Récit du général Gougeard

  Récit d'un zouave pontifical

   


Le vieux pont à Yvré-l'Evêque. En arrière-plan la colline d'Auvours.

  Récit du général Gougeard

"...Au moment où nous approchions du vieux pont, le plus triste spectacle nous attendait. La division Pâris quittait en désordre le plateau : artillerie, infanterie mélangée dans un pêle-mêle affreux descendant au galop ces pentes glissantes couvertes de neige et se présentaient en masse pour repasser l'Huisne et s'engouffrer dans le village d'Yvré. Un seul instant me suffit pour juger la gravité de la situation; je voyais déja ma division entraînée par cet exemple, l'ennemi en possession d'une position dominante rendant intenables les hauteurs que nous occupions sur la rive droite, en un mot le centre de l'armée enfoncée, les prussiens nous précédant aux ponts de la sarthe et coupant la retraite à toute l'aile gauche enfermée entre deux rivières.
En présence d'une situation aussi grave, l'hésitation n'était pas permise; il fallait à tout prix reprendre le plateau abandonné avant que l'ennemi n'y eût monté son artillerie. Je prescrivis donc de garder les ponts et d'en défendre l'accès à tout prix; puis braquant sur la foule deux canons chargés à mitraille, je menaçai de faire feu si le désordre ne s'arrêtait à l'instant. Rappelée à elle-même par l'imminence du danger, elle s'arrêta hésitante; quelques malheureux affolés de terreur, essayèrent de passer la rivière sur la glace et s'y noyèrent. Des officiers énergiques parvinrent à rallier leur monde et à le former en bataille. Ils reçurent l'ordre de se disposer à suivre la colonne, car je ne pouvais compter sur ces troupes démoralisées pour une offensive sérieuse. Je réunis à la hate un bataillon d'infanterie, les mobilisés de Rennes, troupe solide et qui m'inspirait toute confiance, un bataillon de mobilisés de Nantes, les zouaves pontificaux si éprouvés la veille, mais toujours plein de feu et d'ardeur. Prenant alors moi-même la direction de l'attaque, accompagné de mon état-major, et m'adressant aux volontaires de l'Ouest qui étaient en première ligne : "Allons, Messieurs, leur dis-je, en avant pour Dieu et la Patrie! le salut de l'armée l'exige" Les trompettes sonnèrent la charge et nous marchâmes en bon ordre à l'ennemi.


La charge d'Auvours, tableau de Lionel Royer

Le côté du plateau qui regarde Yvré est précisément le moins accessible. Les pentes sont droites, leur base couverte de taillis, le reste coupé de petits murs, ou de talus élevés pour la culture, partout des des arbres, des haies ou des buissons. Une couche épaisse de neige couvrait ces obstacles, cachant les creux des fossés et rendant l'ascension presque impossible. Au sommet, des masses d'infanterie prussienne gardaient les positions, abritées par des taillis, des maisons, et ces même ouvrages de campagne, que les Français avaient élevés, allaient servir contre eux..."

"... Les prussiens nous attendaient de pied ferme, protégés par des haies; vingt pas à peine nous séparaient d'eux, et pas un coup de fusil n'avait été tiré. La première décharge fut terrible, les premiers rangs furent anéantis; mais l'élan était donné et rien ne put l'entraver. Un bataillon de chasseurs de la division Pâris, qui n'avait pas quitté les pentes du plateau, nous apporta un secours bien nécessaire .(...) A la nuit tombante, nous étions maîtres de la position, et il ne restait plus qu'à nous prémunir contre une nouvelle attaque que l'on pouvait prévoir pour le lendemain. Le général de Colomb prescrivit à la division Pâris de remonter sur les positions; nous lui envoyâmes, pour l'appuyer, une section d'artillerie et une section de mitrailleuses; à huit heures, nous rentrions à Yvré, où nous trouvions le reste de nos troupes sur les hauteurs du Luart, sur la chaussée du chemin de fer, au grand pont, partout où nous les avions laissées. L'ennemi avait échoué dans sa dernière tentative pour forcer le passage, et nos mitrailleuses, habilement utilisées par le commandant Perron, l'avaient rejeté en désordre dans les bois."

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  Récit d'un zouave pontifical

"...En avant, entendons-nous. Nous passons le pont, et tandis que le général Gougeard se lance au galop sur le chemin de Champagné, nous sautons dans les prairies à droite de la route. Nos compagnons des Côtes-du-Nord sont avec nous, le 10e chasseurs à pied de la 1e division, reste inébranlable dans un pli de terrain et nous appuie. Nous rallions ainsi pas mal de monde. Nous traversons au pas de charge un petit bois de pins et nous voilà gravissant la colline sous une grêle de balles et d'obus. Ce ne fut qu'au sommet, que sur l'ordre du commandant nous ouvrîmes le feu, c'est derrière cette petite ferme des Ramardières que le combat fut le plus acharné..."

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