Les camps et l'instruction militaire
Par des extraits de récits de soldats, on peut retracer le quotidien du soldat en campagne.
(dessin de Bombled 1895)
Emploi du temps de l'entrainement au camp :
(dessin de Carrey (?) 1900) |
- 6h : lever |
Formation des mobiles, manque de discipline :
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" Nous portons tous l'uniforme au complet,
nous sommes armés du fusil à
tabatière, et grâce aux quatre heures d'exercices qu'on nous
fait faire par jour, nous commençons à exécuter assez
passablement les divers manoeuvres de l'école du soldat et de l'école
du peloton. |
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Sévit-on durement, consigne-t-on
le quartier ou ordonne-t-on une corvée plus ou moins agréable,
il s'élève aussitôt et de bien des côtés, des
plaintes, des murmures, des marques de mauvaise volonté qui parfois se
traduisent tout haut d'une façon très significative, même
en présence des supérieurs de tout grade.
La plupart de nos chefs, étaient, en arrivant à
Belfort, aussi ignares dans l'art militaire que le dernier des soldats qu'ils
allaient avoir à commander; il suffisait alors, pour porter dans la garde
mobile l'épaulette ou au moins les galons, de savoir lire, écrire
et calculer, et d'avoir fait auprès du gouvernement les démarches
nécessaires pour l'obtention d'un brevet d'officier ou de sous-officier,
qui presque toujours était aussitôt octroyé que sollicité.
Nos jeune chefs, encore inexpérimentés et entièrement novices
dans les nouvelles et difficiles fonctions qui leur sont dévolues, ne
parviennent pas, à se faire écouter, obéir et respecter
comme il serait désirable qu'ils le fussent.
Le manque de condescendance
envers les supérieurs est d'autant plus manifeste et apparent que nos
jeunes compagnies se composent presque exclusivement de jeunes gens d'un même
canton, se connaissant pour la plupart et, partant, s'estimant tous égaux
les uns aux autres.
Ces hommes n'ont aucune idée de ce que c'est que
la hiérarchie militaire, et tel individu ayant pour sergent son plus
proche voisin, pour lieutenant un ancien camarade de classe, et ainsi de suite,
il résulte de cette intimité que le supérieur n'ose parfois
ni réprimer, ni rappeler son subordonné au devoir aussi vertement
qu'il devrait le faire, et que de son côté, le soldat reçoit,
tantôt en souriant et en haussant les épaules, tantôt la
menace à la bouche et les poings fermés, les observations que
lui adresse son chef. "
(Guerre de 1870 - 1871, E. Gluck, 1873)
Les conditions de la vie dans les camps sont quelquefois très mauvaises :
(dessin de M. Pallandier (?) 1900)
" Le séjour au camp de Saint-Sigismond devenait intolérable; la
pluie ne discontinuait pas.
Nous étions campés depuis une douzaine
de jours dans un champ labouré, aux portes du village, presque sans paille,
presque sans bois.
Afin de nous procurer du combustible, des corvées
partaient pour deux jours et ramenaient de la forêt d'Orléans des
chargements de bois vert, qui ne flambait pas, mais qui, en revanche, nous aveuglait
de fumée.
Sous les tentes, tout baignait dans la boue.
Nous passions la plupart des nuits assis sur nos sacs, la tête entre les genoux, et nous nous levions le
matin un peu plus fatigués que la veille.
Les fusils aux faisceaux, étaient
dans un état déplorable; exposés le jour et la nuit à
la pluie, la rouille les pénétrait, malgré nos soins, dans
leurs parties essentielles; à chaque prise d'armes, il fallait arracher
les crosses d'une boue épaisse et malpropre.
Nous n'avions rien de sec,
ni sur nous-mêmes, ni dans nos sacs pour nous changer; l'humidité
pénétrait tout, il fallait avoir une santé de fer pour
résister.
Ah ! quelle funeste idée avaient eu nos chefs de nous
imposer un pareil campement !
Chaque matin, il partait du régiment pour
les ambulances jusqu'à 30 et 40 malades; c'était grand'pitié
!
Le camp, aussi, offrait de singulières curiosités;
à certains endroits on voyait émerger du sol, soit une jambe de cheval,
dont le sabot ferré s'élevait à un pied de terre, soit
une queue de crin, triste plumet souillé par la boue ; épaves
qui dénotaient qu'on avait enfoui dans ce coin du champ de bataille de
Coulmiers les cadavres de chevaux, sans se donner la peine de creuser la terre
assez profondément. "
(Souvenirs d'un mobile de la Sarthe, D. Erard, 1907).
Intérieur de la tente conique d'un camp - dessin de Montaut et Sahib, 1870