bordeaux, j'ai entendu parler d'une dépêche adressée peu de temps auparavant par M. de Freycinet à M. Gambetta alors à Bourges, portant à peu près ceci : « II y a dans le camp de Conlie un côté politique qui ne me permet pas de prendre de décision, sans vous en référer. » Il y avait un parti-pris contre ce camp .
Pour moi, il n'y a pas de doute. Ce mécontentement contre l'armée de Bretagne, ce refus de lui donner des armes, cette espèce de sacrifice qu'on en a fait, non-seulement en ne lui donnant pas les moyens de faire quelque chose, mais encore en lui faisant jouer plus tard le rôle que vous savez, tout cela est en grande partie la suite des sentiments conçus à son égard par M. Gambetta, le jour où il vint visiter le camp de Conlie . C'est ma conviction. »

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coche verte 11-4 Sur Freycinet et les armes - pages 71 :

« Restait la question des armes. A onze heures, M. de Freycinet, après s'être fait exposer toute la situation, me dit :
« Il faut télégraphier de nouveau au général Marivault, il faut qu'il prenne des cantonnements; mais je ne puis pas, moi, lui donner d'autres armes que ces springfields et je vois, d'après ce que vous me dites, qu'ils sont insuffisants. Eh bien!, voici ce qu'il y a à faire : allez trouver le général Thoumas, faites lui votre demande, il vous recevra d'abord fort mal, mais ne vous découragez pas, insistez jusqu'à ce qu'il vous donne des remingtons. »

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coche verte 11-5 Sur les fusils Spencer - pages 74 :

« M. de La Borderie. — Parmi les armes qui se trouvaient au camp, au moment de l'évacuation, n'y avait-il pas des armes à tir rapide ?

M. de Vauguion, — Il y avait, je viens de le dire, des spencers , mais c'était des armes d'un usage impossible pour nous.
Ce sont de petits mousquetons de cavalerie sans bayonnette. Ces armes peuvent être très-bonnes dans un tir, et même pour un corps d'élite, mais comme armes de guerre pour l'infanterie, elles ne peuvent être d'un bon usage.
Aussi l'infanterie préférait-elle encore à ces spencers des fusils à percussion avec baïonnettes. Cela est si vrai, que le général Gougeard avait renvoyé, en arrière du Mans à titre de brigade de réserve, 4,000 mobilisés bretons de sa division, en partie parce qu'ils étaient armés de ces fusils. Cela prouve qu'on ne pouvait pas en tirer parti. »

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coche verte 11-6 Sur le manque de cadres - pages 75 :

« M. Callet. — Quelles sont les causes qui ont empêché les mobilisés entassés au camp de Conlie d'acquérir une instruction militaire suffisante ?

M. de Vauguion. — Cela tient, en partie du moins, à l'organisation elle-même des mobilisés.
Il est évident qu'avec ce recrutement d'hommes de 40 ans on ne pouvait guère obtenir de bons résultats.
Et toutefois, la première cause des médiocres résultats que nous avons atteints, c'est que nous n'avions ni armes, ni cadres.
Ainsi dans les mobiles vous avez eu de très-bons résultats, parce que vous aviez des sous-officiers instructeurs, des cadres jeunes.
Tandis que nos 50,000 mobilisés nous sont arrivés comme un troupeau de moutons, avec des officiers sortis de l'élection, dont un grand nombre incapables au point de vue militaire, quelques-uns même animés d'un assez mauvais esprit.
Et pour les instruire les hommes manquaient.
Excepté quelques officiers sortant de l'armée, il n'y avait que très-peu de gradés sachant faire l'exercice, et qui ne pouvaient suffire à instruire les hommes.
De plus, le terrain, le temps, et avant tout le défaut d'armes, ne nous permettaient pas de donner à nos hommes l'instruction militaire nécessaire.
Nous avons fait tout ce que nous avons pu.
Je faisais chaque jour le rapport à 30 chefs de bataillon ; parmi eux, il y en avait d'une très-grande intelligence, d'un très-grand zèle, qui malgré tous les obstacles ont fait de très-bons officiers ; mais la plupart ayant été, jusque-là, absolument étrangers aux choses militaires, vous comprenez qu'au milieu des difficultés de toutes sortes où nous étions, il était comme impossible d'arriver à un résultat satisfaisant.
...
De plus, je le répète, qui aurait instruit ces hommes ?
Je pourrais vous mettre sous les yeux les lettres que nous adressions aux généraux, aux préfets, pour avoir d'anciens militaires comme instructeurs ; on nous répondait qu'ils devaient être versés dans l'armée active, et ceux que nous avions pu nous procurer, on nous les retirait encore pour les verser eux-mêmes, les uns dans l'armée active, les autres dans les mobiles. »

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coche verte 11-7 Sur la boue du camp - pages 75 :

« M. Callet. — Vous aviez une boue abominable .

M. de Vauguion. — Oui, surtout en décembre, et c'était inévitable.
Un camp d'instruction pendant l'hiver est impossible, tout ce qui est militaire vous le dira.
Pour un camp de. manœuvres passe encore, lorsqu'il y a de fortes gelées ; mais un camp d'instruction, les pieds dans la boue pour l'exercice et pour le maniement d'armes, c'est impossible à moins de circonstances exceptionnelles de température.
Vous savez ce qu'a été l'hiver de 1870. Il était donc impossible, en s'obstinant, comme on l'a fait, à nous laisser là tout le mois de décembre, il nous était impossible de faire cette instruction. »

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coche verte 11-8 Sur les finances du camp en décembre - pages 70 :

« Les bureaux de la guerre ne passaient pas pour être bien sympathiques à l'armée de Bretagne. Ce qui est certain, c'est que si nous en recevions beaucoup d'ordres, parfois contradictoires, nous n'en pûmes obtenir, après la démission de M. de Kératry, ni argent ni armes.
Tout naturellement, le crédit ouvert au nom de M. de Kératry (en vertu du décret du 22 octobre) s'était fermé à son départ ; mais on refusa, malgré nos réclamations, de nous en ouvrir aucun autre ; on nous laissa ainsi, pendant à peu près tout le mois de décembre, sans un sou pour payer nos fournisseurs ni la solde de nos troupes, sans aucun moyen d'armer ni d'instruire nos soldats.
D'ailleurs, plus la saison avançait, plus le nombre des mobilisés croissait, et plus aussi le camp devenait inhabitable. »

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coche verte 11-9 Sur la prise de la Tuilerie - pages 72 :

« Malheureusement, quand les 6000 hommes du corps Lalande avaient été envoyés au Mans, on manquait d'hommes; une partie du 16e corps n'avait pas encore rejoint, notamment la division Curten qui avait été envoyée à Château-Renaud.
Il fallait couvrir Pontlieue, de sorte que, pour boucher ce trou et faire un rideau, on mit de ce côté ces malheureux mobilisés bretons, auxquels on avait distribué des armes nouvelles (toujours des springflelds) deux jours auparavant.
Il me souvient que la veille même de la bataille du Mans, on distribuait, sur la place de la ville, des cartouches qui venaient d'arriver par le chemin de fer.
On mit donc ces pauvres Bretons en avant de Pontlieue, à l'endroit le plus dangereux, et cela pour dissimuler l'absence de troupes de la division Curten.
Dans aucun cas, ces mobilisés ne pouvaient tenir, c'était impossible; s'ils ont lâché pied, il n'y a nullement de leur faute , cela devait être prévu. Mais à l'aide de ces mobilisés bretons,le général Chanzy voulait faire croire que le pont de Pontlieue était fortement occupé.
L'ennemi ayant appuyé deux, jours à gauche, il était évident qu'il allait tenter d'enlever le pont de Pontlieue, et c'est justement ce point important que le général Chanzy laissa confié aux mobilisés bretons, la division Curten n'ayant pu rejoindre.
Ce qu'avait dit le général Marivault, ce que j'avais dit moi-même, devait avoir parfaitement renseigné le général Chanzy sur le peu de parti qu'il pouvait tirer de ces troupes.
Il n'est donc pas étonnant que ces mobilisés, ayant des fusils qui partaient à peine, aient lâché pied, d'autant plus qu'ils ont fait, en définitif exactement la même chose — ni plus ni moins — que les cinq ou six compagnies de l'armée régulière qu'on avait envoyées pour les soutenir ; car il faut noter ce fait : chasseurs, soldats de ligne, mobilisés ont quitté en même temps la position; on ne peut dire que les derniers aient entraîné les autres; c'est le bruit inverse, au contraire , qui a couru , mais j'ignore s'il est exact. »

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boiteverte 12 - Déposition de M. Bidard de la Noë
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M. Bidard de la Noë était maire de Rennes.

Rapports, tome XI, Enquête parlementaire. n°1416J 1873 - (Cerf et fils, Versailles, 1873) - Séance du 3 août 1871 - Extraits.

coche verte 12-1 Sur la mortalité des Bretons à Rennes - page 31 :

« ...
M. de la Sicotière. — Pourriez vous nous dire très approximativement à quel chiffre la mortalité s'est élevée au camp de Conlie ?
M. Bidard. — Non, monsieur, je sais seulement que la mortalité fut énorme pendant plusieurs semaines dans nos hôpitaux militaires de Rennes.
Elle atteignait par jour le chiffre de 15 à 17
, mais je n'ai aucun renseignement sur la mortalité au camp de Conlie et dans les autres ambulances. »

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coche verte 12-2 Sur l'évacuation des mobilisés sur Rennes - page 30 :

« ...
— II paraît qu'à la rentrée à Bordeaux de M. Glais-Bizoin, la Délégation résolut de faire rentrer dans leurs foyers la majeure partie des mobilisés du camp de Conlie.
Ce mouvement dut s'accomplir pendant les froids exceptionnellement rigoureux de l'hiver 1870-1871, et le désordre le plus absolu, l'omission constante de toutes les mesures usitées en pareille matière ajoutèrent singulièrement aux souffrances de nos mobilisés.
Ils arrivèrent à Rennes par convois de 2 ou 3 mille, au milieu de la nuit, et le plus souvent sans que la mairie en eût reçu avis.
Rien n'était préparé pour les recevoir, ils devaient passer la nuit, si froide, au milieu des neiges, sous leurs tentes, quand ils en avaient.
Sans le sympathique et inépuisable dévouement de notre excellente ville de Rennes, ces malheureux auraient souvent été réduits à passer la nuit sur la voie publique et sous la neige.
... Mais la charité et le dévouement ne pouvaient toujours pourvoir à toutes les misères de ce désordre sans nom, les cas de maladies étaient nombreux, et la dyssentrie et la variole les décimaient. »

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coche verte 12-3 Sur la motivation des Bretons - page 25 :

« ... 60000 Bretons, environ, furent entassés dans ce camp ; jamais appel aux armes n'avait été mieux entendu, je ne sais pas s'il y eut un seul réfractaire ; ils partaient tous avec une détermination, une silencieuse résolution qui rassurait les plus alarmés. »

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coche verte 12-4 Sur l'hostilité envers une armée de Bretons - page 29 :

« ... Je fus immédiatement trouver M. le préfet d'Ille-et-Vilaine ... :
— « Ainsi, lui dis-je, les Prussiens marchent sur la Bretagne ! nous avons à Conlie, 50000 hommes qui ne demandent que des fusils;
ces fusils arrivent à Brest, et au lieu de les leur donner on les expédie ailleurs ! Il est donc certain, évident que la délégation de Tours ne veut pas nous armer. »
— « C'est vrai, me répondit M, le préfet, écrasé par l'évidence du fait
; mais aussi on a eu tort de faire une armée de Bretons ; que voulez-vous ?
à Tours, ces Messieurs craignent que ce soit une armée de chouans . »
— « Eh ! bien, lui répliquai-je, si vous ne pouvez réussira dissiper cette injuste appréciation, pressez, je vous en supplie, le retour en Bretagne de nos mobilisés, qui ne peuvent rester sans armes à Conlie, où ils sont exposés à être enlevés et conduits en Prusse pour y mourir prisonniers. »

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coche verte 12-5 Sur la motivation des Bretons - page 30 :

Intervention du général d'Aurelle de Paladines :

« — Je tiens à dire que j'ai eu bien souvent sous mes ordres des Bretons, et en réponse à cette accusation de lâcheté qui leur a été jetée, je puis vous dire que dans toute l'armée ils ont une réputation excellente et bien acquise.
Quand on parle d'un brave soldat, on dit : Il se bat comme un breton !
Aussi ce mot de lâches, jeté à la face de nos compatriotes m'a tout aussi ému que M. Bidard, je ne comprends pas qu'on ait jeté à la face de gens qui ont toujours si bien donné leur vie pour leur pays, une parole semblable. »

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coche verte 12-6 Sur l'armement des Bretons - page 30 :

« A Messieurs les délégués du gouvernement de la Défense nationale, à Bordeaux.
Rennes, le 15 décembre 1870.
Messieurs,
Nous avons, au lendemain de la déchéance de l'empire, mis sans réserve tout ce que nous valons au service du gouvernement de la défense du pays, et nous croyons lui avoir loyalement fourni le concours le plus dévoué et le plus docile.
Aujourd'hui, nous savons, à n'en pouvoir douter, que si nos 50000 mobilisés, entassés depuis six semaines au camp de Conlie, ne sont pas armés c'est que vous ne l'avez pas voulu, alors que vous pouviez le faire dès octobre, puisque vous aviez dans le port de Brest 75000 Remington à votre disposition.
Nous savons que si vous n'armez pas les sédentaires de la Bretagne, vous avez cependant en main le moyen de le faire, et nous ne pouvons contempler sans effroi l'approche des Prussiens, qui ramasseront comme un troupeau nos 50000 mobilisés sans armes, pour les envoyer mourir de faim en Prusse, et qui trouveront ainsi la Bretagne sans hommes et sans armes à la merci de leurs vengeances.
Nous ne pouvons, par notre silence, assumer vis-à-vis nos concitoyens, l'ombre d'une responsabilité à l'égard de ces faits, et nous venons vous déclarer que, si dans le plus court délai, nous n'avons pas la preuve certaine de l'armement de nos 50000 mobilisés et d'un envoi sérieux d'armes pour les gardes nationales sédentaires, nous déposerons notre démission dans les mains de M. le Préfet.
Signé : BIDARD, MARTIN, COUANIER. »

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coche verte 12-7 Sur la nourriture au camp - page 31 :

« ... Le vice capital du camp, le peu de solidité de son sol, ne peut pas avoir d'autre date que celle des pluies qui le détrempèrent.
Sous le commandement de M. de Kératry, la nourriture était parfaite et je n'ai pas entendu une seule plainte de la part des mobilisés sur la manière dont ils avaient été traités et nourris tant qu'ils avaient conservé leur premier général. »

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coche verte 12-8 Sur les fusils du Saint-Laurent - page 29 :

« Dans les premiers jours de décembre, le général de Kératry passa par Rennes, et j'eus avec lui une entrevue.
Il me déclara que, tandis qu'il réunissait à Conlie nos mobilisés, il avait en mains la promesse à lui, faite par M. Gambetta, de 40,000 Remington à prendre sur le navire le Saint-Laurent, qu'on attendait à Brest avec un chargement de 75,000 fusils ; qu'à l'avis de l'arrivée du navire en rade de Brest, il s'était rendu à Tours et avait obtenu de M. Gambetta la mise à sa disposition de tout le chargement; mais qu'en arrivant à Brest pour s'en livrer, il n'avait pas été médiocrement surpris et vexé d'apprendre que par ordre de la délégation de Tours, le navire avait relevé la veille et emporté son complet chargement dans un autre port. »

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boiteverte 13 - Relations
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point rouge - Emile de Kératry (1832-1904)

Armée de Bretagne - E. de Kératry - Lacroix - Paris -1873.

coche verte Sur l'hostilité des préfets :
Lettre adressée à la commission d'enquête par R. de la Pervenchère, ex-colonel de la 5e légion des mobilisés de la Loire-Inférieure - page 163 - extraits :

« Je fus un des premiers Bretons à aller trouver M. de Kératry, à Laval, après sa périlleuse traversée en ballon.
Comme nous nous connaissions depuis longtemps, il voulut bien me communiquer ses idées sur un plan de campagne ; il m'énuméra ses ressources en armes, en argent et me fit surtout part des promesses qu'il avait reçues du Gouvernement de la Défense nationale.
J'applaudis de tout cœur à ses idées et à ses projets, et je lui offris à l'instant mon concours pour en hâter la réalisation.
Son but était non-seulement de fonder avec l'esprit le plus impartial une vaillante armée capable de repousser les Prussiens, mais encore de défendre l'ordre s'il venait à être troublé.
Ayant été à Paris, plus à même que qui que ce fût d'observer les symptômes révolutionnaires, M. de Kératry ne me dissimula pas ses craintes sur les audaces de ceux qui devaient, moins d'une année plus tard, devenir les héros de la Commune.
« Mais avant de penser à ces coupables insensés, me dit-il, il faut chasser jusqu'au dernier Prussien, et c'est à nos chers compatriotes, qui vont accourir comme un seul homme à l'appel de l'honneur, qu'est réservée cette gloire.
« J'ai pris pour devise : Dieu et Patrie ! Aucun autre mot ne sera inscrit sur le drapeau de l'armée de Bretagne.
« Je veux que chaque bataillon ait un aumônier, le sentiment religieux qui fait naître les plus nobles élans fera de nos frères d'armes les libérateurs de la France. »
Je quittai Laval, plein de confiance et d'enthousiasme pour l'œuvre si difficile, mais si noblement entreprise par mon jeune général, et, de retour à Nantes, j'engageai tous mes amis à s'enrôler comme moi dans l'armée de Bretagne.
Jusqu'au voyage du général de Kèratry à Nantes, le 1er novembre, tout marcha à souhait.
Le Gouvernement de la Défense nationale semblait vouloir prêter un loyal concours à l'organisation des mobilisés ; mais lorsque les clubistes de Nantes eurent essayé en vain de faire crier :
Vive la République ! à M. de Kératry, et lorsqu'ils eurent la conviction qu'ils lui arracheraient la vie plutôt qu'une faiblesse, les choses changèrent à l'instant de face.
L'armée de Bretagne, ainsi que ses principaux chefs, était devenue suspecte.

Pour mon compte, comme colonel d'une légion de mobilisés de la Loire-Inférieure, je trouvai dans mes chefs militaires, ... le plus loyal et le plus infatigable concours.
Je me plais à le proclamer avec reconnaissance pour ces Messieurs ; mais il en fut tout autrement de l'administration préfectorale.
Elle refusa de laisser sévir contre des misérables qui avaient résolu de m'empêcher de former ma légion et qui, deux fois, avaient essayé de m'assassiner.
C'est en vain que, pendant deux mois, je multipliai tous les efforts et toutes les démarches possibles pour obtenir l'équipement de mes hommes, si bien préparés, j'ose le dire, pour marcher à l'ennemi, on ne fit droit à ma requête que lorsque je passai sous les ordres du général comte de Nouë.
... »

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Armée de Bretagne - E. de Kératry - Lacroix - Paris -1873.

coche verte Sur le rôle du général de Loverdo :
Lettre adressée à la commission des Marchés par H. de Loverdo, ex-directeur du personnel du ministère de la guerre - page 143 - extraits :

« Médéa, le 8 avril 1872.
A. M. Le Duc d'Audiffret-Pasquier , Président de la Commission des Marchés.
Monsieur le Duc,.
Vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, pour me demander au nom de la commission des marchés, tous les renseignements et les documents que je possède, sur l'organisation du camp de Conlie et sur les marchés qui ont, été passés pour cet établissement.
...
Ce n'est pas que j'ai été chargé d'aucun détail de contrôle ou d'administration pour l'organisation ou pour la direction des bandes qui furent réunies au camp de Conlie, sous le nom d'armée de Bretagne.
M. Gambetta, ministre de la guerre avait bien nettement établi l'indépendance de cette armée et de son chef vis-à-vis de l'administration régulière du ministère de la guerre et même vis-à-vis du commandement.
Mon rôle à moi, directeur des trois premières directions du ministère de la délégation, avait été borné à fournir à M. de Kératry, deux escadrons de cavalerie légère qui le rejoindraient, dès que son armée serait en état de marcher sur Paris, pour en faire lever le siège.
Il m'était prescrit on outre de conserver pour les organisations de corps de troupes régulières tout ce qui avait été créé ou tout ce qui était en voie de formation dans les départements de la Bretagne, mais de ne plus en commencer de nouvelles : et toutes les ressources de ces départements devaient rester à la disposition de M. de Kératry qui, avec la somme considérable qu'on lui avait confiée, promettait de mettre en quelques jours 80,000 hommes en marche contre l'ennemi.
Je n'avais aucune foi en ces promesses ; j'essayai de les réduire à leur valeur chez le ministre comme chez le délégué ; ce fut peine perdue.
Mais le temps marqué s'était écoulé et au delà, et rien n'ayant été produit, si ce n'est une énorme dépense, M. de Kératry jugea à propos de donner sa démission de général en chef et il la publia dans une lettre où j'étais l'objet, avec d'autres personnes plus haut placées que moi, d'accusations incompréhensibles.
Je n'ai pas répondu à cette lettre et j'ai appuyé auprès du ministre et du délégué à la guerre, M. de Freycinet, pour que l'on n'y répondit pas d'ailleurs.

Mais comme, après la démission de M. de Kératry, le ministre de la guerre se trouvait naturellement appelé à recueillir son héritage, c'est-à-dire le matériel et le personnel, dont se composait l'armée de Bretagne, une commission fut formée sur ma demande et fut chargée de ce soin.
Cette Commission était composée de trois membres :
MM. Haca, général de brigade ;
Bézard, lieutenaut-colonel d'artillerie ;
Bruyères, sous-intendant militaire.
Elle reçut pour instructions d'inventorier tout le matériel d'artillerie, du génie ou de l'administration existant à l'armée de Bretagne ; d'examiner la comptabilité intérieure des corps de cette armée ; de vérifier les effectifs, de rendre compte de l'instruction des hommes et de la formation des cadres ; enfin de faire connaître quel parti l'on pourrait tirer de l'entreprise qui venait d'avorter avec tant d'éclat.
Elle se rendit à Conlie où elle ne put se mettre en rapport qu'avec M Carré-Kérisouët qui cumulait à l'armée de Bretagne les fonctions d'intendant en chef avec celles de quartier-maître général.
Elle aurait bien désiré entendre M, de Kératry, mais celui-ci s'était hâté, aussitôt sa démission envoyée, d'abandonner les fonctions de général en chef et d'ordonnateur en chef.
En son absence fort regrettable, la Commission en présence de M. Carré-Kerisouet, se livra à une enquête scrupuleuse pour remplir sa mission.
La Commission présidée par le général Haca, constata dans le rapport qu'elle me remit à la fin de ses opérations ;
qu'elle n'avait point trouvé de corps réellement organisés, ni surtout armés, équipés et habilles convenablement, comme l'on s'y attendait après la dépense des 8 millions, mis par M. Gambetta à la discrétion de M. de Kératry;
que de plus elle n'avait pu saisir la trace d'aucune opération administrative ayant trait à l'organisation ou à l'entretien des troupes ;
qu'aucun marché n'avait été passé pour achats de denrées, de chevaux ou de matériel, ou du moins qu'aucun ne lui avait été présenté ;
qu'elle n'avait trouvé aucun registre ni pour la distribution ni ponr la comptabilité en deniers des corps de troupes ;
en un mot la Commission rapporta que les règles posées comme principes par tous les règlements ou ordonnances de l'administration française n'avaient pas été observées pour les dépenses de l'armée de Bretagne .
Je remis moi-même ce rapport à M. de Freycinet, délégué à la guerre, en lui exprimant mon opinion formulée dans une note jointe au dossier et réclamant pour que justice fût rendue par les tribunaux compétents.
Qu'est devenu le dossier ? Ou on l'a mutilé ou on vous a dit qu'il était égaré, autrement vous n'auriez pas eu besoin d'un autre renseignement.
Celui-là suffisait pour édifier pleinement la Commission que vous présidez comme vous-même.
...
Veuillez agréer, Monsieur le Duc, l'assurance de ma haute considération.
Le général commandant la subdivision militaire, Signé : H. de Loverdo. »

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Petits mémoires - E. de Kératry - Paul Ollendorff Editeur - Paris 1898.

coche verte Sur le projet de marche sur Tours :

« La vérité, c'est que Gambetta, là où amis et adversaires de la Révolution vivaient unis et confondus, avait trouvé une armée essentiellement française et patriotique, ni républicaine ni royaliste : que, cédant aux soupçons déjà excités dans son esprit, il avait cru devoir accentuer son mécontentement en m'adressant la dépêche suivante :
Mon cher général,
Je pars pour Tours où je suis réclamé. Je vous adresse copie d'une proclamation à l'armée de Bretagne. Cette proclamation sera imprimée pour être lue à trois appels consécutifs.
Bien à vous,
Léon GAMBETTA.

Cette proclamation contenait, entre autres, ces mots :
Songez que vous vous battez pour sauver à la fois la France et la République, désormais indissolublement liées dans la bonne comme dans la mauvaise fortune.
.... Vive la France! Vive la République une et indivisible !
Léon GAMBETTA.

Pareil langage, à cette époque, adressé à des Bretons, était une véritable hérésie, et de plus une grosse faute. C'était jadis à ce cri sinistre que nos pères montaient sur les échafauds de Carrier. (Jean-Baptiste Carrier)
A onze heures du soir, dans une salle fumeuse du bourg d'Yvré, au bord de l'Huisne, j'étais entouré d'officiers qui s'indignaient d'avoir vu leur esprit de sacrifice ainsi méconnu. Les colères grondaient sourdement.
Enfin, le projet fut agité de marcher sur Tours, alors complètement dégarni de troupes; de faire prisonniers Gambetta et ses collègues; d'appeler sans délai à leur place un délégué de chaque conseil général de France et de réunir une consulte des vieux généraux encore disponibles. Ce devait être la réponse à M. de Bismarck, qui demandait où se trouvait la représentation de la France.
Pressé d'agir pour opérer une marche de nuit favorable, j'hésitai quelque temps. Partagé entre cette idée que, si j'arrachais à mon ancien collègue, Gambetta, le gouvernement pour le restituer à la France, je pouvais déchaîner la guerre civile entre l'Ouest et le Midi; que, de plus, on pourrait dire plus tard que j'avais empêché Gambetta de ramener la victoire au pays, et entre cette autre pensée, que j'avais eu l'honneur de servir ma patrie, comme officier régulier, et que tout me défendait d'attacher mon nom et celui de mes enfants à un pronunciamiento militaire, je finis par signer ma démission motivée, et l'expédiai sur Tours.
Ai-je eu tort ? Ai-je eu raison ? Je ne sais. Quelle horrible chose que la politique pour une âme de soldat ! »

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Armée de Bretagne 1870-1871 Emile de Kératry, (A. Lacroix, éditeur, Paris 1873)

coche verte Télégramme de M. Le Trésor de la Rocque à Kératry

CONSEIL D'ÉTAT.
Paris, le 22 novembre 1872.
A M. de Kératry
Monsieur, J'ai obtenu, depuis quelques jours, les derniers documents réclamés à la guerre au commencement de septembre.
Ainsi qu'on pouvait le pressentir, les armes qui vous étaient refusées étaient en rande partie dirigées sur des arsenaux, et elles y sont restées jusqu'à la fin de la guerre.
Nous sommes aujourd'hui en mesure d'établir matériellement ce fait :
1° pour les fusils, carabines et cartouches Spencer;
2° pour les fusils et cartouches Remington. Veuillez agréer, etc.
Le Trésor de la Rocque (1).
(1) M. Le Trésor de La Rocque, conseiller d'État, avait été chargé par la Commission des marchés de l'enquête sur l'emploi des armes acquises par la Commission d'armement. »

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point rouge - le Dr Répin (1830-1889), était maire de Conlie en 1870.

Le camp de Conlie « KERFANG » la ville de boue, 25/10/70 au 14/1/71 - (d'après les notes écrites par le Dr Répin) par André Pioger (page 140), article de La Province du Maine Tome 67 - 1965

coche verte Lettre d'un mobilisé breton :

« La grande misère des troupes rassemblées au camp de Conlie ne peut être niée.
S'il faut ajouter un témoignage aux preuves apportées par le Dr Répin, voici une lettre écrite le 24 novembre 70 par le mobile Paul Deslandes de la 2e compagnie du 3e bataillon des mobilisés de la Loire inférieure à son père Pierre Deslande, cordonnier au Bignon commune de Meslay du Maine.
Cette lettre nous a été communiquée par Mr chauvière et nous la transcrivons sans en modifier ni l'orthographe ni la ponctuation :

Mon cher papa
je t'écrit ces quellque mot pour te dire que nous sommes rendu aux can de Conlie maintenant je ne peut te dire la situasion ou nos somme car il faut i etre pour le voir nous allons aux feu dans quatre jour. Nous somme couché dans la vasse. Bonne santé, pas de paine, moi je ne m'en fait pas de mauvais sant. Mon bureau est mon sac. Bonjour à tous le monde. Je n'en dit pas d'avantage. Si Dieu veut que je revienne, je pourrai vous racon la triste pausission. Je fini en vous enbrassant de tou mon coeur »

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point rouge - Aimé Jaÿ (1839-1881) était secrétaire du général de Kératry.

L'armée de Bretagne - Aimé Jaÿ, (Plon, Paris 1873).

coche verte Sur le statut de l'armée de Bretagne - page 14 :

« Comme les circonstances étaient graves, qu'il fallait tout faire, et tout faire de suite, M. de Kératry réclamait des pleins pouvoirs et un crédit spécial. Il y avait à cela deux raisons.
D'abord, le ministre de la guerre était suffisamment occupé par la reconstitution de l'armée régulière et de la garde mobile, désorganisées après Sedan ; et il importait de diminuer autant que possible ce travail gigantesque, en constituant, pour chacun des groupes de forces dont il s'agissait, une administration indépendante, placée seulement sous le haut contrôle du ministre.
En second lieu, il faut bien reconnaître que notre centralisation, à tort ou à raison si vantée, est peut-être un élément d'ordre et de régularité, mais à coup sur un obstacle à l'activité sans limite que réclament certaines situations.
Or, en ce moment où chaque minute pouvait devenir suprême, l'activité était de toutes choses la plus nécessaire, et il importait de prendre dès l'origine des mesures pour qu'elle ne fût pas entravée.
Ainsi, des pleins pouvoirs et de l'argent étaient indispensables à M. de Kératry pour mener à bien son entreprise.
Il les réclamait dès le début avec la conscience d'un esprit sûr de lui-même.
...
Devant cette demande nette et précise, M. Gambetta hésita quelque peu ; mais ne tardant pas à apprécier à la fois la nécessité de ces dispositions et les avantages que leur exécution pouvait assurer à la patrie, il signa le décret du 22 octobre, dont nous avons l'original sous les yeux. »

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L'armée de Bretagne - Aimé Jaÿ, (Plon, Paris 1873).

coche verte Sur les préventions politiques contre Kératry - page 83 :

« Il importait, d'un autre côté, que toutes les forces vives de la Bretagne fussent utilisées pour la constitution de l'armée, et que les éléments les plus précieux n'allassent point, séduits par des avantages d'argent ou de bien-être, s'égarer ailleurs. Les difficultés principales qu'éprouva le Général furent avec la légion bretonne, commandée par M. de Cathelineau, et la légion vendéenne, à la tête de laquelle se distinguait M. de Charette. Il importe d'exposer avec quelque détail la correspondance relative à cette affaire, parce que, tandis que certains accusaient le Général de tiédeur dans ses sentiments républicains et de penchants royalistes et cléricaux, d'autres, au contraire, dénaturant sa conduite vis-à-vis des chefs de corps dont il s'agit, n'hésitaient pas à l'accuser de saper tous les principes de la société et de la morale, en s'opposant au recrutement de corps que l'on prétendait, à tort ou à raison, entourés de la faveur spéciale du clergé. »

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L'armée de Bretagne - Aimé Jaÿ, (Plon, Paris 1873).

coche verte Sur le projet de Kératry - page 7 :

« ... Les premiers mots qu'il (Kératry) échangea avec le jeune et brillant ministre (Gambetta)qui, avec le double portefeuille de l'intérieur et de la guerre, portail presque seul le fardeau des affaires publiques et de la défense nationale en province, lui rappelèrent les conversations qu'ils avaient eues plus d'une fois ensemble avant leur départ de Paris.
Dés cette époque, M. de Kératry avait exposé à son ancien collègue ses idées sur la défense ; il pensait alors que, pour résister efficacement à l'invasion prussienne, il fallait, avec Paris pour centre, constituer autour des envahisseurs eux-mêmes un immense cercle d'investissement.
Pour cela, il était nécessaire de grouper, en tenant compte de la situation géographique, des intérêts communs et des affinités historiques, les départements non envahis ; extraire de ces groupes toutes les forces vives disponibles ; et, une fois ces forces équipées, armées, organisées et disciplinées, les jeter simultanément sur Paris, pendant que les populations de l'Est, soulevées, couperaient toute retraite à l'ennemi.
C'était essayer en 1870 ce que Napoléon avait vainement tenté en 1814, avec cette différence qu'il opérait à l'aide d'une armée ayant pour point d'appui une ville ouverte, tandis qu'aujourd'hui la France avait pour objectif une capitale fortifiée et garnie de quatre cent mille défenseurs.
M. Gambetta avait partagé ces idées, et les remit en lumière, dans sa conversation avec M. de Kératry. Elles avaient reçu un commencement d'exécution par la nomination de deux anciens députés, M, Estancelin au commandement supèrieur des gardes nationales de Normandie, et M. Carré-Kerisouët à un poste d'organisateur des gardes nationales bretonnes.
M. Gambetta pressa même M. de Kératry de renoncer à sa mission en Espagne, pour se consacrer immédiatement à la mise en pratique de ce plan de défense. »

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point rouge - Robert Gestin (1825-1908) était médecin en chef de l'armée de Bretagne.

Souvenirs de l'armée de Bretagne - Robert Gestin, (Leborgne, Brest 1908).

coche verte Sur les préventions politiques contre Kératry - page 14 :

« ... Kératry se mit à parcourir la Bretagne, activant la mobilisation, stimulant le zèle des préfets, visitant les arsenaux, excitant le patriotisme et créant un courant de sympathie et de dévouement pour son œuvre.
Partout il affirma qu’il n’obéissait qu’à un seul sentiment, l’amour de la Patrie, et qu’il ne tendait qu’à un seul but, la défense du pays et la protection de la Bretagne, et cela, sans aucune arrière-pensée politique.
Le 29 octobre, à Brest, après avoir passé la revue des mobilisés, il excita l’enthousiasme par une allocution patriotique.
On cria : Vive la France ! Vive Kératry !
Mais on cria aussi : Vive la République ! Reprenant la parole, le général, après un roulement de tambours, dit :
« Soldats ! je vous rappelle qu’aux termes des règlements militaires, toute manifestation par cris ou gestes sous les armes, est formellement interdite !»
« Le mécontentement du général, dit Robert, parut évident et le cri de Vive la République jeta un froid dans son âme.
La foule avait mêlé ses cris à ceux des mobilisés et quand le défilé passa devant la sous-préfecture, elle répéta : Vive la République et Vive Kératry, son dada du moment » (1).
(1). Robert. — Le premier bataillon des mobilisés de Brest ; manuscrit, page 72.
Le surlendemain, à Nantes, Kératry accentua sa neutralité politique à une revue de la garde nationale et dans des réunions où les républicains étaient en grande majorité.
Quelques jours après, on disait à Brest que, mis en demeure de se prononcer pour ou contre la République, il s’y était refusé.
L’année précédente nous l’avions nommé député contre Conseil (Amédée Conseil, 1802-1881), député officiel de l’Empire, et il avait siégé dans les rangs de l’opposition.
Quoiqu’il eut voté la guerre, trompé, comme il l’a déclaré, par le maréchal Le Bœuf, nous le regardions, sinon comme un républicain, au moins comme prêt à embrasser l’opinion républicaine ; de sorte que cette réserve parut suspecte à ses électeurs, presque tous républicains.
Elle était pourtant justifiée, au moins dans une certaine mesure.
Uniquement préoccupé de réunir le plus possible d’adhésions à ses efforts patriotiques, Kératry avait dit à Nantes :
« Je ne suis pas venu ici pour faire de la politique, mais pour adresser un appel patriotique à tous les gens de cœur, afin de préserver l’intégrité du territoire et de sauver l’honneur du pays.
N’énervons pas la défense nationale par des discussions et des conflits d’opinions ; abdiquons tout esprit de parti pour être tout entiers à une seule tâche, la résistance à l’invasion ».
Ce langage, sans avoir rien d’inquiétant pour les républicains, inspira confiance aux monarchistes, dont beaucoup tinrent à l’honneur de servir dans l’Armée de Bretagne, et, de toutes parts, affluèrent les demandes d’engagement et les dons en argent et en nature.
Malheureusement la défiance inspirée aux républicains bretons par l’attitude de Kératry semble s’être communiquée à Gambetta, âme de la Défense Nationale en province et, non sans raison, on a cru voir dans cette défiance, bientôt étendue à tous les mobilisés bretons, la cause du mauvais et de l’insuffisant armement des troupes réunies à Conlie et celle de la mise en sous-ordre du général en chef. »

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coche verte Sur les préventions politiques contre les Bretons - page 128 :

« Malheureusement, d’injustes préventions politiques, le désordre, le mauvais vouloir, ont annihilé le généreux empressement de la Bretagne, dont les cinq départements pouvaient offrir à l’armée 40 à 50.000 bons soldats, lesquels devant le Mans auraient changé la face des événements.
D’abord, à peine le décret de formation de l’Armée de Bretagne était-il promulgué, à peine avait-il reçu un commencement d’exécution, que de mauvais conseillers inspiraient à Gambetta une défiance injuste à l’égard des Bretons, qu’on lui représenta, je l’ai déjà dit, comme devant former une armée royaliste et séparatiste.
Dans une dépêche à Kératry, il disait : « Oubliez que vous êtes Bretons et souvenez-vous que vous êtes Français. » Bretons, les mobilisés l’étaient certes, mais bons Français aussi.
Les gens de cette époque n’ont pas oublié l’enthousiasme excité par Kératry appelant ses concitoyens à la défense de la Patrie.
L’élan fut unanime et d’autant plus remarquable qu’il se montrait chez des hommes mûrs, dont les uns votèrent de larges sacrifices d’argent et les autres quittèrent leurs intérêts, leurs champs, leurs familles pour offrir leur vie à la Patrie.
Non, ce n’étaient pas des ennemis de la France ni de la République ces hommes qui abandonnaient tout et marchaient en chantant :
Araok ! araok ! bugale Breiz, tend ha galoum, araok ! (En avant, en avant ! enfants de la Bretagne, gens de cœur, en avant !) et qui, plus d’une fois dans la neige, le ventre creux ont crié : Vive la France ! à l’annonce d’une nouvelle bonne ou mauvaise.
Non ! je l’affirme, nous n’étions pas une armée royaliste, pas plus royaliste que séparatiste. Nous étions simplement de bons Français décidés à faire notre possible pour arrêter l’invasion étrangère. »

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coche verte Sur la boue du camp - page 21 :

« Les vieux Bretons n’ont pas oublié le camp de Conlie.
On en a beaucoup parlé, pendant et après la guerre, et les critiques qui en ont été faites ont été souvent exagérées.
Les vivres n’y ont jamais manqué et ont toujours été de bonne qualité, la paille pour le couchage était régulièrement distribuée et l’état sanitaire est resté satisfaisant.
Ce qui rendait le séjour du camp pénible, c’est le mauvais temps presque constant et ses inévitables conséquences.
Etabli sur des terres de labour à sous-sol argileux, le camp devait fatalement, par des temps presque toujours pluvieux, devenir un cloaque de boue sous les pieds des milliers d’hommes qui l’habitaient.
Dans les bas-fonds c’étaient de véritables lacs au milieu desquels s’élevaient, comme des îles, les baraques d’ambulance et les magasins.
Dans ces conditions tous les services étaient difficiles.
... Après le départ de la division de marche, cet état déplorable ne fit, paraît-il, qu’empirer et devenir encore plus intolérable par les alternatives de gel et de dégel et par l’augmentation de la population du camp. »

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point rouge - F. Guilbaud (-) commandait le 1e bataillon des mobilisés de Redon-Montfort.

Les mobilisés d'Ille-et-Vilaine, la vérité sur l'affaire de la Tuilerie à la bataille du Mans en 1871 - F. Guilbaud, (Lachèse & Dolbeau, Angers 1881).

coche verte Sur l'information de la prise de la Tuilerie - page 34 :

« Il est huit heures, huit heures un quart, nous arrivons à Pontlieue.
Je rends compte (en détail et en appuyant sur la dénomination des troupes qui battirent en retraite en entraînant une partie des mobilisés) à l'amiral Jauréguiberry de la manière dont les choses se sont passées ; étaient présents le bon et brave général Le Boëdec, que je reconnus parfaitement, il avait commandé avec bienveillance et fermeté le camp de Conlie, et d'autres officiers de l'état-major.
L'amiral me répondit : « Si c'est comme ça, descendez et rassemblez vos hommes et tenez-vous prêts ; on va vous donner des ordres. »
J'ai également expliqué les choses à un autre général que je ne connaissais pas et qui demeurait à un premier étage d'une maison faisant l'angle d'une route et de la place, à Pontlieue.
Entre trois et quatre heures du matin, on me fit demander. « Êtes-vous prêts ? Oui, répondis-je. C'est bien. On va vous envoyer prendre des positions. »
Nous étions en ordre sur la place de Pontlieue.
Parmi nous il y en avait même de très malades, pouvant à peine se tenir debout ; pensant que nous allions combattre, la volonté terrassait la maladie.
Vers quatre heures et demie à cinq heures, des officiers de l'état-major général du 16e corps examinèrent des fusils dont les hommes ne pouvaient extraire les baguettes des tenons ;
ils virent encore d'autres défauts à nos armes ; c'est assurément pour cela que nous ne reçûmes pas l'ordre d'aller prendre des positions ... »

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point rouge Eugène-Désiré-Édouard Sergent, dit Grenest

L'armée de la Loire, relation anecdotique - Grenest, (Garnier, Paris 1893).

coche verte Sur l'information de la prise de la Tuilerie - T2 page 288 :

« Il était donc huit heures du soir, lorsque le bruit se répandit que l'ennemi s'était emparé de la position de la Tuilerie.
Chanzy envoya immédiatement des officiers d'état-major prendre des informations, mais avant leur retour, le général Lalande lui-même l'informait de la panique de ses troupes et de ses cruelles conséquences.
Bientôt il recevait confirmation du fait par cette dépêche de Jauréguiberry :
« J'apprends que l'importante position de la Tuilerie (route de Mulsanne) a été abandonnée après un échange de quelques coups de canon.
Les troupes de Bretagne ont évacué la droite qu'elles occupaient, et le général Isnard de Sainte-Lorette, voyant cela, a évacué la gauche.
Il paraît que cela s'est fait si promptement que le général Deplanque ne s'est aperçu de rien.
J'envoie le général Le Bouëdec que j'ai ici sous la main avec quelques troupes, reprendre immédiatement la position, car cette aventure extraordinaire compromet le succès de la journée... »

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coche verte Sur la prise de la Tuilerie - T2 page 290 :

« Cependant, à la faveur de l'obscurité, le 1er bataillon du 17e prussien a pu s'avancer jusqu'au pied de la hauteur.
« Le premier lieutenant de Casimir, lit-on dans l'ouvrage de Twardowski, (Les combats du IIIe corps d'armée), qui avait été envoyé en avant avec la 4e compagnie, pour établir le contact avec l'ennemi, put, en se servant habilement du terrain et en chassant les Français de point en point, s'emparer de la chaussée.
Il tomba là sur de forts détachements de mobilisés de Bretagne qui, complètement surpris, prirent la fuite.
Une ferme à gauche, la Tuilerie, abandonnée par eux, tomba en notre pouvoir ainsi qu'un chemin creux en avant ».
Ainsi, c'est une compagnie sous les ordres d'un lieutenant qui nous fait perdre tout le bénéfice d'une journée de lutte vaillante, et décide peut-être des résultats de toute la campagne.
Les Allemands, il est vrai, qui savent la guerre, ne sont pas longs à renforcer le lieutenant de Casimir, et bientôt arrivent sur la position un bataillon du 56e régiment et des détachements des 17e et 92e. »

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point rouge - Alfred Chanzy (1823-1883)

La 2eme armée de la Loire - Chanzy, (Plon, Paris 1871).

coche verte Sur l'information de la prise de la Tuilerie - page 323r :

« Il était environ huit heures du soir ; ... lorsque le bruit se répandit que l'ennemi s'était emparé de la position de la Tuilerie.
Des officiers d'état-major furent immédiatement envoyés dans cette direction ; avant leur retour cette fatale nouvelle était déjà confirmée par le général Lalande lui-même, informant le général en chef qu'il arrivait au rond-point de Pontlieue par suite d'une panique de ses hommes à la vue d'une colonne prussienne marchant sur ses positions, et par la dépêche suivante ; écrite à huit heures et demie par l'amiral, rentré depuis quelques instants seulement à son quartier général :
« J'apprends que l'importante position de la Tuilerie (route de Mulsanne) a été abandonnée après un échange de quelques coups de canon.
Les troupes de Bretagne ont évacué la droite qu'elles occupaient, et le général Isnard de Sainte-Lorette, voyant cela, a évacué la gauche.
Il paraît que cela s'est fait si promptement que le général Deplanque ne s'est aperçu de rien.
J'envoie le général Le Bouëdec que j'ai ici sous la main avec quelques troupes, reprendre immédiatement la position, car cette aventure extraordinaire compromet le succès de la journée... »

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point rouge - Henri de Cathelineau (1813-1891)

Le corps Cathelineau tome 2 - Cathelineau, (Amyot, Paris 1871).

coche verte Sur la réputation des Bretons - page 155 :

15 janvier à Sillé-le-Guillaume (...) Je me rendis aussi promptement que possible auprès du général en chef. Quand je le retrouvai, il était écrasé sous le poids de tous les malheurs qui frappaient l'armée, il venait d'y assister. Je ne puis rendre les remercîments qu'il m'adressa; son état-major et lui ne tarissaient pas d'éloges sur notre conduite. Pendant le dîner, le général se plaignit très amèrement de la défection des mobilisés Bretons. J'ai épousé une Bretonne, habité son pays pendant longtemps, j'en connais donc parfaitement les habitudes. Je fus extrêmement sensible à cette accusation, justifiée, je dois le dire, par un fait regrettable. Oui, des mobilisés Bretons avaient honteusement fui; mais quelle était la cause de cette démoralisation ? qu'avait-on fait de ces soixante mille hommes ? ils constituaient, seuls, une force imposante; il fallait les bien conduire.
M. de Kératry va livrer au public l'histoire du camp de Conlie. Quand elle paraîtra, le public jugera; jusque là, je m'abstiens. Tout ce que je sais, c'est que les Bretons avaient quitté leur pays pleins d'enthousiasme ; plus tard, lorsque j'eus l'honneur de les commander, ils étaient mal vêtus, mal chaussés; j'appris de tous les chefs honorables qui les commandaient que la misère et la privation d'armes, au début, les avaient démoralisés à un point incompréhensible. Je les trouvai néanmoins tels que je les connaissais; j'avais le plus grand espoir d'en faire de vigoureux soldats; ils l'ont toujours été dans notre armée. Et ces fiers et invincibles marins, ne sont-ils pas aussi enfants de la Bretagne? Je le dis au général Chanzy : Si les Bretons n'ont pas été braves, c'est qu'on n'a pas su en tirer parti ; ils le sont par nature, ils joignent à cette belle qualité une solidité extrême, ils supportent la fatigue avec une grande énergie, on les entraîne où l'on veut avec la plus grande facilité; confiez-les moi, et je me charge d'en faire une excellente troupe. Le général accepta ma proposition et me dit qu'il allait la communiquer au ministre de la guerre, arrivé à Laval. Le lendemain, à dix heures du matin, je voyais à ce sujet M. Gambetta; il me remit lui-même l'autorisation de réunir, aux troupes que je commandais, cinq ou six mille Bretons.
Voilà, je crois, l'origine de l'armée de Bretagne; elle fut répartie sous les différents chefs qui commandaient sur la Mayenne.

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coche verte Sur une accusation contre le général Chanzy - page 156 :

(...) le général Chanzy me confiait la garde de la Mayenne, depuis le pont de la Valette jusqu'à Angers, et celle de la Loire à Chalonnes. (...) Il me dit de m'y rendre seul, de préparer la défense, et de lui donner toutes les informations possibles sur les mouvements de l'ennemi, ajoutant avec bonté : «lorsque vous y serez rendu, je serai beaucoup plus tranquille. » Voilà comment agissait le général; et on l'accuse, aujourd'hui, d'avoir voulu donner à son armée une couleur politique ! Ce qu'il faisait pour moi, il le faisait aussi pour Charette. Toute accusation de ce genre tombe en face de pareils faits.
Et moi aussi, alors, j'étais gagné à la politique de M. Gambetta ! Car, si je ne l'étais pas, pourquoi me confier 18,000 hommes ? J'allais donc enfin suivre l'avis de M. Allain Targé : crier vive la République et changer mon drapeau ? Non, je me suis battu sous une couleur qui n'est pas la mienne, c'est vrai. je l'ai fait pour mon pays, je le ferais encore, mais je serais mort fidèle à Dieu, fidèle au drapeau blanc, qui a rendu ma vie intacte, après avoir fait la gloire de mon nom. Laissons là ces accusations; nous avons autre chose à faire qu'à combattre la haine et la jalousie. Gardons précieusement tous les mérites, toutes les énergies ; l'amour de la patrie en fait un devoir.

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point rouge - Le Gonidec de Tressan (1839-1912)

Souvenirs des zouaves pontificaux - Le Correspondant du 10 juillet 1911.

coche verte Sur les armes des Bretons à la Tuilerie - page 174 :

(...)
Nous n'avons retrouvé l'armée de Chanzy qu'après sa retraite (1). J'ai cependant pu recueillir, au sujet de la bataille du Mans, des détails que je tiens à rapporter en finissant. Ils expliquent un point jusqu'ici peu compris : l'abandon, par les mobilisés bretons, de la position importante de la Tuilerie, qu'ils étaient chargés de défendre. Le rapport du général Chanzy, trop sommaire à leur égard, indique qu'ils évacuèrent leur poste «... devant des forces très inférieures », sans y déployer une résistance « effective et sérieuse ». Il n'en donne pas la raison (2).
Elle est pourtant simple. La troupe d'éclaireurs prussiens, qui vint par hasard se heurter à nos mobilisés, n'aurait peut-être pas déchaîné la panique, si ceux-ci avaient pu se défendre. Seulement ils ne le pouvaient pas. C'est ce que je vais établir.
Ce n'est pas que leurs armes fussent mauvaises, comme d'autres l'ont prétendu. On a dit que les mobilisés de Bretagne étaient armés de vieux fusils à tabatière hors d'usage : oui, au camp d'instruction de Conlie, ils avaient des armes de ce genre; et encore ne possédait-on que cinq mille fusils dans ce camp pour instruire et exercer trente mille « vieux gars » n'ayant jamais fait aucun service. Mais quand on les mit à la disposition de Chanzy, on s'occupa de mieux les armer. L'adjudant du génie, chargé de ce soin, m'a certifié que les fusils, qu'il amena de l'arsenal de Rennes à cette occasion, étaient d'excellentes carabines Springfield, récemment arrivées d'Amérique.
Seulement ces armes n'arrivèrent au Mans que la veille de la bataille. Les caisses furent ouvertes au petit jour, devant le front de bandière, et les recrues reçurent ces fusils, d'un modèle nouveau pour elles, au moment de s'en servir. Or quand il fallut ouvrir le feu, on s'aperçut que les cartouches étaient d'un calibre supérieur à celui des armes. En effet les balles, envoyées d'Amérique avec les carabines, étaient du calibre très exact de celles-ci, suivant la mode américaine. On en avait fait des cartouches à la mode française, en entourant la balle d'un papier très fort et d'une solide ficelle ; mais il devenait alors impossible de faire glisser le tout dans le canon du fusil. Pour charger l'arme, il aurait fallu couper la ficelle, défaire en un mot toute la cartouche, et glisser la balle séparément dans la caiabine. Le fait m'a été attesté par un aumônier de ces mobilisés, un prêtre de Cesson (Ille-et-Vilaine), qui a dû lui-même, à cette attaque de la Tuilerie, charger une dizaine de fusils eu coupant les cartouches avec son couteau de poche. Rien d'étonnant à ce que les possesseurs de pareilles armes se soient enfuis sans répondre au feu des Prussiens.
Leur commandant consigna ces détails dans le rapport qu'il fit au général en chef. Il est regrettable que ce dernier en ait point fait état. Le laconisme du rapport Chanzy a provoqué des appréciations injustes sur nos pauvres mobilisés ; tandis que la réalité, je l'ai dit, est qu'on n'improvise pas en quelques semaines des troupes, des tireurs, un armement, des munitions, un commandement, sans se heurter à des méprises foudroyantes, comme celle que je viens de signaler. Il était donc utile de rétablir la vérité sur ce point ; elle concourt à dégager la morale essentielle de ce récit.
(1) A Fougères, où nous fîmes séjour, et où nous fumes décimés par une épidémie de variole noire, dont la population, qui nous prodiguait ses soins, fut également victime.
(2) Cf. la Deuxième armée de la Loire, par le général Chanzy (Paris, Plon, 1871). Rapport au Ministre sur la bataille du Mans, p. 346 et s.

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boiteverte 14 - Déposition du général de Marivault
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Rapports, tome XI, Enquête parlementaire. n°1416J 1873 - (Cerf et fils, Versailles, 1873) - Séance du 3 août 1871 - Extraits.

coche verte 14-1 Sur les bataillons de Lalande - page 52 :

« ...
Des bruits, qui vont aussi vite que le télégraphe, attribuaient aux bataillons d'Ille-et-Vilaine l'échec que venait d'éprouver l'armée de la Loire.
Leur retraite devait les ramener du côté de Conlie, et leur dénuement devenait l'objectif principal de mes soins dans la marche qu'ils allaient faire avec une armée dans laquelle ils n'étaient pas engrenés.
Je demandai donc sur-le-champ une locomotive pour Conlie et j'y arrivai dans la nuit.
Il n'y avait plus que l'intendance et l'état-major, attendant des moyens d'évacuation ; deux bataillons, placés dans la redoute par le général Chanzy, n'étaient plus de mon commandement; mais j'étais sûr de faire une chose utile en recommandant à l'intendance de distribuer sans contrôle aux fuyards qui allaient passer les vivres restés près de la voie.
Un bataillon non armé était depuis le matin en route vers Evron, où se dirigeaient aussi, me disait-on, ceux du général de Lalande.
Je ne les trouvai point dans cette localité où je passai le reste de la nuit, et ce fut à Laval que je reçus, le lendemain, du général Lalande, les télégrammes suivants :

« Evron, 14 janvier 1871.
Général Lalande à général de Marivault, Laval.
Je suis à Evron avec ma brigade presque entière ralliée dans cette localité, en empêchant de passer les isolés.
Malgré réquisitions du maire, beaucoup d'hommes n'ont pas de vivres.
J'en ai demandé au général Chanzy ce matin, je lui écris de nouveau et lui demande où nous devons aller.
Pouvez-vous me répondre à Evron et m'envoyer 6,000 rations par un train de nuit ?
Signé : DE LALANDE. »

« D'Evron à Laval.
Général de Lalande à général de Marivault.
Le général Chanzy me donne l'ordre de rester a Evron.
Nous ne pouvons rien faire si on ne change notre armement; si les chassepots qui étaient au Mans en sont sortis, on pourrait nous les donner.
Signé : DE LALANDE »

C'était afin de pourvoir à ces éventualités, et pour rallier les hommes ou les troupes isolées du commandement, que je m'étais porté à Laval, près du télégraphe; j'y avais formé deux trains spéciaux de vivres avant que toutes les ressources de la voie fussent réclamées par d'autres soins, et pendant que j'en envoyais un Mayenne (...) j'amenais moi même l'autre à Evron, accompagné du général Kérisouët, qui était accouru vers moi dès l'annonce de la retraite.
Le spectacle qu'offrait Evron était navrant; plus de vingt mille hommes de toute arme, débandés, affamés, sans armes pour la plupart encombraient les rues pleines de neige de cette petite ville, des chevaux s'y traînaient, mené en bride pour la plupart par leurs cavaliers qui les soutenaient à grand'peine sur le verglas ; très-peu d'officiers se trouvaient parmi ces débandés, ainsi qu'il était naturel, et cela augmentait le désordre.
J'eus la grande joie de trouver les six bataillons de Lalande formés en rangs, sur diverses voies, avec toutes leurs armes, bien qu'elles fussent pour la plupart hors de service et qu'ils fassent surtout dépourvus de munitions.
Leurs officiers maintenaient parmi eux, au milieu des souffrances de la déroute, une attitude et une apparence d'ordre qui certainement, quels qu'aîent pu être les faits qui se sont passés à la Tuilerie, eussent fait regretter au général Chanzy les paroles blessantes auxquelles, dans l'amertume de la défaite, il s'était laissé entraîner envers eux.
Depuis trois jours ils n'avaient eu de vivres que ce qu'ils avaient pu ramasser en passant à Conlie; ils en reçurent à la hâte ce qu'ils pouvaient porter, laissant ainsi disponibles pour le reste de l'armée toutes les ressources d'Evron, et, remontés par cette distribution, rassasiés à la hâte, ils furent acheminés par trois routes différentes sur Mayenne et Laval, avant que l'encombrement des bagages et de l'artillerie eût rendu les chemins impraticables. (...)
Ce fut à Rennes, quelques jours après, que je passai la revue de ces malheureuses troupes dignes d'un meilleur sort.
J'aurais voulu y faire passer une revue des armes par la direction, mais, là comme partout, le personnel spécial manquait:
la facilité qu'apportait le Ministère à se contenter d'apparences qui pussent servir de base à ses propres assertions, avait eu pour résultat, dans beaucoup d'occasions, ce manque de contrôles les plus indispensables.
D'ailleurs, à partir de ce moment, la confusion des ordres relatifs aux mouvements des troupes, aux commandements,aux questions de personnes, augmenta en proportion des difficultés accumulées par les événements.

Il résultait de là pour les troupes un mouvement perpétuel fatigant, incompatible avec aucune espèce de progrès, des conflits, des faux mouvements qui produisaient un mécontentement général, ce qui, joint au ton de triomphe avec lequel les journaux du Midi,regardés comme officieux, parlaient de la défaite « de ces Bretons qui ont des chapelets », rendait générale cette prévention, que la Bretagne était l'objet de négligences volontaires et que ces « fausses promesses d'armes » étaient réservées pour elle seule, tandis que les armes étaient distribuées dans le Midi.

A cette occasion je ferai remarquer que je ne parle point du rôle de la brigade de Lalande à la bataille du Mans, parce que les moyens d'investigation et le temps m'ayant manqué pour faire à ce sujet une enquête sérieuse, j'engage la Commission à faire appeler le général de Lalande et le colonel d'Elteil, qui pourront la fixer sur ce point auquel l'opinion publique du département d'Ille-et-Vilaine en particulier attache un très-grand prix.
... »

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boiteverte 15 - Dépositions du général de Lalande
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Le général de Lalande commandait les mobilisés d'Ille-et-Vilaine.

1ere déposition : Rapports, tome XI, Enquête parlementaire. n°1416J 1873 - (Cerf et fils, Versailles, 1873) - Séance du 8 août 1871 - Extraits.

coche verte 15-1 Sur le manque de cadres - page 59 :

« ... Dans la formation des mobilisés, la grande difficulté était de trouver des officiers et de faire des cadres.
Déjà les mobiles avaient enlevé tout ce qu'il y avait de bon pour le service; officiers, sous-officiers, anciens soldats, étaient déjà au service par la décision du 10 août.
Il ne restait donc presque rien.
Le département d'Ille-et-Vilaine, à cet égard, était un peu moins malheureux que les autres ; mais dans les autres départements, surtout dans le Finistère et le Morbihan, il y avait des compagnies entières cantonnés dont les cadres étaient pitoyables.
Le nombre des officiers était très considérable et causait une dépense exagérée. Ces officiers ne savaient absolument rien, les sergents-majors pas davantage.
Il y avait des compagnies dont les officiers ne savaient ni lire ni écrire !
Quant aux chefs de légion et aux chefs de bataillon, c'étaient presque tous d'anciens officiers.
Une partie des officiers inférieurs et quelques sergents seulement étaient d'anciens soldats.
Ces hommes, sans instruction aucune pour la plupart, ne pouvaient avoir aucun ascendant, ni par leur moralité ni par leur conduite.
II était très-difficile de tenir les hommes d'une manière convenable avec des éléments pareils. ... »

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coche verte 15-2 Sur le manque d'armes et de moyens de nettoyage - page 60 :

« ... Les troupes qui se sont rendues au camp de Conlie n'ont jamais été armées sérieusement.
On montait la garde avec des bâtons. Le Morbihan n'a jamais eu un fusil au camp.
Le Finistère a eu quelques fusils, et encore qu'était-ce que ces fusils ?
C'étaient des mousquetons de cavalerie qu'on appelait des spencers.
Dans l'Ille-et-Vilaine nous avons été mieux partagés ; nous étions près d'un arsenal et par suite plus favorisés que les autres.
Nous avons eu des fusils, mais ces fusils sont restés inutiles entre nos mains.
Les hommes n'avaient pas de boîte à graisse, ni rien de ce qu'il fallait pour nettoyer les armes, ces armes sont tombées au bout de quelques jours dans un état pitoyable ; il n'a plus été possible de s'en servir.
...
On avait reçu, les 28 et 29 décembre, un certain nombre de fusils Springfield pour donner aux mobilisés. Nous n'avions aucun moyen de les nettoyer.
Je dis au général commandant le camp : « Si nous donnons en ce moment ces fusils à nos hommes, par le temps qu'il fait, en trois jours ils seront rouillés de manière à ne plus pouvoir s'en servir.
Avant de les leur mettre en main, au moins faudrait-il que nous eussions des moyens de nettoyage. »
C'étaient des fusils rayés, américains, se chargeant par la bouche.
Pendant que nous avons été au camp, comme les troupes n'avaient pour ainsi dire pas d'armes, elles n'ont pu être instruites en aucune façon. »

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coche verte 15-3 Sur la boue du camp et les maladies - page 63 :

« ... M. de la Sicotière. — Qui est-ce qui a choisi l'emplacement du camp de Conlie?

M. le général de Lalande. — C'est M. de Kératry. Il l'a choisi dans des conditions déplorables; c'étaient des terres labourées.
Quand il pleuvait, on avait de la boue jusqu'aux genoux. On n'avait pas pensé à se procurer de la paille dans le commencement;

les mobilisés étaient fort mal ; ils ont souffert beaucoup ;
il y a eu une mortalité assez grande occasionnée par la variole, apportée par les hommes des Côtes-du-Nord et du Finistère , car elle n'existait pas d'abord dans le pays de Conlie.
Il y a eu beaucoup de malades ; peu mouraient au camp ; on les faisait évacuer sur les points d'où ils venaient.
»

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coche verte 15-4 Sur les 6400 Bretons à la bataille du Mans - page 64 :

« ... Un membre. — Que sont devenus vos hommes après l'affaire du Mans?

M. le général de Lalande. — Je les ai ralliés à Pontlieue, et de Pontlieue je me suis porté avec eux pour retourner en Bretagne, où je suis arrivé à Rennes le 18 janvier.
Très peu de mes soldats étaient absents , à l'exception, naturellement, de quelques hommes, qui avaient pris les grands devants, et ceux-là même étaient partis avant le combat.
J'ai eu quelques hommes blessés, qui sont entrés dans les hôpitaux, quelque malades.
Sur 6,400 hommes, il m'en restait 6,000. J'avais donc à peu près tout mon monde. »

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coche verte 15-6 Sur les déclarations du général Chanzy - page 62 :

« Le général Chanzy prétend que la position de la Tuilerie a été évacuée sans défense, et cependant le canon et les mitrailleuses n'ont pas cessé de tirer depuis le commencement de l'attaque jusqu'à 6 heures et demie.
... Le général Chanzy a dit que je m'étais retiré devant des troupes peu nombreuses.
J'affirme que ces troupes étaient nombreuses.
Dès six heures du soir, il y avait devant nous tout le 10e corps prussien, qui avait fait son mouvement pendant la nuit de Parigné sur Mulsanne, et le lendemain, le prince Frédéric-Charles nous attaqua sur les flancs dès la pointe du jour. »

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coche verte 15-7 Sur l'information de la prise de la Tuilerie - page 63 :

« Quand les Prussiens eurent enlevé la Tuilerie, j'allai trouver l'amiral Jauréguiberry et je lui racontai ma mésaventure.
Il ne me reçut pas très-bien, poliment toutefois; je lui dis : « Amiral, si vous voulez voir nos armes, vous verrez que ce que j'en ai dit n'a rien que de réel. »
J'ai constaté depuis que mes hommes ont montré leurs armes à l'amîral et qu'il s'est assuré par lui-même de la vérité de ce que j'avais dit sur la qualité de ces fusils. »

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coche verte 15-8 Sur l'état d'esprit des mobilisés - page 65 :

« Un membre. — Il est bien constaté pour vous que si ces troupes avaient été bien armées et bien équipées, leur moral était bon, et elles auraient pu rendre de grands services.

M. le général de Lalande. — Sans aucun doute, tous ces hommes se seraient très bien battus, parce qu'il y avait encore des éléments suffisamment bons pour les pousser au combat.
Mais il aurait fallu les exercer d'abord, et leur donner de bons fusils, soit des remingtons, soit des Chassepots. Quant à leur moral, il était excellent. »

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2eme déposition : Rapports, tome V, Enquête parlementaire. n°1416 1872 - (Cerf et fils, Versailles, 1875) - Séance du 24 juillet 1873 - Extraits.

coche verte 15b-1 Sur l'information de la prise de la Tuilerie - page 19 :

« Je me retirai au milieu d'une grêle de halles que les Prussiens nous envoyaient sur la grande route ;
je rencontrai le général Isnard de Sainte-Lorette, et j'allai rendre compte de ce qui s'était passé à l'amiral Jauréguiberry.
L'amiral prétend qu'il ne m'a pas vu. Je suis cependant arrivé chez lui immédiatement après l'affaire ;
je n'ai attendu ni une heure, ni une minute pour me présenter à lui.


M. de la Borderie. — A quelle heure?

M. le général de Lalande. — Il était de sept heures et demie à huit heures ; je ne puis pas préciser davantage ; il faisait nuit depuis très longtemps.
L'amiral me reçut très froidement, et me fit des observations très peu amicales.
Il me dit : « Je vous déclare qu'en présence de votre conduite, je vais faire faire une enquête, et je vous ferai passer devant un conseil de guerre. »
Je lui répondis : « Je ne crois pas avoir commis de faute ; je suis prêt à m'expliquer devant un conseil de guerre ; si mes troupes se sont mal comportées, c'est qu'on les a engagées trop tôt; on n'aurait pas dû les engager du tout. »
L'amiral Jauréguiberry a dit dans sa déposition que s'il avait su que ces troupes fussent aussi mauvaises, ils les aurait fait remplacer ; par d'autres.
Je ne sais de quelles troupes il a entendu parler.
Il me semble qu'il eût été plus sage de faire appuyer les troupes régulières à droite, quitte à faire remplacer le corps de l'amiral par une partie du 21e corps, composé de troupes, je ne dirai pas supérieures, mais ayant déjà vu le feu, et ayant quelque instruction militaire, tandis que mes hommes n'avaient jamais fait l'exercice, ni tiré un coup de fusil.
L'amiral Jauréguiberry, après m'avoir menacé de me faire passer à un conseil de guerre, ne me demanda aucune explication.
La première fois que je l'ai vu, il était avec le général Michel ; je suis retourné le voir deux fois pendant la nuit, et je lui ai dit : « Venez donc visiter les armes et les cartouches de mes soldats! » ...
Dans sa déposition, M. l'amiral Jauréguiberry prétend ne m'avoir pas vu après l'affaire de la Tuilerie ;
j'affirme l'avoir vu plusieurs fois dans la nuit du 11 au 12; et le matin, je l'ai encore vu quand je suis parti pour faire ma retraite sur Rennes.
»

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coche verte 15b-2 Sur la prise de la Tuilerie - page 18 :

« L'amiral Jauréguiberry dit qu'on ne s'est pas défendu. Je puis affirmer qu'il y a eu un combat sérieux ;
le général Chanzy lui-même dit, dans son livre, que les batteries de la Tuilerie avaient ouvert le feu « sur une profonde colonne d'infanterie prussienne. »
Les mobilisés se sont aussi bien comportés qu'ils pouvaient le faire avec des armes dont il était impossible d'avoir les baguettes, au moins dans 80 sur 100. Les cartouches étaient mélangées et de calibres différents.
Si l'amiral Jauréguiberry m'eût demandé pourquoi les hommes ne pouvaient charger leurs fusils, je lui aurais dit immédiatement que le renflement de la baguette était la cause de cette défectuosité, par suite du gonflement des bois de fusils exposés tout à coup à l'humidité et à la neige en sortant des caisses qui les avaient apportés d'Amérique.
L'affaire s'est passée très malheureusement pour nous ; nous avons été refoulés par les tirailleurs prussiens.
Vers six heures et demie du soir, voyant les tirailleurs ennemis arriver le long du chemin aux Bœufs, je revins à la Tuilerie, je trouvai la batterie d'artillerie attelée, et le capitaine me dit :
« J'ai reçu l'ordre d'atteler et de m'en aller aussitôt qu'il y aurait du danger ; vous voyez que les Prussiens rectifient leur ligne de bataille, » et, en effet, quelques instants après l'extinction de leurs feux d'alignement, leur tir reprit avec beaucoup d'intensité.
Le général Isnard de Sainte-Lorette, qui défendait la gauche de la route du Mans me fit demander et me dit : « Nous ne pouvons plus tenir, écrivez donc au général Chanzy pour avoir du renfort. »
Je lui répondis : « Il est bien tard, mais je vais faire ce que vous me demandez. » J'écrivis un mot au général Chanzy.
Je retournai à la batterie pour voir ce qui s'y passait, je ne la trouvai plus.
Un petit détachement de chasseurs, qui la défendait, avait épuisé ses munitions et s'était retiré devant les Prussiens. N'ayant plus personne pour défendre la position, je me décidai à m'en aller.
Quand je passai sur la grande route, je vis que la batterie de gauche n'avait pas été plus heureuse que la nôtre, et qu'elle était envahie même avant celle de droite.
Le général Isnard de Sainte-Lorette n'avait pas été plus heureux que nous, et cependant il avait des troupes armées de fusils à tir rapide. »

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boiteverte 16 - Dépositions de l'amiral Jauréguiberry
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L'amiral Jauréguiberry commandait à partir du 10 janvier 1871, les troupes sur la rive gauche de l'Huisne, depuis Arnage jusqu'à Yvré-l'Evêque.

Dépositions des témoins, tome III, Enquête parlementaire. n°1416 1872 - (Cerf et fils, Versailles, 1873) - Séance du 27 janvier 1873 - Extraits.

coche verte 16-1 Sur l'information de la prise de la Tuilerie - page 294 :

« J'étais à mon quartier-général à Pont-lieux.
Vers huit heures du soir, se présenta devant moi un chef de bataillon qui venait me demander des vivres pour sa troupe.
Je lui témoignai l'étonnement que me causait sa demande, lui faisant remarquer que toutes les dispositions avaient été prises le matin pour que les hommes eussent leurs vivres de campagne.
« De quel corps êtes-vous, commandant ? lui demandai-je.
— Des mobilisés de Bretagne.
— Comment ? Les mobilisés de Bretagne sont-là, devant ma porte ! C'est impossible! Ils sont à la Tuilerie !
— Mais non, mon général, ils sont ici !
— Vous avez donc été relevés à la Tuilerie par un autre corps ?
— Non, mon général ; mais les Prussiens y sont !
— Mais enfin, comment les Prussiens y sont-ils arrivés, et quand ? Je n'ai pas entendu un coup de fusil dans cette direction :
on a tiré tout au plus trois ou quatre coups de canon vers cinq heures et demie.
Et les batteries, que sont-elles devenues ?
— Je n'en sais rien. »
Vous jugez de l'impression que ce récit me causa.
J'envoyai immédiatement au général Lebouëdec l'ordre de réunir toutes les troupes qu'il pouvait avoir sous la main et de tacher de reprendre cette position de la Tuilerie ; il n'y avait qu'à l'attaquer à revers ;
je voulais m'en emparer avant que les Prussiens eussent eu le temps de s'y fortifier.
Le général Lebouëdec réunit à grand peine un millier d'hommes qui depuis le matin avaient fait 22 kilomètres et s'étaient battus toute l'après-midi.
Malgré l'élan des officiers, l'attaque fut molle ; ces hommes ne tenaient pas.
J'envoyai chercher le général De Lalande, pour avoir quelques détails:
je ne comprenais pas qu'il ne fût pas encore venu me rendre compte de ce qui s'était passé. Je ne pus le voir.
»

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coche verte 16-2 Sur le mécontentement des troupes - page 297 :

« M. le Président. — Avez-vous dit à M. Gambetta que l'esprit de l'armée de la Loire avait changé ?
que cette armée, jusque-là si dévouée à la défense et qui avait donné tant de preuves de dévouement, vous paraissait influencée ?...
M. l'amiral Jauréguiberry. — Travaillée.
M. le Président. — Et qu'elle ne voulait pas se battre pour assurer le triomphe de la politique et du pouvoir de M. Gambetta ?
M. l'amiral Jauréguiberry. - Non, je ne peux pas dire que je me sois servi de ce mot : «triomphe. » Je n'ai fait allusion qu'aux propos qui m'avaient été rapportés ; les soldats disaient : « Nous ne voulons pas nous battre pour Gambetta. »
M. le Président. — Pour M. Gambetta, c'est-à-dire pour le succès de sa politique ou de son maintien au pouvoir.
Vous n'avez pas su qui avait travaillé votre armée ?
M. l'amiral Jauréguiberry. — Non. M. Gambetta me l'a demandé quand je lui ai dit : « l'armée est travaillée » ; il a répliqué : « Mais qui travaille donc l'armée ? — Ce sont probablement, lui ai-je répondu, les agents prussiens, qui ont tout intérêt à jeter parmi nos troupes le découragement et le désordre. » Je n'ai pas dit autre chose.
M. Ulric Perrot. — A quel moment cet esprit paraît-il s'être introduit dans l'armée ?
M. l'amiral Jauréguiberry. — Pendant notre séjour au Mans.
M. Ulric Perrot. — Ce sentiment n'existait-il pas auparavant ?
M. l'amiral Jauréguiberry. — Non, du moins je ne le crois pas.
M. le comte de Rainneville. — Cette disposition particulière de l'armée ne pourrait-elle pas s'expliquer par la façon dont les troupes s'étaient trouvées traitées au camp de Conlie ?
M. l'amiral Jauréguiberry. — Je vous ferai remarquer que les mobilisés Bretons, venant de ce camp et versés dans mes troupes, étaient en très-petit nombre, si on compare leur effectif aux autres. J'avais un peu de tout ; l'avais des mobiles qui se sont très-bien battus, d'autres qui ont parfois laissé à désirer ; des bataillons de marche dont les uns étaient excellents, les autres passables seulement. (...)
M. le Président. —Vous aviez votre première division ?
M l'amiral Jauréguiberry. — Oh ! celle-là n'a jamais bronché !
M. le Président. — A-t-elle été influencée par les sentiments de défaillance que les autres ont éprouvés ?
M. l'amiral Jauréguiberry. — J'ai entendu quelques personnes, quelques officiers de cette division tenir un langage à peu près semblable à celui que je vous rapportais tout à l'heure, mais jamais sur un ton aussi marqué que dans les autres régiments. C'étaient plutôt des propos isolés, de petites conversations, mais qui n'ont pas été suivis d'actes blâmables. Je le répète, cette division n'a jamais bronché.
Elle était du reste admirablement commandée par ses officiers. (...)
Les cadres étaient formés d'officiers appartenant à toutes les grandes familles de Bretagne; les noms les plus illustres de France y étaient représentés.
Ces messieurs se sont conduits, dans toutes les circonstances, avec une bravoure héroïque, enlevant constamment leurs troupes avec un entrain admirable.
Les pertes qu'ils ont éprouvées ont été considérables.
Si donc il a pu se produire ça et là quelques légères défaillances, quelques désertions chez les hommes, c'est au moment où ces régiments ont abandonné le Mans, parce qu'alors ils abandonnaient en méme temps leur pays, ce qui est toujours chose grave pour des Bretons.
M. le Président. — Cela n'était-il pas dû plutôt à la fatigue de la guerre, à l'influence de la déroute, qu'à une action politique ?
M. l'amiral Jauréguiberry. — C'est très-probable. Vous vous rappelez que nous avons discuté cette question dans la Commission de la guerre à Bordeaux. Les hommes qui éprouvent des défaillances sont naturellement portés à chercher à cette situation de leur esprit des causes autres que les vraies.
Ils disent alors: « nous sommes trahis » ou bien « nous manquons de tout ».
Nous sommes trahis, ils ne pouvaient pas le dire, puisqu'ils voyaient leurs chefs qui payaient si courageusement de leur personne, et qui se seraient ainsi trahis eux-mêmes.
Mais alors beaucoup de ces hommes s'en sont pris à des motifs, à des pensées d'ordre politique, ou bien ils ont prétendu qu'ils manquaient de ce qui leur était nécessaire. »

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boiteverte 17 - Dépositions de M. Carré-Kérisouet
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M. Carré-Kérisouet était commissaire-général de l'armée de Bretagne.

Rapports, tome XI, Enquête parlementaire. n°1416J 1873 - (Cerf et fils, Versailles, 1873) - Séance du 19 juillet 1871 - Extraits.

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coche verte 17-1 Sur les 6400 Bretons à la bataille du Mans - page 22 :

« Voici en réalité ce qui a eu lieu.
Le dimanche 15 janvier, quand nous avons su ces malheureux événements (déroute du mans), le général de Marivault et moi, nous sommes partis et nous nous sommes avancés en chemin de fer avec une locomotive, aussi loin que possible.
A Evron, nous avons trouvé nos 6000 hommes avec leurs armes et leurs sacs :
ils étaient mêlés à 20000 hommes de toutes armes qui n'avaient plus ni sacs ni fusils ;
quant à eux, ils étaient avec leurs chefs, formés en compagnies et en bataillons...

Un membre. — Avaient-ils combattu ?
M. Carrè-Kérisouët. — Oui, monsieur; ils appartenaient aux 17e et 21e corps, je crois.
Le général de Lalande qui les commandait, était donc à Evron avec ses officiers et ces 6000 hommes.
Il a demandé inutilement une enquête sur ces faits, et il la demande encore.
Le général de Marivault me dit à Evron : « Voyez-vous, on dit que ces hommes ont mis l'armée en déroute.
C'est inexact, puisqu'ils ont leurs officiers, leurs sacs et leurs fusils.
»
Et il les fit mettre en marche immédiatement par étapes vers Mayenne, Fougère et Rennes. »

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coche verte 17-2 Sur l'hostilité des bureaux de la guerre à Tours - page 22 :

« .. Pour moi, j'ai toujours cru qu'il y avait un levain d'animosité contre l'armée de Bretagne, et qu'à un moment donné, si nous avons cessé de trouver le concours nécessaire de la part du gouvernement de Tours, cela venait des préventions qu'il avait contre nous, parce qu'il craignait, à tort, que notre armée ne devînt une armée politique.
Un membre. — D'où venait cette animosité que vous constatez?
M. Carré-Kérisouët. - Je vous l'ai dit, c'était par esprit politique, par esprit de parti. »

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coche verte 17-3 Sur la nourriture au camp - page 20 et 23 :

« M. le Président. — On a beaucoup répété que vos hommes manquaient de tout.
M. Carré-Kérisouët. — Ils n'ont jamais manqué de nourriture; tout le monde est, je crois, d'accord sur ce point.
Les distributions se faisaient régulièrement et très abondamment.
La qualité des vivres ne laissait rien à désirer.
Ce service a très-bien fonctionné, grâce à son chef, M. Charlon, auquel on ne pourra jamais donner trop d'éloges.
Nous apportions, du reste, la plus grande économie: la nourriture revenait à 74 centimes par jour et par homme :
on donnait à chaque homme du pain, de la viande, du café deux fois par jour, une ration de vin, du poivre et du sel ; j'oubliais une ration de légumes.
J'affirme sur l'honneur que jamais une plainte ne m'a été adressée au sujet de l'abondance et de la qualité de la nourriture.
Je ne crois pas que nulle part, comme prix, on soit arrivé à un chiffre aussi bas.
Il est vrai que c'était dans un camp où nous pouvions recevoir nos approvisionnements à heure fixe. »

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coche verte 17-4 Sur l'état sanitaire du camp - page 20 :

« Mais les hommes manquaient d'armes, et ils étaient furieux de se voir dans la boue, exposés au froid le plus rigoureux, et de ne pas servir.
Cependant, malgré toutes ces souffrances, il n'y avait pas beaucoup de maladies ; les rapports des médecins étaient favorables.
Il y a eu, il est vrai de la petite-vérole, mais c'était une épidémie qui ravageait tout le pays. »

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coche verte 17-5 Sur la promesse des armes à tir rapide - page 19 :

« ... Je demandai à M. de Kératry en première ligne l'obligation absolue de se pourvoir d'armes perfectionnées et à tir rapide, sachant très-bien que dans notre pays, les populations ne marcheraient pas, si elles n'avaient pas des armes semblables à celles de l'armée régulière.
M. de Kératry me répondit qu'il avait la promesse formelle de 40,000 fusils remington, et que lui-même n'aurait jamais sans cette promesse accepté le commandement de ces forces-là. »

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coche verte 17-6 Sur l'évacuation des mobilisés - page 21 :

« Le général de Marivault demandait des ordres à la guerre ; ne recevant que des réponses très-peu satisfaisantes, il décida néanmoins l'évacuation du camp.
Il fit partir une partie des contingents et les envoya cantonner à Rennes et autour de Redon dans les petites localités.
Les chemins de fer encombrés ne pouvaient transporter les troupes ; ainsi la brigade du Morbihan fut obligée d'aller camper à sa première étape dans la forêt de Sillé, où les soldats couchèrent sous la tente par un temps de neige effroyable. »

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coche verte 17-7 Sur l'autonomie de l'armée de Bretagne - page 21 :

« (Le 28 novembre) ... En arrivant au Mans, je trouvai M. de Kératry qui me fit part de ses impressions. Il me dit que pour lui, il n'accepterait jamais la destruction de l'autonomie de l'armée de Bretagne. »

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coche verte 17-8 Sur le service d'intendance - page 19 :

« M. le Président. — Voulez-vous nous donner quelques détails sur ce service ?
M. Carré-Kérisouët. — Je le constituai avec des négociants de Bretagne, que je chargeais, chacun dans sa spécialité, de pourvoir aux besoins de l'armée, non comme fournisseurs mais comme fonctionnaires.
En raison des relations et des aptitudes de ces négociants, le plus grand ordre et la plus grande économie y ont été apportés.
(...)
Un membre. — II serait important de dire comment cette organisation a marché. Les hommes étaient-ils habillés ?
M. Carré-Kérisouët. — Ils ont été habillés immédiatement, comme tous les mobilisés : seulement on avait limité leur habillement, d'après les ordres du ministère : ainsi ils ne recevaient pas de capotes.
Un membre. — Et comment étaient-ils équipés ?
M. Carré-Kérisouët. — En arrivant à Rennes, je télégraphiai aux cinq préfets de Bretagne de vouloir bien mettre en adjudication aussitôt que possible les fournitures de l'équipement des mobilisés : je faisais cela pour faire valoir les petites industries du pays.
Je leur disais : « De telle à telle époque, demandez dans vos départements la fourniture de tous les objets qui peuvent être produits par les industries locales » — et je leur prescrivais des prix que je tenais du ministère de la guerre et qui étaient très-modérés — « et lorsque vous m'aurez envoyé la note de vos adjudications, je demanderai aux fournisseurs du ministère de la guerre de compléter ce qui ne sera pas fourni par les industries locales. »
Les préfets ont fait fabriquer dans leurs départements une grande quantité de vêtements et d'équipements de toutes sortes, tout cela,, bon ou mauvais, je n'en sais rien ; c'était une commission départementale qui les recevait, les examinait, et les envoyait au camp, où on les remettait immédiatement aux soldats.
Mais il y a certains objets qui se sont fait attendre, parce, qu'ils se fabriquaient dans les Vosges, comme les objets en fer battu, par exemple, et qu'au mois d'octobre on ne trouvait déjà plus ; on n'en avait pas au ministère de la guerre, et lorsque j'en demandai, on me répondit par dépêche qu'il en arriverait prochainement d'Angleterre et d'Ecosse.
En attendant, pour permettre aux soldats de faire leur soupe, on commanda à une fonderie voisine une certaine quantité de grandes marmites en fonte, et on en remit plusieurs à chaque bataillon : on y faisait la soupe de toute une compagnie, cela était suffisant tant qu'on restait au camp ; et on y restait faute d'armes : or, il était aussi facile de faire 200 rations que 10 rations.
C'est là le côté du campement qui manquait le plus.(...)
Depuis cette époque (10 décembre), le général de Marivault n'a pas cessé un seul instant de réclamer du ministre de la guerre des armes et d'autres articles d'équipement, qui manquaient dans le commerce, mais qui devaient exister quelque part ; il lui manquait surtout des souliers de grande mesure, beaucoup de nos hommes avaient de grands pieds, et ne pouvant se chausser avec les souliers qu'on leur donnait, portaient des sabots.
Il signalait tous les jours au ministère l'état fâcheux où ses soldats se trouvaient ainsi réduits. »

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boiteverte 18 - Dépositions de M. Gambetta
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point rouge Source 1 : Annales de l'Assemblée Nationale 1872 tome XIII, séance du 15 juillet 1872, Rapport de Léon Riant.
coche verte Source 2 : Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la Défense nationale n°1416 1872 - Dépositions des témoins tome 1 (Cerf et fils, Versailles, 1872).


point rouge 18-1 Sur les commissions d'armement - page 106 :

« (...) Seulement, il faut vous rendre compte de ce qui s'est passé dans ces circonstances exceptionnelles. Le ministère de la guerre, la commission d'armement, la commission d'étude des moyens de défense, la commission départementale, qui étaient, à des titres divers, les quatre rouages principaux de la dépense nationale et de l'organisation de cette défense, vivaient dans une rivalité incessante, s'accusant les uns et les autres d'être des impuissants ou des prometteurs à deux mains qui ne réalisaient jamais rien : il y avait là une atmosphère véritablement chargée de jalousie, et je puis dire d'esprit de dénigrement.
Vous pensez bien que j'avais autre chose à faire que d'écouter les querelles de ces messieurs.
(...) Vous voyez donc quel était, l'état d'hostilité dans lequel vivaient ces commissions. En différents cas, elles se jetaient à la tète, les marchés qu'elles contractaient.
Si la commission d'armement trouvait à passer un marché dans des conditions réelles de bon marché, le ministère de la guerre disait : La commission ne le réalisera pas, parce qu'il faut payer les choses un peu plus cher ; nous, nous le réaliserons. Et réciproquement.
C'est au milieu de tous ces tiraillements que je vivais.
Seulement, il faut bien comprendre que c'était là la partie la moins absorbante de mes occupations.
Vous, comprenez bien que j'étais obligé de m'en rapporter aux personnes qui étaient toujours là, dont c'était la, fonction, le métier, pendant que je vaquais à des occupations, je ne dis pas plus importantes, mais cependant d'un ordre plus élevé. Vous comprenez bien que, sur la matérialité des choses, il me serait très-difficile de vous donner, des explications. »

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coche verte 18-2 Sur les mouvements de province - page 548 :

« (...) Je repris alors mon idée première, qui avait été d'aller en province, pour tâcher d'organiser la défense.
(...) J'arrivai en province. Mon objectif n'avait das changé, ni les vues principales qui me dirigeaient ;
c'était, autant que possible, de maintenir l'ordre à l'intérieur sans porter atteinte à aucune liberté publique ; et surtout de pousser à la guerre contre l'étranger.
Quand je m'installai à Tours, je trouvai, il faut l'avouer, le pays dans un état de véritable sécession ;
il y avait au Midi, au Sud-Ouest, dans l'Ouest, des tendances véritablement singulières et alarmantes pour l'unité de la France.
En même temps, ce qui avait été prévu se réalisait ; l'action du gouvernement était très faible ; il était peu obéi.
J'entrai dans la délégation de Tours avec la résolution de rétablir l'ordre compromis sur beaucoup de points du territoire ;
je fus assez heureux dans un espace de temps fort restreint, quinze à dix-huit jours, pour pouvoir remettre l'ordre partout, et faire mettre en liberté toutes les personnes appartenant à l'ancien régime qui avaient été incarcérées, dont l'arrestation pouvait s'expliquer par des émotions populaires insurmontables et inséparables d'une crise semblable, mais dont la détention prolongée n'était pas possible sous un gouvernement régulier.
Je n'ai pas besoin d'insister sur la façon dont j'ai agi soit à Marseille, soit à Saint-Etienne, soit à Lyon, soit à Toulouse ;
ce que je constate, c'est qu'au bout de très-peu de temps, l'autorité du gouvernement était partout reconnue, respectée, obéie, que le programme séparatiste était anéanti, et qu'on ne parlait plus de ligue, ni du Midi ni d'ailleurs ; cet ordre parfait s'est maintenu jusqu'à ma démission , c'est-à-dire jusqu'au 30 janvier. »

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coche verte 18-3 Sur les ligues du Midi - page 555 :

« (...) Les ligues du Midi affectaient un caractère de désordre, de mépris de la loi, que pour moi, je n'admets pas.

M. le Président. — C'étaient des ligues séparatistes.

M. Gambetta. — Séparatistes, au point de vue de l'action militaire du pouvoir central.

M. le Président. — Et vous vous êtes applaudi de ce qu'au bout de 15 ou 18 jours, vous les aviez détruites à peu près.

M. Gambetta. — Complètement ! Il n'en a plus été question.

M. le Président. — Nous avons des renseignements sur ces ligues qui ont tenté de se former ; elles paraissaient exercer en effet une assez grande pression sur l'administration.

M. Gambetta. — Elles exerçaient une influence considérable, parce qu'il y a beaucoup de gens faibles ; c'était du désordre ; mais, au fond, croyez-bien que tout cela n'est pas très sérieux; ce sont des fantômes sans épaisseur.

M, le Président. — Vous avez combattu les tendances sécessionnistes à votre arrivée à Tours.

M. Gambetta. — Sécessionnistes, c'est un gros mot; c'était de l'anarchie et cela n'avait pas le caractère de sécession. Je ne voudrais pas que l'étranger pût croire qu'il y a eu, à un moment quelconque, une sorte de ligue pour briser l'unité de la France. Non: c'était du désordre, voilà tout !
(...) je suis même persuadé que la généralité des gens qui étaient engagés là-dedans, étaient de braves gens, qui voulaient faire delà défense; mais il ne faut pas abandonner ces éléments à eux-mêmes, d'abord, parce que la direction générale ne leur appartient pas ; ensuite, parce que cela peut amener bien des déviations dans la conduite des mouvements, et, enfin, parce que, très-rapidement, cela ôte de la force au gouvernement.
Je crois que les gens qui se mettaient en avant voulaient faire une espèce d'armée régionale de volontaires, et que c'était très-sincère ; mais je suis convaincu que cela aurait mal tourné. »

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coche verte 18-4 Sur les fusils de Brest - page 562 :

« M. Callet. — Permettez-moi de préciser deux questions relatives au camp de Conlie. La première se rapporte au temps où M. de Kératry exerçait le commandement. Il attendait depuis longtemps des armes pour instruire ou occuper, du moins, ses hommes qui pataugeaient dans la boue.....

M. Gambetta. — C'est sa faute : il ne fallait pas qu'il choisît cet emplacement.

M. Callet. — Enfin, il fut officiellement avisé que 75,000 fusils, à lui destinés, arrivaient à Brest ; il part pour en prendre livraison, et moment de son arrivée, on lui signifie que ces fusils seront dirigés sur Toulon.

M. Gambetta. — Et les bateaux ont levé l'ancre ?

M. Callet. — Oui. Qui avait donné cet ordre ? Qui avait changé la destination de ces armes ?

M. Gambetta. — (...) Je n'en sais rien. Il faut faire une enquête; je ne puis pas répondre à des faits particuliers que je ne connais point.

M. Gallet. — C'est M. de Kératry qui en a déposé.

M. Gambetta. — Il faudrait interroger les agents chargés de ces services. Il n'y a sur ce point que deux personnes qui pourraient vous renseigner : le général Thoumas et M. Lecesne. Quant à moi, je ne puis pas vous répondre, et jusqu'à preuve, je n'en crois rien.
(...) Ce fait de 75,000 fusils partis de Brest pour Toulon, c'est la première fois que j'en entends parler, je n'y répondrai donc pas. Je n'étais pas au courant des arrivages des bateaux ; si vous voulez vous éclairer parfaitement sur ce fait, il y a deux hommes que vous pouvez consulter, ceux qui étaient chargés de l'arrivage et de l'armement : M. Lecesne aux travaux publics, et celui qui était préposé à la distribution des armes, le commandant de la section d'artillerie au ministère de la guerre (1). »

(1) Le général Thoumas

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coche verte 18-5 Sur la dépêche des Bretons à Auvours - page 562 :

« M. Callet. — Permettez-moi de préciser deux questions relatives au camp de Conlie. (...) et maintenant voici la seconde.
Un peu avant la bataille du Mans, il resta au camp de Conlie 10,000 hommes environ, qu’on voulut mettre sous les ordres du général Chanzy ; le général de Marivault qui les commandait ne fut pas d'avis qu'on disposât de ces hommes qui n'étaient point exercés, qui n'avaient que des armes en très-mauvais état, dont ils ne pouvaient se servir, et à l'exercice desquelles, je le répète, ils n'étaient nullement façonnés. On insista ; il donna sa démission qui fut acceptée.
Le général Lalande lui succéda dans le commandement, et après avoir étudié et constaté des choses, il déclara à son tour qu'envoyer ces jeunes gens à l'ennemi, c'était les envoyer à une mort certaine ou à une humiliation certaine. Il se rendit même à l' état-major de Chanzy pour faire cette déclaration ; néanmoins ces jeunes gens inexpérimentés et mal armés furent conduits au feu, et mis, je crois à l'avant-garde. Aussi arriva-t-il ce qui devait naturellement arriver : ils lâchèrent pied, et c’est à propos de ce fait prévu et inévitable, que parut un ordre du jour qui a offensé toute la Bretagne.

M. de La Borderie. — On a eu soin de publier partout l'ordre du jour signalant : « La panique des Bretons à la Tuilerie, et étant le signe de la débandade. »
Cet ordre du jour a été répandu à profusion dans toute la Bretagne ; mais quant à l'ordre du jour du général Chanzy sur la manière dont les Bretons avaient tenu les positions d'Auvours, il n'en est pas question. Cette dépêche n'est pas parvenue dans la Bretagne pour effacer le blâme qui lui avait été infligé par la première dépêche
.

M. Gambetta. — Elle a été mise au Moniteur.

M. de La Borderîe. — Je vous demande pardon, j'en ai fait la vérification.

M. Gambetta. — Je suis certain qu'elle y a été mise.

M. de La Borderie. — Elle n'a pas été publiée en province.

M. Gambetta. — Je me rappelle très bien que je disais : « Il ne faut pas faire supporter à des gens qui se sont bien conduits la responsabilité d'une défaillance particulière. » Cela a été inséré au Moniteur. Maintenant si on ne l'a pas publié en province, que voulez-vous que j'y fasse ? »

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coche verte 18-6 Sur les armes des Bretons - page 563 :

« M. le comte de Rességuier. — Mais vous pouvez répondre sur l'envoi de troupes qui n'étaient point organisées, qui n'avaient que des armes défectueuses ?
M. Gambetta. — C'est une erreur. Deux mois avant on avait fait partir une partie de ces mêmes hommes, et ceux-là se sont bien battus. C'est une question d'officiers, voilà tout !
M. le comte de Rességuier. — Tous les officiers qui ont déposé sont unanimes pour nous dire : que non-seulement ces hommes n'étaient pas exercés, mais que leurs armes étaient hors de service, le gouvernement en a été prévenu, on lui a déclaré que c'était un crime de mener ces recrues devant l'ennemi, et il a passé outre.
M. le comte Daru. — Vous n'avez pas connu ces faits ?
M. Gambetta. — Il faut bien se garder de croire que pour faire bonne contenance devant l'ennemi, il ne faille que des armes de premier choix. Il fallait bien se résigner à faire la guerre avec les armes que nous possédions.
M. le comte de Rességuier. — Oui, mais avec des armes dont la lumière n'est pas percée ?
M. Gambetta. — Je voudrais voir cela pour le croire ?
M. le comte de Rességuier. — On nous l'a déclaré.
M. Gambetta. — Je ne le crois pas.
M. le comte de Rességuier. — Eh bien, des officiers très-compétents nous ont déclaré qu'après vérification faite des armes, il s'en est trouvé beaucoup qui ne pouvaient faire feu; que les hommes n'avaient point de cartouches, et qu'arrivés au Mans, on leur en avait distribué qui n'étaient point du calibre des fusils qu'ils portaient ?
M. Gambetta. — C'est une enquête à faire.
Un membre. — On nous a donné encore un autre détail : c'est qu'on était obligé de mettre plusieurs hommes pour tirer la baguette du fusil du canon qu'elle occupait.
M. de Sugny. — II y a eu là une sinistre incurie !
M. Gambetta. — Je ne croirai à ces faits qu'après une enquête ; et je suis frappé de cette circonstance. Du camp de Conlie sont sortis, sous les ordres de deux officiers, les mêmes hommes, on n'a pas fait de choix ni pour les hommes, ni pour les armes ; et cependant les uns se sont bien conduits et les autres mal. Voilà ce qui est certain.
Je ne dis pas qu'il n'y ait pas eu des irrégularités graves, dont il faille rechercher les auteurs, mais quant à ce fait général que les troupes dont vous parlez aient eu à subir ce détriment, je ne le crois pas.
M. Perrot. — Il y a une partie de ces hommes qui n'ont jamais reçu d'armes.
M. Gambetta. — Ces hommes-là, aussi, n'ont point été menés au feu. Il y a beaucoup d'hommes en France qui n'ont point eu d'armes ; cela tient à ce que nous n'en avions pas ; aussi, on ne les menait pas devant l'ennemi sans armes. »

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boiteverte Décrets et arrêtés
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point rouge Source 1 : Dépêches, circulaires, décrets, proclamations et discours de Léon Gambetta publiés par M. Joseph Reinach, G. Charpentier éditeur, Paris 1891.

point rouge 19-1 Décret ordonnant la requisition des armes et munitions d'origine étrangère :

12 octobre 1870.

Vu la nécessité de pourvoir sans retard à l'armement du pays, le Gouvernement de la défense nationale
DÉCRÈTE :
ARTICLE PREMIER. — Toutes les armes et munitions de guerre d'origine étrangère pourront être requises à leur arrivée en France.
ART. 2. — L'administration de la Guerre en déterminera la valeur, elle en prendra possession contre un récépissé donnant titre au remboursement.

Le membre du gouvernement de la Défense nationale, ministre de l'Intérieur et de la Guerre,
LÉON GAMBETTA.

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point rouge 19-2 Arrêté constituant une commission chargée de l'étude des moyens de défense :

Le membre du Gouvernement, etc..
Considérant qu'un grand nombre de propositions sont faites journellement, touchant les moyens de faciliter la défense,et qu'il importe de soumettre ces propositions à l'examen d'hommes spéciaux;
ARRÊTE :
ARTICLE PREMIER. — Il est formé, auprès du département de la Guerre, une commission chargée de l'étude des moyens de défense.
Cette commission est ainsi composée :
MM. Deshorties, lieutenant-colonel d'état-major, président ;
De Pontlevoy, commandant du génie ;
Bousquet, chef d'escadron d'artillerie ;
Naquet, professeur de chimie a la Faculté de médecine ;
Descombes, ingénieur des ponts et chaussées ;
Dormoy, ingénieur des mines ;
Marqfoy, ancien ingénieur au chemin de fer du Midi.
La commission désignera un de ses membres pour remplir les fonctions de secrétaire.
ART. 2. — La commission adressera au ministre un rapport sur chacune des propositions qui lui seront soumises.
Fait à Tours, le 20 octobre 1870.

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point rouge 19-3 Décret nommant les commandements de l'armée de Bretagne :

Le Gouvernement de la défense nationale
DÉCRÈTE:
ARTICLE PREMIER. - M. de Kératry est chargé du commandement en chef des gardes mobiles actuelles, des gardes nationaux mobilisés et corps francs des départements de l'Ouest : Finistère, Morbihan, Côtes-du Nord, Ille-et-Vilaine, Loire-Inférieure, avec facilité d'opérer et de se fixer au chef-lieu d'un département situé en dehors de la région ci dessus désignée : Laval ou Le Mans.
Art. 2. - M. de Kératry, investi de tous pouvoirs pour organiser, équiper, nourrir et diriger ces forces qui prendront le nom de Forces de Bretagne, ne relèvera que du ministre de la Guerre.
Art. 3. - M. de Kératry prendra immédiatement son commandement en qualité de général de division, brevet de l'armée auxiliaire, et pendant la durée de la guerre.
Art. 4. - M. Carré-Kerisouet, ancien député, est nommé commissaire général des forces de Bretagne, avec rang de général de brigade.
Art. 5. - Un crédit de huit millions, spécialement affecté à l'armée de Bretagne, est ouvert au commandant en chef. L'armée de l'Ouest jouira, en outre, de la solde et des vivres de campagne réglementaires, à partir du jour où chaque corps ou fraction de corps aura été mis en mouvement.
Tours, le 22 octobre 1870.
Visé par ordre.
Signé: L. GAMBETTA.
Pour copie conforme : Le délégué du ministre de la guerre, C. de Freycinet

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boiteverte Bibliographie
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Liste non exhaustive.

coche verte Deuxième armée de la Loire, division de l'armée de Bretagne - Auguste Gougeard (Dentu, Paris, 1871). animation
coche verte Campagne 1870-1871 - A. Chevallier (Manuscrit de 1871 édité par Clotilde Duvauferrier-Chapelle - C.D. Editions 1995). animation
coche verte La bataille du Mans, les mobilisés de Bretagne - Charles Mengin. (Etiembre et Pledran, Nantes 1872). animation
coche verte L'armée de Bretagne - Aimé Jaÿ. (Plon, Paris 1873). animation

coche verte Rapport fait au nom de la commission d'enquête sur les actes du Gouvernement de la Défense nationale n°1416J 1872 - Le camp de Conlie et l'armée de Bretagne - Arthur de la Borderie,(Cerf et fils, Versailles 1873). animation
coche verte Armée de Bretagne 1870-1871, dépositions, rapport de la Commission d'enquête - Emile de Kératry, (A. Lacroix, éditeur, Paris 1873). animation
coche verte Le camp de Conlie et l'armée de Bretagne - Rapport fait à l'assemblée nationale - Arthur de la Borderie,(Plon, Paris 1874). animation
coche verte L'Armée de Bretagne par un volontaire - Louis Foucqueron, (Le Chevalier, Paris 1874). animation
coche verte Le Premier Bataillon de mobilisés d'Ille et Vilaine à la 2e armée de la Loire par l'état major du bataillon - (Leroy, Rennes 1874). animation
coche verte Armée de Bretagne, Les mobilisés de la Loire-Inférieure - Henri Monnié, (Bourgeois, Nantes 1876). animation
coche verte Les mobilisés d'Ille-et-Vilaine - F. Guilbaud, (Lachèse, Angers 1881). animation
coche verte Rudes étapes (1870-1871) armée de Bretagne - Ulysse Chabrol, (Victor-Havard, Paris 1893). animation
coche verte Souvenirs d'un mobilisé nantais - G. M. Suzor, (Imprimerie moderne Joubin & Beuchet frères, Nantes 1905). animation
coche verte Souvenirs de l'armée de Bretagne (1870-1871) - Docteur Robert Gestin, (Le Borgne, éditeur, Brest 1908). animation
coche verte Le camp de Conlie 25 octobre 70 au 14 janvier 71 (d'après le journal du Dr Répin) - André Pioger. Articles de La Province du Maine Tome 67 page 140 1965.
coche verte Les prussiens à Conlie 14 janvier au 16 mars 71 (d'après le journal du Dr Répin) - André Pioger. Articles de La Province du Maine Tome 67 1965.

Ces ouvrages spécifiquement consacrés à l’armée de Bretagne, sont complétés par d’autres ouvrages (d’opinions diverses).
Ces titres, écrits par les protagonistes de l'époque, sont essentiels à la bonne compréhension du contexte historique :

coche verte La guerre en province - Charles de Freycinet, (Lévy, Paris, 1871)
coche verte La Deuxième armée de la Loire - général Chanzy, (Plon, Paris, 1871)
coche verte Dictature de cinq mois, Mémoires - Alexandre Glais-Bizoin, (Dentu, Paris, 1873)
coche verte Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la Défense nationale n°1416 1872 - (Cerf et fils, Versailles, 1872)
coche verte Rapport fait au nom de la commission des marchés sur les opérations de la Commission d'armement rédigé par M. le comte Rampon. n°1490 1873 - (Cerf et fils, Versailles, 1873)
coche verte Souvenirs de la guerre de 1870, Paris Tours Bordeaux - général Thoumas (Librairie illustrée, Paris, 1892)
coche verte Petits mémoires - Emile de Kératry, (Paul Ollendorff Editeur, Paris 1898). animation
coche verte Episodes de la bataille du Mans - Une attaque de nuit au chemin-aux-boeufs - lieutenant de Garnier, traduction de Alexandre Bezard pages 332 à 337 - Revue d’histoire et d’archéologie du Maine tome 63 1908
coche verte Episodes de la bataille du Mans Prise de la Tuilerie, la lutte dans les rues, l’occupation de la ville - feldwebel Boschen, traduction de Alexandre Bezard page 274 à 286 - Revue d’histoire et d’archéologie du Maine tome 65 1909

Enfin un ouvrage remarquable écrit par un jeune officier porte un éclairage sur les combats du 11 janvier 1871.
coche verte La bataille du Mans - lieutenant Valère Alwrod (Grassin, Angers, 1912). animation

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boiteverte Monuments
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point rouge En 1873 est édifiée la « croix des bretons » dans le cimetière de Conlie grâce à une souscription levée en Bretagne.

A consulter : La croix des Bretons à Conlie Conlie mp_pho_6374_conlie_72


point rouge Un monument en souvenir du camp et de l'armée de Bretagne est inauguré le 11 mai 1913 sur la colline de la Jaunelière à Conlie.

A consulter : Le monument sur la colline de la Jaunelière Conlie mp_pho_6378_conlie_72


point rouge Une plaque commémorative y est apposée le 14 février 1971 à l'occasion du centenaire des événements.

Conlie mp_pho_6373_conlie_72

point rouge En septembre 2021 la plaque du Souvenir Français a été rénovée au pied de la croix des Bretons. La commune de Conlie a rendu un hommage aux Bretons lors d'une cérémonie commémorative.

Conlie mp_actu_9950_conlie_2021_72 Conlie mp_actu_9951_conlie_2021_72 Conlie mp_actu_9949_conlie_2021_72

point rouge Dans la nécropole nationale de Sainte-Anne-d’Auray, un ossuaire est dédié aux soldats bretons de l’armée de la Loire.

A consulter : Le monument Sainte-Anne-d’Auray Auray mp_pho_7354_st_anne_auray_56


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boiteverte Filmographie
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Cinéma mp_affi_2007_kerfank

A consulter :
- La documentation de presse sur le film de Pierre-François Lebrun, Kerfank La colline oubliée .
- La présentation du film sur le site Kultur Bretagne .